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Yasmin Hoffmann (Traducteur)Maryvonne Litaize (Traducteur)
EAN : 9782020146159
282 pages
Seuil (02/02/1996)
3.24/5   65 notes
Résumé :
Titre VO : Lust, publié en 1989.

Lorsqu'il rentre du travail, le directeur continue de donner des ordres. Gerti, sa femme, écarte les cuisses en rêvant d'un ailleurs. Entre les gifles prodiguées au fils qui doit apprendre le violon et le management de son usine de papeterie, Hermann n'a pas de temps à perdre avec les mots. Dans ce roman qui a scandalisé l'Allemagne, Elfriede Jelinek dresse un portrait au vitriol de la petite bourgeoisie autrichienne e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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« Lust » est une ode à la famille bourgeoise.
C'est un conte sadique où l'homme, la femme et l'enfant évoluent, régis par les règles du monde hystérique et confiné d'Elfriede Jelinek. Ce n'est pas une histoire, c'est une étude anthropologique de la nature humaine à travers notamment les rapports de force entre les belligérants, la relation dominant-soumise du couple. Leurs prénoms ne sont pratiquement jamais cités car ils pourraient être n'importe qui. Il n'y a qu'aux épisodes de leur vie qui prennent une consistance personnelle que l'auteur les appelle par leur prénom.
L'homme est un phallocrate de base, patron d'industrie à la tête d'une papeterie, il règne sur son couple comme sur son entreprise en maître priapique despotique. C'est un farouche combattant de la routine sexuelle dont la femme est son sujet d'expériences érotico-pornographique privilégié. Son cri de guerre aurait pu être : « Au nom de la bouche, du cul et du vagin, je t'empale sainte Salope ! ».
La femme est effacée, soumise aux besoins charnels de l'homme, elle est son jouet sexuel. Elle n'a une amorce d'existence que lorsqu'elle prend un étudiant comme amant. Elle semble s'être détachée d'elle-même et avoir rendu les armes. Elle est décorporée, spectatrice de sa partie morte baisée par tous les orifices. Elfriede Jelinek ne semble avoir aucune compassion ni aucune pitié pour son personnage féminin. Peut-être parce qu'elle considère qu'en se mariant, la femme s'est compromise, elle a vendu son âme au diable, c'est une damnée condamnée à l'enfer de l'enfermement du schéma familiale, esclave d'un ordre social antédiluvien où l'homme attrapait la femme par les cheveux pour s'épancher dans son récipient vaginal. Sa vie est un viol perpétuel. Mais dans « Lust » elle connaîtra la rédemption et une forme de canonisation jelinekienne en commettant l'innommable pour une mère.
L'enfant apparait succinctement. Il n'est pas au coeur du propos de l'auteur car pour Elfriede Jelinek il est un non-sens de la nature. Elle écrit : « Mais en réalité le fils ne dérange pas seulement lorsqu'il est au goutte à goutte du violon. Il dérange toujours. Ce genre de superflu (les enfants) n'est que le produit de relations irréfléchies qui installent leurs propres trouble-fête à domicile, afin que de leur babil malhabile ils illuminent votre demeure, brillants et sots comme la lune. » Il est la maquette de l'homme, nain gorgé de merde, de pisse et de morve. Il a la graine du vice en lui. Son oeil observe les ébats de ses parents par le trou de la serrure pendant que sa main le soulage. On a bien compris qu'il est un brouillon dans le schéma de Jelinek, l'étape regrettable entre la copulation (on ne parlera pas d'orgasme car l'auteur n'y fait pas allusion) et le résultat final : l'homme. On n'ose imaginer ce qu'aurait écrit Elfriede Jelinek si le couple avait eu une fille…
L'écriture est déstabilisante. C'est un salmigondis de mots, d'expressions qui peuvent perdre le lecteur. Les phrases semblent parfois avoir été posées à la mauvaise place du récit ou n'avoir rien à voir avec le sens du propos. On pourrait songer à de l'écriture automatique ou de la poésie lunaire. Pourtant tous est soigneusement étudiée dans la prose d'Elfriede Jelinek, il suffit de prendre du recul comme pour la toile d'un impressionniste, de reculer de quelques pas et les touches désordonnées de couleurs disparates finissent par former un dessin qui prend tout son sens.
Le style fait penser aux « gueules cassées » de Picasso, ces portraits démantibulés. Une narration discontinue, des traits brisés, mais une lecture voluptueuse, des impressions plus que des affirmations. Il ne faut jamais s'attarder aux mots, au risque de tomber dans le piège de l'incompréhension, il faut survoler l'oeuvre pour gouter à ses émanations.
Le titre, « Lust », qui signifie, plaisir, désir, volupté, luxure, comme l'indique la traductrice Yasmin Hoffmann, évoque toutes les saveurs de l'amour, grand absent de ce roman, ou plutôt de cet essai. C'est là tout le paradoxe de cette oeuvre. L'auteur écorche à vif l'amour pour n'en laisser que le squelette, le mécanisme de la copulation, la gymnastique des sexes, la froideur de l'absence de sentiments.
Ce n'est certes pas le plus accessible des ouvrages d'Elfriede Jelinek, mais il est exaltant.
Traduction de Yasmin Hoffmann et de Maryvonne Litaize.
Editions Jaqueline Chambon, Points, 282 pages.
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J'avais tellement aimé Elfriede Jelinek dans La Pianiste ou Les Exclus que j'en ai acheté un lot. Parmi eux, un bouquin vert pomme (vous venez de comprendre que ce n'est pas la même que celle présentée ici) avec le ruban rouge : Prix Nobel de Littérature 2004. Bien évidemment, je me rue sur celui-ci, au nom bien mystérieux.

En lisant la quatrième de couverture, je découvre alors qu'il s'agit d'un texte à caractère érotique. Bon allez, on y est, on y est, ne faisons pas l'effarouchée non plus, hein ! Après tout, dans ses autres oeuvres, certaines scènes pornographiques pouvaient soulever le coeur. Après recherche, j'apprends que ce bouquin fit scandale (tu m'étonnes, John ! ) et que le terme "lust" signifie "désir physique intense", "luxure", "débauche" (j'aurai appris quelque chose, c'est déjà ça).

Eh bien, que dire ? Je l'ai abandonné à la page 54 (sur 278) ! Et je ne comprends même pas qu'on s'y soit attaché. Dans un style quelque peu pompeux (jeu de mots maître Capello ! ), Jelinek nous décrit comment un patron d'entreprise assouvit ses désirs sur sa femme. Cette dernière apparaît comme transparente, silencieuse, soumise. Rien de transcendant.... le rapport maître / esclave est mis en relief, d'accord, mais d'autres bouquins ont fait cela beaucoup mieux sans pour autant avoir recours à ce stratagème.

Que l'on fasse un bouquin érotique ne me gêne pas, à condition qu'il y ait une histoire (ce qui me paraît être primordial tout de même) et qu'on veuille dire quelque chose. Mais là... J'ai dû passer à côté du message que Jelinek a voulu transmettre. Tant pis, je m'en remettrai !!!
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Challenge Nobel 2013/2014
1/15

Bien, bien. Mon challenge Nobel, ainsi que ma prise de contact avec Jelineck commencent assez mal. Voulant lire un titre moins connu que La Pianiste je me suis laissée tenter par Lust (envie, en allemand).
Un homme marié, directeur d'une usine à papier, a peur du sida. Il ne va donc plus chez les putes, mais satisfait ses envies et fantasmes sur sa femme. Considérée en gros comme un bout de viande. Ma foi, ce genre de lecture étant dans l'air du temps, feu ! Doublé en plus d'une critique sociale de l'Autriche.
Eh bien, non. Pas les thématiques, mais l'écriture. le style est assez étrange, mais ça demande de l'adaptation, quelques pages pour s'y faire. Seulement, chaque phrase ou presque est un sujet différent : le mari, les sévices qu'il inflige à sa femme, puis le fils, et enfin ce qu'il advint du "bas" peuple des ouvriers. du coup pas de fil conducteur, on ne sait jamais de quoi parle la phrase suivante. Et les sujets dans l'air du temps n'ont pas l'air d'être pour moi (surtout que c'est violent).
Cela ne m'a jamais dérangé que l'auteur se plaise à perturber le lecteur, qu'il le surprenne. Mais là, vraiment, je n'ai pas réussi à accrocher, à éprouver de l'empathie (ça en revanche, c'est volontaire).
Mais ce n'est pas grave, j'ai 14 autres titres sur ma liste et Jelineck d'autres titres dans sa bibliographie. Courage !
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Le moins qu'on puisse dire c'est que ce livre n'est pas tiède : on aime ou on déteste mais il ne laisse pas indifférent.
Le style est très particulier violent cru volontairement provocateur. Ca tient du pamphlet plus que du roman. Je n'ai vu ni érotisme ni pornographie, le sexe est un défouloir pour les hommes et les femmes subissent, essayent d'éviter au maximum les hommes, de ne pas les exciter mais peine perdue... la nature de l'homme est plus forte. Bon c'est très caricatural et poussé à l'extrême mais l'auteur veut choquer et elle y réussi.
Moi j'ai adoré ce livre et je vais lire d'autres écrit de cette auteur.
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Elfriede Jelinek, c'est la tante qu'on n'invite plus aux repas de famille. Elle arrive, flamboyante et légèrement ivre, déjà ; de cette ivresse qui vous rend d'une implacable lucidité. Elle sait tout de vos petits secrets et dès qu'elle est là, c'est ambiance Festen, toute la famille en prend pour son grade.
La voilà qui s'invite au foyer d'Hermann et Gerti.
Lui, c'est le directeur de l'usine.
Elle, c'est l'épouse du directeur et la mère de l'enfant.
Lui dirige l'usine, dirige la chorale de ses employés, dirige son foyer.
Elle, elle n'a de prise sur rien.
L'enfant, lui, fait ce qu'on lui demande de faire : apprendre le violon, faire du sport… mais se rebelle discrètement par des caprices, par l'observation voyeuse de ses parents.
Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup à voir.
"Son mari rentre du bureau, et aussitôt elle boutonne sa chair, afin de ne pas mettre les sens du mari en appétit."
Ça, il a de l'appétit, Hermann : pas tant pour sa femme que pour le pouvoir. Il en… sa femme autant que sa main-d'oeuvre à l'usine, dans une revigorante métaphore de la lutte des classes opposant le patronat au prolétariat, le patriarcat aux femmes, la société de consommation à la Nature.
Il offre une chorale à ses ouvriers comme il offre de la lingerie à Gerti : pour mieux faire passer la pilule de sa domination.
Le style de Jelinek aussi est tout en métaphores : culinaires, montagnardes, automobiles… L'autrice en explore à peu près toute la diversité possible.
Jusque dans l'écriture elle est dans la provoc, usant d'abréviations pour décrire l'Autriche comme un "pays cath. rom.", inventant des néologismes comme roustepéter, effeuilleter, taralaboumer, vessiférer… Un grand bravo aux traductrices, Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize.
Invitez donc Jelinek au repas de famille, c'est une expérience inoubliable !
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
L'homme est ce qu'il mange. Jusqu'à ce que le travail le réduise à n'être plus qu'un tas de détritus, un bonhomme de neige fondu. Que déjà meurtri par sa naissance, il ne lui reste plus le moindre trou par où se faufiler. Oui, les hommes, d'ici à ce qu'ils se soient enfin entendus et apprennent la vérité sur leur propre compte... En attendant écoutez -moi : ces êtres indignes ne sont importants et accueillants qu'un seul et unique jour, celui de leurs noces. Un an n'est pas passé que les voilà saisis à cause du mobilier et des voitures. On effectue alors une rafle familiale quand ils ne peuvent plus régler les mensualités. Ils en sont encore à payer les lits dans lesquels ils se vautrent ! Sourient à des visages étrangers qu'ils mènent à leurs crèches. Ils voudraient tant que flottent quelques brins de paille au gré de leur haleine, la nuit, avant de reprendre la route. Mais nous, étrangers, exilés, chaque jour nous devons nous lever à l'aube, avec pour unique perspective notre petite route tout au long de laquelle cependant d'autres désirent et exploitent nos gentils partenaires sexuels. Et l'on voudrait que les femmes brûlent d'un feu intérieur. Mais elles ne sont que foyers de braises éteintes sur lesquelles l'ombre vespérale tombe dès les premières heures du jour lorsque, quittant le gouffre de leurs lits sous les combles d'où elles surveillent l'enfant qui braille, elles se traînent droit dans le ventre de l'usine. Rentrez donc chez vous si vous en avez assez ! Vous n'inspirez pas l'envie, et il y a longtemps que votre beauté ne désarme plus personne, au contraire, il vous quitte d'un pas léger et fait démarrer sa voiture ailleurs, là où la rosée scintille sous les premiers rayons, à mille lieues de vos ternes cheveux !
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Même devant les relations d'affaires on s'en vante en long, en large et en travers, le directeur lançant ses salves salaces avec l'élégance et la légèreté d'un haltérophile. Les subalternes se taisent, gênés.
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La nature d'ordinaire fait assez bien les choses, il est rare qu'elle ait besoin d'aide pour savourer en paix à notre table ce qui lui appartient. L'homme, devant, derrière, se répand en pluie sur la femme qu'il traîne avec lui. Il secoue vigoureusement les petits paillassons qui lui servent de seins. Son barda pèse comme une pierre. Et sans crainte, sablant la femme de son grossier gravier, il chemine en elle, un sol ferme sous les pieds.
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Ce genre de superflu (les enfants) n’est que le produit de relations irréfléchies qui installent leurs propres trouble-fête à domicile, afin que de leur babil malhabile ils illuminent votre demeure, brillants et sots comme la lune.
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Le directeur qui s’est à satiété épanché dans la tuyauterie de sa femme, regarde à présent devant lui, s’observe, et tel un aimable étranger courbé sur son moteur qui ne veut plus tourner, tourne et retourne son animal domestique en tous sens.
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