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EAN : 9782207304099
Denoël (14/11/1985)
3.84/5   43 notes
Résumé :
Le Los Angeles de Blade Runner ?
Un havre de paix bucolique à côté de celui qui attend E. Allen Limmit quand il quitte l'Unité de ponte de Phoenix - où les poules sont des poules au sens large du terme - pour rencontrer le docteur Adder.
Sur l'Interface, c'est la guerre ouverte entre les macs du psycho-chirurgien, qui modèle physiquement les prostituées de la ville au gré des fantasmes les plus profonds de leurs clients, et les Forces morales de l'évan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Je n'apprendrais pas grand-chose aux aficionados de la science-fiction en disant que ce « Dr Adder » de K.W. Jeter n'est pas une nouveauté puisqu'écrit en 1972, mais publié seulement en 1984 après l'insistance acharnée d'un certain Philip K. Dick épris de passion pour cette violence sexuelle extrême. Rétrospectivement, ce roman fait partie des novateurs du courant survolté « cyberpunk ».

Qui est donc ce Dr Adder ? Un imminent chirurgien plasticien qui modifie les organes génitaux sexuels des prostituées de L.A. à sa convenance pour son plus grand plaisir ou celui de certains détraqués profonds aux désirs totalement inavouables. Imagine une vulve mécanique. Ou la version customisée « Dents de la Mer » qui se rétracte au moment du coït, plus rapide qu'une castration chimique ! Bienvenue à L.A., un voyage qui ne sera pas de tout repos et où sévit une guerre entre bien-penseurs religieux et détraqués sexuels. Au final, c'est toujours de toute façon, les putes qui trinquent, et les marginaux qui gravitent autour.

E. Allen Limmit quitte son Phoenix natal, un peu campagnard par rapport à la civilisation qui l'attend sur ce grand boulevard de L.A., se voit confier une drôle de mission : rencontrer le célèbre Dr Adder. Première étape, arpenter le bitume en sympathisant avec quelques prostituées à l'allure modifiée. Estropiées, amputées, doubles amputées, les travaux du chirurgien se voient aisément dans la rue. Au milieu de cette rue, une guerre éclate au milieu de ces marginaux, entre les bien-pensants de l'église du télévangéliste Mox et les combattants du Front de Libération dont les membres semblent se terrer sous terre.

Mais derrière ces écrans télévisés, les messages de l'auteur sont clairs : montrer la perversion des hommes, dénoncer le pouvoir des télévangélistes. Sur fond de scènes violentes, obscures, voire pour certaines âmes dégueulasses, avec cervelles écrasées, jambes amputées et délires sous LSD. Mes incartades dans l'univers de la SF se font si rares, qu'il me manque certains codes d'accès pour pénétrer ce monde underground, mais je sais qu'avec ce Dr Adder, j'ai en face de moi un roman d'un nouveau genre et grand classique maintenant de la contre-culture cyber et punk. C'est aussi la difficulté de la SF : pénétrer ce milieu sans au préalable avoir été initié à ce monde. Mais comme je suis du genre à apprendre par expérience plutôt que par un guide spirituel, lors de mon prochain voyage à L.A. je partirai à la recherche des survivantes du Dr Adder. Toutes les dérives sexuelles, même refoulées, sont dans la libido de l'homme, et je dois bien faire partie de cette catégorie… Parce qu'il est difficile d'en parler à sa psy.

Et un grand merci à Charlotte des éditions ActuSF pour ce partage et cette intronisation dans le monde de la SF via les masses critiques de Babelio.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Même si on aime à suivre les sorties récentes et les lire en quasi flux tendu, il est tout aussi jouissif de pouvoir fouiller dans les classiques de l'imaginaire, mais les traductions ne sont finalement plus si nombreuses (en proportion) en grand format, moyens limités oblige. Toutefois, le Bélial' fait un gros travail notamment sur Poul Anderson (L'Épée brisée par exemple), mais les éditions ActuSF aussi ont leur catalogue étranger avec leur collection Perles d'Épice et en 2014 y est apparu ce Dr Adder publié par K. W. Jeter en 1984 mais écrit une vingtaine d'année plus tôt !

Dès le départ, le lecteur comprend très vite pourquoi ce roman a été adoubé par le grand Philip K. Dick. Nous sommes dans une réalité glauque, sordide et surtout que nous avons au départ du mal à différencier de la nôtre. Mais petit à petit, les éléments discernables apparaissent et font tâche, mais dans le bon sens du terme. En effet, à la suite d'E. Allen Limmit, nous découvrons une L.A. bien étrange : arrivé dans un quartier chaud, L'Interface, il découvre bien vite que celui-ci est bien sous la coupe d'un personnage haut en couleurs, le Dr Adder, qui fait justement « l'interface » entre la Zone-Rat, zone de non-droit où rôdent révolutionnaires et marginaux, et le comté d'Orange, vaste banlieue droguée où règne le dieu télévisuel (toute ressemblance avec les villes occidentales du XXe siècle est délibérée).
Qui est donc ce Dr Adder ? Personnellement, il me fait penser à ce scientifique joué par Kiefer Sutherland dans « Dark City » : impressionnant, un brin fou, très inventif, l'accent germaniste en moins forcément et la jambe en meilleur état (au moins au début). Entouré de prostituées desquelles il tire la majeure partie de ses revenus, ce Dr Adder utilise une technologie qui permet de connaître l'ultime fantasme des clients qui viennent le voir afin que celui-ci le leur réalise physiquement, car bien souvent cela consiste à enlever ou placer ailleurs un membre de leur corps. Forcément, à force d'amputations demandées et d'opérations consenties, l'ambiance de l'Interface nous apparaît très vite comme glauque au possible, d'autant plus l'auteur glisse des détails bien crus et vicieux aux bons moments, sans jamais virer au voyeurisme facile. de cet aspect transhumaniste avant l'heure, le Dr mérite bien son nom d'éternel « Adder ».
Une fois comprise cette bonne introduction, le récit s'emballe véritablement quand se déclenchent les hostilités entre les partisans de ce Dr Adder et ceux, plus fanatiques, d'un certain John Mox, télévangéliste (on est bien dans l'Amérique des années 1970, hein ?) : le choix paraît simple entre les deux extrêmes, du plus pervers au plus puritain. le pauvre Limmit va en apprendre plus qu'il ne le pensait sur lui-même et surtout sur les bas-fonds de cette L.A. pas si éloignée que ça de l'image de celle contemporaine de l'auteur.

Dr Adder est un roman ô combien poignant de par son univers cru et, même s'il n'est pas le personnage principal, le chirurgien aux multiples talents est clairement marquant. Pour le reste, notamment vis-à-vis de la vision de l'auteur sur son oeuvre et sur l'emplacement de ce roman dans sa bibliographie, fiez-vous au très bon contenu qui conclut cet ouvrage (postface de René-Marc Dolhen, bibliographie sélective autour du cyberpunk, interview et bibliographie de K. W. Jeter, rien que ça !).
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Philip K Dick lui-même a adoubé ce roman, (ce qui veut dire que j'ai serré la main d'un type qui a serré celle d'un Dieu, équivalent littéraire de l'homme qui a vu l'ours qui a vu l'ours…) allant jusqu'à parler de chef-d'oeuvre, et l'histoire raconte que sans lui, il n'aurait même jamais paru. Ce qui est formidable, c'est que ce livre est évidemment devenu culte et le reste à ce jour. KW Jeter a beau le nier, son oeuvre est la pierre angulaire du mouvement cyberpunk, qui trouvera son apogée avec « Neuromancien ». La lutte de l'homme contre la machine, incarnée dans un réseau tentaculaire, au travers de corporations géantes. le style est génial, certains le jugeront immature, trouveront que le récit se disperse et manque de cohérence. Je l'ai trouvé au contraire superbement inventif, libre, affichant sans honte la marque d'un écrivain qui a osé partir dans tous les sens. le côté foutraque de l'ensemble est conforme au fond du propos. C'est un joyeux bordel, à l'image de la schizophrénie et des névroses qui massacrent les psychés des protagonistes. Ni vraiment sympathiques, ni héroiques, ce sont tous des pauvres types plus ou moins frustrés et égocentriques. (et il y a beaucoup de putes, aussi) le Dr Adder, personnage lugubre, projection futuriste d'un Dr Mengele obsédé par le sexe bizarre vraiment (mais alors vraiment) extrême, ferait passer les chirurgiens jumeaux de « Faux-semblants » (superbe film de David Cronenberg) pour des esthètes raffinés. Tout là-dedans regorge, bouillonne, fusionne, se répand, porté par une écriture fluide, largement plus lisible et accessible que les bouquins de Gibson, tout en restant imagée, visuelle et mystérieuse. Et l'humour, surtout, qui englobe le tout, la distance que l'auteur donne à son oeuvre est ce qui fait de ce bouquin un indispensable pour tout fan de SF. (ou de lectures transfictionnelles, façon « Crash » de JG Ballard, d'ailleurs paru lorsque Jeter a achevé Dr Adder et avec lequel les connexions sont évidentes) le passage de l'écrivain de SF transformé en momie pseudo-virtuelle est à ce titre totalement jouissif et hilarant.

Roman cyberpunk, trash, dégoulinant de sexe et d'ordures, traversé de fulgurances gore, « Dr Adder » plaira au lecteur ouvert, qui n'a pas peur de sortir des sentiers battus, et qui n'a pas peur non plus de se frotter à une vision du futur résolument cauchemardesque.
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En Résumé : J'ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui, au travers d'un aspect choc et sulfureux, offre de nombreuses réflexions que ce soit sur la jeunesse désabusée, la presse, l'influence de l'image ou encore sur l'extrémisme religieux et son pendant l'extrémisme libertaire. Un récit puissant et percutant qui ne laissera pas indifférent et qui fait réfléchir, dont on tourne les pages facilement, bien porté par un rythme efficace et entrainant qui monte en tension pour aboutir à une conclusion explosive et haletante. L'univers sombre, sans concession, sans véritable loi autre que celle du pouvoir et sans espoir développé par l'auteur se révèle finalement intéressant et colle parfaitement au récit et à ce que souhaite mettre en exergue l'auteur. Les personnages se révèlent intéressants à suivre, principalement les deux héros que sont Allen et Adder à la fois par leurs antagonismes et leurs ressemblances. Les personnages secondaires offrent aussi une palette de protagonistes intéressant, même si parfois ils manquent un peu d'émotion. Après je reprocherai parfois une certaine fluidité ainsi qu'une dualité un peu binaire dans la confrontation alors qu'une troisième voie était possible, mais rien de bloquant tant l'ensemble possède une force telle que je me suis laissé emporter. La plume de l'auteur est percutante, entraînante et vive et je lirai sans soucis d'autres écrits de l'auteur.


Retrouvez ma chronique complète sur mon blog.
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Un joyau de fantaisie lubrique imprégné de LSD.

Le texte de Jeter, même s'il a connu des concurrents depuis, figure parmi ce que la SF a produit de plus sale, de plus corrosif, mais aussi de plus juste.

Adder décortique la société de la pointe de son scalpel et en extirpe les tumeurs non pas pour les soigner, mais dans le seul but de prouver leur existence.
On pourrait se contenter d'y voir un petit brûlot trash car la société du 21ème siècle cherche sans cesse à nous dépeindre un monde plus glauque que réel, mais Dr. Adder ne salit pas pour le plaisir d'observer la crasse, mais parce qu'elle est là, autour de nous, au point que nous ne la voyons plus.
Le seul moyen de la redécouvrir, c'est de la recevoir en plein visage.

Jeter n'invente rien, il fonde une parabole de la société américaine - et par extension, française - et nous montre vers quoi nous nous dirigeons.
Tel est à mon sens le véritable message de la Science-Fiction.
On s'en fiche des vaisseaux spatiaux, des sabres laser et de la resucée de thèmes mille fois abordés.
Le véritable sens de la SF est de nous montrer la réalité par son miroir déformant et de nous aider à prendre conscience de nous-même.

Et dans ce domaine, Dr. Adder excelle.

Une bombe.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Limmit s’affaissa à nouveau sur sa chaise. Ce court dialogue avait épuisé toutes ses réserves de bravoure. Le fond du puits, pensa-t-il, déprimé. Enfant déjà, il avait senti périodiquement un abîme s’ouvrir sous lui, un gouffre dans lequel il pouvait à tout moment tomber, contrecoup inévitable du plus simple ou même du plus intelligent de ses actes. Il était toujours là, attendant sa chute, infraréalité souterraine, univers alternatif de ses livres de science-fiction bâti sur de la merde. Planètes fécales orbitant autour de longues étoiles marron. Espoirs évacués. L’enfer doit ressembler à ça, se dit-il, écœuré par sa propre stupidité plus encore que par la crainte des conséquences de celle-ci.
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Chacune des putes que je rencontre sur l’Interface prétend avoir été la meilleure élève de sa classe, poursuivit Adder. Et, bordel, certaines d’entre vous doivent probablement le croire. Et tu sais pourquoi vous construisez tous ce fantasme de la super nana, belle, intelligente et tout ? »
Le regard de la fille, cette fois, se posa sur lui, anxieux, craignant la révélation qu’il allait faire. […]
- Parce que ça suffit pas d’avoir été une connasse et une pute typique des collèges du comté d’Orange pour devenir une pauvre pute typique de L.A. Ta chute, ta dégradation ne serait pas assez dure. Pour toi, il faut qu’elle soit exceptionnelle, qu’elle se produise de haut de l’échelle vers le cloaque le plus immonde que t’aies vu…
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Quand il ne sentit plus ses jambes, il s’écroula sur les mains. Depuis combien de temps ça dure, se demanda-t-il horrifié. Les pieds morts, les jambes mortes, la bite morte. Encore combien de temps avant que je sois mort de partout. Il rampa au milieu des cadavres, squelettes rigides, viscères mous. Ses mains moururent. Il tomba en avant et entrevit, tout proche, le trottoir ainsi que les pieds et les jambes de passants. J’y arriverai pas, pensa t-il, paralysé de terreur, secoué de nausées, tandis que des mains dégoulinantes de sang pesaient sur sa tête qu’il s’efforçait désespérément de maintenir au-dessus de la surface de la matière gluante. Les doigts laissaient sur sa figure des traces de cette pourriture de la rue, sa peau commençant à mourir et à se décomposer.
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C’était la première fois que Limmit pouvait détailler Bandita à la lumière. Son impression générale n’en fut pas modifiée, même s’il constatait à présent qu’elle avait un tatouage sur la cuisse en forme de bulle de B.D., la pointe disparaissant dans les poils de sa toison emmêlée. La bulle contenait cette simple phrase : J’AI FAIM.
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Et si elle s’accrochait vraiment à moi et qu’elle ne veuille plus me laisser partir ? La vie sous terre a peut-être affecté tous les hommes ici, leur refilant des bites comme des champignons de couche. Au pays des six centimètres, les douze centimètres sont rois.

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