Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome qui raconte les origines de la famille de superhéros
Shazam. Elle a été prépubliée dans les épisodes 0, 7 à 11, 14 à 16, et 18 à 21 (2012/2013) de la série "Justice League". le scénario est de
Geoff Johns, les dessins et l'encrage de Gary Frank et la mise en couleurs de Brad Anderson.
Partout dans le monde, des individus vivent une épreuve similaire : alors qu'ils rentrent dans une pièce ou un moyen de transport, ils se retrouvent dans un grand hall en pierre devant un vieillard qui leur indique qu'ils ne sont pas méritants. le docteur Thaddeus Sivana est persuadé qu'il s'agit de la preuve irréfutable que la magie est de retour sur Terre. 7 mois plus tard, à Philadelphie, madame Glover (responsable d'un centre d'hébergement pour orphelins) présente Billy Batson à M. & Mme Glover (Victor & Rosa). Billy fait excellente impression et quelques jours plus tard il intègre leur foyer qui comprend déjà 5 autres enfants adoptés : Mary Marvel, Freddy Freeman, Pedro Peña, Eugène Choi et Darla Dudley. Contre toute attente (malgré son caractère irascible), Billy Batson accepte la présence des autres et les défend même contre les brutes (bully) de l'école, les 4 fils de monsieur Bryer, homme riche et généreux donateur de l'école. Après avoir rendu visite à Tawny, un tigre du zoo, Billy Batson va lui aussi vivre l'expérience de se retrouver devant le Sorcier (Wizard) du Roc de l'Éternité. Il sera le récipiendaire du mot de pouvoir :
Shazam ! Au nord de Bagdad, lors de fouilles archéologiques, le docteur Sivana va libérer Black Adam.
En 1940, apparaît un nouveau superhéros : Captain Marvel, créé par CC Beck (dessinateur) et
Bill Parker (scénariste). Il sera publié en continu jusqu'en 1953, rivalisant en notoriété avec Superman. Suite à un procès pour plagiat, Fawcett Comics sera contraint de cesser la publication des aventures de ce personnage. DC Comics finira par racheter les droits du personnage et en devenir l'éditeur. Les premiers épisodes de Captain Marvel sont réédités dans le format Archives de DC. À plusieurs reprises, DC Comics a organisé des rencontres entre Captain Marvel et le personnage dont il est censé être le plagiat : Superman Vs.
Shazam!. Par la suite plusieurs auteurs ont relancé le personnage :
Jerry Ordway avec "Power of
Shazam",
Paul Dini et
Alex Ross avec "Pouvoir de l'espoir", ou encore
Jeff Smith avec "The monster society of Evil". Dans le cadre de la remise à zéro de l'univers partagé DC (opération appelée The new 52), l'éditeur DC a décidé de moderniser les origines du personnage dans le présent récit.
La couverture du tome annonce un Captain Marvel (ah ! non, pardon,
Shazam, DC Comics ayant décidé d'éviter la polémique avec
Marvel Comics par ce nom trop connoté) plus mature, plus fort, plus adulte, plus sérieux. Dans les premières pages, le lecteur découvre que Billy Batson a déjà 15 ans. Il faut dire que cela peut vite devenir compliqué pour le scénariste de garder à l'esprit que le personnage de
Shazam doit avoir des réactions et des émotions d'un adolescent de 15 ans (il était même encore plus jeune à l'origine) dans un corps d'adulte. Dans la version humoristique de la Justice League,
Keith Giffen et JM DeMatteis s'étaient même amusés à dépeindre Captain Marvel avec des réactions un peu nunuches du fait de son jeune âge, au milieu de superhéros plus adultes. Durant les premières pages, Johns s'en tient à cette version plus mature. Mais dès l'insertion dans la famille d'accueil, le lecteur (re)trouve cette atmosphère plus gentille propre à ce héros. Effectivement au bout des 3 séquences, Billy Batson redevient un enfant (ou un adolescent) plutôt gentil et prêt à aider les autres. Donc malgré les apparences, cette nouvelle version de
Shazam respecte bien la tradition de ce superhéros : un ton plus chaleureux et plus familial que les séries habituelles de superhéros, souvent plus violentes et plus noires.
Comme à son habitude,
Geoff Johns s'est fixé comme objectif de moderniser ce superhéros, en respectant au mieux ses caractéristiques. le lecteur qui connaît la famille Marvel retrouvera donc sans surprise les autres personnages transformés par le mot de pouvoir "
Shazam", de Black Adam à Tawny (le tigre Marvel). Côté méchants, il y a également le docteur Sivana, et même une courte apparition de Mister Mind. le récit s'inscrit franchement dans une dichotomie bien/mal très classique et même caricaturale, avec les gentils orphelins et le méchant gros capitaliste foulant au pied les lois à coup de passe-droits (Gary Fank lui a même donné la tête de
Richard Branson), ou les gentils superhéros altruistes et le très méchant voulant devenir maître du monde. le discours de motivation de Billy Batson face au Sorcier relève à la fois de la démagogie et de convictions d'une naïveté à toute épreuve. Enfin, le lecteur n'échappe pas même pas à l'utilisation des incarnations des 7 péchés capitaux (orgueil, avarice, envie, colère, luxure, gourmandise, paresse) transformés en supercriminels génériques. En résumé, alors que le début laisse présager une version différente et plus complexe de Captain Marvel, ce
Shazam n'a que l'apparence de la maturité et reste égal à lui-même. L'idée que l'apparition de
Shazam coïncide avec le retour de la magie sur Terre est difficilement conciliable, en termes de continuité, avec l'existence bien établie de la Justice League Dark dans l'univers partagé DC.
Comme souvent sur ses projets de prestige, le scénario de
Geoff Johns bénéficie de la mise en images méticuleuse et soignée de Gary Frank. La particularité pour cette histoire est que Frank a encré lui-même ses dessins, sans l'aide de son encreur habituel John Sybal. Frank utilise un style à tendance plutôt réaliste et détaillée, avec des expressions de visages souvent crispées pendant les combats (les personnages montrant souvent les dents, avec les mâchoires serrées). Ce qui est appréciable et inhabituel dans les comics de superhéros est qu'il privilégie les anatomies normales pour les personnages en civil, réservant les musculatures hypertrophiées pour les superhéros. Même la poitrine de Mary Marvel présente une taille normale. le début plante avec nuances le personnage peu accommodant et roublard de Billy Batson, une madame Glover jouant la personne affable en public, et hargneuse vis-à-vis de Billy en privé. La découverte des autres orphelins adoptée constitue un passage savoureux à les voir également jouer la comédie, en attendant de se retrouver seuls face à Billy. Gary Frank reste un bon metteur en scène et un bon directeur d'acteurs, tant qu'il s'agit de séquence en civil. Quand les superpouvoirs reprennent le devant de la scène, il croque des personnages plein d'une force physique massive et frappant fort. le tigre Tawny est majestueux et imposant, vraiment magnifique. Mais dans le dernier tiers du récit, il devient manifeste que Gary Frank se désintéresse des arrières plans et que la mise en scène des combats ne l'intéresse que moyennement (plus de grandes cases, que d'action chorégraphiée).
Pour un lecteur qui connaissait déjà le personnage de Billy Batson, il sera décontenancé par ce récit qui semble vouloir s'écarter du ton
bon enfant associé à ce personnage, pour une ambiance plus réaliste, et plus noire, puis qui incorpore tous les composantes habituelles du personnage jusqu'à ce que les différences disparaissent, laissant comme un goût de tour de passe-passe pas très honnête. Pour un lecteur ne connaissant pas le personnage, il découvrira un superhéros très familial, en léger décalage avec la promesse de brutalité de la couverture.