Il ressemblait à sa mère, il avait le tempérament de son père et le cerveau de personne.
-Comment tu trouves ton repas ?
Je cessai de mâcher suffisamment longtemps pour répondre :
-Epouse-moi.
-C'est si bon que ça ?
Est-ce qu'il t'arrive de trouver le monde fatigué, Walter ? ...
Je ne sais pas pour le monde, mais moi, en tout cas, je me sens fatigué.
"Parfois, les rêves ont plus de sagesse que la réalité."
Mon travail n’était jamais aussi bon que lorsque je ne réfléchissais pas ; je considérais parfois mon esprit comme un plan d’eau qui travaillait au mieux une fois que tout s’était déposé dans le fond. Le truc était de ne pas se laisser embourber.
Rien de tel qu'un cadavre pour vous faire sentir, disons, décalé. J'imagine que les super flics de la ville, qui se font jusqu'à quarante ou cinquante homicides par an, s'y habituent, mais moi, j'ai jamais pu. J'ai côtoyé assez d'animaux sauvages et de bétail pour que la mécanique de la mort me soit familière. Certains ont une religion qui donne une valeur à ce passage, à ce moment ultime, où, de créature verticale, on devient horizontale. Hier, on était anonyme quelconque, et aujourd'hui, on est le mort couvert d'honneurs, les mains emballées dans des sachets fermés par des élastiques.
Je jetai un regard nostalgique au bar en passant devant. Les lumières étaient allumées et quelques vieux pick-up étaient garés à égale distance autour du bâtiment ; dans le Wyoming, même les camions ont leur espace vital.
Personne ne peut se faire un gilet pare-balles contre les émotions, alors, on ne peut que trimballer les éclats d'obus avec soi.
- T'as perdu une épouse toi aussi, Officier ?
Je fus surpris.
- Oui.
- C'est terrible de perdre une épouse, non ?
Sa conversation consistait en une série de questions qui donnaient un tour philosophique à l'échange. Je ne savais pas bien auxquelles je devais répondre, du coup, je répondais à toutes.
- Ouaip.
- Ils disent que c'est comme perdre une partie de soi-même, mais c'est pire que ça ?
- Comment ça ?
- Quand elle partent, il nous reste ce qu'on est après avoir été avec elles, et parfois, on reconnaît pas cette personne...
- Papa parlait souvent avec des références bibliques, mais ce qu'il m'avait dit, c'était que les bêtes ne ressentent pas la douleur comme les humains. Que c'était le prix qu'on payait pour avoir la pensée.