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Critique de Musa_aka_Cthulie


Sous ses airs simples, jolis, plaisants, ses airs de ne pas y toucher, La petite poule qui voulait voir la mer recèle de grandes potentialités, qui ne se découvrent parfois qu'après plusieurs lectures. D'autant qu'il s'agit là d'un exemple parfait d'album à deux (voire plus) niveaux de lecture ; les adultes pourront largement y trouver leur compte, lorsqu'ils dégoteront les petites perles allusives des deux auteurs. Ces derniers étant parents, on peut imaginer qu'ils ont ainsi cherché à déjouer la lassitude qu'éprouve parfois un adulte en lisant pour la centième fois son livre préféré à un bout de chou qui, éventuellement, protestera si on lui refuse ce plaisir sans cesse répété.

En apparence, donc, l'histoire tranquille d'une petite poule. Oui, mais justement, cette poule n'est pas tranquille. Elle ne veut pas d'une vie tranquille. La tranquillité, c'est bon pour les imbéciles. Et comme notre poule, Carméla, est dotée d'un caractère affirmé, là voilà qui, ni une ni deux, quitte le confort de son poulailler en catimini et part voir la mer. Cette petite escapade aura des conséquences bien plus grandes qu'elle ne l'escomptait : c'est pas tous les jours qu'une poule rencontre Christophe Colomb et découvre l'Amérique.

Les thèmes abordés à travers cette histoire sont nombreux : la curiosité des enfants, l'esprit d'aventure, le besoin de s'affirmer et de s'émanciper, le refus du conformisme, le rejet des discriminations, et j'en passe. Ce sont tous ces sujets qui sont abordés dans l'album, les auteurs jouant sans cesse avec les codes. Pour commencer, l'héroïne est une poule : quoi de plus pantouflard qu'une poule ? Ben celle-là, elle l'est pas ! Ensuite, elle est toute jeune, encore dans les plumes de ses parents. Qu'à cela ne tienne, elle va partir au bout du monde ! Ensuite, c'est une fille. Les filles, ça part pas à l'aventure. Et ben celle-là, si ! Elle a toujours vécu parmi des poules blanches... Et ben elle va ramener chez elle un fiancé tout rouge - vous noterez au passage l'allusion à un certain film, lorsque Pitikok présente Carméla à ses parents avec un "Papa ! Maman ! Devinez qui vient dîner ?" Et enfin, dernier pied-de-nez aux conventions, mais non le moindre, Carméla et Pitikok vont avoir un enfant, un petit garçon... tout rose. Avec Carméla, fini le monde de Barbie !

Un mot enfin sur les dessins. Loin de se contenter d'illustrer bêtement le texte, Christian Heinrich l'enrichit sensiblement ; ce qui se lit dans le dessin ne se lit pas forcément dans le texte. De plus, il aime les arts plastiques sous toutes ses formes, et ça se voit. le passage où Carméla tente à tout prix de pondre un oeuf est un clin d'oeil à un strip de Brétecher, où deux jeunes filles essaient de mettre un tampon pour la première fois et se contorsionnent dans tous les sens (logique, dans un album où il est question d'émancipation féminine). On trouve aussi des références à la gravure ancienne, par exemple, lorsque Pedro raconte ses histoires à Carméla, ou encore à la peinture de paysage, lorsque Carméla découvre la mer (désolée, je suis presque sûre que les pages 18-19 renvoient à un tableau précis, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus ; en tout cas, les couleurs me rappellent des tableaux nabis). On n'en est pas encore à Edvard Munch, mais ça ne saurait tarder...
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