Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni ! »
Sur la cour de récréation où les enfants jouaient, j'avais remarqué qu'un petit groupe d'élèves consolait la petite Sylvie qui était triste, elle essayait de retenir ses larmes comme elle pouvait. Son vieux chat était parti pour d'autres paysages lointains et célestes, aussi j'avais décidé au dernier moment de proposer une histoire qui apporte de la gaité à son petit coeur malheureux.
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe.
Aujourd'hui nous avons accueilli une toute nouvelle élève, la petite Sonia.
« Bonjour Sonia !
- Bonjour les copains. J'ai entendu dire qu'on s'amusait bien dans cette classe, surtout le mercredi matin où il y a une ambiance de ouf, paraît-il !
Sandrine s'approcha des élèves et crut bon de préciser : « Tu as raison Sonia, ici on travaille dans une très bonne ambiance. Sois la bienvenue. Je suis sûre que tu vas te plaire parmi nous. »
Elle m'épate Sandrine, elle a toujours le mot qu'il faut, cette manière délicate pour faire passer un message dans la bienveillance et avec efficacité. C'est un métier, hein !
Je me suis adressé à mon auditoire qui s'était rassemblé autour de moi et je leur ai dit : « Maintenant, nous allons inviter deux personnages que vous connaissez déjà. Si je vous dis Carmen et Carmélito, vous me répondez...
- Les p'tites poules ! » Ce fut un cri de joie à l'unisson.
Alors, elles sont entrées en scène comme si elles avaient préméditées leurs coups, nos deux p'tites poules de la classe, jouant Carmen et Carmélito, j'ai nommé la petite Nico et la petite Doriane. Elles ont tourné en rond autour d'elles en caquetant et en pliant des ailes avec leurs bras pour la plus grande joie du public des gallinacées ici réuni.
J'avais en effet décidé de leur raconter un récit des P'tites Poules : Nom d'une poule, on a volé le soleil !
Alors j'ai pris un ton grave comme je sais le faire en forçant les sourcils et en pinçant ma bouche fortement comme ça et j'ai commencé à raconter l'histoire. Oh Oh Oh !
Rien ne va plus au poulailler : Pitikok n'arrive pas à faire lever le soleil ! Comme tous les matins, le papa de Carmen et de Carmélito a lancé sur son tas de fumier son appel vers le ciel : " Cocorico ! "
Rien à faire, le soleil ne vient pas. Pourtant, nous sommes en plein juin. Il tombe une pluie sans discontinuer qui assombrit le paysage du matin au soir.
« Passent les heures, passent les jours...
Et le soleil reste sourd. »
Les enfants sont restés muets devant moi, se demandant comment le soleil pouvait ainsi disparaître.
« C'est à cause du dérèglement climatique, a dit la petite Isa qui semblait en connaître un rayon sur le sujet.
- C'est vrai, tu as raison, on pourrait faire un parallèle avec ce qui se passe en ce moment, fit la petite Chrystèle pensive.
- Oh non, pas de parallèles je vous en supplie, fit le petite
Jean-Michel affolé, qui se souvenait d'un mauvais souvenir à cause de l'exercice de géométrie de la veille. Pour lui, c'était pire qu'une dystopie.
Alors, le 18 juin qui est une date importante dans l'histoire universelle, y compris celle des poulaillers patriotes, Pitikok a lancé un appel en plusieurs langues. »
J'ai fait une petite pause pour voir si mon auditoire était toujours concentré.
« Bon, maintenant, je vais vous poser une devinette.
Le cri du coq français, c'est Cocorico. Tout le monde est d'accord ?
- Yes, a répondu spontanément la petite Sonia qui avait décidé de s'intégrer à fond dans la classe.
- Alors on va faire un petit quiz international, comment dit-on Cocorico en langage coq anglais ?
- Cook-e-doodle ! a répondu spontanément la petite Anna qui se passionnait déjà pour la littérature anglaise et notamment pour les récits d'
Agatha Christie. Il faut dire qu'elle était très précoce la petite Anna...
- Et en irlandais ?
Personne n'a répondu. J'ai donné la réponse : « Cuc-a-dudal-du ! »
- Haha, a répondu la petite Francine ironique, ça montre bien que les coqs irlandais sont indépendants et n'ont rien à voir avec les coqs so british.
- Et en espagnol ?
- Quiquiriki ! a répondu la petite Doriane, croquant dans sa tablette de chocolat.
- Et en allemand ?
- Kikeriki ! Là c'était le petit Paulo qui était trilingue, car il parlait aussi l'espéranto. Mais je ne suis pas sûr qu'un seul coq sur cette planète le pratiquait. Dommage !
- Et en ukrainien ?
Pas de réponse. Ce n'était pas écrit dans le récit des p'tites poules, mais je me suis dit que le contexte actuel méritait qu'on y fasse un petit focus, histoire de... même si le soleil là-bas ne brillait plus depuis plusieurs mois. J'ai sorti un petit papier de ma poche parce que je ne le connaissais pas par coeur, - griffonné par ma tendre et chère, et j'ai lu : « Ku-ka-ri-ku ».
- Et en caméléon ? » Tout le monde a ri se tournant vers l'épaule du petit Paulo où s'accrochait cette affectueuse et fidèle mascotte de la classe qui devint tout d'un coup pâle, blanc comme neige, faute de pouvoir répondre au quiz...
La petite Gaëlle s'est approchée et a demandé : « Et en breton, camarade, tu saurais nous le dire ? »
Alors chacun est allé de sa petite voix. « Et en japonais ? » « Et en inuit ? » « Et en indi ? » « Et en ouzbek ? » « Et en sanskrit ? » « Et en chti ? » « Et en picard ? »
La maîtresse Sandrine m'a fait un petit signe discret de la main m'invitant à ne pas m'enliser dans cette affaire. Alors j'ai continué.
Malheureusement, malgré toutes ces incantations, le soleil ne revient pas.
« Il est peut-être mort, le soleil », dit la petite Fanny d'une voix tremblante.
Alors le petit Pat s'est avancé sur la scène et s'est mis à chanter d'une voix pleine de trémolos en se trémoussant devant la petite Anna, et simulant un micro tenu par ses mains :
♫ Il est mort
Il est mort, le soleil ♬
♫ Quand tu m'as quittée ♬
♫ Il est mort, l'été
L'amour et le soleil ♬
C'est pareil ♩ ♩ ♩
- Hé Pat ! s'est écrié la petite Domi, t'as des rengaines plus rigolotes d'habitude...
- Tu devrais plutôt chanter le mercredi au soleil », a proposé la petite
Anne-Sophie, c'est plus joyeux.
J'ai vite repris le cours de mon récit.
« Il faut faire quelque chose car un rival de Pitikok s'autoproclame désormais capable, lui, de faire revenir le soleil. Alors voilà nos chers amis Carmen, Carmelito et Bélino partis pour de nouvelles aventures à la recherche du fameux soleil disparu. »
Les enfants ont suivi avec attention la suite des événements.
Et devinez ce qui se passa, ont-ils trouvé à votre avis le soleil ?
À la fin de l'histoire, Sandrine, la maîtresse d'école est revenue dans le cercle pour rebondir sur le propos qu'avait exprimé la petite Isa. Elle a alors proposé que le changement climatique serait un prochain thème qu'elle souhaitait aborder en classe...
Au loin, un peu en retrait, la petite Sylvie avait retrouvé le sourire... Ses copines l'ont alors prise par la main et invité sur la cour de récréation à jouer à 1 ... 2 ... 3 ... Soleil ! Je me suis alors dit que ce récit avait eu aussi cette vertu consolatoire et de partage.
Les pages dépliées devant les élèves leur ont permis d'admirer l'humour des dessins, la tendresse et le côté cocasse des personnages très expressifs. Il y a même un canard qui chante ♫ Singin' in the rain ♬, à faire se trémousser le petit Pat.
J'adore les personnages des p'tites poules, dans le poulailler on a toujours besoin d'eux...
♫ le lundi au soleil
C'est une chose qu'on n'aura jamais ♬
♫ Chaque fois c'est pareil
C'est quand on est derriere les carreaux ♬
♫ Quand on travaille que le ciel est beau
Qu'il doit faire beau sur les routes ♬
Le lundi au soleil ♩ ♩ ♩