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Françoise Juranville (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080708465
254 pages
Flammarion (02/01/1997)
3.34/5   51 notes
Résumé :
Un jour de lourd ennui, le Sultan des Indes Schah-Baham, petit-fils du grand Schah-Riar, le héros des Mille et Une Nuits, propose que chacun, dans sa cour, dise de ces contes dont il est si friand. Le sort désigne le jeune Amanzéi, qui raconte une de ses vies antérieures, quand Brama, pour le punir de ses dérèglements, le fit sopha. Dans cette aimable prison, l'âme forte de ses facultés inaltérées, libre de voyager d'un divan à un autre, nonchalamment à l'affût d'un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Le sopha. Conte moral / Claude Prosper Jolyot de Crébillon fils (1707-1777).
Publié en 1742, cinq années après sa rédaction, ce conte aux couleurs et au cadres orientaux selon la mode de l'époque, fait écho aux Mille et une nuits et autres chinoiseries, et s'affirme comme une réflexion sur les aléas du désir et de l'amour, où alliés à une écriture subtile et mutine, l'érotisme et l'irrévérence sont de bon ton, rappelant par certains côtés les tableaux de Watteau et de Boucher. En musique même, les goûts se portèrent vers les Indes Galantes de Rameau qui connurent un succès inouï. En littérature, ce furent les Lettres Persanes de Montesquieu (1721) qui connurent et connaissent toujours une célébrité jamais démentie.
le narrateur conteur, une certain Amanzéï faisant référence à la croyance brahmanique de la métempsychose, a connu diverses réincarnations et même une en un meuble, un sofa.
« Brama prit l'idée d'enfermer mon âme dans un meuble. »
Selon la croyance toujours, Amanzéï ne retrouverait sa forme humaine que quand deux personnes se donneraient mutuellement et sur lui, leurs prémisses.
C'est à l'intention du sultan Schah-Baham régnant à Agra aux Indes non loin du Taj Mahal, un être ignorant et bavard, grotesque et gourmand de gaillardises, miroir grossissant de nos propres faiblesses, rongé par l'ennui quoique lecteur béat du recueil des Mille et une nuits, - et de la sultane qu'Amamzéï raconte les scènes dont il a été témoin. Sept couples vont ainsi défiler sur le sofa.
Une série de situations sont alors développées où les divertissements amoureux entre mari et femmes, amants d'un jour et autres rencontres sont narrées. Il arrive qu'une femme ait le mauvais rôle, songeant souvent moins à corriger le penchant vicieux de son coeur qu'à le voiler sous l'apparence de la plus austère vertu. Son âme étant naturellement portée aux plaisirs, elle se livre au vice sans connaître l'amour.
Une autre reçoit indifféremment tous ceux qui la trouve belle pour la désirer, pourvu cependant qu'ils soient assez riches pour lui faire agréer leurs soupirs.
Et Amanzéï de conter une aventure suivante où il trouve quelque tranquillité :
« Je m'envolai dans une maison , qu'à sa magnificence , et au goût qui y régnait de toutes parts , je reconnus pour une de celles où je me plaisais à demeurer , où l'on trouve toujours le plaisir , et la galanterie , et où le vice même , déguisé sous l'apparence de l'amour , embelli de toute la délicatesse , et de toute l'élégance possibles , ne s'offre jamais aux yeux que sous les formes les plus séduisantes . »
le dernier couple, formé de deux jeunes adolescents, Zéïnis et Phéléas, après avoir joui innocemment du plaisir qu'ils se donnent, remplit les conditions permettant à Amanzéï d'être libéré de son état de sofa :
« Quoique la tunique de gaze qui était entre elle , et lui , ne le laissât jouir déjà que de trop de charmes , il écarta enfin ce voile que la pudeur de Zéïnis défendait encore faiblement , et se précipitant sur les charmes que sa témérité offrait à ses regards , il l'accabla de caresses si vives , et si pressantes , qu'il ne lui resta plus que la force de soupirer de bonheur . Zéïnis se prêta voluptueusement aux transports de Phéléas , et si les nouveaux obstacles qui s'opposaient encore à sa félicité , la retardèrent , ils ne la diminuèrent pas . Enfin , un cri plus perçant qu'elle poussa , une joie plus vive que je vis briller dans les yeux de Phéléas , m'annoncèrent mon malheur et ma délivrance ». Ainsi Amanzéï quitta son statut de sofa et fut réincarné.
Crébillon tout au long de ce récit brode avec virtuosité sur le même thème, conjuguant satire politique et mise à jour de l'hypocrisie sous ses différentes formes, vertu, dévotion et respectabilité mondaine. Des pages de ce conte émane un érotisme juvénile et pervers, délicat et épanoui, parfois brutal ou honteux et un temps masqué, afin d'assouvir un désir de percer les secrets d'alcôve et le désir de jouissance du tiers voyeur. Allusives mais fort précises, les métaphores, litotes et périphrases habillant de fine gaze les évocations les plus vives, sont souvent à décrypter pour lever les voiles du silence et de la pudeur. Car l'érotisme, c'est l'art de voiler et dévoiler pour préférer les détours coquins d'un propos gazé, à la nudité du discours obscène. Pour Crébillon, la nudité a besoin du vêtement pour être érotique, et il ne faut pas oublier que le roman érotique est aussi un conte moral illustrant la comédie humaine que l'on se plait à démasquer. Crébillon veut offrir, en moraliste, un regard sur les hommes dont il dénonce la vanité à l'instar De La Fontaine ou La Rochefoucauld, une vanité qui selon lui mène le monde.
Ce conte « moral », à sa parution, fit scandale évidemment et connut un grand succès de ce fait. Son auteur fut exilé hors de Paris par le cardinal Fleury en raison du « cynisme » de l'ouvrage et de son libertinage. Par ailleurs, certains ont cru reconnaître dans le personnage ridicule du sultan Shah-Baham, le roi Louis XV. Exilé donc, Crébillon se rendit en Angleterre où le livre connut également un grand succès.
Une mention évidemment pour le style somptueux de ce roman libertin de la séduction, coquin et croustillant, allié à une prose alerte, subtile, éblouissante et pleine de finesse qui offre une lecture fort agréable.

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Roman libertin qui n'est pas sans rappeler, à raison, Les Bijoux Indiscrets de Diderot écrit plus tardivement dans le siècle. Ce ne sont pas les "bijoux" des femmes que Crébillon fait parler, mais un courtisan dont l'âme fut emprisonnée dans les sophas durant une vie antérieure. Libre de voyager de l'un à l'autre, il a ainsi surpris de nombreuses scènes privées et érotiques, depuis la chambre délabrée d'une pauvre courtisane au somptueux palais d'une jeune princesse, en passant par la "petite maison" d'un libertin. Il relate ces scènes sous forme de contes au sultan, friand de ce genre littéraire, mais auditeur dissipé : il ne se prive guère d'interrompre fréquemment le narrateur pour le reprendre, le prier de supprimer ses "dissertations" qui l'ennuient, etc. Ces interventions sont assez agaçantes à mon goût, mais aèrent néanmoins le récit qui tire en effet parfois quelque peu en longueur.


Si l'oeuvre de Diderot m'avait amusée, je lui préfère néanmoins de loin celle de Crébillon: moins philosophe et plus léger, le ton de celui-ci me convient davantage. Les anecdotes érotiques rapportées par le narrateur sont agrémentées de discussions sur l'amour, notamment, et révèlent surtout la face cachée de la société du temps: bien plus que par l'amour ou la vertu, les personnages sont menés par l'hypocrisie, la luxure, et surtout la vanité.
Je déconseille cette oeuvre à ceux qui y recherchent uniquement un récit érotique: le langage de Crébillon est voilé, délicat, souvent à double entente, et certainement pas cru comme peut l'être celui d'autres oeuvres libertines du même siècle. Pour les amateurs du libertinage et de ce style d'écriture à double entente, c'est un véritable régal de lecture.
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Bien que le sultan du Sopha soit présenté, tout au long du récit, comme un être naïf, stupide et colérique, on a fortement envie de lui donner raison lorsque celui-ci s'exclame d'un air las " Ah ma grand mère (cette dernière n'est autre que Shérazade) ! [...] ce n'était pas ainsi que vous contiez.". En effet, le conte de Crébillon assumant l'influence littéraire importante des Mille et une nuits ne parvint qu'à en produire une pâle copie, un reflet terni de cette oeuvre flamboyante où se mêle suspense, amour et aventure. le concept narratif de départ est pourtant intéressant puisque le narrateur n'est autre qu'un sopha ! Plus précisément il s'agit de l'âme du narrateur réincarné par Brama en sopha. le fonctionnement par métalepse peut aussi s'avérer piquant par la distanciation ironique qu'il permet de créer. Et pour être honnête c'est avant tout pour ces deux raisons que j'ai décidé de lire le Sopha. Etant donné que j'attendais beaucoup de ce livre j'ai été d'autant plus déçue dès que j'ai commencé à en parcourir les premières pages. Et cette déception ne se démentit pas jusqu'à la toute dernière ligne. Non seulement les historiettes d'amour narrées ne présentent aucun intérêt mais elles créent un aspect répétitif extrêmement rébarbatif car elles composent l'essentiel du récit. Les discussions entre le sultan, la sultane et le narrateur ne sauvent absolument pas l'oeuvre de Crébillon tant elles sont caricaturales et répétitives elles aussi.
Il est vrai que la problématique centrale à savoir la vertu n'est plus d'actualité de la même ce qui permet de concevoir que nous nous ne pouvons pas être sensible de la même façon à ce conte "moral". Néanmoins il est possible de saisir tout ce qu'elle peut produire de contradictoire au niveau philosophique et comportemental et c'est peut être un des rares bons points que l'on peut accorder à ce livre.

Pour résumer l'on peut dire que c'est en lisant l'auteur du Sopha que le mot "ennui" prend tout son sens. Les fanatiques de la collection Harlequin y prendront peut être du plaisir quoique si les jupons en dentelles, les chandeliers et les mots doux les font rêver je leur recommande plutôt Les liaisons dangereuses !
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Le sultan, petit fils de celui de Shéhérazade, écoute Amanzei, un courtisan, lui raconter ses souvenirs d'alcôve : une fausse prude, une courtisane, une coquette,une prostituée... venues s'ébattre sur le Sopha où l'âme du conteur s'est incarnée afin d'expier une vie de dérèglements. Six couples défilent sur le Sopha (alias Amanzeï- alias Crébillon) et donnent à entendre une satire sociale des plus piquantes, avant de laisser la place à un couple véritablement aimant qui permet à Amanzeï d'être délivré de la punition de Brahma. Les 21 chapitres sont sous titrés avec humour ex : "mieux à passer qu'à lire" etc. le style orientalisant à la mode (Les lettres persanes) permet une critique morale des personnages de cour ce qui valut d'ailleurs à leur auteur un exil de quelques mois hors de Paris.
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C'est pas mal du tout, ça ne vaut pas les liaisons dangereuses, mais belle pirouette, mon édition est bien documenté ça aide pour les novices comme moi.
A lire en complément je tiens à le préciser, il y a mieux sur le sujet du libertinage comme indiqué en notes.
Certains passages sont un peu longuets, heureusement le volume est faible 200 page qui suffisent.
Comme dit Nastasia-B, ce n'est que mon avis et il ne vaut rien. Enfin, le sien est à tout le moins expérimenté.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
En quoi consiste la vertu?dans la privation absolue des choses qui flattent le plus les sens.Qui peut savoir quelle est la chose qui les flatte le plus?celui là seul qui a joui de toutes.Si la jouissance du plaisir, peut seul apprendre à le connaître, celui qui ne l a point éprouvé, ne le connaît pas,que peut il donc sacrifier?Rien,une chimère, car quel autre nom donner à des désirs qui ne portent que sur une chose qu on ignore?
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Oui, répliqua-t-elle, cela vous sera sûrement plus commode ; mais faisons mieux, n'en parlez plus ; aussi bien, ne suis-je pas assez imbécile pour que vous puissiez me persuader jamais, que plus un amant a de tendresse, moins il peut l'exprimer à ce qu'il aime.
P135
Voudrez-vous donc jamais sentir qu'il semble, à la façon dont vous prenez mon malheur, que vous ne vous croyez pas assez de charmes pour le faire cesser?
Déjà troublée par les emportements de Mazulhim, elle commençait à désirer vivement qu'il se laissât moins frapper les sens, que la première fois...
P136
Zulica rougit de fureur au nouvel affront que Mazulhim faisait à ses charmes : en vérité, Monsieur, lui dit-elle, en le repoussant avec violence, si c'est une préférence que vous me donnez, j'ose dire qu'elle est mal placée.
P137
Enfin, dit-elle, je suis engagée, et il est tard. Voilà une assez bonne folie! dit-il en la rejetant sur moi(le sopha), et en voulant encore essayer s'il ne trouverait pas enfin, le moyen de lui rendre les heures moins longues.
P138
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Qui dirait à une femme, vous aimerez ce soir, à la fureur, un homme, non seulement auquel vous n'avez jamais pensé, mais que même vous haïssez, elle ne le croirait pas ; et pourtant, il n'est pas sans exemple que cela arrive! Je vous en réponds, repartit Nassés, et je serais bien fâché que cela n'arrivât pas. De plus, il est certain que rien n'est si commun que de voir les femmes aimer violemment quelqu'un qu'elles voient pour la première fois, ou qu'elles ont haï. C'est même de là que naissent les passions les plus vives. Et pourtant, reprit-elle, vous trouverez des gens, mais je dis, beaucoup, qui vous soutiennent qu'il n'y a presque point de coups de sympathie.
P183
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S'il est vrai qu'il y ait peu de héros pour les gens qui les voient de près, je puis dire aussi qu'il y a, pour leur sopha, bien peu de femmes vertueuses.
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Je me rappelle, qu'étant chez une femme célèbre par sa rare vertu, j'y fus assez longtemps sans rien voir qui démentît l'idée qu'on avait d'elle dans le monde. Il est vrai qu'elle n'était pas jolie, et qu'il faut convenir qu'il n'y a point de femmes à qui il soit plus aisé d'être vertueuses qu'à celles qui manquent d'agréments
P77
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