Des moments gênants, Serge Joncour pose sur quelques pages les pensées intimes qui nous traverse et traversent nos têtes durant ces moments là.
Le résultat est bluffant, cocasse, drôle, surprenant.
C'est vrai, souvent toutes ces situations sont désopilantes. Cela fournit le côté mordant, piquant de nos vies.
J'ai apprécié, par exemple, une des dernières, quant Monsieur tombe malgré lui dans un club du soir un peu spécial.
Après l'attrait pour ses histoires vient de tous les détails des pensées des personnages que l'auteur s'applique à nous offrir.
En somme plusieurs histoires courtes distrayantes.
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Voilà le genre d'humour que j'aime ... celui qui consiste à se moquer de soi-même et à mettre en avant ses faiblesses avant de se moquer de celles des autres.
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Peintre ami
- C'est marrant, il y a deux chefs-d'oeuvre, et toi, tu n'en vois qu'un. Vraiment, tu ne comprends rien à la peinture.
Par contre, vous connaissez fort bien le peintre, vous y êtes même lié par une indéfectible amitié, une sympathie renforcée par l'admiration aveugle que vous lui portez, ne serait-ce que par précaution.
Après tout, ces tableaux-là sont peut-être géniaux, tout comme ceux de l'année dernière, et tous ceux des années précédentes. d'ailleurs, ce n'est pas le moindre mérite de ce talent-là que de n'être toujours pas reconnu.
-Mais dis-moi, cette femme-là, ne serait-ce pas un peu la tienne?
Vous n'ignorez pas à quel point vous le flattez en lui disant ça, d'une part parce que vous avez perçu que cet assemblage de cônes noirs, disposés en croix, symbolisait une femme, et que la tonalité générale de l'ensemble évoquait on ne sait quoi de Sarah, cette douce brune avec laquelle il n'est plus, du fait même qu'elle soit partie avec un marin grec, il y a plus de quinze ans de cela.
Mais bien sûr que c'est elle, c'est elle comme au premier jour, toujours obsédante, toujours aussi peu partie. Alors une fois de plus, il vous faudra supporter le couplet sur la déesse-femme, sur sa façon d'embrasser, une fois de plus, il vous fera le couplet de la fumeuse nostalgie, et pendant tout ce temps-là, vous tiendrez votre regard sur ce magma d'ombres froides, de fantômes happés, vous leur ferez face aussi recueilli que possible, aussi concerné, lançant juste de petits coups d'oeil complaisants à l'artiste, oubliant délibérément, par fraternité ou par compassion, le malaise global que suscite en vous cette toile désespérément, comment dire, désespérante.
Puis, soudain moins lyrique, moins emballé, il vous demande sur le ton de la plus parfaite confiance, de la connivence la plus affichée, le prix que vous seriez prêt à mettre pour cette oeuvre-là... A nouveau vous vous sentez pris au piège d'une vieille amitié. Tout de même, en homme responsable il faut savoir répondre, en veillant toutefois à ne pas trop sous-évaluer, mais à ne pas trop surestimer non plus, au cas où... A ce jour, vous pouvez déjà vous honorer de posséder la collection complète. Car ces toiles qu'il y a là, pour la plupart, elles sont à vous, elles vous appartiennent, même s'il est convenu qu'elles restent à demeure dans l'atelier de l'artiste, disposition qui dans le fond arrange tout le monde. ( ...)
Une fois au volant vous conduisez calmement, vous roulez toutes vitres ouvertes, et en guise de pensée vous regrettez amèrement que votre meilleur ami ne soit pas poète , ou écrivain. Un poème, ça va jamais chercher dans les trois mille francs.
Quai de gare
Les départs ont cela de cruel qu'ils forcent à se rapprocher , étreinte d'autant plus pénible qu'elle se sait observée. Mais bien sûr qu'on se reverra, bien sûr qu'on se rappellera, encore faudrait-il un peu d'intimité pour se le dire.
Après quoi, vous avez juste jeté vos bagages en haut des marches, sans trop savoir de quel côté se trouvait votre réservation.
En dessous, en plus de votre famille, une petite foule d'inconnus se tient là, à gêner. Parmi eux, il y a de ces voyageurs en jambes qui profitent du moindre arrêt pour s'aérer aux portières, des contemplatifs qui croient voir la ville de près en foulant le quai, des familiers qui sont juste venus accompagner, un tas d'acteurs parasites. Tout le monde improvise dans ce genre d'entracte, ballotté entre la peine réelle et la pudeur de l'avérer. On masque ses adieux sous un humour passable, des propos de circonstance, autour de l'horaire, du temps qu'il faudra, et des voyages en général.
Les vôtres sont là au bas de vos marches, ne sachant trop que dire, ni que faire, craignant d'entamer une véritable conversation.
Mine de rien vous jetez les bases de cette amertume, celle qui viendra plus tard, tout le long du voyage.
Dix fois ils vous rediront à ce soir, au téléphone, réitérant la proposition jusqu'au ridicule, joignant le geste à la parole. (...)
Au flottement succède l'hésitation. En fait vous aimeriez vous asseoir, vous installer dans la fraîcheur du compartiment, poser vos affaires, et vous poser vous-même, ne plus penser, laisser filer ces paysages, pour de vrai.
Mine de rien vous êtes déjà parti. Tout de même vous osez une recommandation, sans conviction, vous leur dites d'y aller, que ça ne sert à rien de rester plantés là.Mais puisqu'ils ont fait tout ce trajet pour vous voir partir, ils vous verront partir.
A droite à gauche on tente des regards, on guette le moindre indice, on subit le caractère grotesque d'un train dès lors qu'il ne part pas.
A ce stade-là de la fermentation remontent les petites phrases, les suppositions dérisoires sur la nature de l'incident, teintées d"humour; si ça se trouve on va rester là toute la nuit. (..)
D'avance vous savez que votre sortie est manquée, votre départ complètement raté. A l'aéroport comme à la gare, la qualité des au revoir tient à l'urgence qui les encadre, à l'imminence qui envahit tout. Les effusions ne sont rien sans la menace de l'envol. Alors que là vos adieux sont stoppés, collés sur place ...
Pourtant c'est pile le genre de femme avec laquelle tu serais prêt à tout, à lui faire ce fameux massage que depuis dix ans tu refuses à ta femme, à veiller jusqu'à pas d'heure, à ne pas mettre le réveil pour le lendemain, peut-être même à lui faire l'amour une deuxième fois, la folie, quoi... Et pourtant tu ne bouges pas. D'où vient ce désert entre toi et tes actes ? Ce qui te gêne en fait c'est qu'elle soit belle, ça te paraît presque pas naturel.
Total, tu te décides pour un gevrin-montrachet, en te fiant vaguement au patronyme, au prix aussi, cher mais pas trop, un critère qui ne trompe pas.
Une fois exhumée sa merveille, le sommelier s’avance vers vous comme s’il sacrifiait un gosse, portant amoureusement sa trouvaille dans un petit panier, un genre de berceau. Dans le genre sommelier c’est un grand type, amidonné de noir, un prêtre à l’office, quasiment inabordable, peut-être même pédant. … Après deux trois manipulations il se plante là, juste au-dessus de toi, et te flanque sa relique sous le nez. À ce stade-là il faut se montrer coopératif. Il énonce gevrin-montrachet, tel que c’est écrit sur la bouteille, et tu trouves la subtilité d’annoncer l’année, tel que c’est écrit sur la bouteille.
Flash
Dès que tu sens poindre un appareil photo, mine de rien tu glisses finement vers ton meilleur contour, ce profil de toi qui te nuit le moins, le droit. Il faut le reconnaître, tu n'es pas de ces natures suffisamment accomplies, de ces physionomies qui supportent l'improviste.
Le pire avec ces proches qui ont la manie de l'instant, c'est cette brutalité, cette promptitude à sortir l'appareil, cette sournoiserie de ne pas prévenir, de te surprendre chaque fois sur le mauvais profil, bouche mi-close, figé dans une expression péjorative. En prime, il faudra complimenter l'auteur...
À l'occasion du Forum des libraires 2023, Anna Pavlowitch, directrice des éditions, présente la rentrée littéraire d'Albin Michel - @VideoAlbinMichel
Au programme de la rentrée d'automne 2023 :
- Psychopompe d'Amélie Nothomb
- À Dieu vat de Jean-Michel Guenassia
- Le Pavillon des oiseaux de Clélia Renucci
- Les Heures heureuses de Pascal Quignard
- Chaleur humaine de Serge Joncour
- L’Épaisseur d'un cheveu de Claire Berest
- Les Amants du Lutétia d'Emilie Frèche
- Les Grands Enfants de Régis de Sà Moreira
- Paradise Nevada de Dario Diofebi
- Illuminatine de Simon Bentolila
- Le Diplôme d'Amaury Barthet
0:00 Introduction
0:16 Que vous évoque la rentrée littéraire ?
0:59 Selon vous, est-ce un risque de publier des primo-romanciers en période de rentrée littéraire ?
Un événement @livreshebdo_ avec le partenariat de @babelio
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