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Critique de gabb


gabb
08 novembre 2016
C'est une histoire de familles, pour commencer. Les McAllan d'un côté, les Jackson de l'autre, réunis au sortir de la Deuxième Guerre mondiale dans l'âpre delta du Mississippi.
Les premiers, fermiers Blancs pétris des pires péjugés racistes de l'époque, viennent de se lancer dans la culture du coton, tandis que les seconds, Noirs miséreux et opprimés, sont les métayers du domaine.

Sur cette modeste exploitation agricole ne tardent à pas à éclore jalousies et ressentiments, qui ne cesseront d'aller crescendo. Ressentiment de Laura McAllan envers son époux Henri, qui a pris seul la décision de ce "retour à la terre" laborieux, ou envers l'immonde Pappy, patriarche machiste et tyranique des McAllan. Ressentiment des Jackson aussi, envers cette société profondément inégalitaire qui ne leur reconnaît aucun droit...
Les points de tensions sont multiples, et le roman est violent, terrible dans les agissements des uns et dans les non-dits des autres.

Toutes les turpitudes de l'époque sont réunies dans ces 300 pages : racisme ordinaire et (quasi) unanimement admis, inégalités révoltantes et omnipotence masculine également acceptée comme un fait établi, mais aussi traumatismes divers nés de la Seconde Guerre mondiale. Les McAllan comme les Jackson ont en effet vu l'un de leur fils partir pour l'Europe, et en revenir profondément perturbé. Jamie McAllan, pourtant si rayonnant avant sa mobilisation (au point de faire tourner la tête de sa belle-soeur Laura et de menacer la stabilité de son ménage), sombre même dans l'alcool et la folie, cristalisant par là de nouvelles discordes au sein de la fratrie.

Avec ces ingrédients pour le moins explosifs, Hillary Jordan nous mijote un récit sombre et dérangeant, mais qui pour moi a quelques fois manqué d'originalité. Tous ces piments dans la marmite auraient-il anesthésié mes papilles de lecteur ?
Le style est pourtant simple et efficace, et la lecture est plaisante malgré le phrasé parfois alambiqué des Jackson. Certains personnages sont un peu caricaturaux, mais les deux héroïnes - la courageuse Laurence Jackson, qui ose tenir tête aux suprémacistes blancs, et la pauvre Laura qui vole au secours de Jamie, sont néanmoins attachantes. A l'inverse, les hommes ne sont pas épargnés par l'auteur : Hap Jackson est complètement effacé, Henri se préoccupe davantage de ses récoltes que de sa femme ou ses enfants, son frère est alcoolique et volage, et la palme revient à l'abject Pappy, dont la xénophobie primaire fait froid dans le dos.

Voilà donc une histoire grave et mouvementée sur l'Amérique profonde des années 40, sur les horreurs de la ségrégation, et sur les terres agitées qui bordent le Mississippi.
Car c'est une histoire de terre avant tout, cette terre dont Laurence reconnaît avec ses mots que "Blancs ou Noirs, aucun est assez malin pour comprendre que le maître c'est elle. Elle prend leur sueur, leur sang, la sueur et le sang de leurs femmes et de leurs enfants, puis quand elle leur a tout pris, elle prend leur corps aussi, et touille, touille jusqu'à ce qui font plus qu'un, eux et elle."
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