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EAN : 9782246851974
208 pages
Grasset (01/09/2014)
4.25/5   6 notes
Résumé :
Une enquête sous la forme d'un roman sur les châteaux de sable et leur signification cachée : symboles guerriers ou religieux, traces d'anciens rites cultuels, etc.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Loin des châteaux de sable de concours, de leur esthétique improbable de meringues de plage, ce traité de castellologie littorale est une méditation sur les barrages de sable, lorsqu'adultes et enfants ensemble se mesurent à l'océan, avec ce loisir qui est en réalité une activité de guerre, un combat sans espoir, et dont les enjeux sont de savourer le spectacle de la disparition de ce que l'on édifie, de mesurer le temps qui nous sépare d'une défaite inéluctable contre la mer, activité captivante, aussi essentielle que de mesurer l'écoulement du temps de sa propre existence.

«Alors qu'aurions-nous à répondre à untel qui nous demanderait ce que nous faisons là, les mains abîmées par ce matériau pulvérulent, nos épaules offertes aux coups de soleil, à faire se dresser d'aussi illusoires remparts face à notre désert des Tartares. Rien. Ce que nous faisons c'est rien. […] Quand nous déclarons occuper nos enfants, nous voulons dire clairement que nous organisons des activités destinées à leur faire passer le temps, à ne pas les laisser dans l'oisiveté, à les distraire par cette forme d'amusement. Mais «occuper» du latin occupare signifie «s'emparer de». C'est très précisément l'action de se rendre maître militairement, de s'établir par la force, de s'imposer par la terreur. Occuper des enfants à la construction de bunkers éphémères, c'est, sous couvert du loisir, leur inculquer la prédation guerrière, l'excitation de la bataille, les saveurs contrastées de la violence.»

Jean-Yves Jouannais construit ce récit traversé de fulgurances, comme un fleuve sinueux ou une longue rêverie, puisant dans la matière et la forme, tout en digressions poétiques et en rapprochements captivants, de sa phénoménale Encyclopédie des guerres, en commençant par l'entrée «Barrage», anagramme de bagarre.
A paraître fin août 2014, «Les barrages de sable» n'est sans doute pas la bonne porte d'entrée dans une oeuvre de Jean-Yves Jouannais qui est comme une somme ; c'est un livre résolument inclassable au carrefour de L'encyclopédie des guerres et de «L'usage des ruines» (Editions Verticales, 2012), et qu'on appréciera davantage en étant familier de Félicien Marboeuf, cet inspirateur de Marcel Proust évoqué dans «Artistes sans oeuvres» (Hazan 1997, réédité chez Verticales en 2009).

On croisera ici Agésipolis Ier, roi de Sparte, qui fit détourner le cours de la rivière Ophis pour la conquête de Mantinée, Alexandre le Grand lors du siège de Tyr, mais aussi Hendrik Geeraert, simple éclusier flamand qui en inondant le champ de bataille permit la victoire sur les Allemands lors de la bataille de l'Yser à l'automne 1914, Hiro Onoda obstiné combattant japonais terré dans la jungle des Philippines, qui ne rendit les armes qu'en 1974, soit vingt-neuf ans après la fin de la seconde guerre mondiale, ou encore l'escadron spécial de la Royal Air Force - Briseurs de barrages pendant la seconde guerre mondiale -, tous placés sous la figure tutélaire de Jorge Luis Borges, car le pays qu'habite Jean-Yves Jouannais est bien la littérature.

«"Entreprendre l'écriture de romans entre onze et quinze ans. Plus tard, se consacrer à la littérature." Félicien Marboeuf écrivait cela à Marcel Proust, le 3 janvier 1902. Je me souvenais de ce pays si particulier que la littérature m'avait paru être, à cet âge en effet, pays dont cela avait été un si grand souhait de ma part d'en être l'habitant. Avant de comprendre que personne n'avait jamais habité la littérature. Jorge Luis Borges et les châteaux de sable me l'ont fait comprendre.»
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Découvert lors d'une rencontre en librairie, Jean-Yves Jouannais m'avait littéralement séduite, pendue à ses lèvres je buvais ses paroles. Derrière l'écrivain se cache un conférencier hors norme – ou devrais-je dire : plus qu'écrivain, Jean-Yves Jouannais est conférencier. de fait, tout un chacun peut l'écouter sur scène lors d'une performance qu'il poursuit depuis 2009 au Centre Pompidou : L'encyclopédie des guerres. Chaque conférence est l'occasion d'ouvrir une entrée, dans l'ordre alphabétique, de cette encyclopédie. S'il est interdit d'avancer trop vite en passant outre certaines lettres, l'orateur s'autorisent des retours en arrière, des renvois vers des concepts clés qui s'étoffent un peu plus à chaque séance, au gré des improvisations. Les barrages de sables : traité de castellologie littorale est un essai/récit biographique issu de ces spectacles et dérivé de l'entrée « barrage » que l'auteur développe, dénoue, déroule en commençant son récit littéraire par ce réflexe primaire que nous avons tous, quel que soit notre âge, ce plaisir sans cesse renouvelé lors de nos vacances en bord de mer d'édifier des forteresses dans le seul but de les opposer à l'inexorable montée des eaux qui les détruira nécessairement.

De cette idée saugrenue, Jean-Yves Jouannais enchaine les anecdotes pour nous proposer une surprenante et probable vision de l'homme dans son combat contre l'incommensurable – certains n'y verront peut-être que des châteaux de sable…

Je suis aussi et surtout frappée de la démarche de l'auteur qu'il nous présente lors de cette rencontre – et développe également dans le livre. Une question l'obsède : en quoi la guerre le concerne-t-elle ? Cette interrogation est le point de départ à la fois du livre mais aussi de ses prestations à Beaubourg – où des psychanalystes viennent l'étudier comme un spécimen modèle de développement personnel. Elle est également à l'origine de la « bibliothèque de guerre » de l'auteur qu'il constitue en échangeant les ouvrages de son ancienne bibliothèque contre n'importe quel autre livre – peu importe le genre – concernant la guerre.

Cet engagement me fascine. Cet entêtement – plusieurs années – pour formuler enfin une question à laquelle il semble prêt à consacrer l'ensemble de ses jours à venir me sidère et me passionne. Je respecte et admire.

L'ensemble de ces idées et de nombreuses autres sur la guerre est synthétisé dans un style direct et rythmé dans Les barrages de sable. Alternant anecdotes familiales, rencontres incongrues et détails militaires, Jean-Yves Jouannais s'attèle avec humour à nous transmettre cette étrange passion hors des sentiers battus des discours historico-plombants. Bref, je recommande ;)
Lien : https://synchroniciteetseren..
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L'outil de travail de Jean-Yves Jouannais est actuellement son cycle de conférences-performances L'Encyclopédie de la guerre. C'est en voulant s'en éloigner qu'il s'en est rapproché, ou réciproquement. Dans ce traité de castellologie littorale, l'auteur de précieux essais comme L'idiotie, Artistes sans oeuvres ou encore le sublime L'usage des ruines (parus chez Verticales il y a deux ans - très recommandé!), va discuter des barrages avec Olivier Cadiot, utiliser la fiction, la forme journalistique - et en cela il se rapproche d'Enrique Vila-Matas et son Journal volubile -, mais aussi de la littérature, de son obsession pour les ruines notamment, une forme qui rappelle l'essai de la destruction du regretté Sebald (et du coup donne envie de le relire).
Jean-Yves Jouannais ne veut pas faire un livre avec ses conférences, il y arrive pourtant indirectement avec ce brillant ouvrage : Les barrages de sable.
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Le château de sable comme tentative de métaphore intime et ultime de la guerre.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/09/19/note-de-lecture-les-barrages-de-sable-traite-de-castellologie-littorale-jean-yves-jouannais/
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Jouannais repousse les limites de la littérature avec cet étonnant traité poétique qui mélange érudition et éléments autobiographiques. C'est plein de digressions mais cela suit néanmoins à peu près une ligne directrice qui est aussi celle de son programme de vie : consacrer son temps à une encyclopédie de la guerre. Etonnant.
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critiques presse (2)
Lexpress
12 novembre 2014
Jean-Yves Jouannais raconte dans Les Barrages de sable son saisissement devant ses enfants, ces soldats qui s'ignorent, en train d'édifier un château de sable. Son essai met malicieusement en parallèle cette activité et l'art de la guerre.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
03 septembre 2014
Originale et délectable escapade littéraire que la lecture tout en découvertes historiques et curiosités philosophiques de cet ouvrage buissonnier — mi-essai, mi-rêverie — autour des châteaux de sable de nos enfances estivales.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
"Les châteaux de sable, je finis par les envisager comme des livres que l'on aurait pu écrire, ou pas, ou partiellement, qui n'auraient pas eu d'ambition artistique, hormis celle de répondre à une obsession, de s'accorder à elle. Les châteaux de sable n'ont pas d'auteur, ils sont des matériaux conducteurs de fable, toujours exactement la même, ont pour vertu cardinale de mesurer le temps et, non seulement font la guerre, mais sont la guerre. Si les châteaux de sable n'avaient pas été la littérature, j'aurais trouvé, dans la littérature justement, milles références aux châteaux de sable. La preuve de l'identité des deux phénomènes, c'est que la littérature avait su traiter, et avait eu le temps de le faire, de tous les aspects, réels, objectifs, comme fantasmés et imaginaires de l'épopée humaine, à l'exception des châteaux de sable. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle ma phrase continuait de ne pas me déplaire, parce qu'elle demeurait unique sur cet aspect de la castellologie. S'il m'était venu à l'esprit de compiler les savoirs contemporains comme ancestraux sur cette discipline, mon encyclopédie n'aurait comptée qu'une seule page, composée elle-même d'une unique citations dont j'aurais été l'auteur."
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Nina désire augmenter le coefficient ornemental de l’édifice en ponctuant l’enceinte de pâtés de sable. Elle en réalise six d’assez belle allure. Ce qu’elle a en vue, depuis le début, n’a pas grand-chose à voir avec la nature de mon chantier. Elle construit un château, nécessairement un beau château, pas trop fort le château, plutôt une décoration, l’accessoire stylisé des fables princières qui sont le lot des premières lectures enfantines. Elle tresse une couronne à notre rempart avec l’application et l’amour du beau qu’elle a pu montrer jadis en peignant ses poupées. Puis elle hésite. Sans me regarder, elle abat ses tours. "Trop nul ! C’est même pas beau ! Si t’es d’accord, on fait plus de pâtés. Ça va pas arrêter les vagues." Si je suis d’accord ? Et fou de joie avec ça ! À cet instant, je sais que nous sommes en train de construire le même édifice. Sans plus d’ambiguïté, nous nous liguons contre l’océan, nous faisons la guerre. Elle ajoute : "Il faut consolider les murs sur le côté !" La guerre est l’unique motif de notre activité. Je l’embrasse, ma fille, qui ne m’a jamais paru plus belle.
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Tu parles du critère de "facilité". Tu visualises un site où, à l’évidence, la construction d’un barrage est possible facilement. Est-ce que cela peut être parfois le critère de difficulté qui prévaut ? Un endroit où l’eau est si profonde, le lit si large, que tu te lances un pari motivé par le handicap ?
– Non, jamais. Je suis un gagneur. J’ai toujours détesté les châteaux de sable. On sait dès le début que la marée monte et que la construction va être rasée. Ce n’est pas agréable.
– Donc, tes barrages de rivière ne sont pas concernés par la guerre, hormis, justement, le souci de s’en exclure. Tu n’es pas attiré par le choc.
– Non. Avec les barrages de rivière, il s’agit de trouver un équilibre, une transition éphémère, mais qui a une durabilité plus grande que celle du château du sable.
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Une plage de Vendée. La Tranche-sur-Mer, le 3 juillet, 15 heures. Nina, 8 ans, Kolia, 4 ans, et moi, commençons un chantier, sable et pierres, sans plan établi. "On va faire un château !" Juste ça. Nous nous accordons sur ce nom de "château", pratique, séduisant, quand je sais pertinemment que ce que nous allons ériger, face à la marée, est un barrage. Un barrage contre l’Atlantique. C’est de guerre qu’il s’agit, dès lors, sans détour. On ne parle pas de cela aux enfants. Surpris en leur compagnie, dans un musée, par une toile de bataille, tandis que le sang y coule à flots, que les corps y sont passés au fil de l’épée, nous détournons leur attention sur les drapeaux multicolores qui décorent le ciel au-dessus des phalanges rompues. On s’entend répondre à leurs questions inquiètes : "C’est un tableau sur le vent."
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Nina me demande quand la marée sera haute, combien de temps il nous reste. Je lui explique que "marée" désigne un phénomène dynamique, que c'est un peu abusif de dire "marée haute" ou "marée basse", qu'il vaudrait mieux dire "pleine mer" ou "basse mer", que nous avons entrepris une lutte non pas contre l'océan, mais contre son mouvement.
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Videos de Jean-Yves Jouannais (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Yves Jouannais
Comment faire passer pour vrai ce qui est faux ? N'est-ce pas le propre de la littérature, entreprise fictionnelle par excellence ? Nous plongeons dans les mondes parallèles de la littérature avec les écrivains Pierre Bayard et Jean-Yves Jouannais.
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