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EAN : 9782072464447
742 pages
Gallimard (06/09/2012)
3.77/5   24 notes
Résumé :

Ogre sanguinaire et rabelaisien, le Maréchal règne en despote sur la république d'Hyrcasie. Tout le monde veut sa peau, amis ou ennemis.

Mais personne ne sait qui il est en réalité, sauf, peut-être, son vieux confident, qui est aussi son secrétaire particulier, son masseur, son homme à tout faire. Des rebelles tentent de renverser le tyran et l'assiègent dans sa capitale. Il n?envisage pas d?autre solution, pour en finir, que de déclencher l?... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Un étonnant récit multi-enchâssé, ambitieux et touffu. À l'issue, un régal.

Publiée en septembre 2012, la douzième oeuvre de fiction de Pierre Jourde semble d'abord imposante avec ses 730 pages toutes en densité, et sa quatrième de couverture certes intelligente, mais pouvant aisément induire le lecteur en erreur...

En effet, si le personnage du « Maréchal absolu », tel qu'il apparaît dès le début du récit, a bien toutes les caractéristiques d'un « ogre sanguinaire et rabelaisien » (et si ce clin d'oeil immédiat à Bakhtine et à sa polyphonie est pleinement justifié), le roman N'EST PAS (comme je l'avais craint un instant) - ou plutôt ne se réduit absolument pas à - la fresque déjantée des délires et méfaits d'un synthétique dictateur africain, qui aurait alors nécessairement pâli de l'inévitable comparaison avec l'Ahmadou Kourouma de « En attendant le vote des bêtes sauvages » et le Sonny Labou Tansi de « La vie et demie », chefs d'oeuvre de verve et de truculence bien difficiles à égaler.

Ainsi, même si Pierre Jourde nous régale de descriptions savoureuses et cruelles, ce n'est pas sur ce terrain du grotesque atomisant qu'il a principalement établi son projet. Dès la deuxième partie du roman, soit au bout de 170 pages haletantes mais légèrement « déjà lues », sa véritable ambition se dévoile : il s'agit ici de construire un enchâssement sauvage dans lequel les récits, de narrateurs peu fiables en laborieux souvenirs déjà partiellement dissous dans l'acide métaphorique, de miroirs déformants en éventuels contes pour grands enfants ou en « histoires à dormir debout » pourtant racontées avec sérieux (l'énorme quête conquérante, mondiale et sans fin du flamboyant généralissime Ghor en étant certainement le plus bel exemple), vont pouvoir se dissoudre allègrement, pour finir dans les limbes incertains et largement hallucinés de villages abandonnés aux restes des guerres civiles, de camps de regroupement retournés à l'état sauvage, ou enfin, de faubourgs inondés dans lesquels pourront disparaître les barques du maréchal et du lecteur...

Allant encore plus loin que le sémillant et troublant « Reality Show » de Larry Beinhart, Pierre Jourde nous donne à voir, dans toute son ampleur, la vaine tentative du réel pour être autre chose qu'un récit… Aux emboîtements des narrations répondent ainsi, tour à tour, les empilements des sosies du maréchal, les intrications des complots à l'intérieur des complots, ourdis par les dignitaires médiocres et dépravés comme par les spécialistes éminents et gris des « Services », ou encore les bribes de mémoire arrachées aux derniers fidèles du dictateur déchu, disparus ou retraités…

Demandant sans doute un peu d'élan initial, cette lecture est une expérience précieuse.

"Afin de bien comprendre, il faut remonter aux origines du Maréchal, à l'époque où il n'était rien, pas même encore Alessandro Y. Avec Gaspaldi, Gris a patiemment reconstruit la vie factice du Maréchal, sa famille, ses origines. Ils font tous ça, les Guides suprêmes, je le sais bien. Mais dans le cas du Maréchal, c'est différent. Gris aurait pu n'avoir qu'à toiletter un peu. Dans le cas du Maréchal, il a dû partir de zéro. Brainstorming permanent, genre équipe de scénaristes hollywoodiens, tu vois. Toute une vie à fabriquer, ça implique de tailler dans la réalité. Car le Maréchal est issu d'un vide absolu."

"On l'avait enfermé dans le fourgon, nanti d'une camisole de contention, en bon cuir de vachette pleine peau, et flanqué de quatre miliciens. Pas des tendres, la Milice, hein, surtout dans le fond des départements. En moins de cinq minutes, le bûcheron avait fait éclater la camisole. Après, dans le fourgon, ç'avait été, à ce qu'on m'avait décrit, massacre à la tronçonneuse le retour. Trois kilos de TNT qui explosent dans la chambre de la petite soeur. Vu du dehors, paraît-il, l'habitacle était tellement secoué qu'on l'aurait cru bondé de taureaux en émeute. Indescriptible, dedans, quand on a ouvert. J'ai lu les rapports avec attention, tu penses bien. Finalement, il se l'est prise sa rafale de pistolet-mitrailleur. Et il a survécu. Trois mois d'hôpital, quatre opérations."

"Aussi idiot que cela soit, cela revenait me tourmenter : si l'autre, le fantoche, la future marionnette balançant au bout de son unique fil, n'était que le double d'un Maréchal caché, à savoir moi-même, qu'est-ce qui empêchait de supposer que moi, qui me prenais pour l'origine, le vrai, l'authentique, je ne sois pas le double de quelqu'un d'autre ? C'est la loi métaphysique du regressum ad infinitum, si tu m'autorises un peu de cuistrerie. j'ai eu de bonnes lectures, durant ma semi-retraite, je me suis cultivé, pendant que l'autre idiot, dans ses uniformes rutilants, passait son temps à déjouer des complots, à faire fusiller, à signer des décrets et à lire des rapports. "

"La vieille me disait avec minutie qu'Omar lui disait avec mépris que Kobal disait avec ironie que le Maréchal lui disait avec suavité que l'apparent moralisme occidental dissimulait bien souvent une forme de racisme, on le savait bien, mais enfin ils raquaient, on avait besoin d'eux, l'important était de donner le change."

"La plupart du temps, la servante déposait sur la table un plat rempli d'une viande en sauce. Aux éventuelles questions sur la nature de l'animal dont nous allions ingérer le cadavre, elle répondait par un haussement d'épaules et un grommellement. Lorsqu'on levait le couvercle, des remugles de sauvagine vous assaillaient, exhalés par les morceaux baignés dans une sauce mélancolique, déjà presque figée. Tout de suite, on était pris de l'irrépressible envie de remettre le couvercle, d'en plomber le bord, et d'aller inhumer ces pauvres restes à l'orée d'un bois, par une nuit sans lune."
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Je suis enfin venu à bout du Maréchal absolu, le roman somme que Pierre Jourde a publié à la rentrée. Je l'avoue, cette lecture a été longue et laborieuse. Il m'aura fallu plus d'un mois pour l'achever. A ma décharge, il faut dire que ce pavé se lit difficilement, pas tellement à cause de sa longueur (un peu plus de 750 pages), mais plutôt de son contenu, qui déroutera plus d'un lecteur par son ambition et sa démesure. L'auteur lui-même s'en inquiète dans une interview donnée au Salon littéraire début septembre. Plus récemment, il a reconnu à demi-mot sur son blog que le roman n'a pas rencontré son public. C'est bien dommage, car malgré ces difficultés, l'ouvrage mérite qu'on lui accorde un peu d'attention.
Construit sous la forme d'une tétralogie, le livre raconte la fin d'une dictature post-coloniale dans un pays imaginaire. le premier chapitre s'ouvre sur un monologue dans lequel le tyran assiégé par les rebelles dans la capitale s'adresse à son fidèle secrétaire particulier avant de finir les vertèbres brisées dans une scène de pendaison qui rappelle fortement celle de Saddam Hussein. Dans le deuxième chapitre, le lecteur apprend avec stupeur que l'homme qui a été pendu n'était qu'un des innombrables sosies du Maréchal. le vrai, lui (mais peut-être ne s'agit-il là encore que d'un double...), commente la chute du régime depuis l'une de ses innombrables abris secrets. Dans le troisième, c'est un personnage jusqu'alors secondaire qui prend la parole : cinquante ans après la chute du régime, l'agent des services spéciaux Schlangenfeld raconte à un journaliste les évènements auxquels elle a assisté et met en scène le rôle trouble joué par les services secrets dans l'ascension et la chute du despote. Enfin, dans le quatrième et dernier chapitre, c'est le secrétaire particulier lui-même qui, encore bien des années plus tard, se remémore depuis son lit d'hôpital les derniers jours du Maréchal et sa tentative désespérée pour reconquérir le pouvoir.
Vous l'aurez deviné à la lecture de ce résumé : le Maréchal absolu est un récit complexe, polyphonique et multiple. Il fait se croiser une série de points de vue différents sur des événements par nature confus, navigue entre le passé, le présent et l'avenir dans un tourbillon vertigineux qui laisse le lecteur étourdi. Cette narration sophistiquée pousse jusqu'à son paroxysme un jeu de reflets dans lequel nous venons à douter de la réalité et de la fiction. Qui parle ? Qui est le vrai Maréchal parmi tous ces sosies ? Qui se cache derrière ce "tu" destinataire ? Comment se retrouver dans ce délire égotiste ?
L'ouvrage porte le nom de roman, mais, à y regarder de plus près, il appartient en fait à une multiplicité de genres littéraires : l'épopée, le récit fantastique, le manuel de sciences politiques, le roman d'apprentissage, le roman historique, le récit picaresque, le roman d'espionnage, la farce rabelaisienne, le roman burlesque et même le théâtre comique entrent dans sa composition. Il y a du Machiavel dans ce récit, par la manière dont il met à nu les rouages de la mécanique du pouvoir, mais aussi une réflexion philosophique sur les rapports entre la réalité et la fiction, une synthèse historique des régimes dictatoriaux issus de la décolonisation et de la guerre froide, une farce burlesque à la Ubu roi, un plaidoyer humaniste pour la libération de la femme dans les régimes soumis à la loi islamique…. Ce roman touche à tout est un objet à l'ambition démesurée. Pas étonnant qu'il ait dérouté les lecteurs et la critique.
Pour ma part, je l'avoue, j'ai dû me faire un peu violence pour l'apprécier véritablement. Dans un premier temps, j'ai été rebuté par la trivialité et la truculence dont il se réclame. Il est vrai que le corps y est omniprésent, de préférence laid, obscène, obèse, difforme, gangréné, répugnant, déliquescent et putréfié. Mais une fois parvenu à rentrer dans l'univers de l'écrivain, je me suis pris au jeu, et au moment de refermer le livre, je n'ai pas regretté mes efforts.
Lien : http://www.marcbordier.com
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Le Maréchal Absolu, roman conséquent (plus de 700 pages) de Pierre Jourde, raconte par le biais de différents points de vue et perception le règne et la déchéance d'un dictateur d'un pays fictif, l'Hyrcasie, pouvant s'identifier à un pays du Moyen-Orient du fait de sa complexité ethnique et les relations conflictuelles entre voisins.
Ainsi, nous sommes successivement dans la tête du sosie du maréchal, du maréchal lui-même, d'un agent féminin des services réalisant les basses oeuvres du régime et enfin du serviteur délirant du dictateur.
Ce livre nous apporte une analyse quasi clinique de la dictature et de tous les effets sur la vie des gens, sur son irréalité entre cauchemar et absence de morale ou d'éthique. La réalité du pouvoir y est décrite de manière juste et incisive.
A l'inverse, le livre se perd dans des longueurs qui n'apportent rien aux thèses défendues et transmettent une exaspération certaine au lecteur. En outre, pour les âmes sensibles, certains passages (dont les derniers chapitres) sont particulièrement durs et n'ont pour moi aucune valeur ajoutée.
Je sors un peu déçu de la lecture de ce livre malgré des qualités certaines ; j'ai positionné une note défavorable car en plus d'être déçu, j'en suis sorti également soulagé de l'avoir terminé, ce qui n'est pas un signe évident de plaisir dans la lecture...
Je salue toutefois l'oeuvre de création de l'auteur et espère le retrouver dans des ouvrages plus concis et inspirés.
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Comment est-ce possible? Sur internet pas vraiment multitude d'avis sur ce roman! Il faut dire que le bestiau a de quoi impressionner, du haut de ses plus de 700 pages. Quant au thème annoncé en (fort correcte) quatrième de couverture, courage fuyons! Mais un esprit de contradiction et d'aventure très fort, un vague souvenir d'avoir lu La littérature sans estomac, et l'amour des trucs improbables ont contribué à une semaine de lecture scotchante et hallucinante, oui. Qui plus est, dès la première page, j'ai su que ça allait se révéler grandiose.

Alessandro Y., tout puissant Maréchal, règne sur la république d'Hyrcasie. Ne pas chercher dans un atlas, car au fil de la lecture se lèvent des souvenirs de guerres d'indépendance, de guerres civiles en Afrique centrale ou de l'ouest, de despotes d'ex-républiques soviétiques ou d'Amérique du sud, d'Amin Dada à Khadafi il y a du choix.

Diviser pour régner, être craint, éliminer les trop intelligents, ceux à dents longues. Tout prévoir, y compris une flopée de sosies plus ou moins ressemblants chargés des chrysanthèmes, sorties et réunions, et éventuellement de finir dans un attentat sanglant, à votre place.

Mais hélas les rebelles sont maîtres de quasiment tout le pays, acculant dans son palais le Maréchal , qui saoule de ses souvenirs de gloire, passée, présente et à venir, son secrétaire Manfred-Célestin, conseiller, vieille pacotille, inopérante engeance, masseur, barbier...

Avouons un petit coup de mou en fin de première partie, balayé par le chapitre 8, barré de chez barré, où l'Odyssée de Ghor et son armée à travers le monde entier, carrément, est un chef d'oeuvre de grand n'importe quoi. Ensuite, les trois parties suivantes se sont avalées comme des petits pains, en dépit de certains passages fumant de violence et de cruauté. Souvent on a du mal à suivre (pas de souci, les personnages eux aussi se questionnent également, rêvent-ils ou quoi?). Agents dormants, Services secrets s'en donnent à coeur joie, agents doubles (triples voire quadruples), un véritable manège.

Et je n'ai pas parlé de l'écriture, drue, truculente, onirique parfois, familière, travaillée tour à tour, un feu d'artifice. Ah on jubile! Sans oublier une construction ménageant les effets et les rebondissements. Quand on pense qu'un des personnages principaux arrive juste avant la page 300...

A lire absolument, bien sûr!Un grand moment de lecture.

"On squattait les boutiques vides, les bureaux, les appartements. Les réfugiés y proliféraient, les lieux devenaient trop étroits pour loger toute la marmaille. On poussait les vieux toujours un peu plus loin, un peu plus à l'étroit. Ils s'obstinaient à vivre, à occuper quelques précieux centimètres carrés du bout des semelles de leurs charentaises. La grand-mère finissait dans le buffet Henri IV, où elle attendait la fin, ce n'était pas une mauvaise propédeutique au cercueil. Un autre se recueillait au fond du vase Ming, qui peut accoutumer à l'urne cinéraire."(etc... page 109)

"A la suite d'une erreur d'orientation de son aide de camp, Ghor s'empare de la Papouasie. L'opération se solde par de lourdes pertes. Plusieurs compagnies sont mangées par l'ennemi. D'autres sont mises à sécher en prévision des disettes futures. La division Grossmann disparaît au beau milieu de la campagne, s'égare dans la jungle et le brouillard des plateaux, traverse une chute d'eau, longe un corridor souterrain, trouve des escaliers, les monte, massacre une petite troupe d'indigènes qui s'opposait à son passage, écarte un rideau rouge, et apparaît sur la scène de l'opéra de Manaus pendant une représentation d'Aïda, sous les applaudissements du public." (etc...page 141)
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Avec Pierre Jourde, il convient d'avoir l'estomac solidement accroché quand on s'attaque à ses oeuvres. En l'occurrence, on pourrait croire que son imposant pavé sur la fin de ce dictateur grotesque, consiste en un mélange indigeste de cuisines épicées mais discordantes, issues des plus beaux exemples d'autocrates qu'a connu le monde. Il n'en est rien. Si les premiers chapitres sont truculents, on se fait vite retourner la tête par les subtiles jeux d'influences, d'espionnages et de manipulations qui se mettent en place. Si la société, le pays, le monde dans lequel vit ce Maréchal Absolu, est fictif, il n'en devient pas moins universel, car sa précision époustouflante finit par le rendre familier, évident. Au final, on a la sensation de lire un puissant essai sur l'exercice du pouvoir, fût-il autocratique, fût-il mégalomaniaque. Vouloir tout contrôler, tout manipuler, tout connaître, tend à la folie, à la paranoïa, jusqu'à des extrêmes insoupçonnées.
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critiques presse (4)
Lhumanite
04 février 2013
Une synthèse rabelaisienne et hilarante.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Lexpress
03 janvier 2013
Quatre voix décrivent la fin d'une dictature: avec verve, l'auteur montre la folie et la limite de la dé-réalisation.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
07 décembre 2012
Avec sa grande fresque sur un dictateur fou, l'écrivain pamphlétaire signe un récit flamboyant sur le pouvoir de la fiction.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Bibliobs
27 septembre 2012
Ce va-et-vient à travers les temps du mal nous révèle ici la générosité de Pierre Jourde, qui ne craint pas de plonger dans cet enfer de l’humanité pour nous raconter une histoire – qu’il me soit permis de contredire les derniers mots du roman – «une très belle histoire»: un grand roman.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
L'habitude du pouvoir, l'obéissance, l'aplanissement des petits problèmes de la vie quotidienne les ont rendus semblables à des enfants : ils n'imaginent plus que la réalité puisse résister. Elle a fini par prendre la malléabilité du rêve. Encore maintenant, ils ne parviennent pas à se convaincre que le désastre puisse être aussi complet. Tout reste possible, les choses peuvent toujours se métamorphoser comme par magie.
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Je savais à peu près comment persuader un homme que l'on est une femme qui a consenti par passion au sacrifice de sa vertu. Je savais aussi faire semblant de consentir malgré moi aux fantaisies sexuelles qui faisaient ses délices, qu'il prenait pour des privautés, et dont j'avais déjà, avec d'autres, pu mesurer la banalité. Bien sûr j'étais classiquement prise d'accès de remords bien spectaculaires, je pleurais mon honneur, je ne voulais plus jamais le voir. Je ne répondais plus au téléphone, je lui fermais ma porte pendant des semaines, histoire d'enfoncer l'hameçon un peu plus profond.
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A la suite d'une erreur d'orientation de son aide de camp, Ghor s'empare de la Papouasie. L'opération se solde par de lourdes pertes. Plusieurs compagnies sont mangées par l'ennemi. D'autres sont mises à sécher en prévision des disettes futures. La division Grossmann disparaît au beau milieu de la campagne, s'égare dans la jungle et le brouillard des plateaux, traverse une chute d'eau, longe un corridor souterrain, trouve des escaliers, les monte, massacre une petite troupe d'indigènes qui s'opposait à son passage, écarte un rideau rouge, et apparaît sur la scène de l'opéra de Manaus pendant une représentation d'Aïda, sous les applaudissements du public.
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On squattait les boutiques vides, les bureaux, les appartements. Les réfugiés y proliféraient, les lieux devenaient trop étroits pour loger toute la marmaille. On poussait les vieux toujours un peu plus loin, un peu plus à l'étroit. Ils s'obstinaient à vivre, à occuper quelques précieux centimètres carrés du bout des semelles de leurs charentaises. La grand-mère finissait dans le buffet Henri IV, où elle attendait la fin, ce n'était pas une mauvaise propédeutique au cercueil. Un autre se recueillait au fond du vase Ming, qui peut accoutumer à l'urne cinéraire.
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Souviens-toi de la Révolution française. Plus ils s'autonettoyaient à l'intérieur, plus ils gagnaient à l'extérieur. Les demi-mesures et les arrangements nous ont gangrenés. Mais c'est terminé. Quand enfin toutes les factions auront été éliminées, lorsque nous nous serons purifiés des traîtres, des lâches, des tièdes, lorsque nous pourrons brandir pur et clair le glaive de la Révolution nationale, alors seulement nous pourrons sérieusement affronter la rébellion.
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Vidéo de Pierre Jourde
Une version scénique et inédite de « Bookmakers », par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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