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EAN : 9782330190859
256 pages
Actes Sud (10/04/2024)
4.02/5   415 notes
Résumé :
Après le succès de la trilogie Rosalie Blum, Camille Jourdy revient avec un nouveau roman graphique, vaudeville familial haut en couleur.
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Critiques, Analyses et Avis (70) Voir plus Ajouter une critique
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De Paris, Juliette débarque chez son père pour quelques jours. Fuir la vie tumultueuse ? Se reposer ? Toujours est-il qu'elle est la bienvenue chez son papa, même si celui-ci ne l'attendait que le lendemain. Dans le petit appartement qu'il habite seul, elle retrouve sa chambre telle qu'elle l'a laissée. Y flotte comme un brin de nostalgie. Dès le lendemain, elle va rendre visite à sa soeur, Marylou. Mariée, 2 enfants et aide-ménagère, ses journées sont bien remplies d'autant plus qu'elle doit ruser pour passer du bon temps avec son amant.
Quelques jours plus tard, en flânant dans son ancien quartier, elle passe devant la maison de son enfance. Celle-ci est occupée par un surnommé Pollux, un vieux gars un peu perdu et timide, à la vie quelque peu ennuyeuse et qui passe son temps au bar à jouer aux fléchettes, s'inventant parfois des aventures amoureuses.

Voilà une magnifique chronique familiale douce-amère et romantique... L'on fait connaissance avec Juliette, jeune parisienne d'adoption, frêle, fragile et hypocondriaque, qui vient, pour un temps, s'installer chez son père. N'oublions pas pour autant son exubérante soeur, une rouquine rondouillarde et pleine de vie. Deux soeurs que tout semble opposer. Autour d'elles, un papa un peu seul et enfermé, une maman survoltée et excentrique, un vieux gars à la vie quelque peu étriquée, un amant qui vient au rendez-vous déguisé, une mamie atteinte d'Alzheimer et bien d'autres. Une galerie de personnages terriblement attachants que Camille Jourdy met dans des situations tantôt drôles, tantôt mélancoliques, tantôt émouvantes ou encore gênantes. Les dialogues sont savoureux, notamment lors de ce repas familial. Graphiquement, le trait est simple mais efficace. Sur fond blanc, dépourvues de contours, les planches aux couleurs tendres s'agrémentent ici et là de scènes plus contemplatives au graphisme plus soigné.
Un album empli de finesse, de poésie et de douceur.
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Et si je vous parlais de Juliette, écrite et dessinée par Camille Jourdy. C'est une merveilleuse BD tout en rondeur, presque en apesanteur. Les couleurs ont quelque chose qui rappelle du pastel. C'est un charme désuet, comme un tableau du Douanier Rousseau... Oh ! Oh !
Mais voilà, derrière les rondeurs, tout ne tourne pas toujours rond et derrière les joues roses de Juliette, ce n'est pas toujours rose... Il y a de la souffrance dans cette BD, on ne la devine pas tout de suite. C'est plutôt une sorte de mélancolie douce-amère qui se promène entre les pages et les dessins, les courbes et les mots... Les maux aussi... Les personnages sont à la fois solitaires et attachants. C'est un récit intime, celui de Juliette qui prend le train sur un trajet déjà plein de la poésie du quotidien, donnant le ton de cette BD. Hypocondriaque et anxieuse, Juliette a des nœuds plein la besace, quoi de mieux que de tenter de les défaire au contact de ses racines : les parents, sa sœur Marylou, la grand-mère... Juliette est un roman de la famille, une famille ordinaire, c'est-à-dire forcément très compliquée, avec son lot de non-dits, de secrets, d'ombres et de lumières... Juliette pense venir s'y ressourcer, en même temps elle vient avec ses doutes, ses angoisses et voilà, elle tombe brusquement dans un vaudeville burlesque. Ah ! Les repas de famille...
Derrière toute comédie se cachent du mal-être, de la douleur. Les pages se déplient, Juliette déambule parmi les cris et les fracas de sa famille. Chaque personnage promène sa propre histoire, sa petite musique : l'amant de sa sœur qui rejoint celle-ci dans le jardin potager, déguisé en lapin, mais oui... la grand-mère atteinte de la maladie d'Alzheimer qui retrouve la mémoire quand on s'y attend le moins. Cette BD est un jeu de miroir avec la mémoire. Et puis il y a Pollux, vieux garçon avec lequel Juliette se lie d'amitié, car il habite son ancienne maison. C'est la seule personne à qui elle va confier ses angoisses. Il fréquente un bar où il passe son temps à jouer aux fléchettes, recueille un caneton dans un parc et c'est le début d'une histoire avec Juliette. Ils s'effleurent, se cherchent, s'étonnent, s'attendent, se perdent aussi. C'est beau. On voudrait qu'ils s'aiment, qu'ils aillent plus vite l'un vers l'autre. On a envie de remuer les pages pour accélérer leur destin. Mais voilà, le temps de Juliette n'est pas forcément notre temps à nous et c'est bien comme cela aussi. Ils font ensemble un bout de chemin dans cette déambulation tout en rondeur, c'est déjà ça. J'ai aimé cette BD pour tout ce que je viens de vous écrire...
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, dont la première édition date de 2016. Elle a été réalisée par Camille Jourdy pour le scénario, les dessins et les couleurs. L'autrice a également réalisé une trilogie à succès : Rosalie Blum.

Juliette a pris le train pour se rendre à Dijon et elle regarde le paysage défiler par la fenêtre : les maisons, les rails, un dépôt de marchandise avec ses camionnettes de livraison, des pylônes EDF, des pavillons de banlieue, etc. Deux mamies viennent s'installer sur une banquette de l'autre côté de la travée, ayant failli rater leur train en se trompant d'une heure sur son horaire. Dans sa maison de banlieue, Marylou prépare ses deux enfants (Simon 11 ans, et le petit) pour les emmener à l'école. En revenant de les déposer, elle s'arrête devant la boutique Au Bal Masqué, et le gérant en sort pour la saluer. Ils flirtent un peu, et ils s'embrassent sur la bouche, puis elle redémarre, la voiture derrière klaxonnant avec insistance. Juliette est descendue du train et sort de la gare, mais personne n'est venu la chercher Elle se rend à pied jusqu'au petit immeuble où habite son père. Elle sonne, son père Jean lui ouvre en s'étonnant de la voir, puis en s'excusant parce qu'il pensait qu'elle n'arrivait que demain, même si Marylou, la soeur de Juliette, lui a répété au moins vingt fois. Il oublie tout, d'ailleurs si Juliette croise la télécommande, qu'elle la lui donne car ça fait quinze jours qu'il est coincé sur M6. Elle se rend dans sa chambre qu'elle retrouve comme elle l'a laissée quand elle est partie pour Paris. Elle est là, pour quelques jours de vacances.

Au café-restaurant le Tropical, Polux (monsieur Georges), un habitué, est en train de changer une ampoule, à la demande de la patronne Nénette. Puis il va s'en jeter un au comptoir et papote avec un autre habitué qui le charrie sur la fois où il l'a vu en robe avec du rouge à lèvres. Marlène qui est en train de jouer aux fléchettes demande à connaître l'anecdote. Elle lui propose de faire ça aux fléchettes : si elle gagne, il doit se déguiser en femme, si elle perd elle se déguise en homme. Elle part avec un troisième habitué. Après un coup d'oeil au chien dans son panier, aux grilles de loto et au pichet d'eau pour l'anisette, Polux rentre chez lui. Il fume une cigarette sur le chemin. C'est un sacré bazar chez lui, et il appelle tout haut : Brigitte ? Il constate que même sa femme imaginaire ne lui répond pas. le soir, Marylou s'occupe de son plus jeune : elle fait le cheval, lui passe son pyjama avec l'aide de son mari qui fait faire ses exercices d'allemand à son fils Simon. le petit gigote dans tous les sens et finit par renverser le verre de magnésium de Simon, ce qui énerve la maman. de son côté, Juliette surfe tranquillement sur internet pour un projet personnel. Puis elle finit par céder à la tentation et faire une recherche en entrant les mots : Battements de coeur irréguliers. Elle prend connaissance des résultats puis se rend dans le salon où elle s'assoie silencieusement sur le canapé à côté de son père. Il ne lève pas les yeux de son journal, ne dit rien, ne prête pas attention à sa présence. Elle se lève en indiquant qu'elle va faire un tour dehors.

Scènes de la vie ordinaire : la plus jeune revient passer quelques jours chez son père, rend visite à sa soeur, va voir sa grand-mère chez elle, va voir la maison où sa famille occupait un appartement avant que ses parents ne divorcent, fait connaissance superficiellement avec le nouveau locataire, s'inquiète pour sa propre santé, participe au repas de famille pour l'anniversaire des 12 ans de Simon. En parallèle, l'autrice consacre des séquences à la vie quotidienne de Marylou, et à celle de Polux. C'est mignon et doux, sans beaucoup de tension dramatique, même si quelques moments saugrenus surviennent. Camille Jourdy utilise des couleurs pastel, générant cette sensation de douceur. Elle détoure les personnages et les éléments visuels avec un trait de crayon fin, légèrement irrégulier comme s'il n'était pas complètement assuré, mais avec une grande précision. Il s'agit donc d'un choix conscient de l'autrice pour marquer une forme de délicatesse vis-à-vis de ses personnages. de temps à autre, elle passe en mode couleur directe, avec un rendu évoquant le Douanier Rousseau, mais avec plus de détails concrets, alliant ainsi une forme de naïveté, avec un regard attentif aux détails, toujours avec douceur.

Le lecteur se prend au jeu de côtoyer ces personnages inoffensifs, mais avec des caractéristiques bien établies qui les rendent uniques et humains. Il se balade avec eux dans une zone urbaine sympathique, sans être riante, mais sans être agressive non plus. Il se demande vaguement ce qui a motivé Juliette à venir passer quelques jours chez père, s'il y a une autre raison que de voir sa famille quelques jours. Rapidement, il se retrouve dans leurs limites qui le rendent humain : le côté hypocondriaque de Juliette, les cachoteries de Marylou, la maladie d'Alzheimer de la grand-mère, le manque de motivation de Jean, le manque de motivation d'une nature différente de Polux, le comportement fofolle de Claire Girard-Sellier (la mère de Juliette & Marylou), etc. L'artiste met en oeuvre une direction d'acteurs de type naturaliste, et chaque personnage devient émotionnellement très proche et très réel pour le lecteur. Il sourit de temps à autre devant des moments saugrenus qui dénotent avec la banalité du quotidien avec le train-train très ordinaire des uns et des autres. Ça commence avec la relation extraconjugale de Marylou et son amant qui arrive toujours déguisé. Ça continue avec des événements comme les tableaux réalisés par Claire Girard-Sellier et exposés dans une galerie, l'adoption d'un poussin par Polux. Ce ne sont pas des événements impossibles ou délirants mais ils sortent de l'ordinaire en comparaison du reste.

Mais quand même de temps à autre, le lecteur se retrouve surpris. Pour commencer, il ne s'attend pas au degré de détail dans les descriptions visuelles. Quand Polux ouvre la porte de son appartement en rentrant chez lui, le lecteur peut détailler tout le bazar présent dans chaque case : cadre de travers, chaussette solitaire par terre, table basse encombrée par un percolateur et des magazines, téléphone à même le sol, chaussure esseulée, classeurs jetés sous la table basse, calculette, stylo, cendrier pot de yaourt vide, quignon de pain, tout ça sur la table basse. Alors que les dessins peuvent donner l'impression d'être à destination d'enfants du fait de leur douceur, la finesse de la description s'adresse à des adultes : l'attention portée à chaque décoration intérieure, la possibilité d'identifier chaque essence d'arbres ou de plantes, les motifs des toiles cirées sur les tables, l'aménagement paysager du jardin de Marylou et Stéphane, la diversité des formes et des architectures des pavillons du quartier, le décor de la cuisine de Marylou, le revêtement de sol du café-restaurant, etc. Il s'aperçoit également que l'autrice réalise entre 9 et 10 cases par page ce qui représente une narration visuelle dense. Elle choisit avec habileté les cases sans décor en arrière-plan, et celles avec un environnement minutieusement représenté. Sous une simplicité apparente, se trouve une narration visuelle riche et sophistiquée.

Le lecteur se rend également compte que ces personnages en apparence un peu falots et bonne pâte souffrent tout autant que lui, à commencer de la solitude. Juliette est également inquiète pour sa santé, son père Jean semble avoir renoncé à toute envie, tout objectif. Polux semble s'être résigné à une vie sans amour, sans enjeu. Marylou n'est clairement pas heureuse de sa situation, malgré une famille aimante, un mari compréhensif et aidant, un amant très attentionné. Il ne s'agit pas d'un mal être existentiel pour attirer l'attention, ni d'une insatisfaction insaisissable, incontrôlable. Les personnages n'en font pas un drame mais ils n'en souffrent pas moins. Camille Jourdy se montre très habile à faire exister ses personnages en douceur, mais aussi à développer son propos en arrière-plan, presqu'en catimini. Marylou et son amant se retrouvent une dois par semaine, dans la serre du jardin de la première. C'est pratique et anecdotique, mais pas tout à fait car c'est aussi un clin d'oeil à Adam & Ève dans le jardin d'Eden. À l'une de leur rencontre, l'amant arrive déguisé en loup, cela s'inscrit dans une série de déguisement animalier, un de plus comme les autres, mais pas tout à fait. C'est aussi le loup dans la bergerie qu'est la cellule familiale, et en plus dans la scène suivante, Juliette évoque le conte du Petit Chaperon Rouge, en parlant avec sa grand-mère, en particulier les grandes dents du loup.

Un peu plus tard se déroule le repas d'anniversaire des 12 ans de Simon, en famille, avec les parents de son père (Stéphane), et les parents divorcés de sa mère (Marylou), Juliette et sa grand-mère. Machinalement, Juliette, Marylou et leurs parents se lancent des piques, pas méchamment, les piques habituelles dans une famille, mais qui justement font mal parce qu'elles proviennent d'eux. Dans l'une des dernières scènes, Marylou conduit la voiture de sa mère Claire, avec Juliette sur le siège passager, et leurs deux parents divorcés (Claire et Jean) sur la banquette arrière. L'autrice a ainsi inversé le schéma habituel des enfants derrière et les parents devant, comme si la nouvelle génération avait pris les rênes de l'avenir. En fonction de son histoire personnelle, de ses relations avec les membres de sa famille, le lecteur peut être saisi par la justesse pénétrante de la dynamique relationnelle entre 2 personnages. Par exemple, il peut être surpris que Jean n'adresse pas la parole à sa fille Juliette qui séjourne chez lui. Il comprend plus tard que c'est sa manière à lui de respecter l'indépendance de sa fille, de ne pas revenir dans une dynamique paternaliste, et qu'il n'a pas su comment établir une autre forme d'échanges avec sa fille devenue adulte.

Voici une bande dessinée qui sort des sentiers battus : l'histoire est banale avec une narration tellement douce qu'elle rend les événements d'une extraordinaire banalité. Dans le même temps, sous la douceur des couleurs et des formes, la narration visuelle s'avère être d'une grande richesse dans les détails, d'une grande évidence dans la direction d'acteurs, d'une grande justesse dans la représentation de ce quartier tranquille mais pas générique. le mal être diffus des personnages ne vire pas au drame. Pour autant il n'est ni ridicule ni léger au point de pouvoir être écarté d'un simple revers de main. Il faut un peu de temps au lecteur pour comprendre que ces individus semblent comme figés dans une stase, dans un comportement qui ne peut plus évoluer, comme s'ils avaient abdiqué leur capacité à évoluer. Mais dans le même temps ce constat, cette acceptation de leur fonctionnement émotionnel figé ne les empêche pas de vivre avec et d'apprécier les autres. Ces individus se sont retrouvés confrontés à leurs limites, et ils oscillent entre résignation (et donc défaitisme) et acceptation (et donc possibilité de faire avec). Une bande dessinée tout en douceur, d'une grande sensibilité pour la vie d'êtres humains qui ne sont pas des gagnants dans l'âme.
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Juliette, « parisienne coincée » et hypocondriaque, vient se ressourcer quelques jours chez papa - problèmes de boulot ? Crise existentielle, en tout cas, qui se manifeste par un sentiment de vacuité et des bouffées d'angoisse. Sa soeur aînée Marylou a d'autres problèmes : mariée, mère de deux enfants, elle doit ruser pour passer un peu de temps avec son amant.

Chronique familiale douce-amère autour de deux soeurs que tout oppose, à commencer par l'éducation reçue (par les mêmes parents, pourtant), et la façon dont on les considère : « Marylou elle est forte, elle encaisse les coups. Alors que Juliette, elle est toute fragile, toute mignonne, toute douce... C'est quoi le mieux ? La grosse bourrine ou la niaise en sucre ? »

Malgré le graphisme - qui me fait penser à la série jeunesse Tom-Tom et Nana -, j'ai rapidement été séduite par l'histoire, ses protagonistes (le papa, M. Georges et l'amant), les scènes vaudevillesques, l'ambiance mélancolique (prises de bec parentales et familiales, maladie d'Alzheimer, solitude, déprime, secrets de famille...), la justesse de certaines situations.

De Camille Jourdy, j'ai également aimé la trilogie 'Rosalie Blum', récemment adaptée au cinéma. J'ai suffisamment oublié l'intrigue pour être tentée de découvrir ce film.
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Je suis entrée dans la librairie dans l'espoir d'y trouver "Rosalie Blum" -le film m'a eue!- et j'en suis ressortie avec "Juliette" sous le bras, ne sachant pas trop si j'étais ravie de ce changement imprévue de cavalière ou bien déçue. J'ai appris que parfois, il fallait se méfier des élans lyriques d'un libraire par trop énamouré.
Enfin, quitte à s'être laissée convaincre, autant jouer le jeu, lire. Je suis rentrée, je me suis blottie sous ma couette (la pluie... la pluie!) avec l'épais ouvrage de Camille Jourdy.

D'emblée, je ne me sentais pas attirée par les dessins, les graphismes mais la douceur du trait, le souci du détail qui transparaît dans chaque vignette, comme si le dessin voulait rendre un hommage à la fois poétique et réaliste au quotidien m'a finalement attrapée -mon libraire n'avait pas tort- et je m'y suis lovée avec plaisir, comme dans une couverture, à l'assaut de l'histoire et des personnages.
Si les dessins sont tout en rondeur, si les couleurs sont pastels et recèlent un charme un peu désuet, force est de constater que chez "Juliette" tout n'est pas si tendre, si doux; au contraire. Cette histoire, qui coule tout doucement, comme le temps et et la vie qui passent, sans trop de bruits ou de grands fracas, de tragédie est faite de souffrances, de silences qui font mal, de rendez-vous manqués et de poésie aussi.

Juliette ne va pas bien. D'aucuns pourraient dire qu'elle est dépressive, puisqu'il faut étiqueter les gens comme les bocaux de confiture. Elle traîne perpétuellement un air un peu triste, un peu paumé et s'inquiète constamment de son coeur qui bat trop vite. Ou pas assez. Elle décide donc de quitter Paris pour rentrer passer un peu de temps chez son père, sorte de Pierrot lunaire cynique et solitaire, rendu morose par un divorce difficile.
Dans la famille, il y a Marylou aussi, la grande soeur de Juliette, celle que tout le monde trouve si forte et si courageuse. Elle n'est pourtant pas plus heureuse que sa petite soeur, plus fragile, et cherche à vivre un peu mieux, un peu plus tous les jeudis après-midi dans la serre où vient la retrouver le propriétaire d'une boutique de déguisements.
La tribu ne serait pas complète sans la mère qui a refait sa vie. Plusieurs fois. En ce moment, c'est avec un hippie, mais ça pourrait aussi bien être avec un banquier. Ce qu'elle veut, elle, c'est de la légèreté, du rire. Ce que son ex-mari ne lui donnait pas.
Et puis la grand-mère, qui attend sa maman, qu'il faudra placer parce qu'elle ne peut plus vivre seule, qui a tout oublié mais qui révèle quand même à Juliette ce secret qu'on a toujours voulu lui cacher.
Pollux enfin.
Il n'est pas de la famille mais vit dans la maison qui était la leur. Pollux est un vieux garçon qui passe son temps au café du coin, qui se laisse aller. Même ses femmes imaginaires l'ont quitté.
Juliette Le rencontre alors qu'elle erre dans l'impasse où elle a vécu autrefois, même si elle ne s'en souvient pas.
C'est la rencontre qu'ils n'attendaient pas et pourtant. Pollux et Juliette se parlent et se rapprochent, ils avancent timidement l'un vers l'autre. C'est fragile une histoire qui pourrait naître, ça peut se briser très vite, se cabosser, surtout quand ceux qui pourraient la vivre ont déjà des bleus.
Peut-être qu'ils finiront pas aller mieux. Peut-être que la vie peut-être aussi simple et aussi jolie qu'un caneton qui s'égaille dans une cuisine. Peut-être... Ou pas. Qui sait?

"Juliette" est une chronique douce-amère d'une famille comme les autres, l'histoire un peu banale -mais belle parce que banale- de ses membres qui tanguent et qui s'accrochent malgré leur mal de vivre.
Roman graphique sensible et délicat, c'est une histoire simple et belle comme un film de Claude Sautet qui rend hommage à la vraie vie et aux héros qui n'en sont pas, qui habillent de lumière et de couleurs douces les âmes tristes qui cherchent juste des arcs-en-ciel parce que le bonheur est trop intimidant.

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critiques presse (4)
Telerama
16 mars 2016
Chaque geste, chaque regard est scruté, capté et fait l'objet d'un micro-tableau ; des centaines de vignettes qui, mises bout à bout, donnent l'illusion d'un film.
Lire la critique sur le site : Telerama
BoDoi
09 mars 2016
Une comédie du quotidien aussi belle et intelligente, humble et lumineuse, on n’en lit pas souvent en bande dessinée. Alors, ne nous privons pas.
Lire la critique sur le site : BoDoi
ActuaBD
04 mars 2016
Camille Jourdy nous revient avec une tragicomédie familiale et sensible sur les traces de Juliette, trentenaire à fleur de peau, laissant Paris pour retrouver une famille haute en couleur sur les lieux de son enfance.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
Liberation
23 février 2016
Mélancolique et comique, Camille Jourdy met en scène des personnages qui subissent la vie, non sans une certaine légèreté.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
- J'ai fini pour aujourd'hui Mme Bertier. Je reviens demain. Il faut appuyer sur ce bouton-là quand je sonne, d'accord ? Pas celui-là, ça c'est la télécommande. Le bip est à droite, le téléphone au milieu et la télécommande à gauche.
- Vous vous rendez compte, je ne me souviens même plus de mon mari.
- Vous n'avez jamais été mariée Mme Bertier.
- Ah... C'est encore pire que ce que je croyais alors...
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- Prends mes sous ou je refile tout à une association humanitaire au pif.
- T'es timbré.
- J'ai quand même bien le droit de te payer des études ! T'es partie de la maison tellement tôt que je ne t'ai jamais rien payé du tout.
- Oh tu t'en foutais pas mal que je me barre d'ici, pour ce que tu faisais attention à moi...
- Ah parce que t'aurais voulu que je t'empêche de te marier ? C'est nouveau ça... Ça va être de ma faute...
- Tout ce qu'on faisait on avait l'impression que tu t'en foutais !
- Je m'en foutais pas, je respectais vos choix de vie.
- Et aujourd'hui, tu les respectes plus ?
- Mais parce que j'ai l'impression que tu n'es pas vraiment heureuse.
- Haha ! t'as remarqué ça toi... Et bientôt tu vas nous dire que tu nous aimes ? T'as raison, tu dois avoir Alzheimer...
- Tu prends ce chèque et arrête de m'emmerder.
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DING DONG
- Ah quand même ! Qu'est-ce que vous foutez ?
- Grand-mère n'était pas prête. (…) Ferme pas y'a ton excitée de mère et son nouveau mec qui suivent.
- Commence pas à être désagréable, ok ?
- Si j'avais voulu être désagréable je t'aurais dit de fermer.
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- J'adore tes seins.
- Pff... Tu parles, c'est plus des seins tellement ils se cassent la gueule.
- J'aime bien tes fesses aussi.
- Haha, c'est bien t'es pas difficile.
- Et puis ta peau, elle sent l'abricot.
- Ça doit être le produit vaisselle.
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- C'est ton permis ? Fais voir la photo... Wou... !
- Pas mal, hein ?
- T'as quel âge là-dessus ?
- Vingt ans.
- Hé Manu, regarde.
- Oh ! Jolie !.... Seb ! Viens voir les ravages du temps.
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Videos de Camille Jourdy (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Camille Jourdy
Lauréate du prix Pépite BD du Salon - France Télévisions, en 2019, pour Les Vermeilles (Actes Sud BD), l'autrice-illustratrice Camille Jourdy était l'invitée de la Pause Kibookin. #Shorts #bookrecommendations
À cette occasion, elle nous a donné le titre du livre quelle offre toujours aux enfants.
On vous donne un indice, le personnage principal fait woof woof et son pelage tire vers le bleu.
Et vous, quels livres offrez vous ? Dites-le nous en commentaire !
Extrait de la Pause Kibookin https://www.youtube.com/playlist?list=PLgS2-BJWaWq4_S9qsgMo2PkqrZIXi-4gs
Polychrome Films
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Je suis un physicien tête-en-l'air et un peu dur d'oreille. J'apparais pour la première fois dans "Le Trésor de Rackham le Rouge". Mon personnage est inspiré d'Auguste Piccard (un physicien suisse concepteur du bathyscaphe) à qui je ressemble physiquement, mais j'ai fait mieux que mon modèle : je suis à l'origine d'un ambitieux programme d'exploration lunaire.

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