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Ludmila Savitzky (Traducteur)Jacques Aubert (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070385690
473 pages
Gallimard (03/11/1992)
3.59/5   202 notes
Résumé :
DELALUS


C'est le premier succès achevé de Joyce, terminé vers 1914. Roman autobiographique, l'auteur y raconte son enfance et sa jeunesse à Dublin, son éducation chez les jésuites, ses révoltes contre ces mondes clos, sa libération par la vocation artistique (d'où le titre). Le style va du réalisme brutal à la plus grande poésie, de l'ironie à l'émotion. Joyce y donne avec clarté - ce sont les deux ouvrages ultérieurs, Ulysse et Finnegans W... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Soit d'une exubérance folle mais incompréhensible avec Ulysse, soit d'une grande accessibilité mais d'un classicisme plus ennuyeux avec ce Portrait de l'artiste en jeune homme, James Joyce n'a pas encore réussi à trouver l'équilibre qui saura me convertir à son art littéraire.

Cela commençait pourtant bien :


« Il était une fois, et c'était une très bonne fois, une meuh-meuh qui descendait le long de la route, et cette meuh-meuh qui descendait le long de la route rencontra un mignon petit garçon nommé bébé-coucouche… »


Mais la narration ne continue pas sur ce ton-là –et si elle l'avait fait, elle aurait d'ailleurs certainement fini par devenir épuisante.


Le parcours de Stephen est vraisemblablement inspiré de celui de James Joyce. En daignant s'observer, le personnage nous livre surtout un bilan précoce de ce qu'il pense ensuite devenir. La religion prend une place importante dans ses réflexions mais elle est évoquée d'après des enjeux existentiels qui les rendent aujourd'hui obsolètes. de même, le récit de l'éducation de Stephen chez les jésuites a peut-être une valeur de témoignage intéressante mais ne sait pas captiver par elle-même. Quoiqu'il en soit, James Joyce ne s'éloigne pas des préoccupations communes à l'humanité. Quel que soit le système de valeurs en vigueur à un moment et à un lieu donnés, les crises existentielles se manifestent presque toujours sous une forme identique et drainent les mêmes questions : comment donner du sens à sa vie ? que faire de ce matériau offert à la naissance ? …


« Il n'avait pas envie de jouer. Il avait envie de rencontrer, dans le monde réel, l'image insubstantielle que son âme contemplait avec une telle constance. Il ne savait où la chercher ni comment, mais une prescience le conduisait, lui disait que cette image viendrait à sa rencontre, sans aucun acte déclaré de sa part. »


Peu à peu, Stephen confronte ses interrogations à la réalité et voit apparaître une sorte de réponse construite sur les bases sémantiques et culturelles de son environnement :


« Cette notion du sens divin de la nature entière, accordée à son âme, état si absolue et si indiscutable qu'il ne comprenait guère pourquoi il était nécessaire le moins du monde qu'il continuât de vivre. Cependant, cela faisait partie des desseins de Dieu, et il n'osait en mettre l'utilité en question, lui surtout qui avait péché si gravement, si ignoblement contre ces desseins. »


Mais Stephen ne peut pas consacrer sa vie à la fonction ecclésiaste et lorsqu'il cherche une autre voie à sa réalisation personnelle, il penche vers l'esthétique, entre conformité à son éducation jésuite et rébellion –car l'art autorise des prises de position controversées. Cette prise de conscience ne se produit qu'au cours de la dernière partie du livre et ouvre lieu à des discussions vivantes et intéressantes autour de la question de l'esthétique en général et du beau en particulier. Au-delà de ces pages édifiantes, le Portrait d'un artiste en jeune homme ne constitue pas une lecture extraordinaire mais explique peut-être comment James Joyce en est venu à écrire un Ulysse érudit et au langage si personnel.
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PORTRAIT DE L'ARTISTE EN JEUNE HOMME de JAMES JOYCE
On suit l'enfance de Stephen Dedalus qui a sans doute beaucoup à voir avec Joyce lui même. On le découvre à l'école primaire, impressionné et maltraité par les autres, ayant hâte d'être chez les grands. On est à Clongowes, Irlande, dans un environnement très religieux très présent, limite superstition. Stephen est pensionnaire à l'année, retour pour noël. Quand il retrouve ses parents, son oncle et sa tante les discussions sont souvent politiques ou religieuses, le rôle de l'église dans l'assujettissement de l'Irlande, les trahisons et les lâchetés des uns et des autres. A l'école les sévices corporels sont nombreux et souvent injustifiés, Stephen s'interroge car ce sont les prêtres qui pratiquent ces punitions. Très souvent la famille doit déménager, ils sont expulsés par les propriétaires, il réalise qu'il y a des problèmes financiers, voit son père boire trop et le croise en ville avec des filles. Il termine ses études à Belvédère Collège, brille dans ses études, s'interroge sur sa foi, le directeur évoque les franciscains ou les dominicains.
Joyce nous propose un récit qui va alternativement de la petite enfance à la grande adolescence, on trouve l'amorce dans certains passages de ce que sera Ulysse tout en restant totalement lisible et compréhensible. Son Stephen est tiraillé entre le religieux et le profane, il a souvent l'impression que les sermons s'adressent directement à lui avant d'aller traîner dans les quartier des prostituées.
Passionnant pour qui s'intéresse à Joyce.
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James Joyce est généralement reconnu comme un grand écrivain… mais souvent obscur. Ce roman quasiment autobiographique fait mentir cette réputation. On le lit sans difficultés et on n'a pas à y chercher des arrière-pensées littéraires compliquées. Stephen Dedalus, un personnage que l'auteur a fait apparaitre dans plusieurs de ses livres, est clairement un alter ego de Joyce. Dans ce "Portrait", on voit un garçon (fréquentant d'abord un collège) devenir un jeune adulte. Tout est intelligible dans ce parcours. Tout sonne authentiquement. Mais Joyce nous introduit dans une époque et un pays qui nous semblent très éloignés. L'Irlande de la fin du XIXème siècle essaie d'entrer dans l'ère moderne, mais elle reste encore très archaïque. L'emprise de l'Eglise catholique est lourde. Elle est particulièrement sensible à l'intérieur de l'école religieuse où étudie le jeune Stephen D. Les discours - à la fois lénifiants et terrifiants - des prédicateurs paraissent presque incroyables. le jeune garçon est très fortement influencé par cette pression. En outre, l'Eire subit encore la loi britannique, suscitant de graves divisions entre les Irlandais eux-mêmes (encore maintenant, il en reste de forts reliquats en Ulster).

Le roman nous décrit le chemin de Stephen (alias James) vers la maturité. Dans le premier chapitre, une scène remarquable le montre quand il fait valoir sa bonne foi, après une punition donnée par un implacable préfet des études. Puis, devenu adolescent, il est travaillé à la fois par le démon de la chair et par les prescriptions de l'Eglise. Il mettra beaucoup de temps à s'affranchir des contraintes inacceptables. Dans cette démarche, il est foncièrement honnête. Par exemple il explique à un de ses amis: « Tu m'as demandé ce que je ferais et ce que je ne ferais pas. Je vais te dire ce que je veux faire et ce que je ne veux pas faire. Je ne veux pas servir ce à quoi je ne crois plus, que cela soit mon foyer, ma patrie ou mon Eglise. Et je veux m'exprimer, sous quelque forme d'existence ou d'art, aussi librement et aussi complètement que possible en usant pour ma défense des seules armes que je m'autorise à employer: le silence, l'exil et la ruse ».(p. 353). Cette ambition est emblématique du parcours de l'écrivain.

Il y a donc une coexistence entre une évidente authenticité (soulignée par les très nombreuses notes, rassemblées à la fin du livre, qui se réfèrent au vécu personnel de Joyce) et l'impression d'étrangeté que j'ai mentionnée plus haut; ça peut surprendre. Mais, en fait, ceci en fait un roman d'un très grand intérêt.
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Le « Portrait de l'artiste en jeune homme » se propose de peindre un être hors du commun évoluant dans un réalisme quotidien.
Ce roman à caractère autobiographique met en scène, Stephen Dedalus, qui n'est d'autre que l'alter-ego de James Joyce lui-même. le processus qui y est décrit montre notre héros dans la continuité de sa vie : de l'époque de son enfance jusqu'à l'aube de sa vie adulte à travers des événements cruciaux de son existence.
L'oeuvre évoque les tentatives de son père pour se décharger sur lui de ses responsabilités, les efforts des jésuites pour le convertir à leur idéologie, ou encore les pressions des nationalistes qui entendent le convaincre de la validité de leurs solutions politiques et artistiques, etc.
Mais cet itinéraire est porteur d'une leçon : il convient, pour se réaliser (atteindre la pleine maturité et la conscience de soi),de ne pas céder aux conventions, et d'opposer la résistance à la soumission.
Et pour Dedalus (Joyce), cette résistance se trouve dans le langage : le livre est le portrait d'un homme angoissé et renfermé dont le seul moyen de communiquer avec les autres passe par la littérature, les mots. Plus précisément, Joyce nous montre comment l'identité profonde du créateur se trouve dans les mots, dans les souvenirs verbaux issus de l'enfance.
Ainsi, la place qu'il accorde à l'inconscient est très importante. Les rêves et désirs sont, également, des thèmes essentiels dans le roman. Par extension, cette dimension du langage va s'affirmer, plus amplement et largement, dans Ulysse.
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Ce n'est pas le chef d'oeuvre de Joyce, et pourtant c'est déjà un livre époustouflant sur l'éveil à la vie d'un garçon irlandais. Stephen Dedalus, le héros, n'est, au début du roman, ni un artiste ni un jeune homme, mais le petit garçon d'une famille aimante et aisée. Stephen, dans les deux premiers chapitres (il y en a cinq en tout) devient interne dans un collège, est un bon élève, attend les vacances avec impatience, connait des humiliations, etc. J'ai trouvé que Joyce avait très bien réussi à reproduire la vie de l'enfance, avec son incompréhension du monde, ses interrogations toutes fraîches, sa parfaite innocence. Stephen ne comprend pas les tenants et aboutissants du monde adulte et pourtant il éprouve un fort désir d'y accéder rapidement.
Et c'est l'assouvissement de ce désir auquel on assiste dans les chapitres trois et quatre. Stephen découvre donc la sexualité d'une manière assez furieuse, semble-t-il, avec des prostituées. Ces deux chapitres contiennent en grande partie des réflexions religieuses car Stephen est encore très croyant et plein de remords. le troisième chapitre - assez ennuyeux à lire bien que recelant des images fantastiques - montre comment les religieux pouvaient ramener les brebis égarées dans le troupeau ou, autrement dit, comment ils bourraient le crâne des croyants avec des histoires superstitieuses et effrayantes sur l'enfer.
Si Stephen abandonne sa vie luxurieuse, il ne revient pas tout à fait dans le giron de l'Eglise, quelque chose s'est brisé et il finit par comprendre qu'il n'a pas de vocation religieuse mais qu'il doit se consacrer à la poésie. C'est ce qu'il expose dans le cinquième chapitre. L'argot irlandais se mêle au latin, des théories esthétiques côtoient des dialogues scabreux, un morceau de journal intime succède à des descriptions splendides. Mais l'apothéose, ou l'apostasie raisonnée, est dans le dernier dialogue entre Stephen et son ami Cranly. Ce dialogue n'a rien à envier à la psychanalyse ou à la théologie et justifie tout le roman. Un roman sur la religion catholique, sur la politique irlandaise, sur l'art, sur le souvenir (tout est souvenir, échos de souvenirs, plus ou moins bruts ou narrés), sur la jeunesse de Joyce, sa vocation d'écrivain et bien d'autres choses
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Trois choses sont nécessaires à la beauté : intégralité, harmonie et éclat. Ces choses correspondent-elles aux phases de l’appréhension ? […] Regarde ce panier. […]
Afin de voir ce panier, ton esprit le sépare d’abord de tout l’univers visible qui n’est pas ce panier. La première phase de l’appréhension est une ligne de démarcation tracée autour de l’objet à appréhender. Une image esthétique se présente à nous soit dans l’espace, soit dans le temps. […] Mais temporelle ou spatiale, l’image esthétique est d’abord lumineusement perçue comme un tout bien délimité sur le fond sans mesure de l’espace ou du temps, qui n’est pas cette image. Tu l’appréhendes comme une chose une. Tu la vois comme un seul tout. Tu appréhendes son intégralité –voilà l’integritas. […]
Après avoir senti que cette chose est une, tu sens maintenant que c’est une chose. Tu l’appréhendes complexe, multiple, divisible, séparable, composée de ses parties, résultat et somme de ces parties, harmonieuse. Voilà la consonantia. […]
Lorsque tu as appréhendé le panier en question comme une chose une, lorsque tu l’as analysé selon sa forme, lorsque tu l’as appréhendé comme un objet, tu arrives à la seule synthèse logiquement et esthétiquement admissible : tu vois que ce panier est l’objet qu’il est, et pas un autre. L’éclat dont il parle, c’est, en scolastique, quidditas, l’essence de l’objet.
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Une froide et lucide indifférence régnait dans son âme. A son premier péché violent, il avait senti une onde de vitalité s’écouler hors de lui et il avait craint de voir son corps ou son âme mutilés par cet excès. Au lieu de cela, l’onde de vie l’avait porté sur son sein au-delà de lui-même et rapporté avec le reflux ; et aucune partie du corps ou de l’âme n’avait été mutilée, mais une paix ténébreuse s’était établie entre eux… Il savait que, menacé de damnation éternelle pour le premier de ces péchés, il multipliait par chaque péché nouveau sa culpabilité et sa punition. Ses jours, ses travaux, ses pensées ne pouvaient le racheter… A quoi servait de prier, quand il savait que son âme avait un désir luxurieux de sa propre destruction ?
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Immerger sa vie dans le flot des communs des autres existences lui paraissait plus difficile que n’importe quel jeûne ou quelle prière et il n’y réussissait jamais à sa propre satisfaction, ce qui finissait par créer dans son âme la sensation d’une sécheresse spirituelle, ou les doutes et les scrupules allaient s’accentuant. Son âme traversa une période de désolation.
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L’art se divise nécessairement en trois formes, chacune en progrès sur la précédente. Ce sont : la forme lyrique, où l’artiste présente son image dans un rapport immédiat avec lui-même ; la forme épique, où il présente son image dans un rapport médiat entre lui-même et les autres ; la forme dramatique, où il présente son image dans un rapport immédiat avec les autres. […]
La forme épique la plus simple émerge de la littérature lyrique lorsque l’artiste s’attarde et insiste sur lui-même comme sur le centre d’un évènement épique, cette forme progresse jusqu’au moment où le centre de gravité émotionnelle se trouve équidistant de l’artiste et des autres. Le récit, dès lors, cesse d’être purement personnel. La personnalité de l’artiste passe dans son récit, fluant interminablement autour des personnages et de l’action, comme une mer vitale. Tu peux constater facilement cette progression dans la vieille ballade anglaise, Turpin Hero, qui commence à la première personne et finit à la troisième.
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Lors de l'ouverture du gymnase, il avait entendu une voix qui le pressait d'être fort, viril et sain ; quand un mouvement de renaissance nationale se fit sentir dans le collège, une autre voix encore lui ordonna d'être fidèle à sa patrie, de contribuer à relever son langage et ses traditions déchues. [...]. C'était le vacarme de toutes ces voix, sonnant creux, qui le faisait hésiter dans la poursuite des fantômes. Il n'y prêtait l'oreille qu'un instant, mais il n'était heureux que loin d'elles, hors de leur atteinte, seul, ou bien en compagnie de ces camarades phantasmatiques.
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Savez-vous quel livre célèbre la ville de Dublin et ses habitants ? Enfin… quand je dis « célèbre »… il les montrent surtout comme une belle bande d'hypocrites…
« Gens de Dublin », de James Joyce, c'est à lire en poche chez GF.
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