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Critique de Eric76


Harold le poussif ! L'ennuyeux ! Harold l'effacé ! le maladroit ! le loukoum !
Homme vide, sans intérêt, qu'on oublie définitivement dès qu'on lui tourne le dos.
Il a pourtant toute une existence derrière lui, Harold ! un sacré paquet de fous-rire. Quelques instants de bonheur, de flamboyance ; des éternités d'ennui, de meurtrissures, et de grandes lâchetés. Est-ce pour cette raison qu'Harold se fait invisible à ce point ; qu'il marche cahin-caha sur la pointe des pieds jusqu'au bout du chemin sans laisser de traces derrière lui ?
Jusqu'à ce qu'il reçoive une lettre de Queenie ! Une grande amie perdue de vue qu'il croyait à jamais rangée dans les rayons poussiéreux des vieux souvenirs. Atteinte d'un cancer, elle l'informe de sa mort prochaine. L'insignifiant Harold lui répond quelques mots d'encouragements et décide d'aller poster sa lettre. Pendant qu'il marche, les moments passés avec Queenie remontent à la surface. Moments joyeux, moments douloureux, moments bénis. Il ne s'arrête pas à la boite aux lettres, et continue à pied son chemin à travers l'Angleterre pour rejoindre Queenie. Près de 1000 kilomètres et 87 jours de marche. Non ! La messe n'est pas dite pour Harold le terne.
Bravache, déraisonnable, insensé pour la première fois depuis une éternité, Harold le grand timide a cette certitude chevillée au corps que Queenie survivra tant qu'il marchera vers elle : « Je suis en chemin. Attends-moi. Je vais te sauver, tu verras. Je vais marcher, et tu vivras. »
Long périple à travers champs, sous-bois et villes, sous le vent, la pluie, le soleil qui tanne la peau de son visage, blanchit sa chevelure et sa barbe devenue broussailleuse. Longue marche où Harold se dépasse, se transcende pour s'éloigner de lui-même ; pour abandonner sa vie tellement insipide, se venger de ses couardises, de tous ces défis qu'il n'a jamais su relever.
Les anonymes écoutent son histoire extraordinaire, aident ce vieil homme à l'idée fixe en train de se clochardiser doucettement. Ils ont confiance, confient leurs peines, leurs appréhensions, sans fards, sans façons.
La longue marche d'Harold devient aussi leur marche…
Harold se métamorphose. Il se dépouille de tout le superflu. Il se désincarne, devient une sorte de saint des temps modernes qui montre la voie de la rédemption. Harold le lumineux !
Harold devient célèbre ; les marchands du temple le cernent, lui vole son pèlerinage. Peu importe ! Harold continue à se dépouiller de tout et marche jusqu'au bout de son rêve et de ses limites physiques.
Maureen, son épouse, voit son falot de mari la quitter pour une autre femme, pour un rêve qu'elle ne parvient pas à saisir, dont elle est exclue. Elle crie à l'injustice. Une injustice de plus ! Puis elle finit par comprendre. Elle ne comprend que trop. Elle aussi, à sa manière, va entreprendre son long périple…
Ce refus obstiné de solder les comptes, cette volonté de changer coûte que coûte son destin : une belle histoire individuelle qui se transforme en conte universel.

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