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EAN : 9782070137190
208 pages
Gallimard (01/03/2012)
3.75/5   8 notes
Résumé :
Qu'est-ce qu'entrer dans une pensée ? Qui ne souhaiterait par exemple entrer, le temps d'une soirée, dans une pensée aussi extérieure à la nôtre que la chinoise ? Mais on ne peut y entrer en tentant de la résumer, ou d'en présenter des notions, ou d'y distinguer des écoles, voire en en traçant l'histoire. Car on reste toujours dépendant, pour le faire, de nos perspectives implicites et de nos concepts. On n'a pas encore quitté sa pensée. Donc on n'a pu entrer dans l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai mis la main sur ce livre dont j'avais entendu parler il y a des années et qui pouvait présenter de l'intérêt pour moi. Il y a quelque chose de fascinant dans la confrontation (pacifique) de deux cultures radicalement différentes: quelle que soit notre érudition et notre bonne volonté, il est très difficile d'entrer (vraiment) dans la pensée de l'autre, dans des catégories et des processus mentaux implicites qui nous échappent. Ceci vaut notamment pour la culture chinoise, si riche et si différente de la nôtre. François Jullien étant un sinologue réputé, il peut certainement nous aider à établir des ponts entre ces deux civilisations.
Hélas, trois fois hélas ! En lisant cet essai, on est avant tout confronté à une énorme difficulté: entrer dans la pensée de l'auteur lui-même. Même si son sujet est très délicat, j'attendais qu'il fasse un exposé intelligible, suivant l'adage « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ». Mais ce n'est pas le cas: on se perd dans des considérations sinueuses trop difficiles à résumer. J'ai trouvé sa façon d'écrire horripilante. J'ai donc arrêté ma lecture vers la moitié du livre.
Qu'ai-je compris en définitive ? L'auteur évoque les concepts de commencement dans les civilisations chinoise et occidentale. Il compare la Genèse hébraïque et le "Yi-King", un classique chinois très ancien, dont le titre peut se traduire par "Livre des mutations". La première insiste sur la création, la puissance de la parole, l'apparition d'un Sens nouveau; le second, au contraire, met en avant un processus conforme à la Cohérence du monde sans discontinuité. L'auteur convoque aussi (plus brièvement) le poète grec Hésiode. Quoi qu'il en soit, cette discussion est difficile, très subtile, parfois confuse et trop théorique à mon goût. Je n'en retire pas grand-chose.
Dans l'esprit de la comparaison entre les deux cultures chinoise et occidentale, j'avais beaucoup mieux apprécié l'ouvrage érudit de François Cheng sur la poésie chinoise, si éloignée de celle que nous connaissons ici. Même si cette étude m'était alors apparue comme ardue, je l'avais trouvé plus concrète et il m'avait permis de dégager des conclusions claires...
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Comment tenter de résoudre le dilemme du dedans et du dehors vis-à-vis d'une pensée étrangère ?

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/09/07/note-de-lecture-entrer-dans-une-pensee-francois-jullien/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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critiques presse (2)
Bibliobs
02 avril 2012
Pour pénétrer dans la pensée chinoise, explique le sinologue François Jullien, il faut accepter de se laisser déranger.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
23 mars 2012
Au commencement doit être le risque. Il faut remercier François Jullien de l'avoir rappelé avec le savoir du maître et la vive ardeur... du débutant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Dans le mémorable "Longtemps, je me suis couché de bonne heure", la première phrase de Proust, tout, définitivement, n'est-il pas déjà avancé ? Les dés de La Recherche y sont jetés ; et les proustiens n'en finiront pas de déceler, à plaisir, tout ce qu'elle engage. Comme un parasol ou un dais qu'on ouvre, et sous lequel on restera à couvert, ce "longtemps" fait d'emblée prévaloir, sans attendre et posément, l'ordre souverain de la durée. Face à l'extension de quoi, la qualité du je qui pointe et lui répond est celle d'un sujet singulier, mais débordant déjà par là de son exiguïté : fragilement anecdotique, mais inscrivant en vis-à-vis la forme creuse, disponible, où tout viendra se recueillir et se mouler. Surtout débuter par le coucher, c'est prendre déjà le contre-pied, mettre en route une conversion qui n'en finira pas : c'est commencer de faire apparaître sous l'expérience diurne, journalière, dissipée tôt oubliée, la dimension intérieure, autrement dit nocturne, où, dans le silence et le refus d'agitation, les avènements et les sentiments pourront enfin dégager un son clair, en se décantant ; où les impressions égrenées à la suite n'en finiront plus de percer souterrainement des tunnels entre elles, à travers le "Temps", pour sortir de leur dispersion et se rejoindre - en quoi l'oeuvre entière trouvera sa révélation. Aussi, après le coup de gong du "longtemps", l'octosyllabe qui suit commande une pause qui le fait résonner - suspens-silence ; mais le cadre est déjà posé, la trame est prête.

Chapitre IV - La première phrase, p. 42
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Il y a une intelligence ou "vérité" biblique qu'on voit à la fois se détacher et s'explorer dans l'exposé réécrit de la Création. En posant liminairement un Autre absolu, extérieur au monde, cette ouverture creuse dans l'humain - y déploie et met en route - les conditions d'une subjectivation qui n'en finira plus, à travers la culpabilité et l'Attente, de se forger et de se découvrir. Ou bien disons encore que, à la rencontre de ce qu'il pose d'entrée, dans cette scène inaugurale, en Dehors incommensurable, l'humain biblique, sous le thème de l'Alliance qui s'y noue, ne cesse d'avoir dorénavant à tendre vers Lui et à en faire son "dedans" : il découvre (promeut) cet Extérieur intime; en même temps qu'il perçoit (déploie) cet intime comme un infini, s'appropriant ainsi un devenir inouï ( à travers les motifs de la mort vaincue et du salut). Cohérence éminemment singulière et productrice, qui a sa fécondité propre, fait indéfiniment travailler , et selon laquelle a pris forme le religieux en Europe - et qu'il ne suffit pas de caractériser par la référence, si banale, à ce qu'on appelle "Dieu". Car, sous "Dieu", Pascal déjà nous mettait en garde, on met tant de choses qui n'ont vraiment guère à voir ensemble.
En ouvrant la Théologie d'Hésiode, on y trouve une intelligence (vérité) d'un autre type, "mythologique", qui, si elle puise à l'occasion à la même source que la précédente, se singularise ou "choisit" d'une autre façon, se donne un autre usage et connaît un autre rendement : figurant, variant, dramatisant, à fonction à la fois exploratoire et probatoire, elle essaye tout un jeu de cohérences pour expliquer le monde à partir des forces et facteurs impliqués. Ceux-ci s'allient ou s'opposent, s'engendrent ou se mêlent, s'équilibrent ou se compensent, d'où découlent tant d'enchaînements, de filiations et de renouvellements formant "destin". La fécondité en a été exploitée, depuis, selon la veine intarissable, promue par le plaisir de la narration, de la fiction et du roman. A quoi se rattache, mais dont veut aussi se démarquer, dont dépend mais que combat d'autant plus violemment, l'intelligence ou vérité "logique" du commencement qu'on voit proposé dans ce muthos réelaboré du Timée : intelligence qui n'est plus seulement symbolisante mais qui abstrait, ne pensant plus en termes de figures mais d'entités; qui est non plus seulement causaliste mais aussi finaliste, pesant de tout les tenants et aboutissants. Elle ne se contente pas de répondre à des questions, mais est délibérément problématique, s'explicitant à partir d'un système de cas; et, pour cela, elle est constructrice et modélisante, explicative et déductrice. Elle chasse l'ambiguïté antérieure en s'armant du principe de non-contradiction, source de clarté par exclusion; transforme l'enchaînement du récit en nécessité intérieure reposant sur la seule argumentation. C'est elle qui à fait le lit de la science ou, disons plutôt, d'une certaine science (classique) fondant sur elle sa prise et son efficacité.
Or nous découvrons, en Chine, une autre forme d'intelligence, de "prise" ou de "vérité", en ouvrant le Classique du changement et toujours à propos du commencement. Je crois qu'on peut la concevoir globalement comme une intelligence à la fois de la processivité et de l'opérativité ( tao signifiant à la fois le cours des choses et la façon d'opérer : "tao" du monde" et "mon tao"). Elle n'a donc pas à mettre nécessairement en scène un sujet, se dispense du récit et dissout toute dramatisation; elle pense en termes, non de cause et de fin, de modèle et de visée, mais de condition et de conséquence ou, pus précisément, pour reprendre ces quatre notions d'ouverture, en termes d'"amorçage" - de "maturation" - de "moissonnage" - et de "régulation". Y compris dans sa dimension religieuse et éthique, cette intelligence est stratégique : puisant à même les procédures du rituel, elle enseigne l'art de se mettre en phase avec le moment, en se conformant aux lignes de forces de son déroulement - celui-ci s'éclairant par le jeu des polarités - et trouve son rendement dans la capacité d'induire l'évolution, sans affronter la situation ni s'épuiser. On comprend que ce qui lui sert, non de modèle ou d'idéal, car ne se détachant pas de l'ordre des choses, mais de norme, soit l'harmonie" : celle-ci, tai he, est à la fois la condition du renouvellement du monde, par son constant équilibrage, et le fondement - absolu - de la morale échappant à la déviation et dérégulation par partialité.
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Il est étrange, mais somme toute logique, que j’en vienne seulement maintenant à la question par laquelle j’aurais dû commencer dans mon chantier. Car il est étrange que, après avoir voyagé des années entre les pensées de la Chine et de l’Europe, je m’arrête seulement aujourd’hui à cette question – question préliminaire – qui m’a toujours inquiété, il est vrai, mais que je n’ai encore jamais abordée, du moins de front : qu’est-ce qu’entrer dans une pensée ? (…)
Qui ne désirerait aujourd’hui, en Occident, entrer dans la pensée du plus lointain « Orient » ? Mais comment y entrer, tant on sait bien qu’on ne pourra d’aucune façon la résumer : une pensée ne se résume pas, encore moins la chinoise, si diverse et si vaste. Tant on sait bien aussi que ses principales notions ne sont pas directement traduisibles ; que de l’envisager par écoles, en classant et cataloguant, laisserait échapper l’essentiel et qu’en suivre le développement historique, d’un bout à l’autre, ne suffit pas non plus. On restera chaque fois à l’extérieur de la justification interne, auto-référée, propre à cette pensée. Car d’où celle-ci a-t-elle commencé ? Or, quand je pose cette question : comment entrer dans la pensée chinoise ?, je fais de plus le pari de m’adresser aux non-sinologues comme s’ils pouvaient lire eux-mêmes le chinois. Pour cela, je m’exercerai à lire méthodiquement une phrase de chinois, une seule, une première phrase, en élaborant progressivement les éléments qui permettent de la lire à la fois du dedans (de la pensée chinoise) et du dehors (de l’Occident). Car on ne peut « entrer » effectivement dans une pensée qu’en commençant de travailler avec elle, c’est-à-dire en passant par elle pour s’interroger.
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Car c’est précisément au moment où l’Occident, au terme d’une mondialisation théorique engagée par lui il y a plus d’un siècle, croit voir triompher définitivement ses conceptions, d’un bout à l’autre de la planète, non seulement celle de la science hypothético-déductive et de sa logique modélisante (avec, en arrière-plan, les mathématiques comme langage de l’universel), mais aussi, sur le plan économique et politique, celle du rendement capitaliste et du droit à et par la démocratie, que cette même culture, celle qui se nomme dorénavant l’ « occidentale », soudain s’étonne : si une culture, telle la chinoise, ne se situe plus seulement avant, mais a connu son développement, sur bien des plans, à côté de l’européenne et parallèlement, n’est-ce donc pas aussi, en retour, que l’Europe n’occupe plus qu’un côté (des possibles de la pensée) ?
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L'Europe s'étonne soudain, rétrospectivement, du grand sacrifice qu'elle a ainsi accompli, commis comme on commet un crime, et d'abord du point de vue de ce qu'elle ne peut plus, dès lors, qu'appeler dramatiquement l'"existence" et non plus la vie : on ne cesse, en effet, de vouloir percer le secret du biologique, mais on ne sais plus vivre (mourir) - a-t-on seulement pensé la respiration (elle que n'a cessé de penser la Chine) ? Ou l'on ne cesse de vouloir maîtriser le temps, le planifiant toujours plus commodément, mais on ne sait plus penser l'opportunité d'un moment - la Chine a commencé par penser le "moment" saisonnier, etc. En promouvant avec acharnement la connaissance, on a rompu les connivences; et l'Individu est condamné à s'enfermer dans son individualisme. Du plus foncier échappe, une désintégration serait en cours, qui va du social au métaphysique (le fameux "nihilisme"), et la maîtrise acquise nous laisserait finalement si démunis.
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Vidéo de François Jullien
{Cours de Patrick Hochart et François Jullien - Lire la philosophie}Les cours méthodiques et populaires de philosophie permettent à toutes et tous de se familiariser avec la philosophie, son histoire, ses auteurs, ses concepts. Avec Patrick Hochart, enseignant-chercheur en philosophie, maître de conférences à l'université Paris-Diderot (Paris 7), et François Jullien, philosophe, helléniste et sinologue, professeur à l'université Paris-Diderot (Paris 7) et titulaire de la chaire sur l'altérité à la Fondation Maison des sciences de l'homme.Cours enregistré le 19 avril 2022 à la BnF I François-Mitterrand
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