Une très bon livre, une belle pensée!
Axel Kahn poursuit ici son observation critique des techniques biomédicales mises en oeuvres ou proposées en projets d'avenir.
Une analyse fine, humaniste et propre à nourrir nos réflexions.
Passant au sas de son intelligence chaleureuse les différentes techniques.
Cherchant les conditions de possibilité d'une vie humaine : en relation avec autrui.
Le noeud central tient peut-être au désir d'enfant et aux techniques de satisfaction dudit désir : dans le contexte global du devenir de l'humanité, l'auteur souligne la remise en cause d'une altérité vraie (et reconnue telle) par des excroissances psychiques pulsionnelles tant narcissiques qu'angoissées : «(…)l'affirmation selon laquelle l'enfant est, dans nos sociétés développées, le centre de toutes les attentions masque le fait que, plus que l'enfant lui-même, c'est l'idée de l'enfant, objectivation d'un désir pulsionnel et de projets personnels, antidote contre l'indicible angoisse de la finitude, qui campe au coeur de l'imaginaire individuel et social (…). le respect de l'enfant (…) passe, certes, par une solidarité active, ici un engagement à s'en occuper (…), mais aussi dans la capacité à admettre, à faciliter et à accompagner le processus de sa distanciation et de sa différenciation.» ,
Et l'Homme dans tout ça ?, p.340- 341.
Ainsi, comme dans «Bioéthique et liberté», l'auteur assied sa critique du clonage reproductif sur l'atteinte portée à l'altérité –contestant à juste titre la spécification (détermination) de l'enfant : car l'altérité est essentielle en sa gratuité comme en son intégrité [«Affirmer que l'homme seul n'existe pas implique que certaines valeurs sont intangibles en tant qu'elles le fondent (…). le respect de l'Autre est ainsi une valeur absolue (…)», BetL, 31/38],
C'est dans ce contexte que se pose, entre autres, la question épineuse de l'utilisation de l'embryon à fin non procréatique. Et l'on peut écouter Kahn : partant d'un constat (les embryons surnuméraires générés par les PMA ne pourront tous être transférés en vue d'une naissance), le généticien estime qu'une recherche appliquée à ces entités qui furent, selon ses termes, «projets possibles d'une personne» et qui restent à ce titre dignes d'un certain respect, est «moralement praticable» : «La reconnaissance de la dignité des personnes n'a jamais été un obstacle insurmontable à la réalisation de recherches biomédicales à tous les âges de la vie humaine (…). / Il est vrai que la particularité de la recherche sur l'embryon est qu'elle aboutit en général à sa destruction (…). Cependant, cette objection tombe dès lors que la destruction de l'embryon est programmée indépendamment de tout projet de recherche. / En quoi serait-il plus respectueux vis-à-vis d'un embryon humain de le détruire (...) plutôt que de le soumettre à une recherche de qualité(…) ? Il y a là (…) un élément de solidarité entre une vie qui n'adviendra pas et l'amélioration des conditions d'établissement d'autres vies humaines dans le futur qui rappelle la greffe d'organes de donneurs morts, où des personnes disparues passent à des personnes vivantes en difficultés des «témoins» de vie. »,
Et l'homme dans tout ça ?, page 85-86.
Toute la difficulté pour l'auteur tient à l'articulation de perspectives parfois contradictoires –à aux dimensions quasi ‘aporétiques' de l'éthique des pratiques. Ou plutôt une tension éthique qu'il s'agit de résoudre. Avec cette question récurrente : que reste-t-il à l'homme ? A exister ! Que reste-t-il au chercheur ? A chercher. Car la reconnaissance d'une dimension aporétique n'induit pas obligatoirement la démission. Car, nous dit Kahn, la tension éthique n'entraîne pas nécessairement l'inertie – elle relève peu ou prou de l'heuristique et peut ou devrait nourrir une conscientisation et une réflexion rapportées l'une comme l'autre à un horizon principiel et à une réalité de concrétudes et de souffrances – eu égard au moindre mal en l'état de nos connaissances et dans le souci d'options toujours transitoires.