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EAN : 9782070186730
352 pages
Gallimard (26/05/2016)
3.46/5   13 notes
Résumé :
Trois femmes, Marie, sa mère Astrid et sa grand-mère Sabine, habitent ensemble dans la Plaine, à la périphérie de la Ville, où elles ont été déplacées pour une raison qu'on leur tait. Dans cette banlieue végète une population misérable qui travaille dans de grandes usines de recyclage pour alimenter en matières premières utilisables la Ville peuplée de nantis paisibles. La Ville et la Plaine sont séparées par un no man's land, la Zone, réputée infranchissable. Marie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le pays où les arbres n'ont pas d'ombre est le troisième roman de cette auteure française née en Estonie. Katerina Kalda nous entraîne dans un pays d'une inquiétante étrangeté… le lecteur n'a pas de repères temporels ni géographiques. On suppose dès les premières pages qu'une catastrophe quelconque a eu lieu, probablement une catastrophe écologique, et on sait rapidement que l'histoire se situe après la guerre des Séparatistes sur laquelle nous n'apprendrons rien d'autre que son nom.


Trois femmes prendront successivement la parole à la première personne : d'abord Marie, une jeune fille qui n'a pas tout-à-fait quinze ans ; puis Sabine, sa grand-mère, qui tient un journal de manière très irrégulière ; enfin Astrid, la fille de Sabine et la mère de Marie, emplie du souvenir d'un amour disparu. le récit est déroutant de prime abord parce que les trois femmes interviennent sur un plan temporel différent : Marie a 14 ans, mais dans le journal de Sabine, c'est un bébé. le décalage temporel entre les trois interventions permet d'avoir des points de vue différents sur les mêmes événements et donne du relief aux personnalités des trois femmes : Sabine l'indestructible pragmatique, Marie la novice en colère et Astrid la fragile naïve.


Elles vivent dans un petit appartement, dans la Plaine, hors de la Ville où résident des privilégiés. Toutes les trois ont été « déplacées » on ne sait trop pourquoi au début, mais si on considère les conditions de vie dans la Plaine, il s'agit d'une punition. Les habitants de la Plaine travaillent sans relâche pour ceux de la Ville : en fait, la Ville, riche, produit des monceaux de déchets qui sont envoyés dans la Plaine et celle-ci lui renvoie des denrées consommables ! Il y a pire cependant… Des gens encore plus mal lotis vivent dans la zone périphérique, d'autres dans la zone toxique.


J'ai beaucoup aimé ce roman âpre et dérangeant qui m'a fait penser à 1984, évidemment, mais aussi au Voyage d'Anna Blume. Certaines métaphores m'ont semblé particulièrement intéressantes : le recyclage des ordures des riches par les pauvres ; l'usine dévoratrice dans laquelle plus on vieillit, plus on s'enfonce ; les enfants abandonnés qui deviennent les surveillants dans les usines, la serre de Sabine lieu d'un possible renouveau, etc. le parallèle avec la situation d'aujourd'hui est tellement évident que l'effrayante possibilité de ce type d'avenir pour notre monde devient plausible… le style et la langue sont magnifiques de précision et de clarté. Je me sens obligée de limiter mes citations : j'en ai noté une vingtaine !


Lu dans le cadre du prix des Lecteurs de Cognac 2018
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J'ai lu avec beaucoup de plaisir, le nouveau roman de Katrina Kalda le pays où les arbres n'ont pas d'ombre. Ce récit sobre et puissant est porté par trois narratrices, mère, fille et grand-mère, déplacées de force par un régime totalitaire pour une raison mystérieuse. Elles cherchent, chacune à leur manière, un espace pour exister. Elles écrivent, notent, tiennent le journal de leurs souvenirs comme pour se prémunir d'un terrible effacement. Car dans ce no man's land, ce goulag de banlieue où elles travaillent dans des usines de retraitement, penser est suspect, la créativité est bannie, l'épanouissement de l'individu est méprisé. Les hommes sont absents, morts, lointains, humiliés ou hostiles, l'altérité est reniée. Et pourtant, une chanson raconte qu'il existe un pays de pleine lumière, de midi perpétuel où les arbres n'ont pas d'ombre. La mère et la fille iront-elles jusqu'au bout de leur tentative de fuite pour rejoindre la "Ville" libre et retrouver l'image fantasmée du père ? Pourquoi ne pas plutôt écouter les paroles sages de Sabine, la grand-mère : "il ne reste qu'à aller là où la vie aspire à se recréer"?
Outre les thèmes particulièrement bien mis en images de la germination, de la botanique, j'ai noté les thèmes suivants : les rapports mère-fille, l'altérité, l'oppression, le totalitarisme. Un roman à lire au mois d'août, loin de l'ombre, comme le chantait Anna Karina "Sous le soleil exactement !



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"J'étais comme l'enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle...
Enfin la vérité froide se révéla:
J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait. - Eh quoi ! n'est-ce-donc que cela ?
La toile était levée et j'attendais encore."
Comme Baudelaire et son "Rêve d'un curieux", j'ai été déçu par la "révélation" finale de ce livre. Car de révélation, il n'y en a pas ! Mais alors qu'y-a-t-il donc dans ce roman ? En cherchant bien, on y trouve quelques envolées, quelques passages prometteurs, quelques idées intéressantes qui auraient mérité d'être davantage développées, des références dignes du catalogue jardin Truffaut aussi.
Après un début lent, très lent, très très lent, le rythme s'accélère, un peu... mais retombe trop vite, comme un soufflet trop cuit. Et au moment où on espère une explication, une justification, une illumination : rien, que tchi, que dalle, nada, oualou.
Il manque vraiment quelque chose à ce roman : un peu de vie sans doute, un brin de "sense of wonder" comme aurait dit Asimov, un scénario surtout. le style, excellent, ne fait pas tout, il faut un but, une direction, une destination. Et sans cela, on se perd, on s'égare et on erre en espérant trouver une sortie. Dommage...
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J'avoue qu'il m a plu à moitié. Mais le style d'écriture est alerte et les phrases courtes. Récit à 3 voix, la mère, la grand-mère et la fille. Un contexte angoissant où l'optimisme n'a pas sa place.
C'est une histoire qui décrit un univers semi-carcéral, qui rappelle le roman « La servante écarlate » dans l'atmosphère qu'il dégage et dans la vision que donne ces deux auteures quant à l'avenir de l'humanité. Si l'une décrit le futur d'une cité américaine hyper contrôlée, l'autre décrit une situation proche mais qui se passe à l'est.
L'avenir de l'humanité vue par les femmes est sombre et la servitude serait le lot quotidien de la multitude.
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C'est un formidable romen sur l'amour, la grandeur d'âme, les rapports humains dans des circonstances de vie très difficiles.
Roman intemporel : pas d'époque précise , pas de lieu bien défini, mais on pense aux goulags staliniens ou autres camps de personnes déplacées )
C'est un roman sur la survie et sur la capacité de l'humain à faire face dans des circonstances sans espoir.
J'ai adoré cette femme biologiste qui s'accroche au moindre brin d'herbe, à la moindre pousse verte ! Magnifique !
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Sais-tu où se situe l'âme en nous ? L'âme est dans ce petit compartiment sous la tempe où on sent un pincement chaque fois qu'on souffre, qu'on est triste ou désemparé. L'âme n'est pas comme le corps. L'âme n'a pas les limites du corps ; elle peut ressentir aussi les souffrances des autres. [...] L'âme est serrée sous la tempe mais elle est capable d'ouvrir des précipices en nous, si larges qu'on ne croirait pas que le corps puisse les contenir. La douleur de l'âme pèse comme une ombre sur la poitrine, elle est comme une pierre lancée dans un puits -- et c'est alors seulement qu'on connaît le poids de la pierre et la profondeur du puits.
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Ce qui rend la vie dans la Plaine presque insupportable, ce n'est pas la nourriture faite à partir d'aliments recomposés, le travail pénible à l'usine ni même l'absence d'intimité dans les logements mais la conviction que notre vie n'est que la perpétuelle transformation de ce que d'autres ont conçu, fabriqué, utilisé ailleurs : les produits de la ville.
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Les hommes cherchent des occasions de démontrer leur force. Les femmes n'ont pas besoin de chercher ces occasions, elle les portent dans leur corps mais il leur est impossible de le dire. Les vraies occasions sont enfermées dans l'expérience intime ; si on cherche à les raconter, elles restent loin en deçà de la parole et semblent ridicules.
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Certains livres, sans le savoir, s'attendent les uns les autres. Quand on en trouve un, on reconnaît le goût qu'on avait dans la bouche la première fois qu'on en a lu un de la même espèce. Et surtout les livres permettent de savoir des choses qu'on apprendrait pas par d'autres voies.
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Quand les gens me parlent de ce qui les émeut, de ce qui les attire, de ce qu’ils vivent et de ce qu’ils voudraient vivre, je sais bien que je suis incapable de les comprendre jusqu’au bout. Eux non plus ne me comprennent pas, nos souvenirs ne se ressemblent pas. À toi, je peux le dire. Je crois que toi aussi, il t’arrive de ressentir cela.
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