L'ouvrage du jeune Ukrainien,
Markiyan Kamysh, 30 ans et né à la capitale Kiev en octobre 1988, est bizarre et a été qualifié comme le livre le plus "sensationnel" de l'histoire littéraire ukrainienne, par l'auteur
Andreï Kourkov et le régisseur Myroslav Slaboshpytskiy, qui a réalisé, il y a 4 ans, le film remarquable "La Tribu" ("Plemya").
Grâce à Natalya Ivanishko, l'excellente traductrice, et l'éditeur Arthaud, la version française de ce livre, paru en Ukrainien en 2015, sous le titre original de "Une promenade à
la Zone" a été la toute première à paraître, en avril 2016, et bien avant l'anglaise, l'allemande, l'italienne....
Ensemble avec sa compatriote, l'écrivaine et scénariste Lina Kostenko, auteure d'un documentaire sur
la Zone de Tchernobyl, notre Markiyan est incontestablement celui qui connaît le mieux cette "Amazonie toxique" ou zone d'exclusion et interdite d'environ 30 kilomètres carrés, 132,06 km au Nord de Kiev et à la frontière avec la Biélorussie, pour l'avoir visité illégalement une centaine de fois, y avoir passé en tout plus de 200 jours et nuits et en y avoir parcouru plus de 10.000 kilomètres.
Tout le monde se souvient évidemment de la catastrophe de l'explosion du réacteur nucléaire à Tchernobyl, le 26 avril 1986, faisant des dégâts inimaginables et causant la mort de 9000 à plusieurs centaines de milliers de victimes. Les chiffres sont contradictoires et nous ne connaîtrons probablement jamais le "score horrible final".
Celles et ceux intéressés par ce cataclysme, mais pas trop enthousiastes pour s'y rendre en excursion organisée à partir de la fameuse Place Maidan à Kiev ou même en compagnie d'un certain.....
Markiyan Kamysh, ont plusieurs livres à leur disposition qui valent la peine. L'ouvrage le plus littéraire a été publié par la Nobel biélorusse,
Svetlana Alexievitch "
La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse" de 1997 ; le reportage d'
Igor Kostine "
Tchernobyl : Confessions d'un reporter" de 2007 et l'ouvrage plus scientifique de Gregori Medvedev "La vérité sur Tchernobyl", paru chez Albin Michel en 1990.
La Zone, comme arrière-fond d'un thriller français, je peux vous recommander "
De bonnes raisons de mourir" de
Morgan Audic, que j'ai eu le plaisir de commenter ici, le 25 avril dernier.
Les "happy few" (les quelques heureux), qui envisagent néanmoins une excursion à Pripyat, la capitale de Tchernobyl, ont intérêt à ne pas attendre trop longtemps, sinon il ne restera plus rien d'intéressant. Déjà une grande antenne de 150 mètres en hauteur (soit la moitié de la Tour Eiffel) a été totalement démonté par les autorités et les pillards ont déjà ramené quantités de "souvenirs" des magasins et habitations abandonnées, sans mentionner les Biélorusses spécialisés dans l'enlèvement d'épaves de voitures, installations électriques, câbles métalliques et tout ce qui peut rapporter quelques roubles ou hryvnias (monnaie ukrainienne).
Pour vous, voyageuses et pèlerins, l'ouvrage de
Markiyan Kamysh est un "must". Il vous guidera de l'aéroport international de Boryspil vers Kiev et de là en "marchroutka" (= bus) à
la Zone, surnommée par lui "Protocolistan", en évitant flics, gardes et agents du SBU (les services secrets d'Ukraine), pillards et clochards.
Dans son bouquin, il vous explique également comment au mieux s'équiper pour la randonnée et ce qu'il convient d'amener comme ustensiles, vêtements, nourriture, boissons .... tout en évitant le surpoids à trimballer. À la fin de l'opus est reproduit une petite carte avec une explication sur les 36 endroits précis à visiter dans et aux confins de
la Zone.
Si tout cela vous paraît un brin compliqué, mais qu'il s'agit d'un de vos plus grands souhaits et que vous avez des moyens financiers en réserve, je vous suggérerais de contacter
Markiyan Kamysh personnellement à Kiev en lui demandant poliment de se constituer votre guide. Vous pouvez le joindre par email chez son éditeur à "nora-dryk (dog)ukr.net.
Pour tous les autres, moins chanceux, vous avez l'occasion de bénéficier des expériences quasi illimitées de notre auteur dans ce monde fantôme derrière les barbelés. L'avant-dernier chapitre : "Salut
la Zone ! Adieu pour toujours !", se termine à la page 149 par la phrase sibylline : "Je sais que je reviendrai"......
"
La Zone" a été pour moi une expérience de lecture à part et fascinante à plusieurs niveaux. Ce qu'il me faut impérativement et expressément mentionner toutefois est la qualité poétique du langage.
Markiyan Kamysh note à ce propos le terme "lyrisme". Quoi qu'il en soit, si la qualité est due à l'auteur ou à sa géniale traductrice Natalya Ivanishko, je l'ignore et j'adresse donc un bravo aux deux. Réaliser autant de poésie dans cet enfer empoisonné, radié et contaminé, il faut le faire !