Du pain et des jeux !
Ça ne vous rappelle rien ? Ça ne date pas d'hier, pourtant, comme technique pour éteindre, justement, de près ou de loin, toute forme de lumière.
Immanuel Kant, nous livre ici en quelques pages (il s'agit d'un tout petit opuscule, à l'origine un article dans le journal Berlinische Monatsschrift) sa définition de ce que sont les lumières et de ce qui peut venir les entraver.
Cet article faisait suite à l'article d'un pasteur théologien qui mettait en garde contre les excès de liberté de penser, notamment dans le domaine religieux, conduisant les fidèles à " s'éclairer ". Il posait en substance la question «
Qu'est-ce que les lumières ? tout le monde en parle mais on ne m'a encore jamais explicitement dit ce que c'est. »
Donc
Kant se fait un devoir de répondre (son article s'intitule d'ailleurs " Réponse à la question
qu'est-ce que les lumières ") et il ne faut pas trop s'étonner qu'il insiste sur l'aspect religieux au vu d'où émanait la question, mais il ouvre néanmoins la porte à d'autres domaines.
Selon lui, la lumière est le fait de réfléchir par soi même et non plus sous la direction de quelqu'un. Dit autrement, c'est l'accession à la majorité. Vous aurez compris que pour lui, celle-ci n'est pas seulement dépendante de l'âge comme c'est le cas dans notre société, mais bien d'un phénomène actif qui peut avoir lieu comme ne jamais avoir lieu.
Donc la principale entrave à l'illumination des individus, ce sont souvent les individus eux-mêmes qui, par paresse, par faiblesse, préfèrent faire et penser ce qu'on leur suggère fortement de penser plutôt que de prendre à leur compte le fait de développer un raisonnement propre.
La seconde entrave à l'éclairage public (j'aime bien cette formule) peut émaner évidemment des autorités dirigeantes qui ne voient pas forcément d'un bon oeil le fait que les masses commencent à questionner tous azimuts, notamment leur politique, qu'on sait être " éminemment orientée vers le bien de l'individu " (le tout étant de savoir ensuite de quels individus on parle, mais là est une autre question à laquelle
Immanuel Kant ne donne pas de lumière).
Pour celles et ceux qui connaissent
Kant d'ordinaire, l'effort de concision est extrême et la clarté au rendez-vous, ce qui est tout de même un préalable quand on se propose de parler de lumières. J'ai vu dans ce minuscule écrit (par la taille et grand par la richesse) nombre de points qui me font questionner la situation actuelle (paresse intellectuelle des gens, rôle occulte des gouvernements...) et ne puis que souscrire à sa vision.
Par contre, l'auteur développe aussi une distinction entre usage public et privé de sa liberté de penser à laquelle je n'adhère pas pleinement. Il définit la sphère privée non pas comme nous l'entendons communément mais comme notre environnement de travail. Ainsi, un enseignant dans sa classe est pour lui dans la sphère privée. La sphère publique est celle où, en son nom propre et non plus au nom de l'organisme dont il fait partie, il participe, par ses écrits à la réflexion collective.
En somme, un fonctionnaire, un militaire, un employé doit obéir et appliquer les consignes dans l'exercice de ses fonctions et, s'il a des griefs, doit les exposer publiquement et en son nom propre pour faire évoluer les consignes.
Ok, je veux bien Monsieur
Kant, mais heureusement tout de même que quelques fonctionnaires et quelques militaires n'ont pas appliqué scrupuleusement les directives de leurs chefs, sans quoi, Paris aurait été ravagé par les flammes en 1945 et Vichy aurait fait encore plus de victimes qu'il n'en a déjà fait.
Dans l'ensemble, une réflexion très intéressante, (comme devrait toujours l'être la philosophie) que je conseille bien volontiers, notamment aux très jeunes que les gros volumes effraient, du moins c'est mon avis faiblement éclairé, c'est-à-dire, pas grand-chose.