Des contes délicieusement effroyables et au fort pouvoir de réalité!
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Je remercie tout particulièrement Masse critique et Fluide Glacial pour cette BD que je n'aurais jamais choisie de moi-même dans une librairie.
Et Fluide Glacial, c'est toujours un gage de qualité, n'est-ce pas?
J'apprécie énormément les thèmes de celle-ci. Anticipation, fantastique, dystopie, humour noir.
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J'ai découvert ici un dessinateur/scénariste , chef de file de la très dynamique bande dessinée contemporaine turque. Qui raconte le quotidien des jeunes de sa génération, au travers des récits aux accents autobiographiques qui évoquent la situation particulièrement tendue que vit la société aujourd'hui.
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C'est un recueil de 15 contes ou fables aux allures d'anticipation, au ton humoristique/satirique. L'auteur veut faire passer le message d'une génération prisonnière d'un système de plus en plus répressif et oppressant.
On peut le mettre en parallèle avec la très bonne série anglaise "Black Mirror" .
C'est glaçant de vérité. Plus j'avançais dans mon récit et plus "ça me foutait les jetons" . Alors, oui , me direz-vous: pourquoi tu continues à lire, à te faire peur? C'est clair, mais cela me fascine,
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Mes contes préférés? "De l'or dans les mains" où les médecins peuvent prédire le futur métier d'un enfant dès la première échographie,
et "Famille nombreuse" qui permet de transférer une âme dans le corps d'un vivant.....
C'est délicieusement terrifiant quand on y songe.
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Parlons du trait. Les couleurs sont assez pastels; tantôt colorisé, tantôt monochrome, le dessin est très réaliste, avec beaucoup de lumière. Les détails sont multiples et précis. Les visages des personnages sont ultra réalistes (les rides par exemple ou les expressions sont bien reproduites).
Apparaissent aussi les caricatures de quelques dirigeants d'Etats (pas forcément à leur avantage !).
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L'auteur n'est pas très optimiste dans cet ouvrage. Mais il pointe du doigt les travers de son pays (et par extension le monde entier). Politique, économique, social, médical, technologique, tous les dysfonctionnements (et abus) passent par son coup de crayon.
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J'ai passé un très bon moment (attention ça grince des dents!), un petit bijou perdu dans les bacs de librairie. Je vous le conseille fortement ; allez l'acheter ou l'emprunter, aucun regret à avoir.
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J'attendais beaucoup de ce conte au vu des critiques assez élogieuses dans la presse. Je suis fort déçu car je n'ai pas ressenti quelque chose de fort. Certes, c'est assez bien dessiné et colorisé dans un format de qualité.
Cependant, ces petites histoires assez cyniques ne me parlent pas. Elles sont trop bizarres et loufoques. J'en perçois à peine le sens pour certaines d'entre-elles. Il est vrai que l'humour noir n'est pas ce que je préfère.
Pour autant, je conçois tout à fait que cela pourra plaire à un public plus avisé et sensible à ce genre.
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Dérangeant pour le moins sont ces différents contes d'une noirceur profonde.
Difficile d'apprécier quand cela dérange autant, je salue l'auteur et son imagination débordante mais...ce n'est pas ma tasse de thé.
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Des contes trop noirs, trop dérangeants, trop cyniques, pour que je puisse vraiment les apprécier.
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Les yeux plein de terreur, le garçonnet comprend qu'il a été vaincu. La cruauté vient de là, de cette compréhension qu'il a des événements, de ses conséquences, quand ses camarades ne disposent que d'un instinct stupide qui les avertit d'un danger probable. La sentence a les aspects d'une mort douce, et lente, et qu'on pourrait décrire en un retour, provoqué par neurochirurgie, vers l'état de bêtise que connaissent les autres élèves. Une voix, pourtant, celle du narrateur, a tenté de l'avertir, de le sauver du danger. La voix était celle de l'espoir, celui d'une vie fondée sur la raison, et celui d'une autre société, qui garantirait la liberté des hommes ainsi que leur capacité de réflexion et de former opinion. Las, ces espoirs s'envolent, ou plutôt s'écrasent, et il faut alors, pour ce mystérieux et ambivalent narrateur, recommencer sa quête et la formation d'un esprit, un seul, qui reprendrait le flambeau. Voici l'un des quinze contes que nous propose Ersin Karabülüt, jeune auteur turc à l'oeuvre déjà dense. Quinze contes, donc, courts et intenses, dystopiques en ce qu'ils semblent se dérouler dans une réalité parallèle à la nôtre et qui, pourtant, paraît partager avec cette dernière de nombreux points communs. Les maux de nos sociétés contemporaines, ses peurs, ses obsessions, y sont traduits avec brio dans des situations qui provoquent une nécessaire réflexion sur l'état de notre monde. de la relation amoureuse à la prédestination sociale en passant par, au choix, l'usage de la peur par les pouvoirs politiques, le culte de l'égoïsme ou l'isolement quasi psychopathique de certaines personnes, l'auteur turc paraît bien pessimiste - le titre parle d'une société résignée, donc sans espoir - quant à l'avenir de ce monde. Son dessin, à la fois réaliste et caricatural colle bien aux intentions de l'auteur : déformer la réalité pour que nous en prenions mieux conscience.
La couverture annonce la couleur. Une famille - une femme, un homme, une enfant - s'apprête à sauter dans le vide depuis le toit d'une maison. Tout autour d'eux, depuis les immeubles voisins, des femmes et des hommes ont déjà choisi ce triste sort. La femme jette un oeil derrière elle, sur le lecteur que nous sommes, comme pour le prendre à témoin de sa détresse. Détresse dont on pourra, au fil des pages et des contes, mesurer l'aspect protéiforme, révélateur des maux de nos sociétés. Car, loin de s'en tenir à la seule société turque, Ersin Karabülüt analyse plutôt une époque dans toute ses dimensions politiques, sociales, culturelles ou encore technologique. le ton est volontiers caricatural, presque obscène. Rien n'est épargné au lecteur, ni les scénarios chocs, ni les images crues. le trait se fait l'écho de cette ambition : dans une veine réaliste, Ersin Karabülüt dessine des personnages dont la laideur morale transparaît sur leur image physique. Les scènes les plus ordinaires de la vie quotidienne détiennent en elles quelque détail inquiétant ou horrifique, et il n'est pas un conte qui se termine d'heureuse façon. le ton, donc, est fataliste ; sans doute est-ce là une manière forte de nous mettre en garde contre les tourments qui nous attendent et qui sont, déjà, parmi nous.
Au centre de ces histoires, on retrouve des personnages bien souvent isolés que les circonstances vont mettre au pied du mur, ou aux prises avec un grand danger. A première vue, pourtant, ces personnages ne sont pas seuls. Maris et femmes, enfants, parents, amis ou camarades les entourent. Mais le danger provient bien souvent de ces individus si proches. Ainsi dans Mortelle apparence, un jeune homme raconte que son frère, au crâne déformé à la naissance, a la capacité de prendre n'importe quel visage, et que ce frère a pris pour habitude de prendre son visage pour mener une vie normale, conduisant à l'effacement du narrateur. Dans Une vie à crédit, des enfants tentent de tuer leur grand-père au motif que celui-ci consomme des crédits de vie, attribués en bloc au sein de chaque foyer. L'isolement familial est parfois plus pernicieux. Dans La chose au plafond, une vie de couple se fissure et se détériore lentement, au rythme de la progression descendante d'une étrange formation phallique depuis le plafond de leur chambre. L'amour, on l'a compris, est depuis longtemps une valeur déclassée. de l'or dans les mains parle tant de prédestination sociale - les enfants se voient attribuer un métier alors qu'ils sont encore à l'état de foetus - que d'effondrement des valeurs familiales : une naissance n'est heureuse que si la voie du futur enfant est favorablement tracée. Un met des plus exquis raconte la passion pour le moins pathologique d'un livreur de repas pour l'une de ses clientes. Même dans Une journée superbe, l'amour entre un jeune homme et une femme prend des allures de film d'horreur. Égoïsme (Le fantôme de l'innocence) voire égocentrisme (Aimez-vous les uns les autres), narcissisme, drame de l'isolement (Une drôle d'affection), atavismes psychopathiques (Une famille nombreuse), manipulations individuelles ou collective (Les vertus de l'épouvantail), Ersin Karabülüt passe en revue nos lubies les plus malsaines, nos comportements les plus ordinaires et pourtant les plus tragiques dans lesquels, d'une manière ou d'une autre, chacun pourra se reconnaître. L'auteur montre ainsi que l'égoïsme banal peut tuer, tous les jours, d'innocentes victimes, que l'amour qui rend aveugle ne rend pas nécessairement beau, que notre obsession de notre propre image peut nous tendre infiniment stupide ou encore que nos peurs, essentiellement, nous gouvernent. L'horizon est sombre, le tableau ne donne guère envie. La piqûre de rappel est certes douce - il ne s'agit que de tourner les pages -, et cependant brutale. Mais, à nous résigner, ce serait peut-être pire.
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Un gros coup de coeur pour cette bande dessinée vraiment atypique !
Plusieurs contes de quelques pages seulement nous sont racontés. Tous critiquent notre société d'une certaine manière. Parmi mes préférés : "Une journée superbe" raconte l'histoire d'un couple très amoureux, tellement amoureux qu'ils donneraient tout ce qu'ils ont pour l'autre... Quitte à se
dévorer mutuellement.
Ou encore : "Une vie à crédit" où on se retrouve dans un appartement avec trois enfants qui pensent sérieusement à tuer leur grand-père pour récupérer ses "crédits de vie" et ainsi vivre plus longtemps à eux trois ! Apparemment dans cette société la vie se gagne par la mort des autres... Ils décident alors de passer à l'action mais vont être surpris de voir leur grand-père prendre les choses en main d'une manière tout aussi violente. Qui gagnera le plus de crédits ?
Des contes fantastiques, mais pas si fantastiques au fond, car on se demande presque si cela ne va pas arriver un jour, cette décadence de sentiments, cette absurdité totale. Une bande dessinée qui dérange, mais qui dérange dans le bon sens, avec un sens caché. Des dessins marquants, presque grotesques, et même parfois beaux dans l'horreur. Superbe !
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