Il y a quelques jours, je vous parlais de
Seules contre tous, un album où
Miriam Katin revenait sur ce qu'elle a vécu pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Nous nous invitons cette fois dans l'appartement new-yorkais de l'auteure. Elle y travaille ou du moins tente de le faire. Une mélodie sort de la pièce d'à-côté, un camion de pompier passe en trombes dans la rue, une petite faim… rien ne lui permet de se concentrer. Elle procrastine ! Elle reprend donc les choses à zéro et nous invite à créer le livre en sa compagnie.
Alors, où commence une histoire ? Imaginez que vous vous trouvez actuellement dans l'histoire en question. Que c'est une situation douloureuse et que vous savez dessiner. Alors, vous devez essayer de vous en extraire par le dessin
Une blatte fait son apparition sur son oreiller. L'appartement en regorge mais est-ce une métaphore ? Un clin d'oeil au cafard de
Will Eisner ? Quoiqu'il en soit, l'auteure tient un fil ; elle fait venir un technicien pour les éradiquer. Une réflexion de l'agent d'intervention la met sur une piste :
« Ah ça Madame, c'est de la blatte germanique et il y en a un paquet.
- Germanique ? Pourquoi germanique ?
- Je ne sais pas. Peut-être parce que c'est des sales bêtes ».
Et voilà
Miriam Katin partie à la rencontre d'un expert pour se documenter. Elle souhaite comprendre l'origine de cette appellation. Origine ! le mot est lancé. Ses recherches l'occupent jusqu'à ce que son fils, installé en Europe depuis quelques temps, lui annonce qu'il souhaite s'installer à Berlin et prendre la nationalité hongroise.
Miriam Katin associe passé et présent. Les traumas de la Seconde Guerre mondiale ressurgissent.
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La légèreté du ton employé de dilue en aucun cas les propos tenus par
Miriam Katin dans l'ouvrage. Au début, s'il est question des difficultés liées à un sérieux manque d'inspiration, l'auteure nous emporte très rapidement vers un tout autre témoignage. Les propos d'Ilan, son fils, la percutent de plein fouet. Pourtant, malgré le raz-de-marée que provoque en elle cette annonce, elle va de l'avant et se force à comprendre la démarche de son fils. Si elle trouve ce projet insensé, il est pour elle inconcevable que son fils ait pris sa décision à la légère.
Un tumulte qu'elle illustre parfaitement. Feutres, crayons de couleurs, crayon de papier… c'est un joyeux charivari d'humeurs et de décors qui nous emporte dans le quotidien légèrement déjanté de l'auteure. Une femme qui croque la vie à pleines dents, du moins c'est l'impression qui ressort. Elle est amusante et ne s'encombre pas avec de complexes inutiles. Sans chercher à plaire ou à déplaire, elle s'affranchit des codes de bonne conduite habituels, elle se montre telle qu'elle est dans son quotidien : mal coiffée au réveil, débraillée après un repas bien arrosé avec sa mère… Sans changer de rythme ou de registre narratif, elle nous livre sans pudeur ses inquiétudes les plus tenaces, ses peurs et ses joies les plus primaires. Une femme forte qui n'hésite pas à remettre en cause ses convictions et ses choix. Elle nous offre la possibilité de l'accompagner dans un quotidien décapant.
Certaines planches m'ont fait penser au travail de
Florent Chavouet (
Manabé Shima, Tokyo Sanpo). Certes, le trait de
Miriam Katin est moins chargé. Les teintes des illustrations sont douces, le dessin est soigné même si ponctuellement, il se fait plus nerveux pour coller aux moments de précipitation (un départ en avion, un gros problème gastrique à l'hôtel…) ou d'angoisses. Les dessins, soignés et détaillés, vrillent régulièrement sous l'effet d'un trait plus sec et nerveux. Une veine graphique qui renforce la spontanéité que l'on ressent dans la manière que l'auteure a de se présenter au lecteur et dans sa manière d'être au quotidien. La personnalité de cette dernière fait le reste et le lecteur l'accompagne dans son quotidien pétillant. On trouvera également de nombreuses métaphores graphiques qui soulagent ses propos, renforcent l'idée qu'elle pose un regard amusé sur sa vie et la manière qu'elle a d'aborder les difficultés.
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