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EAN : 9782845974852
64 pages
Textuel (12/03/2014)
3.11/5   9 notes
Résumé :
Montée de l'extrême droite et des nationalismes en Europe, stigmatisation des roms, islamophobie, antisémitisme, enfermement communautaires.
De graves menaces planent sur nous dans un contexte de crise économique et civilisationnelle.
Jean-Claude Kaufmann montre qu'une telle obsession identitaire s'inscrit dans des modalités historiques nouvelles de fabrication de l'identité dans nos sociétés individualistes. Il apporte un éclairage essentiel au débat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Notre identité serait-elle une simple carte avec des indications pour le moins succinctes : nom, taille, lieu de naissance ? Eh non, ce n'est pas si simple. L'identité se construit par des choix, des questionnements. Et là comme partout ailleurs, les inégalités existent : argent, accès à la culture, à l'éducation, lieu de résidence. Et sans entité structurante, de celle qui existait par les corporations, le travail, la communauté de vie, un État plus présent (avant Mai 1968, pas besoin de dictature), la crispation autour des quelques idées qui deviennent fixes, totalisantes contre les "Autres" devient la seule manière de s'affirmer. Les différences sont vues comme des menaces ; le totalitarisme, le repli, voire l'explosion civilisationnelle ne sont pas loin.
Ce petit essai est intéressant, assez vite lu et relu (60pages environ). Il souligne des questions presque vitales, du moins indispensables dans ce contexte de montée des extrême-droite, de crispation religieuse. Pour autant, ayant lu Les Identités Meurtrières de Maalouf, je n'y ai pas appris grand chose de nouveau. Mais j'ai eu la confirmation que l'appel de 1998n'a pas été entendu, que 2001 et les guerres qui ont suivi ont continué à savonner la planche.
Pour l'instant, tout va mal. En pire.
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Dans l'urgence de l'info sur les (probables) djihadistes français, Maxime Hauchard et Mickael Dos Santos, je me suis précipité à lire cette courte synthèse "à visée pédagogique", qui a sans doute été rédigée aussi dans (une autre) urgence.
Je connais et j'estime J-C. Kaufmann comme sociologue de la vie quotidienne, mais je n'ai pas lu ses deux ouvrages de sociologie de l'identité : L'invention de soi (2004) et Quand Je est un autre (2008).

Ce livre se compose de trois chapitres : le premier, une mise au point théorique sur l'identité, est certainement le plus dense et intéressant, le second et le troisième, de nature beaucoup plus pamphlétaire, s'attelant à la question des dangers d'une explosion conflictuelle de nature identitaire probablement imminente et de vaste envergure, en relation avec la "faillite du capitalisme financier" et l'augmentation effrayante des inégalités. J'aime beaucoup, d'emblée, cette mise en relation de l'identité avec l'économique. Même si elle ne m'a apporté que des réponses assez indirectes vis-à-vis de mon questionnement de départ.

L'identité est une notion floue et galvaudée par sur-usage. Cela est très dangereux, d'autant qu'il existe un précédent historique : c'est la notion d'intérêt au XVIIe s. : "ce flou jouait un rôle social fondateur. Il allait permettre de placer l'économie de marché au centre de la régulation sociale" (p. 10).
Trois erreurs sont commises en pensant à l'identité : "croire qu'elle renvoie à l'histoire, à notre mémoire, à nos racines", alors qu'elle relève essentiellement de la seconde modernité occidentale des 50 dernières années, liée à la subjectivation ; la confondre avec l'identification administrative (papiers d'identité), fondée, elle, sur des données et une classification objectives ; la croire fixe alors qu'elle est de plus en plus fluctuante, cette erreur renvoyant ainsi soit à une conception essentialiste, soit aux dérives intégristes (totales, holistes et omni-compréhensives).
La subjectivation moderne des sociétés individualistes possède des dimensions émancipatrices, mais "elle peut aussi s'avérer épuisante pour l'individu moderne, produisant des situations très discriminantes, de nouvelles inégalités. Les personnes dont la position sociale garantit une certaine reconnaissance, et qui sont inscrites dans des réseaux multiples et diversifiés, ont la possibilité de jouer de leurs différentes facettes identitaires. Celles au contraire qui se sentent davantage sur la défensive, menacées de stigmatisation ou plus simplement d'une perte d'estime de soi, sont guettées par le risque d'un repli [...] dans des totalités significatives qui leur fixent une identité, aussi indiscutable qu'une croyance religieuse." (p. 19)

Dans le ch. II, où l'accent est posé sur la crise économique provoquée par le surendettement global, il est question de l'antidote individualiste, intimiste, sécurisant et réconfortant que sont nos "passions". "Le mot passion, qui vient d'une lointaine mystique radicale, s'est étonnamment installé aujourd'hui dans le langage courant pour désigner [...] de simples pratiques de loisir. Nous sommes passionnés de musique classique ou de football, nous éprouvons une vraie passion pour nos rosiers ou notre chien" (p. 38). Mais ces passions étant aussi très inégalitaires, ceux qui en sont exclus transforment leur besoin de reconnaissance en "éclats passionnels" : "La rancoeur, la rage et la haine se libèrent et s'installent face à des 'eux' amalgamés et mal définis". (p. 39)

Dans le ch. III, "la montée des périls" est représentée par le racisme, le national-racisme, le rejet des étrangers et autres porteurs d'identité jugée autre, selon des critères vagues et fluctuants mais tournant autour de : "religion, race, nature, tradition, nation". Des exemples français récents sont rapidement convoqués : les "bonnets rouges" de l'automne 2013, la "quenelle" néo-nazie et autres "cadeaux" d'Alain Soral et Dieudonné, la "respectabilité" du FN, la généralisation de la stigmatisation des Roms, le "Printemps français" contre le mariage pour tous, le "Grand débat sur l'identité nationale" promu par Sarkozy, mais aussi des phénomènes analogues en Italie (contre la ministre Cécile Kyenge et autres violences inouïes), et en Russie notamment ; les tensions intra-européennes (entre pays du Nord et du Sud) sont également évoquées.

La sonnette d'alarme étant tirée dans des tons assez apocalyptiques, il reste à faire un plus long travail d'analyse de tous ces symptômes, au moins aussi précis que celui qui a été fourni dans le diagnostic.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Seules la crispation sur quelques idées fixes et l'énergie oppositionnelle contre toutes sortes d'ennemis conjurent alors une désintégration psychologique. Mais il y a un prix à payer. Les affirmations identitaires grandissantes, dérivant dangereusement vers un fondamentalisme essentialiste, dessinent un possible avenir explosif pour nos sociétés.
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Les démunis-de-tout construisent aussi leur reconnaissance mutuelle en inventant leur petit monde contre le reste du monde, dont la réalité s'éloigne et se brouille. Mais, loin de la douceur caressante ou d'une inventivité ludique, dans la dureté d'un univers fermé instaurant ses codes, son langage, sa culture. Le petit monde contre le monde se constitue alors durablement à partir de la passion mauvaise, et piège l'individu à l'intérieur.
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Le drame est que ce sont les plus légitimes à se révolter qui sont les plus menacés par la régression intégriste identitaire. Face au monde extravagant de la finance, qui augmente toujours plus l'accumulation de ses rentes dans ses paradis fiscaux, des millions de personnes pauvres et modestes continuent de voir leurs revenus diminuer, pour rembourser les dettes provoquées par cette même finance (notamment à cause du sauvetage des banques avec l'argent public). La morale la plus élémentaire commanderait l'insurrection ; la colère rentrée est énorme.
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Le second phénomène est beaucoup technique, mesquin et secret : dès la fin des années 1960; l'économie dominante a commencé à gagner du temps par la fabrication massive de fausse monnaie. Cela commença d'une façon très classique par une inflation à deux chiffres visant à acheter la paix sociale après mai 1968 (quelques années plus tard, les mirifiques augmentations de salaire étaient réduites à néant). Mais le grand saut dérégulateur s'est produit en 1971, quand les Etats-Unis décidèrent la fin de la convertibilité du dollar en or. Toutes les monnaies du monde étaient indexées sur la dollar (suite aux accords de Bretton Wood), mais celui-ci prenait la liberté d'être imprimé à sa guise ! La porte était ouverte à la fabrication de fausse monnaie sans contrôle.
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La modernité issue des Lumières se croyait fondée sur la Raison, dont la victoire sur les ténèbres émotionnelles et mystiques était annoncée comme inéluctable.Or les développements sociaux les plus récents montrent chaque jour davantage que le rationalité doit en fait composer avec de nouveaux univers de croyance, univers qu'elle impulse paradoxalement elle-même à mesure qu'elle s'approfondit. Les croyances contemporaines sont moins un résidu des temps anciens qu'un produit de la modernité la plus avancée.
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Videos de Jean-Claude Kaufmann (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Claude Kaufmann
https://www.laprocure.com/product/1073037/kaufmann-jean-claude-petite-philosophie-de-la-chaussette
Petite philosophie de la chaussette Jean-Claude Kaufmann Éditions Buchet-Chastel
« La chaussette, c'est sans doute l'accessoire de notre vestiaire le plus discret, le plus anodin, parfois même le plus invisible, et c'est un défi que relève dans ce livre Jean-Claude Kaufmann : nous présenter une Petite philosophie de la Chaussette pendant deux cents pages. C'est vraiment un livre passionnant, parce qu'on découvre que la chaussette cristallise en fait bien des aspects de notre époque contemporaine, notre rapport à la mode, notre rapport à l'argent, notre rapport aussi au couple... » Guillaume, libraire à La Procure de Paris
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