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Suzanne Rosset (Traducteur)
EAN : 9782253059349
224 pages
Le Livre de Poche (01/03/1992)
3.46/5   53 notes
Résumé :
Leurs yeux se cherchèrent et au moment où leurs regards allaient se fondre, les bras de l'homme l'attirèrent vers lui et il posa son visage sur la jeune femme.

- Imbécile ! dit Yumiko en repoussant la bouche de l'homme de la paume de sa main droite. Les dents n'étaient-elles pas teintées par le poison des pilules que Yumiko lui avait enfoncées dans la bouche ? Elles avaient fondu en libérant le liquide.

- Décidément, tu n'es qu'un imbéc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Un billet d'avion en poche, deux escales, vol long-courrier, atterrissage au pays du soleil levant. Déambuler seul dans les rues de Tokyo, le parc de la Sumida et le fameux temple d'Asakusa. Je replonge volontiers dans les années 20-30, l'entre-deux-guerres, une musique de jazz insouciante dans la tête qui accompagne cette pérégrination d'antan.

Asakusa, dans ces années-là, c'était le temple des geishas et le temps des amuseurs ambulants. Les théâtres grivois se dévoilent, comme un sein qu'on entraperçoit dans le pan d'un yukata s'ouvrant à la bise du vent. Biser ce sein, celui qui ose se montrer sous la douce lumière bleue d'une lune venue observer les moeurs de l'époque. Une jambe nue ou l'érotisme d'une nuque, sur le pont Kototoi, c'était une autre époque, reste un spectacle à la hauteur d'un feu d'artifice à la tombée de la nuit, d'un Mont Fuji aux premières lueurs d'un petit matin ou d'une toison brune mouillée à la sortie d'un onsen, lumières vespérales.

A la manière d'un journaliste qui, dans le temps, proposait des chroniques ambulatoires sur la vie, la plume de Yasunari Kawabata m'a une nouvelle fois émerveillée. J'étais moi aussi, avec lui et à travers ces reportages, des instantanées de vie avec quelques prostituées russes ou quelques ivrognes arpentant les trottoirs, sous le son des cloches des temples ou des getas des geishas arpentant l'asphalte chaude d'un quartier « chaud ». L'été caniculaire se prolonge au-delà du soleil levant. Quelques policiers passent, des affiches s'envolent, la bande des ceintures rouges se rassemblent, tu sens l'odeur de ces brochettes grillées à même la rue, le parfum de jasmin de cette geisha, l'eau du riz qui embaume les ruelles étroites. Je m'assois sur un banc, seul, dans le parc Ueno avec mon bouquin et le cri d'un corbeau noir, ouvre les pages de L'Asahi Shinbun, et découvre ces tableaux vivants, une jeune fille qui passe à vélo, un air de piano porté par la brise, une radio qui crachote du jazz, un flot de passants anonymes, les flots de la Sumida. Un parfum d'amour qui m'enivre, une passion japonaise qui illumine mon âme depuis des années, ce jasmin ou ce coquelicot, un spectacle étrange et merveilleux…

Ces chroniques se lisent comme des chroniques. Elles s'enchaînent, elles se visualisent, elles se sentent. Elles dessinent au final la trame d'un roman, elles me plongent surtout dans un lieu et une époque bien lointaine, entre la brume et le soleil, entre le frémissement et la lune bleue, le Mont Fuji comme point de repère au loin, et au près un yukata qui s'ouvre, une geisha qui se dévoile.
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Assurément, c'est là un bien étrange récit que nous propose Kawabata. Ce n'est ni un roman, ni un recueil de nouvelles, mais un assemblage, forcément inachevé, des chroniques qui furent publiées quotidiennement pendant deux mois, de début 1929 à début 1930, dans le journal Asahi Shinbun.
Nous nous retrouvons avec des juxtapositions de scènes de rues dans le quartier mal famé qu'était alors Asakuza, lieu fertile en maisons de passe et spectacles érotiques, à la population interlope et à la morale élastique… Les personnages vont et viennent, disparaissent, reparaissent au détour d'une ligne pour s'évanouir de nouveau, et il ne faut pas y chercher un quelconque fil narratif. Tout juste si l'on peut dire que l'on y suit les mésaventures de quelques membres de la « bande des ceintures rouges », qui n'ont rien de malfaiteurs, d'ailleurs, ou du moins pas de façon explicite. Ils s'amusent, par exemple à laisser leurs billets votifs, achetés au temple, sur les endroits les plus inattendus, comme la grosse lanterne qui décore le portique d'entrée dans ce quartier consacré au temple de Kannon. 

Kawabata intervient lui-même dans le récit. Il y fait la connaissance de Yumiko, qui lui affirme très vite qu'« à Asakuza, trop de gens font commerce de la misérable laideur de l'apparence humaine ». On y découvre donc les filles d'Asakusa, « poupées de foire », mais aussi les naufragés de l'histoire, comme ces réfugiées russes, appréciées pour leur peau immaculée « à l'opaline blancheur », et qui se trouvent plus ou moins contraintes d'être des danseuses (une profession qui permettait de surmonter facilement l'obstacle de la langue) faisant à un bon prix commerce de leurs charmes slaves. 

Kawabata, désirant au début du récit s'installer dans le quartier, et au regard volontiers attiré par les tenues écarlates des jeunes filles, y décrit aussi les rues, les magasins, les terrains vagues, les ponts, les salles de spectacles et leurs revues plus ou moins déshabillées ; toute une géographie disparue, instable, qu'il déroule sous les yeux du lecteur, mais qui à l'époque de sa rédaction était une peinture vivante de la vie agitée du quartier. Des music-halls où l'on sent, après le spectacle, « une odeur de mendicité imprégner le sol, les chaises et les murs » au kurenai-maru, bateau où se déroule un face-à-face amoureux et tragique aux accents surréalistes ; de l'histoire d'Umé le chat d'argent au désastre du tremblement de terre de 1923 ; nous retrouvons Yumiko, héroïne multiple de récits entrelacés, et les aventures de ses connaissances, comme Hiko le gaucher ou Chiyo, jeune fille tôt flétrie, dans les nuits chaudes de l'été.
Ce récit ressemble donc davantage à une collection d'impressions, à des histoires imaginées lors de promenades à Asakuza, et c'est probablement de cela qu'il s'agit. Kawabata avait pour habitude de composer ses romans, à une certaine époque, en effectuant une mise en scène d'écrits disparates, collectés, mis en perspective et remaniés. Là, c'est le matériau presque brut, journalistique au sens propre, de cet assemblage, qui n'a jamais été réalisé, qui nous est offert.

La traduction, de Suzanne Rosset, ne souffre aucune critique, et nous rend avec vivacité et justesse les impressions de l'auteur, qui nous convie à une promenade où les époques se mélangent et se télescopent, qu'il ne faut pas aborder comme un récit fini, une nouvelle terminée, mais comme une collection d'articles aux minces fils conducteurs, car, comme le note Kawabata, « essayer de donner un reflet de ce qu'a été la vie d'Asakuza est encore plus problématique que de capter les rayons du soleil de l'année précédente ».
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Un roman expérimental
J'ai eu un mal fou à lire ce livre et je n'ai sans doute pas tout compris.
Cette oeuvre n'a rien à voir avec un roman traditionnel pas plus qu'elle ne ressemble à une chronique à la Nicolas Bouvier. Ce n'est pas un roman traditionnel car il n'y a pas de trame narrative sur laquelle s'appuyer ni de personnage principal auquel s'attacher. Le narrateur est plus un témoin qu'un protagoniste mais ce n'est pas non plus un guide fiable qui vous rassure en vous fournissant beaucoup d'explications. C'est donc un roman expérimental, une sorte de roman cubiste où apparaissent des fragments du quartier d'Asakusa dans les années 20. Air de piano, bribes d'une conversation, enseignes lumineuses, publicités déchirées défilent comme au cinéma. On découvre les théâtres, les cabarets, les restaurants, les parcs remplis de vagabonds, tout le petit peuple diurne et nocturne de ce Montmartre japonais: comédiens, prostituées, travestis, geishas, garçonnes, gamins abandonnés. Parfois la caméra s'attarde sur un personnage haut en couleur avant de passer à autre chose. Ainsi la jeune Yumiko qui accompagne le narrateur au début du livre, disparaît puis réapparaît comme dans une malle des Indes, toujours plus étrange. Ce que je retiens c'est l'énergie débordante du quartier mais aussi celle qu'il m'a fallu dépenser pour terminer cet ouvrage.
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Bienvenue à Asakusa (dans les années 30), quartier populaire de Tokyo où, la débrouille est maître mot.
Dans ce quartier si caractéristique ( qui m'a fait penser à plusieurs reprises à Barbès - Montmartre), on y trouve une population hétéroclite : mendiants, prostituées, gamins des rues, geishas, gangs...tout ça au milieu de la beauté de l'architecture et des temples traditionnels.

Dans ce récit, Kawabata relate sous forme de petites chroniques, les tranches de vie d'un quartier animé et parfois dangereux.

On va suivre quelques protagonistes dans différentes situations mais surtout dans leur quotidien.
La poésie de l'écriture atténue la dureté de la réalité pour cette population en pleine précarité.
Tout en sous entendu, l'auteur raconte les abus, l'enrôlement, la misère, la mort mais aussi le bruit, la musique, les spectacles qui animent le quartier.

En interpellant le lecteur directement ("cher lecteur"), Kawabata nous rappelle à notre rôle de voyeur, braquant les projecteurs sur le petit peuple.

La vie de ce quartier phare de Tokyo suit son cours et chaque jour qui recommence banalisé la vie à la dure.
Personne ne s'en plaint ni ne subit vraiment.
Parfois résignées, parfois revanchards, les personnes s'adaptent à la vie rude d'Asakusa.

Chronique de la vie quotidienne d'un quartier racontée à la manière d'un film faisant le focus sur un personnage à la fois.

Lentement, l'auteur décrit avec précision tout ce qui fait le quartier: nature, architecture, ambiance, odeurs...
Une sorte d'art contemplatif, douceâtre avec parfois quelques épines qui piquent et dérangent mais qui finalement ne pourraient pas être autrement sans quoi, on enlèverait le "charme" discret de ce quartier.

Kawabata ne cherche ni à embellir ni à alarmer dur ce qu'est ce quartier, il en fait juste " une chronique de la vie ordinaire".

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L'auteur dépeint la vie d'un quartier de Tokyo dans les années 1930. C'est un recueil de nouvelles mais le personnage de Yumiko sert de fil conducteur. Comme toujours, les descriptions se font par petites touches, l'écriture épurée de l'auteur donne une ambiance singulière à l'ensemble. Empreinte de nostalgie, l'écriture de Kawabata est une écriture de l'indicible, presque comparable en cela à de la poésie.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Une lumière rose se réverbérait sur l’asphalte qui luisait comme une chape de plomb. Des points rouges éparpillés de-ci, de-là flottaient au hasard au-dessus de la ville. On entendait l’écho du tramway. Il était cinq heures du matin. Dans la lumière irisée du soleil, l’urine de la veille dessinait sur l’asphalte de longues bandes parallèles. Le parc Sumida était comme une grande maquette en forme de H. Le pont Kototoi reliait la berge de Mukôjima à la rive d’Asakusa.
Au clair de lune, le flot de la Sumida roulait des eaux ocres, mais à la lumière tamisée du soleil, il devenait sombre comme la boue. Une balustrade épousait les contours du pont tel un peigne fin, et de cette infrastructure métallique aérienne, faite d’une seule plaque de fer très résistante, ressortaient seuls des piliers illuminés, minces et élancés comme des crayons. Par temps clair, on apercevait les monts Tsukuba et aussi le Fuji. Quel spectacle étrange et merveilleux !
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Reconstruit au mois de février 1928, le pont de Kototoi est d'allure moderne, clair, plat, large et blanc. Il trace une voie nouvelle et saine au-dessus du fleuve Sumida souillé par les déchets de la ville.
Mais, quand je le traversai à nouveau, les panneaux lumineux et les lumières des alentours sombraient déjà dans l'eau noire ; il était imprégné d'une mélancolie citadine. Sur la rive d'Asakusa, des pierres de taille blanches laissaient apparaître leurs contours flous dans l'obscurité du soir, là où le parc était en travaux. On voyait au loin des ouvriers qui faisaient un feu près de leurs chevaux.
Par-dessus le parapet, on entendait le bruit indistinct de la marée montante. Sur trois péniches amarrées à un gros pilier en béton, c'était l'heure du dîner.
A l'arrière, le riz fumait sur les réchauds. Une jeune fille coiffée d'une serviette, un coffre à la main, enjamba le bord d'un des bateaux. A l'avant, du linge rouge séchait sur une rame posée de travers. Sur le bateau voisin, on grillait des maquereaux à la lumière d'une lampe à pétrole. Pêle-mêle sur le toit, traînaient un tamis à pâte de soja, des bûches, un seau.
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Dans le brouillard matinal, les lampadaires, restés allumés toute la nuit, étaient aveuglants.
Des réverbères décorés de fleurs de lis étaient alignés le long d'une avenue communément appelée Yonekiudori. Il n'y avait là, et du reste dans tout le parc, qu'un seul endroit ouvert toute la nuit : la maison mère des magasins Azuma où, en écoutant à la radio les cadences de la gymnastique, on mangeait, pour le petit déjeuner, du bœuf bouilli aux légumes.
C'est alors que les vagabonds venaient regarder les affiches accrochées aux panneaux de la salle de cinéma. Sans être bousculés, ni dérangés par personne, baignés par la lumière du soleil matinal, ils profitaient du calme pour regarder attentivement.
Dans Asakusa où tout sommeillait, seul le coiffeur se levait de bonne heure, et devant le miroir fixé au montant de la porte encore close, une fascinante jeune fille était en train de se farder.
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Il y a deux cents ans, elle débutait comme porteuse d'eau dans un établissement où l'on servait du thé et autres boissons. Puis elle devint prostituée clandestine dans un magasin d'instruments pour se curer et se noircir les dents, et ensuite tireuse à l'arc chez un marchand d'arcs. Déjà, on entrait dans l'ère Meiji. Elle ouvrit alors un bordel, s'occupa d'une salle de lecture publique de journaux, d'un centre de jeu de go, puis elle fut la maitresse d'un marchand de bière et d'un patron de stand de tir à l'arc. Alors commença l'ère Taishô, avec les "geishas de Taishö" et le grand tremblement de terre au cours duquel toutes sortes de femmes disparurent en même temps que la tour de douze étages.
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La danseuse qui exécutait sur la scène une danse espagnole avait - je n'invente rien, je l'ai vu de mes yeux - un petit pansement sur chaque bras, comme si elle venait juste d'avoir une piqûre. Vers deux heures du matin dans les jardins du temple d'Asakusa, une quinzaine de chiens errants poursuivaient un chat avec des aboiements féroces. Mais ce n'était pas pour cet Asakusa-là, ce n'était pas pour aller respirer l'odeur du crime que j'avais suivi ces vieilles bicyclettes.
Après une heure et demie du matin, à Asakusa, on a parfois l'impression que les policiers sont plus nombreux que les simples passants, mais n'étant ni policier ni détective, je serais sans doute rentré chez moi si la jeune fille au piano n'avait été aussi belle.
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Vidéo de Yasunari Kawabata
Extrait du livre audio "Les Belles Endormies" de Yasunari Kawabata lu par Dominique Sanda. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/les-belles-endormies-9791035404031/
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