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EAN : 9782070371341
256 pages
Gallimard (05/10/1979)
4.33/5   20 notes
Résumé :
Iouri KAZAKOV (1927-1982), l'auteur de "La petite gare", l'un des meilleurs nouvellistes russes d'aujourd'hui, raconte de nouveau le Grand Nord, les voyageurs pêcheurs et chasseurs, ces solitaires qu'il affectionne. Et parfois survient une femme, le temps trop court d'entrevoir le bonheur...

1 – « La belle vie » [1957]
2 – « Dans le brouillard » [1957]
3 – « Martha l'ancienne » [1957]
4 – « La sonnerie du bréguet » [1959]<... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Oserai-je le dire ?… oserai-je prétexter cela ?… non, quand même, c’est un peu fort… mais pourtant j’y crois, voyez-vous, je m’en suis intimement persuadée, du plus profond de moi-même jusqu'à l'épiderme… J’ai un peu le trac avant de lâcher un truc comme ça… Bon, allez, je me jette :

Je considère Iouri Kazakov comme l’un des plus grands, si ce n’est LE plus grand, nouvellistes du patrimoine littéraire, toutes époques et toutes origines confondues ; excusez du peu ! Ça fait assez énorme dit comme ça, mais c’est toutefois l’exact reflet de ma pensée. J’en ai pourtant lu des tas, de nouvelles et pas écrites par des nains ni des mièvres, mais celles de Kazakov ont un effet sur moi incalculable et inaccoutumé : apaisant, bienfaisant, shootesque, nirvanesque (si vous me tolérez ces deux derniers termes).

N’imaginez pas de spectaculaire, pas d’emphase, pas de sujets déchirants, pas d’individus exceptionnels, pas de temps anciens d’une incomparable cruauté, pas de fantasmagories exacerbées, non, rien de tout ça. Rien que du très simple, du très sobre, du très naturel, des gens ordinaires dans les paysages ordinaires de Russie septentrionale.

Mais une élégance, une pudeur, une finesse, une profondeur dans l’évocation — indubitablement l’œuvre d’un grand esthète. Une âme sensible à toutes les formes du beau, celles — communes — mais si fortes du regard, celles plus sophistiquées de l’univers des sons, celles plus subtiles encore du monde des odeurs et des saveurs, bref, tout ce qui de près ou de loin peut imprimer une sensation, qu'elle soit tactile, thermique, hygrométrique, sentimentale, fruit d’une addiction ou d’un état second, amoureuse ou nostalgique.

La Belle Vie, oh oui, le bien nommé recueil, le bien aimé recueil, oh oui, la belle vie, oh oui, le coup de chance que d’avoir un tel recueil entre les mains, oh oui, que ça fait du bien de lire des lignes de cet acabit-là, croyez-moi.

J’avais adoré son précédent recueil La Petite Gare où il avait réussi à m’émouvoir même d’un chien aveugle et à me faire vibrer à l’unisson de l’animal lorsque ses instincts étaient assouvis. Ici, c’est le même bonheur à la lecture, absolument. Ici, c’est sur le destin d’une vieille dame en bord de cercle polaire arctique qui me touche au plus profond de moi, là c’est sur un alcoolique fainéant doué d’un organe vocal qui met tout le monde en état de grâce, là encore, c’est sur un couple timide aux manières un peu rudes qui n’ose pas trop s’avouer qu’ils se sentent bien ensemble, etc., etc.

Douze nouvelles, douze atmosphères, douze ambiances, douze moments volés à la vraie vie et enfermés entre ces pages, comme d’une belle fleur des champs qu’on cueille et qu'on veut conserver dans un bouquin pour qu’elle ne se fane jamais. Kazakov, le seul gars qui arrive à me faire rêver sur la Russie communiste des années 1950-60.

Il nous parle du grand nord, des littoraux de la mer Blanche, il nous parle des trains du temps de Staline dont on imagine aisément le confort, et pourtant, on aurait envie d’y être, de vivre et de voir ce que ses yeux ont vu, de posséder le même filtre que lui, qui a le pouvoir de rendre beau tout ce sur quoi il pose son dévolu.

Iouri Kazakov a le goût de nous dresser des portraits sublimes et sensitifs de gens qui ont tous, plus ou moins, pour dénominateur commun un réel attachement pour la nature bien plus que pour la foule ; cette nature vierge, sauvage, inviolée ou presque par les cicatrices de l’action humaine. Ce pour quoi il faut souvent aller loin, loin dans le grand nord ou vers l'inaccessible Sibérie, loin de la ruche bourdonnante qu’est Moscou, prendre les bus ou les trains soviétiques pour jouir de quelques heures, quelques jours d’instants de grâce…

L’isolement, le calme, la communion avec la nature, des gens simples, des gestes essentiels, des sentiments bruts, de l’indicible, un voile de pudeur, une relation intime et complexe entre deux êtres, voilà ce dont l’auteur sait se faire le chantre, le peintre et le distillateur, lui qui passe ses nouvelles dans les fins tourbillons de ses alambics et dont on regarde couler goutte à goutte la quinte essence sous laquelle il n’y a plus qu’à allonger la langue et se repaître.

Une véritable cure de jouvence, un élixir, un séjour dans la nature auprès de gens qui vivent chichement mais se sentent bien. En somme, la belle vie, mais ça, ce sera encore à vous d’en décider car ceci n’est qu’un avis, un mince reflet d’une impression de lecture sur une âme manifestement prédisposée à se laisser séduire par cette écriture, autant dire, pas grand-chose.
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“La petite gare'' de Iouri Kazakov m'avait particulièrement enthousiasmé l'an dernier. Et puis voilà que dernièrement une grande dame, fervente admiratrice de l'écrivain soviétique, m'a fait cadeau de ‘'La belle vie”, un recueil de nouvelles écrites entre 1957 et 1963.

Trois phrases extraites de la nouvelle “Un automne sous les chênes” suffisent à rendre compte du prodigieux talent de cet auteur que d'aucuns considèrent comme la référence absolue en matière de condensé littéraire :

“Une contrebasse élégiaque murmurait dans la nuit, cherchant la ligne de son contrepoint, divaguant du grave à l'aigu sans trouver de solution, et son mouvement plein de lenteur me rappelait les étoiles. Le saxophone qui la suivait élevait la plainte, puis la trompette attaquait et réattaquait des aigus frénétiques, tandis que le piano insinuait parfois au milieu de tout cela ses apocalyptiques accords de quinte. Et, pareil à un métronome, pareil au temps qu'il divisait en rythmes syncopés, le batteur soumettait tout, comme par magie, à ses coups sourds et vides.”

Privé dès l'âge de six ans de la présence paternelle pour cause de goulag, Iouri Kazakov réussit néanmoins à assouvir sa passion pour la musique et l'écriture.
Malgré la terreur stalinienne partout présente, ses écrits ne montrent jamais la moindre accointance avec le pouvoir. On pressent chez cet homme de lettres le besoin vital d'échapper à l'ambiance étouffante de la capitale, l'envie de s'évader dès qu'il le peut vers les contrées sauvages du Grand Nord, le souci constant de ne jamais laisser croire qu'il cautionne le système en place.
Malgré les vents contraires de l'Histoire, Iouri Kazakov trouve dans la beauté de la nature toujours matière à s'extasier. Il n'a pas son pareil pour s'interroger sur cette sensation de liberté, sur ces petits moments d'euphorie qui vous tombent dessus sans crier gare.
Ce court extrait tiré de la nouvelle “Dans le brouillard” vous donnera un petit aperçu de son style enjoué :

“Je suis heureux !... se dit-il. Mais pourquoi comme ça, tout à coup ?”
Bon, l'amour, ça se comprend, la réussite, le succès, le travail, quand on sent que tout vit, que tout bouge, et rondement : c'est clair il n'y a pas à s'éterniser dessus. Mais que cela vous prenne sans raison, à un moment perdu, au milieu d'une vie désespérément terne, que cela vous éclaire ainsi, que votre coeur se mette à battre et que l'on se souvienne longtemps de ce jour… Que cette nuit était belle et quelle fameuse chose que la vie !



P.-S. : C'est un bien beau cadeau que vous m'avez fait là Nastasia, un témoignage d'amitié qui me va droit au cœur ! Je vous remercie infiniment de votre gentillesse ; “La belle vie” occupera désormais une place de choix dans ma bibliothèque.
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Douze nouvelles de Kazakov,que du Bonheur!
Difficile d'écrire une critique sur ce livre,car tout est pur sensation dans ce recueil de récits,tout simple, sans fioritures, mais si profond,si intime,si touchant...je ne sais pas si j'arrive à m'exprimer.
Un voyage magnifique,nostalgique dans une Russie du siècle passé,de Saint-Petersbourg aux rives de la Mer Blanche,en compagnie d'un jeune technicien-ingénieur rentrant chez lui à bord d'un train,de deux chasseurs dans le brouillard,d'une très vieille femme sur les rives de la Mer Blanche,de Lermontov à la recherche de Pouchkine à Saint-Petersbourg,d'Iegor ,le garde-bouées ,attendant une femme aimée au bord d'une rivière en pleine nuit....Tout ces personnages entrevoient le bonheur dans les petites choses de la Vie -au son des coups de marteaux dans le brouillard/à la vue des ténèbres et des étoiles qui se reflètent dans la rivière /s'abandonnant au chant sur les berges d'une rivière /marchant seul dans la nuit parmi les chants déserts .....et au contacte de l'Amour.
Ce bonheur entrevu chez Kazakov est le vrai bonheur,des instants où l'on se sent bien , même très bien, à la vue, la pensée,l'idée,l'ouïe...de quelque chose qui nous donne un ressenti de bien-être et de paix.
"Et pourtant le bonheur,il est en tout, partout .C'est un bonheur d'être là ,tous les deux,à prendre le thé,que vous me plaisiez,que vous le sachiez.."(L'Ile),un bonheur au présent,à portée de main.
Je ne connais pas le Grand Nord de la Russie,je n'ai pas vécu à cette époque,et tout ces personnages sont loin de ceux que je rencontre dans ma vie courante,pourtant ils me sont si proches et m'ont profondément touchée,pour dire Kazakov , avec une prose toute simple nous atteint au plus profond de nous-mêmes,et je crois ,c'est ca la magie de la Littérature et le génie d'un auteur.
Merci Nastasia pour la découverte de cet auteur!
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« La place est encore chaude des êtres qu'il a regardé vivre. »

Telle est l'impression première – intensément lumineuse – que l'on retiendra de la lecture des pièces de Iouri Kazakov (1927-1982). « Pièces »… bien qu'il s'agisse de « nouvelles » : pièces composites ou « morceaux » épars d'un puzzle sensoriel rassemblant tout un monde cohérent au lyrisme puissant : univers extrêmement personnel évoquant pour nous – bien que moscovite dans sa genèse – le « provincialisme » cosmique – tout aussi singulièrement universel - du polonais Bruno Schulz.

Drôle de constellation qu'offre un recueil de « morceaux » (qu'on imagine soigneusement choisis) de Iouri Kazakov ! La belle couverture de Georges Lemoine réalisée pour l'édition de poche « folio » de « La belle vie » (LIOGKAIA JYZN), recueil de douze nouvelles publiées de 1957 à 1963 en Russie avant que d'être traduites en français par Lily Denis en 1964, nous le signifie avec ferveur : « La belle vie » nous parlera de nostalgies, de saisons se succédant (feuilles d'automne que fait glisser le vent devant le visage de la bien-aimée), de beauté fugitive, de pureté d'une nature vierge (taïga mythique mais aussi rivages de l'enfance s'effaçant de notre mémoire) – nature que l'on sait menacée dans son existence, de crépuscules de vies éparses à la surface de ce Grand Nord mystérieux dont l'auteur – toute sa vie littéraire durant – a été l'un des plus talentueux dévots.

(1) – « La belle vie » [1957] (pages 9-27) : est celle de Vassili Pankov, l'ingénieur-technicien nomade, monteur de chaudières de turbine, fantasque cigale dont nous suivrons les pas au long de six chapitres. Vassili se noyant d'alcools forts (dûment mérités) sitôt que le travail s'achève… tâtant les filles autant que son accordéon (toujours sans prévenir : lestement et bruyamment)… importunant tous les passagers d'un train de ses ivresses pénibles… avide de faire du bruit, d'attirer l'attention sur lui, d'« exister » pour autrui… technicien consciencieux puis fêtard sans limites, accroché à ses preuves d'existence… heureux, finalement ! Récit-trajectoire sans fin d'un feu-follet… Récit également prémonitoire si l'on songe – avec terreur et empathie – à la fin de la trajectoire existentielle de l'auteur...

(2) – « Dans le brouillard » [1957] (pages 28-35) : ou l'errance nocturne d'un mécanicien (Koudriavtsev) et d'un agronome (un de ses amis dont nous ne connaîtrons que la fonction). A l'issue de cette chasse sans un seul coup de fusil (mais en laquelle on se sera égaré bien volontiers), le brouillard du titre se dissipera, Koudriavtsev fera sortir sa femme Zoïa sur le perron de leur maison cernée par la forêt. N'ayant plus qu'à scruter avidement le ciel à son côté, sentant soudain son propre corps plus léger, le fusil sur l'épaule un peu plus froid et lourd ; attendant que le brouillard se dissipe, humant avec sa femme la réapparition espérée des étoiles – tout comme le chien reconnaît son maître.

(3) – « Martha l'ancienne » [1957] (pages 36-47) : récit « à la première personne » d'une longue cohabitation au bord de la Mer Blanche, rencontre que l'auteur scinde en quatre chapitres, comme autant de révélations successives. Un voyageur loge dans l'isba d'une très vieille femme, seule survivante du large cercle de tous les siens. le temps revient en arrière ; le narrateur découvre les photos de Martha du temps de sa jeunesse… Depuis, les ravages du temps, la dureté du climat, le poids des chagrins et des mille misères de toute une vie de plus en plus solitaire. Tout semble avoir été impitoyable à une aussi frêle existence. On se souviendra longtemps du coffre aux photos et vêtements de la vieille femme : vêtements de sa jeunesse mais aussi d'autres soigneusement pliés, qu'elle a préparés pour embellir sa dépouille mortelle, son pauvre corps tassé, déformé et flétri… On s'émerveillera des odeurs de plantes séchées et de résine : cette sorte de royauté secrète de l'isba cernée de la lumière blanche du dehors. Une des plus émouvantes évocations qui soit de ces « existences fantômes » : fantomatiques seulement d'apparence puisque nul ne semble – avant l'auteur et son extrême pudeur – y avoir prêté la moindre attention…

(4) – « La sonnerie du bréguet » [1959] (pages 48-64) : Lermontov « doit » rencontrer Pouchkine mais arrivera trop tard… Les traîneaux sillonnant les rues de Saint-Pétersbourg, passant devant le Palais d'Hiver, la forteresse Saint-Pierre Saint-Paul, la coupole et les colonnades de Saint-Isaac par un jour d' « atroce » froid hivernal… le coupé de Pouchkine passe au loin, inaccessible : le poète en descend, tenant le bras de sa femme Nathalie aux vêtements somptueux ; ils gravissent les marches de quelque palais où une réception les attend… Mikhaïl Lermontov ne peut approcher son idole. Alors, et bien que sujet d'une forte grippe, il traîne avec d'autres hussards, s'enivre et s'affaiblit davantage, ratant plusieurs fois l'occasion de parler au poète – ou du moins de s'en faire mieux connaître… Comme la bataille, la mort ou la gloire échapperont au lieutenant Drogo du « Désert des Tartares » de Dino Buzzati, Pouchkine échappera à la curiosité de Lermontov (disciple inconnu parmi d'autres) et périra en duel. Lermontov périra à son tour d'une balle tirée en plein coeur, cinq années exactement après la rencontre ratée. le « bréguet » – cette montre de poche à répétition – aura sonné bien inutilement ses « deux heures »…

(5) – « Trali-lali » [1959] (pages 65-85) : Iégor, le jeune garde-bouées du fleuve, en pince pour Aliona : il est encore jeune, certes, mais déjà un bel ivrogne… bien que ne donne tout le sel à son existence que sa passion de chanter (comme au Bolchoï) – bien sûr en duo avec Aliona en s'asseyant face à la rivière, tous deux appuyés contre le flanc d'une barque et contemplant ce qui vient. Cigale qui ne veut rien attendre d'autre et se fiche bien de voir l'hiver venir… puisque « Tout ça c'est de trali-lali », sa phrase-refrain favorite ponctuant les quatre parties de ce tendre « morceau de vie »…

(6) – « Les Kabiasses » [1960] (pages 86-102) : un authentique conte fantastique ! Ioukov, « directeur du club de Doubki » rentre de son travail au kolkhoze voisin jusqu'à Doubki par une belle nuit d'août, devenant – du moins jusqu'à sa rencontre de son camarade Popov, « du Comite régional des Komsomols » – héros involontaire d'un conte nocturne De Maupassant... C'est que le vieux Matvé l'avait pourtant bien mis en garde : " – Ce que c'est ? [...] Si tu leur tombes entre les pattes, tu verras ben ! [...] Ben, ils sont... [...] ils sont noirs. Y en a avec du vert... ". Effectivement, Ioukov finira par "les" entrapercevoir sur le toit d'un appentis... tandis que dans de grands battements d'ailes, une chouette tracera son chemin sinueux ponctué de hululements par-dessus cette interminable route de retour que doit suivre l'infortuné, survolé sans cesse par cet oiseau de malheur laissant des près blanchis de lune (sur sa gauche) pour regagner la forêt nocturne et sans limites (sur sa droite) : cette forêt qui "les" cache... le temps d'une nouvelle profondément originale par l'invention d'une poétique propre, Iouri Kazakov se montre maître d'un art fantastique étonnamment suggestif : il signe ici un "classique" moderne du genre...

(7) – « Regardez ce chien qui trotte ! » [1961] (pages 103-119) : c'est le soir et un autobus s'éloigne d'une grande ville. A son bord, un encore jeune citadin (Krymov) rêve de s'offrir trois jours et trois nuits de pêche au bord d'une rivière lointaine, aux méandres charmeurs. L'homme est mécanicien, travaillant dans une grande usine : il commence à bavarder avec sa voisine de siège - celle-ci simplement curieuse de le connaître [car parler de "femme curieuse" : pléonasme...]. Bref, ils sympathisent... Nous retrouvons ici presque la situation-point de départ du roman "Neige" d'Orhan Pamuk (bien postérieur) mais l'arrivée du printemps dans le Nord de la Russie européenne précède la neige de l'arrière-pays du Plateau Anatolien derrière les vitres du bus ou du car (embuées chez Pamuk, idéalement transparentes chez Kazakov) et la jeune citadine précède le futur voisin grincheux... le jeune homme arrivera à destination au bout d'une nuit certes sans sommeil mais aussi "de doux voisinage". Il négligera d'inviter sa voisine de se joindre à lui à l'ombre des saules où il plantera sa canadienne... Car la jeune femme descendue avec lui "pour voir", ne sera pas retenue par un geste, une parole et remontera dans l'autobus qui repart vers Pskov où elle lui a dit être attendue. Les trois jours de paradis en solitaire se passent comme prévu et l'homme subitement se rend compte du vide laissé par cette passagère qu'il a laissé repartir... ou qu'il "n'a pas su retenir". La thématique des "Belles Passantes" d'Antoine Pol, qu'immortalisa la voix de Georges Brassens fait irruption ici en point d'orgue - car l'échappée est bien de celles qu'on a laissée s'échapper par étourderie ou inconscience. Et l'on aura beau cogner - très fort et sans trêve - sur son genou dans l'autobus du retour, où soudain l'on "pleure et se lamente" en se disant bien tard : " Mais pourquoi l'avoir laissée ? ". L'un des morceaux de l'ensemble le plus profondément émouvant en sa note cathartique finale.

(8) – « Un automne, sous les chênes » [1961] (pages 120-147) : " Nous avancions sans bruit et sans une parole, comme dans un rêve blanc qui nous aurait enfin réunis." Un homme sort dans à la nuit tombante avec une lanterne : il part attendre une femme à l'un des débarcadères de l'Oka. L'une des rares nouvelles de cet ensemble (avec "L'île") témoignant d'une possibilité de bonheur conjugal. le contrepoint fulgurant des scènes de nature nocturne est offert par le souvenir douloureux d'une errance sans but du couple dans les rues glaciales, avenues bordées de réverbères et parcs déserts de Moscou (d'où l'on se fait chasser des bancs par la police municipale), lorsque les hôtels sont pleins, les taxis chers et la gare fermée... qu'il faut tout en marchant - pieds glacés et vêtements humides de sueur - attendre l'aube jusqu'au premier train du matin...

(9) – « A deux en décembre » [1962] (pages 148-163) : il l'attend à la gare, chargé de ses skis. Elle arrive. Ils prennent le train : pour jusqu'au bout de la ligne... Il est juriste, trentenaire, habite Moscou comme elle. Repense à l'Estonie où ils étaient allés ensemble. Une sorte de paradis perdu avec ses "pommes d'Antonovo à l'arôme pénétrant" qu'on a mises à mûrir partout - "sur l'appui des fenêtres, sous le lit, dans l'armoire". Il pense aussi à l'été de leurs prochaines vacances, à leur canoë et à la tente où ils dormiront. Mais les voilà déjà arrivés au bout de la ligne, ils doivent rejoindre la datcha, chaussent leurs skis, font la trace de crête en crête... mais la datcha leur paraîtra décevante à l'arrivée - "minable" : l'amour entre eux n'est-il pas en train de périr - ou même déjà éteint ?

(10) – « Adam et Eve » [1962] (pages 164-204) : un personnage fictif, profondément antipathique - le peintre Aguéiev (une sorte de clône houellebecquesque, pessimiste fort banalement autocentré, alcoolotabagique sans surprise et se considérant comme un artiste considérable, évidemment génial et précurseur, encore incompris des critiques routiniers de son temps) HANTE les 41 pages de cette traduction de la plus longue des nouvelles du recueil. Nous croyons (naïvement et jusqu'au bout) à un possible retournement final, à une quelconque - et même timide - "illumination" altruiste, à quelque bouffée d'humanisme en guise de remord... Or, il n'en sera rien. du côté de ce personnage central, la moindre parcelle d'empathie se révélera tout simplement impossible à éprouver, l'autosatisfaction perdurera ainsi que le "beaufisme" intégral (tel un "casque intégral" isolant ou réfrigérant tous ses sentiments) du Génie autoproclamé... Mais le voilà - tout en attendant à la gare la compagne qui devra le supporter durant les jours à venir - rêvant déjà de "s'envoyer la serveuse finnoise" - cette "grande serveuse rousse qui lui apporta sa vodka" - et la draguant à coup de : " Tu m'entends ? Je suis un peintre de génie, connu de l'Europe entière, tu saisis ? ". Puis la charmante Vika arrive : elle est l'une de ses conquêtes moscovites, comme les autres dûment fascinée par le peintre "à scandales". La scène donne évidemment un avant-goût de l'enfer que vivra la jeune femme (victime consentante, du moins initialement...) durant les quarante-huit heures qui suivront dans la petite ville, puis durant la traversée en bateau (où ils feront très vite "couchette à part"), puis dans l'île où ils sont censés incarner - par une discrète ironie de l'auteur - les nouveaux "Adam et Eve" : le tout sous l'oeil bienveillant et aveugle d'une hôtesse , Gardienne et patronne du minuscule hôtel situé sous l'église de l'île... Vika repartira - Dieu, merci pour elle ! - par le premier bateau, profondément flétrie par l'égoïsme de son fat compagnon (qu'elle plaçait sans doute sur quelque piédestal d' "artiste-anti-systême") et la seule survenue d'une aurore boréale réunira encore pour quelques minutes hors du temps ces deux individualités séparées jusque dans leur contemplation muette. Kazakov ne prend pas parti en distribuant quelques "bons" ou "mauvais" points à ses personnages mais les laisse vivre dans leur être profond et évoluer (ensemble puis séparés) "tels qu'il sont"... Et pour "l'artiste" Aguéiev, le spectacle de son quotidien se révèle assez édifiant... En les comparant à ce dernier, ces - tout relatifs - misanthropes que furent les peintres Turner et Van Gogh en deviennent des monstres d'humanisme et d'altruisme... même si quelque peu "difficiles à vivre" !

(11) – « L'île » [1962] (pages 205-228) : un homme de 35 ans, marié et père de deux enfants, inspecteur de son état, rencontre une jeune femme de 25 ans, responsable de la station météorologique d'une île minuscule - sur laquelle veille un phare. Ils se plaisent dès la première entrevue : celle-ci se prolonge. les mains se frôlent puis se touchent, les corps se serrent bientôt. le lieu s'y prête. L'homme doit rester une semaine entière dans l'île pour accomplir sa mission - ce qui permettrait à "leur histoire" de se développer... Un télégramme lui ordonne de prendre le shooner qui accostera dans la nuit et repartira à l'aube. le récit sans doute le plus poignant du recueil - où il nous est donné d'être heureux en un si court instant, en attendant le déchirement de la séparation. Chaque heure compte. L'aube sera limpide et la mer transparente. Depuis le rivage, un grand chien - déjà attaché à eux - les regardera se séparer en silence : l'homme se hisse lentement dans le shooner tandis que la jeune fille mutique reprend les rames de la barque...

(12) – « Je pleure et me lamente » [1963] (pages 229-246) : trois chasseurs dépareillés réunis le temps d'un crépuscule et d'une nuit : un philologue de 40 ans (un nommé Iélaguine), un garde-chasse trentenaire (Khmoline) et Vania, un gamin de quinze ans, parfait novice... Pour ce dernier, ce sera : sa première bécasse descendue puis sa première ivresse... et l'impossibilité de dormir. Sous l'effet des senteurs de gibier rôti et de l'alcool fort, le discours-titre de ce morceau final du recueil : "Je pleure et me lamente" est repris sans cesse par Iélaguine - ce philologue et maître de conférences qui "parlait de la mort, disait que cette garce d'acier viendrait un jour s'asseoir sur sa poitrine et l'étouffer et alors adieu la joie et tout le reste, que rien n'est plus torturant que la conscience de cette mort inévitable que "je ne suis que cendre et poussière, j'ai regardé dans la tombe et n'ai vu qu'ossements, ossements décharnés et j'ai dit alors : lequel est roi ou guerrier, juste ou pécheur ? Je pleure et me lamente quand je songe à la mort et que je vois, gisant dans sa sépulture, notre beauté créée à l'image et à la ressemblance divines, devenue hideuse, sans gloire et sans apparences !"

Mais ne point oublier de remercier ici nos très chers "camarades" précurseurs : Nastasia-B l'initiatrice puis Bookycooky et enfin andman qui ont contribué COURAGEUSEMENT à nous faire découvrir cet auteur immense en notre petit pays "accro" à tant de mornes sous-houellebecqueries bien surlignées pour les mal-comprenants, pays où l'on voit aussi - hélas ! - tant d'autres "chers camarades" Babeliotes se précipiter grégairement D'ABORD sur "LE" dernier-machin-NON-littéraire-bien-voyant-mais-dont-on-parle (les déballages de Mme Trierweiler ou les dernières Cinquante Nuances de Beauf'eries)... et négliger, voire oublier peu à peu ce que l'on nommait il y a peu "art littéraire" : devenu phénomène de plus en plus minoritaire... "matière noire" de plus en plus étouffée, discrète et inaperçue...
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Quel plaisir, quel dépaysement que de lire les nouvelles de Iouri Kazakov ! J'avais adoré le recueil de la Petite Gare, le charme à continué à être opérant ici !
Les descriptions sont de toute beauté, jamais superflues, le caractère rude de cette Russie du Nord et de ses habitants, tout est décrit avec justesse et empathie. Les personnages féminins apportent de la lumière à ces pages.
J'ai adoré !
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
La draisine s'ébranle, les phares s'allument, arrachant aux ténèbres des signaux, des pare-neige, des traverses empilées en croix, des sapins nus et solitaires. Des aiguillages s'enfuient. La draisine vibre aux jointures des rails, prend de la vitesse, fonce dans l'obscurité avec un grondement sonore. Les rares voyageurs se taisent, regardant par les fenêtres, embuant les vitres de leur souffle. Ils filent à présent au milieu d'un hurlement sinistre et de grands cahots. La forêt court sous leurs yeux, pareille à un mur compact et noir. Quelquefois un projecteur éclaire des entrepôts tout en longueur ou des percées dans la forêt. Alors ressortent sur les vitres des gouttes obliques, sinueuses.
Parce qu'il va bientôt revoir sa mère, qu'il fait chaud dans la draisine, que cela sent légèrement l'essence et les valises, que la pluie s'arrête - des lambeaux étoilés et violets commencent à se montrer dans le ciel -, Vassili est parfaitement heureux. Il s'est étalé tout à son aise sur son siège, les jambes largement écartées. Il aime le vieux Stépane, il aime le chauffeur, les passagers, la vitesse avec laquelle ils filent, et l'air pur du pays natal qui s'engouffre par une fente...
La draisine file toujours, envoie parfois un coup d'avertisseur nasillard. A l'avant, pointe la lueur d'incendie allumée par l'éclairage du combinat du bois. Stépane remue, tend le cou, regarde en avant, par-dessus l'épaule du chauffeur. Lui aussi, il a les idées roses. Ils vont bientôt arriver, la maison des Pankov en sera toute révolutionnée, les voisins vont défiler, après on causera, on distribuera les cadeaux...
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La nuit tombe de bonne heure, en septembre, au bord de la mer blanche, le crépuscule est bref, les nuits d'un noir d'ardoise, froides. Parfois, avant de se coucher, le soleil s'arrache aux nuages, jette un dernier rayon expirant sur la mer, la côte vallonnée, envoie un reflet jaune dans les petites fenêtres des hautes isbas, puis rougit aussitôt, s'aplatit et disparaît dans les flots.
Une bande crépusculaire d'un rouge sombre diffuse un éclat mat, le ciel haut et froid irradie une lumière faible, vacillante, tandis que la terre, les isbas du village, les pentes avec leurs pâtures bordées d'un hérissement de forêts aux petits arbres rabougris, tout, sombre dans l'obscurité et seules, près des bureaux, répondent à la chute du jour des billes de bois fraîchement écorcées et luisent des copeaux gras qui craquent sous le pied.
Quelques petits feux de bois vont s'allumer sur le rivage, tout près de l'eau : ce sont des gamins qui, assis à croupetons, se font rôtir des pommes de terre. Puis les fenêtres s'éclaireront… Mais bientôt tout s'éteindra, feux et lumières, et le village sombrera dans un long sommeil d'automne.

MARTHA L'ANCIENNE, I.
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— Et puis, il y a aussi le bonheur… commença doucement Zabavine.
Et, à la manière dont il avait prononcé ces mots, Gusta comprit qu'il allait dire quelque chose de grave, de bon, elle se détendit, lui sourit, et posa sur son visage ses beaux yeux de velours.
— Généralement, on compte sur l'avenir. […] On compte sur l'avenir et l'on mène une vie mesquine, pleine de tracas, sans intérêt… On vit sans rien voir de bon autour de soi, on s'en prend à la vie et l'on s'obstine à croire que votre tour viendra, que le bonheur vous sourira. Tout le monde est comme ça, vous comme les autres, et moi aussi… Et pourtant, le bonheur, il est en tout, partout ; c'est un bonheur que d'être là, tous les deux, à prendre le thé, que vous me plaisiez, et que vous le sachiez…
Zabavine s'arrêta au milieu de sa phrase, reprit haleine, sembla se moquer de lui-même, tandis que Gusta, toute cramoisie, n'osait pas lever les yeux.
— Je souhaiterais qu'il nous arrive un homme suffisamment fort pour nous obliger à regarder en arrière, tous autant que nous sommes. Car plus le temps passe, plus nous avançons en âge, plus le bonheur se fait rare. L'humanité est toujours jeune, mais nous autres, nous vieillissons… Moi, j'ai déjà trente-cinq ans et vous…
— J'en ai vingt-cinq, murmura Gusta en se décidant à relever son visage en feu et à regarder Zabavine droit dans les yeux.
— Et voilà : dans un an, j'en aurai trente-six et vous vingt-six, nous aurons vieilli d'un an, et tous les autres avec nous ; nous aurons perdu quelque chose, une parcelle de notre courage, un certain nombre de nos cellules seront mortes à tout jamais, et ainsi, d'année en année… Et le plus grave, c'est que non seulement votre corps va se dégrader, nos cheveux blanchir, tomber, toutes sortes de maladies dont nous ne souffrons pas encore nous envahir, mais notre âme, elle aussi, va vieillir, peu à peu, imperceptiblement, mais vieillir tout de même — alors, quel bonheur voyez-vous dans tout cela ? Pas le moindre, et je n'arrive pas à comprendre les gens qui passent leur temps à attendre et à penser : quand l'été viendra, je serai heureux ; mais l'été arrive et pas le bonheur, alors ils se disent : quand l'hiver viendra, je serai heureux… Vous parlez !
— Et où est-il, le bonheur ? demanda doucement Gusta.
— Où ? Je me le demande aussi : où ?

L'ÎLE.
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Comme il fait bon rouler la nuit dans un train ! Le wagon tressaute et oscille à chaque éclisse, les petites veilleuses mates du plafond déversent leur faible lueur. Quelqu'un laisse, dans son sommeil, échapper une parole indistincte, quelqu'un d'autre descend de son bat-flanc, s'assoit à la fenêtre, allume une cigarette, rêvasse. Tout, à cette heure, est amorti, silencieux, sinon, sous le plancher, ce long grondement et le pilonnement des roues.
De l'autre côté de la fenêtre, c'est la nuit noire, sans lune. Parfois la frêle lumière d'une cabane de garde-voie clignote, ou vous passe devant les yeux, pareille à une vision, une petite gare perdue, au nom indéchiffrable, un unique réverbère sur son quai, des bouleaux dans son jardinet, puis, de nouveau, une impénétrable obscurité afflue aux fenêtres et l'on ne distingue plus, champs ou forêts, ce que l'on a devant les yeux.
Un train vous croise à toute allure, avec un coup de sifflet strident, les rideaux volent et palpitent sous l'effet de l'appel d'air, des fenêtres brillantes s'enfuient, tel un jet de lumière, puis jaillit une étincelle rouge : l'arrière du dernier wagon. Et vous vous dites alors, avec un sentiment d'étrangeté, que, dans ce train qui venait tout à l'heure à si grand bruit à la rencontre du vôtre, il y a aussi des hommes, qu'ils vont peut-être à l'endroit même d'où vous êtes parti hier, et qu'ils sont assis, comme vous, dans leur wagon, parlant à mi-voix, perdus dans leurs pensées, dormant (et alors ils font des rêves insolites), ou regardant à la fenêtre, avec chacun son destin déjà tracé, chacun sa vie devant lui. Qui sont ces gens ? Où vont-ils, de quoi rêvent-ils, qu'est-ce qui les plonge dans de si profondes méditations, de quoi parlent-ils, de quoi rient-ils ?
Comme il fait bon rouler la nuit dans un train !…

LA BELLE VIE, III.
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— Tout le monde épilogue sur l'amour, en discute, en juge, décide que telle et telle personne sont faites pour s'aimer. Les écrivains dissertent sur l'amour, leurs lecteurs organisent des conférences avec débats pour savoir si tel héros est digne de telle héroïne ou elle de lui, lequel des deux est le meilleur, le plus noble, le plus conscient, lequel est le mieux adapté à l'ère du communisme. Entre-temps, chacun de nous, seul dans son coin, n'est toujours pas fichu de vous dire ce que c'est que l'amour ! Et plus j'y pense, plus je me persuade que la part de qualités comme l'intelligence, le talent, le sens de l'honneur et ainsi de suite, est bien minime et que l'essentiel réside ailleurs, dans quelque chose qu'on ne sait pas exprimer et qu'on est totalement incapable de comprendre. Ce n'est pas la peine d'aller bien loin, tenez, je connais un type, crétin, ivrogne, insolent, sans conscience et sans honneur. Eh bien, le croirez-vous ? Les femmes en sont folles, et des femmes intelligentes, cultivées ! Il le sait, il en profite pour les taper, se soûler, les traiter comme un goujat et les faire pleurer d'humiliation, je l'ai vu de mes propres yeux. Pourquoi, je vous le demande ?
— Il y a sans doute quelque chose que vous ne voyez pas, mais que ces femmes voient, répondit Gusta avec sérieux.
— Vous croyez ?

L'ÎLE.
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