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Critique de afleurdemots


Dans la touffeur de l'été 1899, Calpurnia, 11 ans ¾, parcourt la nature armée de son petit carnet dans lequel elle consigne toutes ses observations. Des escapades quotidiennes qui se révèlent sources de nombreuses interrogations pour la jeune fille qui se questionne rapidement sur le comportement étrange de certains animaux ou encore sur l'origine de la morphologie si particulière de certaines espèces d'insectes. Ne trouvant aucune oreille attentive à ses questionnements scientifiques ni quelqu'un en mesure de lui donner l'ombre d'une explication, Calpurnia décide (à contre-coeur) d'aller interroger la dernière personne susceptible de pouvoir l'aider, son grand-père paternel, un homme aussi bougon qu'érudit.

Effrayée par le tempérament original et taciturne du vieil homme qu'elle tient d'ailleurs à bonne distance depuis de nombreuses années, Calpurnia va donc prendre son courage à deux mains pour frapper à la porte de son laboratoire. L'entrevue qui s'ensuit, quoi qu'intimidante et de courte durée, va être le point de départ d'une rencontre scientifique et intergénérationnelle qui va changer la vie de nos deux protagonistes à jamais.

Oubliant leurs préjugés initiaux, Calpurnia et son grand-père vont au fil de leurs rencontres se découvrir de nombreux points communs parmi lesquels une curiosité et une fascination innées pour la nature qui les entoure. Jour après jour, les deux passionnés vont ainsi tisser les liens indéfectibles d'une relation privilégiée et pleine de tendresse.

Face à la curiosité sans limite de Calpurnia, le vieil homme troque son masque austère contre celui de sage. Se refusant à répondre directement et explicitement à ses interrogations, « bon-papa » préfère pousser la jeune fille à trouver par elle-même les réponses qu'elle cherche. de questionnement en découvertes, Calpurnia acquiert un vocabulaire de plus en plus précis et s'initie à la démarche scientifique. Son regard sur le monde qui l'entoure s'affute, son esprit critique s'étoffe et bientôt ses observations et ses analyses ne se limitent plus au seul champ des sciences naturelles mais englobent également les comportements humains des gens qui l'entourent et les moeurs de son époque. Portant ainsi un regard neuf sur le monde et la société dans laquelle elle évolue, Calpurnia se voit amener à faire des découvertes parfois douloureuses et amères.

Seule fille au sein d'une fratrie de 7 enfants, la jeune scientifique en herbe réalise peu à peu qu'il ne fait pas bon être une femme dans cette société profondément patriarcale. Une cruelle désillusion pour Calpurnia qui prend conscience, qu'en tant que fille, ses chances d'aller à l'université et de devenir un jour une scientifique de renom sont malheureusement bien compromises. Sentant son rêve lui échapper aussi injustement, le monde de Calpurnia bascule, son insouciance est ébranlée. Un profond sentiment d'injustice et de frustration étreint bientôt la jeune fille et ses craintes de ne jamais voir ses rêves professionnels se réaliser frappent le lecteur en plein coeur.

Dans un monde au tournant du siècle, la spontanéité de la jeune fille ainsi que son naturel curieux et intrépide, se heurtent aux moeurs et aux conventions de l'époque. La mère de Calpurnia, pétrie de principes et d'idées bien arrêtées sur le rôle incombant à une femme au foyer, est bien décidée à faire de sa fille unique un modèle d'accomplissement et s'échine à lui enseigner les arts de la cuisine ou de la couture.

On assiste avec passion aux tentatives de rébellion de la jeune fille contre cet apprentissage forcé, au décours de scènes tour à tour drôles et émouvantes. La volonté farouche de Calpurnia d'échapper ainsi au destin tout tracé des femmes de son époque est touchante.

Au-delà de l'évolution « biologique », le roman de Jaqueline Kelly aborde donc également la question de l'évolution des moeurs et de la société tout entière à l'aube du XXième siècle. Alors que la mère de Calpurnia incarne l'attachement aux valeurs conservatrices, son grand-père quant à lui, s'émerveille devant toutes les manifestations du progrès en marche. C'est lui qui, en fin de compte, trouvera les mots pour réconforter sa petite fille et lui redonner espoir.

Conté du point de vue de Calpurnia, le récit est une succession bien organisé d'instantanées et d'anecdotes de sa vie en l'année 1899. La narration est à l'image de l'héroïne, pleine de fraîcheur, de spontanéité et d'insouciance, donnant tour à tour lieu à des scènes drôles et rocambolesques mais aussi à des prises de conscience plus graves pour l'héroïne.

Quelles que soient les circonstances, le ton est toujours juste et Jacqueline Kelly croque tous ces personnages avec beaucoup de sensibilité et de facétie. Avec sa plume pleine de verve et d'humour, elle fait de nous les témoins privilégiés de la relation tendre et complice que construisent jour après jour Calpurnia et son grand-père et de la transmission de connaissance qui en résulte.

Véritable conte initiatique mettant à l'honneur la curiosité intellectuelle, incitant à développer son esprit critique et à s'interroger sur le monde qui nous entoure, « Calpurnia » est un véritable bijou de la littérature jeunesse.

Une lecture à la fois fraîche, drôle, sensible et riche en enseignements,… à mettre entre toutes les mains !
Lien : http://afleurdemots.comli.co..
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