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EAN : 9782072628801
Gallimard (16/12/2015)
3.68/5   64 notes
Résumé :
Pendant les dix ans qui séparent les émeutes de l’automne 2005 des attentats de 2015 contre Charlie Hebdo puis le Bataclan, la France voit se creuser de nouvelles lignes de faille. La jeunesse issue de l’immigration postcoloniale en constitue le principal enjeu symbolique.
Celle-ci contribue à la victoire de François Hollande aux élections de 2012. Mais la marginalisation économique, sociale et politique, entre autres facteurs, pousse certains à rechercher un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
3,68

sur 64 notes
Gilles Kepel analyse la montée de l'islamisme en France dont les attentats sont la marque violente à partir des évènements de 2005. A l'automne 2005 ont eu lieu pendant plusieurs semaines des émeutes dans les banlieues parisiennes suite à la mort par électrocution de deux jeunes poursuivis par la police puis le « gazage » d'une mosquée. Il y voit l'élément déclencheur de la prise de pouvoir d'une jeunesse mise à l'écart, troisième génération issue de l'immigration post-coloniale, peinant à s'intégrer dans une société minée par le chômage des jeunes, se raccrochant à la défense d'un honneur bafoué, défendant une identité communautaire islamique. Dans un contexte international marqué par le conflit palestinien, la montée d'un totalitarisme islamiste, Daesh, la volonté de revanche contre l'Occident et Israël, et l'accès illimité aux réseaux sociaux qui permettent un endoctrinement facile.

A partir de l'affaire Merah jusqu'aux massacres de Charlie hebdo et du Bataclan, on assiste à un véritable passage à la violence, l'appel à la guerre sainte, relayé dans certaines mosquées françaises, avec la création de véritables territoires dédiés au djihad. Liens maintenus et encouragés par des réseaux à l'étranger, certains exerçant leur violence sur place d'autres préférant s'exiler. Utilisant tous les moyens de propagande, brandissant l'islamophobie pour se victimiser et entrainer un repli sur soi de la population musulmane, les islamistes gagnent du terrain alors que s'effondre le parti socialiste et que le front national fait des adeptes. Et que la classe politique est dépassée.

L'intérêt de cet essai, écrit juste après les attentats meurtriers de 2015, est de mettre en relation des évènements, des phénomènes, qui permettent de mieux comprendre l'actualité et ses enjeux et surtout d'apporter un début de réponse, même fragile, pour enrayer le retour de cette barbarie, dont les pays occidentaux sont loin d'être les seules victimes. Nos armes, même si elles peuvent sembler dérisoires, ne peuvent être que la qualité de l'instruction puis de l'enseignement universitaire pour déjouer les pièges des prêcheurs de haine ainsi qu'une meilleure formation de nos dirigeants et un travail de fond avec les spécialistes de l'islamisme contemporain.
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À la lecture de cet essai, écrit sans doute dans l'urgence du lendemain des attentats de Paris en novembre dernier et des réactions politiques (que j'estime) agitées, brouillonnes et irresponsables qui s'en sont ensuivi, un foisonnement de données, quelques observations pluri-décennales sur l'islam en France et une piste d'analyse sous forme de mise en perspective historique récente révèlent l'ampleur de la désinformation idéologique et électoraliste qui caractérise le phénomène du terrorisme islamiste. de cet abîme d'ignorance qui, pour une fois, rassemble l'opinion publique et ses gouvernants, jaillissent la peur, des politiques catastrophiques et une aubaine pour le Front National, qui se résume dans la formule fallacieuse et effrayante de « l'islamisation de la France ».
Il convient donc de lui préférer une scansion en trois temps et en trois thèmes. Les thèmes : le djihadisme international ; l'islam en France ; les actions ou réactions étatiques. Les temps : avant 2005 ; 2005-2012 (l'incubation) ; 2012-2015 (l'éruption).

Le djihadisme international passe par la phase afghane des années 80, puis par celle d'al-Qaida, caractérisée par l'organisation pyramidale d'Oussama Ben Laden, par un grand professionnalisme pourtant efficacement contrecarrée par les renseignements français qui préservent le territoire national. Ensuite, à partir de 2005, émerge au Moyen-Orient la 3ème génération djihadiste, sous la plume de son penseur syrien Abu Musab al-Suri. Celui-ci prévoit la stratégie de l'usage d'éléments en désespérance issus de l'immigration postcoloniale européenne pour attaquer des cibles locales, et les tactiques de la radicalisation par réseau notamment informatique et d'une organisation horizontale, par petit groupe, à la logistique faible.

« […] Les attentats de novembre exposent, paradoxalement, la faille d'un terrorisme réticulaire qui délègue à des réseaux d'activistes pour la plupart issus de l'immigration, hyper-violents mais peu sophistiqués, leur exécution. » (p. IV)

[À propos de Nemmouche capturé à bord d'un autocar sur la ligne Amsterdam-Marseille empruntée par les petits dealers de haschich] : « Un tel impair n'aurait pu être commis à l'époque d'al-Qaida, lorsque l'organisation planifiait à l'avance avec la méticulosité d'un service secret les attentats du 11 Septembre. Cet amateurisme permettra de la même manière la mise en échec des attentats pour lesquels est mis en examen Sid Ahmed Ghlam au printemps 2015 et de la tuerie que s'apprêtait à accomplir en août suivant Ayoub el-Khazzani à bord du Thalys Amsterdam-Paris.
On touche là les limites opérationnelles du slogan Nizam la tanzim (Un système, non une organisation) popularisé par Suri pour caractériser son programme de djihadisme en réseau, à l'inverse du modèle pyramidal d'Oussama Ben Laden. » (p. 166)

« Dans cette perspective [celle de Suri], il est primordial de dresser les unes contre les autres les composantes ethno-culturelles des sociétés européennes, en homogénéisant une communauté musulmane qui se désavoue de la société globale et engage le combat contre elle. L'une des principales ressources politiques pour parvenir à ce « désaveu » – traduction de l'arabe bara'a – est la mise en exergue de la victimisation, dont l'exacerbation de « l'islamophobie » est l'instrument le plus efficace. » (p. 276)

Du point de vue de l'islam en France, l'année 2005 avec les émeutes commencées à Clichy-sous-Bois, est considérée comme charnière. L'on assiste à la prise d'influence de la troisième génération de musulmans de France, dotés pour la première fois du doit de vote, sensibles, comme tous les membres de la génération Y, à la puissance d'endoctrinement du cyberespace, déçus par le politique et par les failles de « l'ascenseur social ».

« Ni les émeutes de 2005 ni les révoltes sporadiques ayant éclaté depuis lors n'ont offert d'horizon durable à l'intégration politique des descendants de l'immigration postcoloniale. Au contraire, on commence à discerner un processus de « désintégration » qui recoupe à la fois la désaffiliation et la défiance morale de personnes frappées par la précarité, dont les pratiques culturelles et religieuses sont rejetées et marginalisées. […]
Devant l'impossibilité de rejoindre le courant dominant de la société française, certains jeunes de banlieue populaire, en particulier musulmans, s'inscrivent en rupture. le désir de fuir le quartier se transforme en besoin de se dissocier de la France et de la quitter. […]
L'islam politique n'apparaît plus dès lors seulement comme un projet de maîtrise et de reprise en main de la vie déstructurée des quartiers marginalisés, mais surtout comme une tentative de contrôle systématique de tous les aspects de l'existence. Cet horizon autoritaire semble offrir une garantie de stabilité, de retour à « l'ordre naturel des choses », en même temps qu'un moyen de définir de nouvelles « logiques de l'honneur ». » (p. 222-223)

Ces « ratés de l'intégration », souvent versant dans l'échec familial, scolaire et dans la petite délinquance, ont donc pour source de radicalisation, outre l'Internet, un certain nombre de lieux dont en particulier les prisons et des communautés dans différentes banlieues de France, aussi bien en région parisienne qu'en province (ex. Artigat). Par « ressac rétrocolonial » ou néo-conversion, dans des processus de radicalisation souvent très rapides, approximatifs et incultes, ils font aisément des allers-retours entre les zones de guerre et de djihad étrangères (Syrie, Yémen, Libye, etc.) et l'Europe (France, Belgique) où certains exécutent leurs actes terroristes, à partir de Merah.

« […] à partir de 2005, l'incubation qui s'effectue dans le centre de détention de Fleury-Mérogis met en contact des individus aux trajectoires différentes qui donneront naissance à un nouveau modèle d'attentats à compter de 2012 : Djamel Beghal […] Chérif Kouachi […] Amedy Coulibaly […].
Benyettou, arrêté en ce mois de janvier 2005 où Suri poste en ligne son Appel, incarne la dernière mouture des prédicateurs en chair et en os que la surveillance traditionnelle des services secrets est capable de détecter. Les années suivantes seront celles du cyberdjihad qui prendra forme sur YouTube, Facebook et Twitter.
De même que la communauté des renseignements « rate » la mue du djihadisme vers la troisième génération après 2005, de même les autorités françaises passent à côté de ce qui se trame derrière les barreaux – lieu d'exacerbation et de cristallisation de la dérive des cités populaires. » (p. 65)

Du point de vue de l'action politique récente, il est possible aussi de partir des émeutes de 2005 comme élément déterminant de la réussite de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, fondée sur la primauté du sécuritaire, et, après 2007, sur un quinquennat « qui emprunte à l'extrême droite son logiciel politique » (p. 24).

« Le mandat du président élu en 2007 est marqué par un paradoxe : la question économique, pourtant au premier plan dans les esprits, se trouve rapidement reléguée hors du débat. On lui préfère un montage de thématiques disparates mêlant immigration, histoire de France, laïcité et islam et n'abordant qu'en filigrane les discriminations.
Alors que les stratégies de réponse à la crise économique peinent à émerger, la recherche d'une essence de l'identité nationale ravive les plaies ouvertes par la crise des banlieues. Elle devient le creuset d'un affrontement ayant pour enjeu la délimitation virtuelle des différences entre « eux » et « nous », avec, en miroir, la légitimation des dynamiques particularistes. » (p. 82)

En mai 2012, François Hollande bénéficie fortement (peut-être de façon décisive) du « vote des musulmans », mais il perd rapidement leurs sympathies du fait de la loi sur le mariage homosexuel, qui entraîne une convergence entre islamistes et catholiques, tandis que l'aggravation de la crise économique frappe lourdement les cités. Les campagnes militaires de la France, nombreuses et toutes dirigées vers des cibles islamistes, approfondissent le sentiment de « l'islamophobie ». Les services de police et de renseignements font preuve de graves insuffisances.

« La lutte contre l'organisation État islamique en Syrie et en Irak nécessite bien des moyens militaires, notamment la marine et l'aviation. Mais le combat mené contre le terrorisme sur les territoires français ou belge relève, d'abord, de la police. Ensuite est requise une capacité d'analyse du terreau européen sur lequel ce phénomène s'est développé, et sa mise en relation avec les mutations du djihadisme international depuis sa première émergence en Afghanistan dans les années 1980, en passant par al-Qaida et le 11 Septembre. » (p. VIII)

« Cette vigilance [des services de sécurité] aurait été prise en défaut par l'incapacité à penser le « logiciel » de la troisième vague, pourtant précisé en toutes lettres par Suri. Faute de comprendre que le phénomène n'est pas exclusivement sécuritaire, à n'en traiter que les symptômes, à refuser d'exhumer ses racines sociales, politiques et religieuses et de consacrer les moyens nécessaires à en faire l'étiologie, le gouvernement français se condamne à attendre sa prochaine occurrence. » (p. 131)

Je me permets d'ajouter, hors de toute mention dans l'essai, que les gesticulations sur la déchéance de la nationalité française semblent aller exactement dans la direction prônée par les islamistes, qui prêchent le « désaveu » de la France.
Mais en vérité je n'ai guère besoin d'ajouter mon argument au réquisitoire que Gilles Kepel adresse à la classe politique française et à ses plus hauts dirigeants, qui ont su titrer profit, jusque là et chacun à sa manière (cf. Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande) de l'islamophobie – cette fois sans guillemets – provoquant la montée du Front National pour leurs propres calculs électoraux. Si leur « impéritie » est expliquée ci-dessous, leur culpabilité est avérée dans les fins.

« L'impéritie de l'establishment a pour origine une particularité culturelle qui n'est pas sans rapport avec le fait que l'Hexagone détient le record absolu d'exportation des djihadistes de l'Union européenne. Cela tient pour une large part au recrutement spécifique des élites politiques. Celui-ci combine les réseaux affinitaires des partis obsolètes dont ils sont issus – lesquels entretiennent de pseudo-experts faisant barrage au financement public de recherches en profondeur qui exposeraient leur imposture – à la mainmise de hauts fonctionnaires toujours omniscients, mais ordinairement incultes dans un domaine auquel le cursus des écoles d'administration ne les a pas formés, sur des dossiers sensibles touchant à la sécurité nationale. D'autres grands États européens comparables, le Royaume-Uni et l'Allemagne notamment, ont une approche beaucoup plus inclusive de l'élite politique, à laquelle s'agrègent des membres de la société civile et des professionnels sélectionnés pour leur expérience et leur compétence. Ils n'hésitent pas à chercher – et trouvent – le savoir sur les questions complexes de l'islamisme contemporain auprès de l'Université choyée. » (p. 303-304)
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Ce livre était dans ma Pile de Livres à Lire et je profite de l'été pour me plonger dans l'enquête précise et argumentée de Gilles Kepel sur la naissance de l'Islamisme radical en France et son évolution, de ce qui l'a précédé et/ou inspiré et de son étude et suivi par les autorités et les universitaires.

D'autre part, Kepel analyse les ressorts de la propagande islamiste, démonte point par point le vocabulaire et les arguments en donnant leur historicité et leurs références religieuses ou sociologiques.
Il dévoile ce qui lie islamisme radical et idéologies politiques, islamophobie et antisémitisme et la place de ces idées dans le jeu politique actuel et les controverses en cours. Il démontre également l'importance d'Internet et des réseaux sociaux dans la diffusion des concepts et opinions.

De ce fait, ce livre permet d'éclairer la situation dramatique dans laquelle se trouve désormais l'Hexagone, de prendre de la distance par rapport aux urgences de l'actualité en redonnant du sens, de relier des événements pas toujours clairs et évidents pour les néophytes en géopolitique, de mettre en perspective ce que l'émotion et la réaction immédiate mettent en avant.

J'ai vraiment eu le sentiment en refermant le livre de mieux appréhender un phénomène non seulement circonscrit à la France et d'avoir acquis des moyens de mieux suivre les débats et les polémiques autour de la question.
En effet, cet livre révèle toute la complexité de faits, de facteurs imbriqués, dénonce les lieux-communs et les a- priori sur le djihadisme et le terrorisme islamiste.

La langue de Kepel est claire, le style simple à suivre mais parfois un peu trop démonstratif : on sent que l'auteur veut convaincre et faire prendre conscience d'éléments qu'en tant que chercheur, il connaît très bien. Cette intention "militante", en quelque sorte, a pour conséquence que son discours, la plupart du temps étayé, tombe quelquefois dans la formulation "choc" et le raccourci pas toujours explicité (par exemple, Saint-Denis appelé "capitale de l'Islam de France" sans guillemets, sans qu'on sache si c'est par le nombre de musulmans, leur proportion dans la population ou parce que c'est le siège d'une représentation religieuse. Moi, qui n'y connaît rien, je reste sur une impression d'effet de manche, regrettable car cela ouvre l'ouvrage). Ce serait là le seul bémol que je mettrais.

En résumé, un ouvrage que j'ai trouvé utile pour développer mon sens critique et ma connaissance d'une idéologie et d'un phénomène souvent grossièrement ou trop rapidement brossé dans les medias.
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Le grand mérite de l'ouvrage est d'opposer une analyse relativement froide aux passions qui animent nombre d'intellectuels français : compassion pour les réprouvés contre dénonciation des religions, et d'abord de l'islam.
En effet les auteurs mettent en relation les transformations du djihadisme international et les évolutions culturelles et politiques des populations issues de l'immigration dite postcoloniale en France. Les auteurs des attentats de 2015 ne tombent pas du ciel ou du Moyen-Orient, ils sont Français, Belges… Gilles Kepel relie cette nouvelle forme de terrorisme et l'Appel à la résistance islamique mondiale d'Abu Musab al-Suri, qui appelle les jeunes musulmans au djihad en Europe. Tour à tour influencé par les Frères musulmans, puis proche de Ben Laden, Suri prône un troisième âge du djihad, celui d'un djihad de proximité, « réticulaire » (organisé de manière horizontale) (p. 52) ; son écho serait important grâce à internet. Les auteurs montrent avec quelle facilité chacun peut accéder à une djihadosphère, sur la toile, qui offre de véritables films de propagande : ainsi la demande de radicalité peut rencontrer l'offre des djihadistes.
Dix années séparent les émeutes de novembre 2005 et les tueries des djihadistes en 2015, dix années qui voient le progrès des « marqueurs de l'islamisation » dans les banlieues (p. 315). Avec le salafisme, progresse la volonté d'une minorité de musulmans de se couper de la société française. Les auteurs consacrent de longs développements à l'évolution politique entre 2005 et 2015 sans apporter beaucoup de neuf, sauf peut-être le rôle – peu connu – du « gazage de la mosquée » dans le déclenchement des émeutes : le 30 octobre 2005 une grenade lacrymogène atterrit à l'entrée d'une mosquée bondée (p. 36-40) ; cet événement suit de 3 jours la mort de deux adolescents et il va relancer les troubles en leur donnant un tour religieux. Mais les émeutes ne débouchent sur aucune forme de représentation politique des jeunes issus de l'immigration. Et certains jeunes en marge de la société, souvent délinquants, radicalisés en prison (comme Nemmouche, Coulibaly, Chérif Kouachi), rêvent d'une vie plus grande qu'eux en partant en Syrie.
On le voit, aux discriminations et au racisme ordinaire, qu'il n'est pas question de nier, s'ajoute un rejet de la société française et de ses valeurs (comme l'égalité hommes/femmes) par une partie des musulmans, les deux réactions se nourrissant l'une l'autre.
En conclusion, mais sans le développer, les auteurs soulignent que la bataille culturelle et politique se déroule parmi les musulmans eux-mêmes. Et, avec eux, on ne peut que regretter, qu'au-delà des pamphlets, l'université et les pouvoirs publics ne consacrent pas plus d'attention et de moyens aux recherches sur le monde arabe et musulman et sur la sociologie des musulmans vivant en France.
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Je dois dire que j'ai été assez impressionné par l'auteur de ce livre. Il faut dire qu'il n'arrête pas de ramener sa science ou plutôt ses sciences : politique, sociologie, psychologie, histoire, géographie, théologie, langue... ou plutôt langues au pluriel car Gilles Kepel parle couramment l'arabe mais aussi le verlan. Il attache une grande importance aux mots et aux discours dont il analyse l'étymologie et la rhétorique. C'est absolument passionnant mais parfois un peu ardu quand il utilise les termes techniques de ces disciplines. Mais l'universitaire n'est pas seulement un érudit n'ayant qu'une connaissance théorique, c'est avant tout un chercheur de terrain. Tel un enquêteur il a sillonné la France, parcouru les lieux et questionné de nombreuses personnes. Il livre ici ses propres analyses et certaines sont très pertinentes. Elles sont malheureusement noyées dans un pavé parfois indigeste. le style est assez lourd, les phrases sont longues avec beaucoup de digressions, de parenthèses ou de précisions. Il y a aussi des associations d'idées et des parallèles qui vont parfois assez loin. On tombe alors à mon avis dans la sur-analyse ou la sur-interprétation. Mais cette approche multi-disciplinaire est nécessaire pour comprendre un phénomène aussi complexe ; multi-facteurs et multi-profils.
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critiques presse (1)
Telerama
13 janvier 2016
Spécialiste de l'islam, connaisseur des banlieues françaises, Kepel parvient — avec pédagogie et sens du récit — à tresser les fils d'une histoire complexe.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
De jeunes Européens issus de l'immigration postcoloniale ou fraîchement convertis à l'islamisme radical grâce aux réseaux sociaux peuvent y concrétiser le fantasme d'un "islam intégral" en le portant à son paroxysme. Egorgeant les "mécréants" et autres "apostats" comme ils abattent des avatars sur leur PlayStation vidéo, confondant les univers virtuel et réel dans une Oumma sans frontières terrestres ni sidérales, postant les images sur le Web afin de terroriser l'ennemi et de galvaniser les sympathisants, ils articulent les terrains du djihad moyen-oriental et des banlieues populaires de l'Europe. Et certains d'entre eux y reviennent pour prolonger leur mission meurtrière, donnant ainsi corps à la vision formulée dans l'Appel dès janvier 2005.
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Contrairement à la situation qui prévalait durant le dernier quart du XXe siècle, où l'ascension sociale de nombreux enfants issus de l'immigration nord-africaine se traduisait par une laïcisation des comportements et l'identification aux valeurs contestataires internes à la société française, comme l'adhésion au PCF et à la CGT, voire au PS, ou le basculement dans le gauchisme, la prégnance du salafisme change progressivement la donne à partir du début du nouveau millénaire, avec le 11 septembre 2001, et après les émeutes de 2005. L'apparition d'un modèle de rupture avec les valeurs de la « société mécréante » se substitue au précédent modèle de rupture sociale avec la « société bourgeoise ». En émerge une génération de diplômés, de cadres et d'entrepreneurs de culture musulmane, imbus de valeurs de droite et révérant les forces du marché.
L'exacerbation identitaire de la norme salafiste (…) fournit à ces diplômés l'espoir de se constituer en « intellectuels organiques » des jeunes de banlieue déshérités au nom du respect des mêmes normes islamiques «  se désavouant » culturellement d'avec la société mécréante. Ils peuvent dès lors transcender, au nom de la religion intégrale dont ils réclament la mise en œuvre, les différences et contradictions de classes entre eux-mêmes et les jeunes marginalisés et chercher à obtenir leurs suffrages.
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Dans cette prison [de fleury-mérogis] qui ressemble à une cité de banlieue avec des barreaux aux fenêtres, tant par son architecture que par sa population, [Djamel Beghal] passe le relais entre la deuxième et la troisième génération, entre l’organisation (tanzim) pyramidale d’al-Qaida mise en échec et le « système » (nizam) réticulaire où le choix de l’action terroriste, sinon son initiative, est largement délégué à la base.
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C’est en lieu et place [du parti communiste] que deux types de mobilisations contestataires se sont développés en parallèle : le nationalisme identitaire d’extrême droite et le référent islamique. Ils sont uniment porteurs, comme le PCF jadis, d’une forte charge utopique qui réenchante une réalité sociale sinistrée en la projetant dans un mythe où les laissés-pour-compte d’aujourd’hui seront les triomphateurs de demain.
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Vus à travers le prisme de l’Appel à la résistance islamique mondiale d’Abu Musab al-Suri, les incidents de Sarcelles du 20 juillet 2014 font figure d’escarmouches annonçant les « guerres d’enclaves » anticipées par le théoricien du djihadisme une fois que le succès des attentats commis durant la première phase aura fissuré les sociétés européennes, autonomisé les zones musulmanes et déclenché la guerre civile à partir de l’affrontement entre territoires ethno-religieux homogènes.
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