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Critique de Epictete


Dès que j'ai appris l'existence de ce livre de Maylis de Kerangal, que je ne connaissais pas auparavant, je l'ai immédiatement noté dans mes prochains ouvrages à acheter et bien sûr à lire.
Comme certains d'entre-vous le savent, je me suis senti tout de suite concerné, ayant bénéficié d'une transplantation cardiaque (Ce qui me donne le temps de lire). Il fallait que je le lise ! Cette situation est toujours un peu dangereuse en termes d'objectivité, car on attend beaucoup de ces lectures impliquantes, et on ne les trouve pas toujours au niveau souhaité. Je me suis donc prémuni de cela en laissant l'auteur me délivrer son message, sans trop attendre en fonction de ma situation personnelle.
On démarre par une surprenante et excellente description des moments vécus par des surfeurs . On arrive très vite à être « dedans », même sans être jamais monté sur une planche. (C'est du vécu…)
Et on s'aperçoit au fur et à mesure de la lecture que ce roman (ou témoignage) écrit par une femme (d'où peut-être la sensibilité que l'on décèle en permanence ?) propose des analyses de sentiments, de ressenti, par exemple lors de l'annonce aux parents de la possibilité de dons d'organes, très fines et très fouillées. Et pourtant, dans ce qui pourrait être du mélo, il y a du rythme. (p 198)
Il faut noter également la description du travail psychologique de l'infirmier coordinateur. D'ailleurs tous ces intervenants, de l'infirmier au chirurgien, même épuisés, crevés vont mener un travail psychologique non pas pour manipuler et obtenir coûte que coûte une décision, mais pour accompagner la réflexion de chacun dans ce processus difficile qu'est l'acceptation de la mort d'abord, du don ensuite.
Pour autant, on n'est pas dans l'univers des Bisounours, et la rivalité entre les différentes équipes est bien réelle et bien traduite dans ce livre. Paradoxalement, tout le monde poursuit le même objectif et est capable de sacrifices pour les atteindre, mais ne peut passer au-dessus des vieilles lunes de l'hôpital, ni des rivalités, au-delà des personnes, entre les services.
En ce qui concerne le fond, une petite remarque, intégrant beaucoup de discussions avec des « greffés » rencontrés pendant les journées de suivi, quand, en tant que receveur potentiel, on vous annonce qu'un greffon compatible est disponible pour vous, on ne se dit pas toujours « Je suis sauvé ! » mais « Zut, ça y-est ! ». On est au-pied du mur, le doute et la peur s'installent.
Un autre thème est abordé également sur lequel l'auteur nous conduit sans prendre position, c'est le « coeur comme dépositaire de l'amour » dans les croyances ancestrales. D'où les questions qui s'amorcent sur ce que deviendront les sentiments qu'avaient le donneur et le receveur. On voit comment il est difficile de sortir de l'affectif pour parler d'un simple organe indispensable à la vie.
Sur le style, l'écriture est très bien maîtrisée, avec des rythmes très différenciés, des phrases sensibles, mais aussi des phrases qui n'en finissent pas, et qui maintiennent le lecteur dans un rythme captivant. Quelque-chose cependant m'a un peu dérouté dans l'écriture, et qui ne me semble pas apporter grand-chose : Il s'agit de la formalisation des dialogues comme dans un mauvais langage parlé, avec le rejet du verbe tout à la fin de la phrase. Exemples :
« Tu n'es pas drôle, tu sais, son plus jeune fils murmure » (p 211)
« C'est le genre de nana qui débarque en touriste et croit que le pognon pousse dans les arbres il pensa, irrité »
On est presque dans la télé réalité. Mais cela reste un détail !
J'avais en fait beaucoup de choses à dire sur ce livre, ce qui est en général bon signe. C'est en effet un très beau livre, sensible, juste, clair, qui aborde avec intelligence et réflexion un sujet essentiel. Que l'on soit ou non concerné, il faut lire ce bouquin, le partager, en parler en famille, entre amis, au travail et agir en connaissance de cause.
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