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Paul Chemla (Traducteur)
EAN : 9782082103657
414 pages
Flammarion (17/08/2006)
4.11/5   31 notes
Résumé :

" Mon Führer que j'adore avec ferveur ! C'est votre anniversaire et nous n'avons que deux vœux ardents : que tout, dans notre patrie, soit aujourd'hui et demain exactement comme vous voulez que cela soit, et que Dieu vous préserve pour nous à jamais ! Votre fidèle E.E. " Telle cette Berlinoise en 1935, ils furent des milliers à témoigner leur adoration au Führer-jusqu'à Stalingrad.

N'était-il pas un génie politique, doublé d'un homme simp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La traudction de cet ouvrage pionnier de Ian Kershaw était attendue. Initialement publié en 1980 en langue allemande "Le mythe Hitler" s'intéresse moins à Hitler lui-même – auquel Kershaw allait consacrer en 1999 une monumentale biographie – qu'à la façon dont les Allemands ont vu Hitler. A l'époque Ian Kershaw travaillait avec Martin Broszat, à Munich, sur la Bavière à l'époque nazie, et plus spécialement sur l'opposition au régime. Et c'est à l'occasion de cette recherche – qui allait déboucher en 1983 sur la publication, en anglais, d'une étude remarquable traduite en 1995 seulement au CNRS "L'opinion allemande sous le nazisme Bavière 1933-1945" – que Kershaw s'est intéressé à « l'autorité charismatique » de Adolf Hitler. La version qui nous est aujourd'hui livrée de ces recherches est celle, légèrement remaniée, de l'édition britannique de 1987.

Dans un style d'une parfaite limpidité, Kershaw montre comment Hitler a répondu à une demande du peuple allemand : celle d'un chef héroïque et visionnaire capable de sortir l'Allemagne du marasme économique des années 20, de rompre avec les manoeuvres politiciennes de la République de Weimar, d'éloigner le spectre du communisme et de restaurer l'orgueil national trahi par l'infamant Traité de Versailles.
Bizarrement, l'opinion publique a entretenu à l'égard de Hitler et à l'égard du NSDAP des sentiments différents, quasiment jusqu'à la défaite. Alors que les « petits Hitler », au contact direct de la population, furent bien vite rendus responsables de l'écart grandissant entre les grandioses promesses du programme nazi et la lamentable réalité de la vie quotidienne, Hitler était expressément exclu de toute critique. L'idée s'était en effet très tôt répandue que Hitler était maintenu dans l'ignorance des abus incessants de ses subalternes. Cette croyance protégeait Hitler de l'impopularité dont étaient l'objet les membres de son parti.
La vérité était bien différente, le fonctionnement extrêmement centralisé de l'Etat hitlérien, décrit par Martin Broszat garantissant une information assez fine du Chef de l'Etat. Mais les Allemands ne l'ont réalisé que tardivement, avec Stalingrad, lorsque la responsabilité directe de Hitler dans la débâcle n'a plus pu être rejetée sur son entourage.

La séduction exercée par le Führer reposait sur une image faussée du véritable Hitler. Alors qu'il a été démontré que l'impérialisme et l'antisémitisme ont, depuis 1919 au moins, structuré la pensée politique de Hitler, le Führer n'a pas construit sa popularité sur ces deux idées. Bien au contraire. Face à une Allemagne dont on ignorait qu'elle avait été si pacifiste, Hitler prit soin d'apparaître comme un homme de paix, soucieux certes de laver l'humiliation subie à Versailles, mais veillant à y parvenir sans que soit tiré un seul coup de feu. D'ailleurs si l'Anschluss ou le règlement de Munich lui valurent une popularité accrue, elle était due au soulagement d'avoir évité la guerre. Quant à l'antisémitisme viscéral de Hitler, Kershaw montre qu'il ne fut guère partagé par la population et que, pour ce motif même, Hitler l'occulta de ses interventions publiques dès 1922 lui préférant un anitimarxisme autrement plus populaire.

Le mythe peut fonctionner durablement, même si un « abîme » (p. 307) le sépare de la réalité. En revanche, comme l'avait théorisé Max Weber, le leader charismatique est condamné à voler de succès en succès.
L'effondrement du mythe Hitler était inéluctable avec la prolongation du conflit. Très finement, Kershaw ne date pas ce reflux de Stalingrad : « L'apport du choc colossal provoqué par Stalingrad (…) a été d'ouvrir les vannes à une critique qui affleurait déjà » (p. 233). Il soutient que l'opinion s'est graduellement détachée de Hitler en 1942 lorsque l'espérance d'une victoire rapide s'est transformée en désir de paix et que l'incapacité du Führer à mettre fin à la guerre, sinon à la gagner, s'est peu à peu révélée.
Dans ces conditions, la rapide rédemption du peuple allemand dans les années 50 se comprend plus aisément. L'Allemagne n'était pas peuplée de fanatiques bellicistes et antisémites, mais de pauvres gens, fragilisés par la crise économique, déçus par l'impuissance de la classe politique, qui se sont laissés subjuguer par un « sauveur providentiel » (comme Raoul Girardet en a décrit dans "Mythes et mythologies politiques") qui leur a promis, et brièvement donné, l'amélioration de leur situation économique et la restauration de leur orgueil national.
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Un superbe ouvrage de Ian Kershaw, l'un des plus grands spécialistes mondiaux du Nazisme et de Hitler.

D'emblée, dès son introduction, l'auteur dresse très clairement l'état des lieux de son sujet sur le mythe de Hitler, page 11 :

« Peu de dirigeants politiques du XXe siècle – aucun, peut-être – ont été plus populaires aux yeux de leur propre peuple que Hitler pendant les dix ans qui ont suivi sa prise de pouvoir du 30 janvier 1933. On a pu écrire qu'à l'apogée de sa popularité, neuf Allemands sur dix furent « des adeptes de Hitler, ils crurent au Führer ». »

Puis, Ian Kershaw précise que : « l'adulation de Hitler par des millions d'Allemands », en plus des Nazis eux-mêmes, fut un phénomène crucial dans le fonctionnement du III Reich, permettant donc au Nazisme son développement Etatique.
Cela a permis à Hitler de transformer son délire idéologique antisémite en une barbarie concrète.
En effet, Hitler écrivait dans son livre « Mein Kampf » en 1925, que pour lui, la « psychologie des masses » était manipulable à l'infini. Il avait une conscience totale de l'importance que pouvait revêtir son image de « toute puissance ».

Dès la fin du 19ème et début du 20ème siècle, après la victoire des Allemands sur les Français à Sedan en 1870, Bismarck représentait pour les Allemands, l'image du Kaiser, du chef, un véritable culte de Bismarck, renvoyant Guillaume 1er, Roi de Prusse à une notoriété largement secondaire.
Bismarck mythifié de son vivant, fut quasiment « déifié » après sa mort, et 500 « tours Bismarck » furent édifiées dans toute l'Allemagne.
Par conséquent, l'entrée dans la 1ère Guerre Mondiale se fit presque, en Allemagne, dans une certaine « euphorie nationale ». Mais à partir de 1918, avec les humiliations pour les Allemands que furent :
– La paix « honteuse » dans le cadre de l'Armistice avec la capitulation de l'Allemagne, le 11 novembre 1918, puis du traité de Versailles signé en 1919 ;
– L'effondrement militaire ;
– La chute de la Monarchie de l'ancien régime ;
– La peur et le rejet légitimes du Bolchevisme (Communisme), mais l'assimilation gravissime du « Judéo-Bolchevisme » ;
– L'arrivée au pouvoir des sociaux-démocrates ;
– Etc..
Tous ces facteurs ont engendré dans le Peuple Allemand, la volonté à la fois de se débarrasser de la République de Weimar (de 1919 à 1933) et de voir émerger un « chef autoritaire » et « héroïque ».

Avant 1933, environ un tiers de la population Allemande votait pour les Nazis.
Dès 1920-1921, Hitler qui n'était encore que l'un des chefs du Parti, était parfois nommé « Führer » à l'intérieur du Parti Nazi : le NSDAP. A cette époque, certains cadres du Parti Nazi comparaient le terme de Führer pour Hitler, à celui du « Duce » pour le Fasciste Italien : Mussolini.

Concernant l'antisémitisme dans la population Allemande, Ian Kershaw expose la situation existante, avant même l'élection de Hitler au pouvoir, page 278 :

« Certes, l'antipathie ou la méfiance à l'égard des Juifs étaient largement répandues dès avant l'accession de Hitler au pouvoir. Les Juifs devaient subir diverses formes de discrimination dans de nombreux domaines. »
(…) « Une grande partie de la population, sa grande majorité probablement, était convaincue en 1939, ou même avant, que les Juifs avaient exercé une influence néfaste sur la société allemande, et qu'il serait préférable que ceux qui se trouvaient encore en Allemagne quittent le pays (ou en soient chassés) aussi vite que possible. Mais, sauf dans un petit pourcentage de la population, les idées dominantes à l'égard des Juifs à cette date, si discriminatoires qu'elles aient pu être à divers degrés, étaient très éloignées de la paranoïa antijuive de Hitler et des antijuifs acharnés au sein du mouvement nazi. »

Quasiment tous les discours de Hitler entre 1920 et 1922 contenaient déjà des attaques terribles envers les Juifs.

Au sein du Parti Nazi, le culte de la personnalité de Hitler s'est mis en place un an avant l'échec de son putsch de 1923. Il était alors comparé par des cercles de droite, à Napoléon.
Lors de son incarcération à Landsberg après le putsch manqué de 1923, il développa son nouveau rôle de « chef héroïque » en écrivant son tristement célèbre, livre : « Mein Kampf ».

Le Parti Nazi (le NSDAP) se refonda en 1925. A partir de 1926, Joseph Goebbels devint le principal propagandiste du mythe de Hitler au sein du Parti Nazi. Après le putsch raté, Goebbels devait recréer une charte idéologique et donc présenter Hitler comme le chef incontournable pour la future Allemagne.
Toujours en 1926, le NSDAP officialisa pour les membres du Parti : le « salut hitlérien » de style Fasciste, doublé de l'infâme « Heil Hitler », qui se pratiquaient déjà ponctuellement depuis 1923.

Aux législatives du 14 septembre 1930, dans un contexte de graves crises : économique, sociale, et de l'Etat lui-même, les Nazis ont obtenu un résultat électoral spectaculaire avec 6,4 millions de voix, sur une population d'environ 65 000 000 d'habitants, soit 18,3 % des suffrages exprimés, faisant du NSPAD le second Parti du Reichstag.
Les notoriétés du Parti Nazi et de Hitler étaient déjà bien implantées au sein de la population Allemande, et cela bien avant l'élection de Hitler le 30 janvier 1933. A partir de ce moment-là, le NSPAD et surtout leur Führer devenaient l'espoir, pour des millions d'Allemands, d'une nouvelle politique.

Puis, le culte de la personnalité de Hitler quitta définitivement le cercle restreint du NSPAD, pour gagner le pays tout entier.
Mais son programme politique était encore très vague.

Lors de la campagne de 1932 pour le poste suprême de Chancelier, Hitler eut l'ingénieuse idée de louer un avion, ce qui lui permit de parcourir toute l'Allemagne (les villes, les campagnes) et de se promouvoir à travers 148 réunions publiques, devant des foules de 20 000 à 30 000 personnes. En cette seule année de 1932, il se fit connaître en personne, devant des millions d'Allemands.
Comme tous les despotes, il se montra comme un grand orateur charismatique, durant cette campagne électorale intensive.
Voici l'impact estimé par Ian Kershaw, de la représentativité de Hitler avant son élection de 1933, page 60 :

« Néanmoins, il n'est guère douteux, semble-t-il, que, dès avant la prise du pouvoir, plus de treize millions d'Allemands étaient des « croyants » au moins potentiels, gagnés à l'idée du « principe du Chef » et au culte de la personnalité qui avait été construit autour de Hitler. L'opinion qu'avait de lui le reste de la population – la majorité – variait essentiellement en fonction des frontières idéologiques évoquées plus haut : haine implacable dans les rangs du mouvement ouvrier organisé, méfiance profonde chez les catholiques, mais aussi, notamment dans les classes moyennes nationales-conservatrices, sentiment qu'en dépit de son manque de prestige social et des tendances « socialistes » de son mouvement, l'homme pouvait avoir, pour un temps, son utilité. »

Rapidement après son élection le 30 janvier 1933, Hitler censura la presse, puis toute opposition et opinion dissidentes.
Pourtant le culte de la personnalité et le mythe de Hitler continuaient de se propager au sein de la population Allemande ; comme en témoignent les festivités à l'échelle Nationale, du 20 avril 1933, pour le 44ème anniversaire de Hitler, pages 76 et 77 :

« Jusqu'où le culte de la personnalité avait-il pu se développer en si peu de temps ? On a pu s'en faire une idée aux festivités organisées pour célébrer les quarante-quatre ans de Hitler, le 20 avril 1933 : elles dépassaient déjà, et de très loin, toutes les pratiques « normales » en usage pour rendre honneur à un chef du gouvernement. Les rues et les places de la quasi-totalité des villes allemandes, petites et grandes, étaient décorées de guirlandes et autres signes extérieurs d'adulation et d'acclamation publique du « Chancelier du Peuple ». L'appareil de propagande s'était surpassé, mais il est clair aussi qu'il avait pu s'appuyer sur une large propension préexistante, dans de vastes couches de la population, à accepter certains éléments au moins du culte de Hitler en pleine expansion. »

Très rapidement le « salut hitlérien » ou « salut Allemand » accompagné systématiquement de son incantation « Heil Hitler » devenait de fait, quasiment obligatoire pour ne pas prendre le risque de se retrouver marginalisé. Nous avons tous en tête cette effroyable vision d'une marée humaine de bras levés, faisant le « salut hitlérien ».
En revanche, il fut obligatoire dans un premier temps dans les administrations pour les fonctionnaires, comme stipulé par l'auteur, page 80 :

« L'usage obligatoire du « salut allemand » pour tous les fonctionnaires a été instauré par une directive du ministre de l'Intérieur du Reich, Frick, le 13 juillet 1933, la veille même de l'interdiction de tous les partis non nazis, et il visait à exprimer « publiquement la solidarité du peuple allemand tout entier avec son chef ». »

Dans ces premiers mois qui suivirent l'élection de Hitler, la Démocratie et les Libertés individuelles étaient déjà largement bafouées. Ce qui ne fit pas réagir outre mesure le Peuple Allemand.
Qui plus est, la propagande antisémite commençait déjà, elle aussi, à prendre forme…

Le pays, au terme des années 20, était dans une impasse économique, notamment avec un fort taux de chômage. Toujours dans les premiers mois en tant que Chancelier, Hitler améliora significativement la situation économique de l'Allemagne. Ce qui contribua à accentuer encore davantage, le culte de la personnalité vis-à-vis de Hitler et donc l'approbation de la population pour celui-ci.

A la fin de 1933, le terme de Führer était devenu courant, même dans la presse non-Nazie.
Ian Kershaw présente un bilan de cette première année de Pouvoir sous Hitler, suite à la crise économique mondiale de 1929, page 83 :

« Hitler lui-même donna le ton dans son discours de Weimar le 1er novembre : il avait, dit-il, demandé quatre ans pour débarrasser l'Allemagne de ses six millions de chômeurs, et déjà, en neuf mois seulement, il avait fourni « du travail et du pain » à deux millions et demi de sans-emploi. »

Mais en 1934 la situation économique commença à stagner, notamment pour les ouvriers, et l'euphorie des débuts s'émoussa rapidement. Malgré tout, le mythe de Hitler, lui, était en pleine ascension et lui permettait d'associer sa notoriété à celle du Parti Nazi.

Le 30 juin 1934 eut lieu la « Nuit des longs couteaux », sorte de purge des cadres du Parti Nazi, en exterminant un leader Ernest Röhm ainsi que d'autres membres du Parti.
Ces membres étaient perçus comme des opposants potentiels à Hitler et devaient donc être éliminés. Étrangement, les rares concitoyens informés de ce massacre, l'auraient dans l'ensemble approuvé et cet épisode sanglant aurait même encore amélioré, l'image du Führer. Il est donc étonnant de constater que des gens conscients d'un pogrom, ne s'émeuvent pas du fait que l'État utilise la violence en massacrant des opposants supposés.

Puis le 15 septembre 1935, ce fut l'instauration des immondes lois antisémites de Nuremberg.
Ce qui tragiquement annonçait les catastrophes humaines à venir…

Petit à petit, l'objectif de Hitler était donc d'étendre son « Empire » territorial. Après la remilitarisation de la Rhénanie le 7 mars 1936, ce fut le tour de l'annexion (l' »Anschluss ») de l'Autriche le 12 mars 1938, qui se réalisa sans violence. A chaque nouvelle annexion le Peuple Allemand était terrifié, craignant que cela ne se transforma en guerre. Puis, à l'été 1938 ce fut le rattachement des Sudètes.

Le 30 janvier 1939, Hitler, lors de son discours prononcé au Reichstag, proclama son effroyable « prophétie » : « Une nouvelle guerre amènerait « la destruction de la race Juive en Europe ». »
Il réitéra cette ignoble « prophétie » dans différents discours durant les années qui suivirent.

Les annexions « réussirent », engendrant le plébiscite du Peuple Allemand pour Hitler. Jusqu'au jour où, le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne, ce qui déclencha la Seconde Guerre Mondiale. A nouveau, le Peuple Allemand soutint son Führer, mais cette fois-ci, Ian Kershaw précise, page 178 : « sans enthousiasme, mais aussi sans protestation ni opposition ».
Quatre mois après le début de la guerre, le Peuple Allemand dans son ensemble continuait à soutenir Hitler, toujours page 178 :

« Si les années de terreur et de répression rendent compte largement de l'absence de toute opposition ouverte à la guerre de Hitler, elles ne peuvent expliquer que marginalement pourquoi le mythe du Führer est resté intact. »

Curieusement, après l'attentat contre Hitler le 8 novembre 1939, les réactions relevèrent surtout des sentiments de : « colère », « choc », et finalement de « soulagement » face à l'échec de l'attentat.

Fin 1939, le Peuple connut ses premières privations, et l'enthousiasme populaire vis-à-vis de la guerre en Pologne, disparu.
Mais, comme Hitler était un fin stratège militaire, la popularité inconditionnelle envers le Führer est restée intact jusqu'en 1940, et même durant toute la campagne triomphale vers l'Ouest et jusqu'à la victoire « provisoire » sur la France. Après la conquête de la France, le Peuple Allemand était toujours derrière son Führer pour anéantir le Royaume-Uni, tant détesté. Mais ce qui devait être une invasion massive, n'eut jamais lieu.
Hitler déclara également la guerre aux Etats-Unis, le 11 décembre 1941.
Puis à l'Est, ce fut la grande bataille en U.R.S.S. avec la cinglante défaite Allemande à Stalingrad, fin janvier 1943.

L'incapacité de Hitler à mettre fin à la guerre a terni son image auprès du Peuple Allemand : il n'était plus « infaillible », ni « visionnaire ».
Ian Kershaw décrit l'état de décrépitude du moral de la population, page 241 :

« L'opinion était désespérée, déprimée, lasse de la guerre – apathique plutôt que rebelle. Mais les grands espoirs nationaux conçus autour de la personnalité de Hitler tombaient en ruine ; de moins en moins d'Allemands envisageaient l'avenir sous sa direction. »

Puis, ce furent les bombardements Alliés sur le territoire Allemand qui contribuèrent encore plus, à atteindre le moral du Peuple ; de surcroît, dans un contexte extrême de répression et de terreur exercées par l'Etat Nazi, page 253 :

« Il paraît donc clair que les bombardements ont provoqué une démoralisation considérable et porté un coup très dur au prestige des dirigeants allemands. L'erreur des stratèges alliés a été d'imaginer qu'un tel régime pouvait être acculé à l'effondrement par une chute du moral de la population. Or, la réaction de l'immense majorité a été l'apathie, le « repli sur la sphère privée », pas l'opposition active. Et la répression toujours plus énergique pratiquée par l'Etat nazi – on a calculé qu'environ 1 Allemand sur 1200 a été arrêté par la Gestapo pour un « délit » politique ou religieux en 1944 – dissuadait fermement de toute activité « déviante ». »

Le 20 juillet 1944 à 11h45 eut lieu un nouvel attentat contre Hitler par le Colonel Claus Schenk. Ian Kershaw décrit à nouveau l'état d'esprit de la population suite à cette nouvelle tentative d'éliminer le Führer, page 266 :

« Nous pouvons déduire des données dont nous disposons, si insatisfaisantes qu'elles soient à bien des égards, que, comme en 1939, l'attentat contre Hitler a polarisé les sentiments. Il paraît justifié d'avancer que, plus encore qu'en 1939, un important pourcentage de la population n'aurait pas été affligé par l'assassinat de Hitler, et a vu dans sa survie une entrave à l'arrêt des hostilités. Néanmoins, les données indiquent aussi une remontée, éphémère mais encore puissante, du soutien à Hitler, particulièrement mais pas seulement chez ses fidèles du Parti. D'importantes réserves de sympathie pour Hitler existaient toujours. Vu la situation, le mythe Hitler conservait une force remarquable. »

P.S. : Vous pouvez consulter ce commentaire, dans son intégralité, sur mon blog :
Lien : https://communismetotalitari..
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On ne présente plus l'historien Ian Kershaw qui est l'un des plus éminents spécialiste du IIIème Reich, dont la biographie exceptionnelle sur Adolf Hitler a fait date. « le Mythe Hitler » s'attache à nous démontrer par quels mécanismes s'est construite l'image du Führer auprès du peuple allemand. La problématique et les différentes parties qui composent ce travail historique riche et passionnant, nous offrent une perspective nouvelle sur l'idée que les Allemands, qu'ils soient nazis forcenés ou simple mortel, se sont fait de leur guide durant ces douze années qui auront marquées l'histoire humaine à jamais. L'écriture est agréable, le fond et la forme se conjuguent pour faire sens et c'est avec effroi que nous plongeons dans ces temps où un homme, seul, entouré d'une cour de paladins fanatiques et liés par un serment sanguinaire, a pu constituer une image subjuguant les Allemands jusqu'aux premiers revers sur le front de l'Est au tournant de l'hiver 1941. La dissociation entre l'arrivisme, les crimes et les abus nombreux perpétrés par la clique des membres du parti nazi, avant et pendant la guerre, et ce mythe d'un Hitler à qui l'ont cachait la vérité, est assez édifiante. Jusqu'à Stalingrad, on pourra dire que les Allemands n'ont pas su ou du moins voulu ouvrir les yeux sur un régime dont les pulsions destructrices étaient au coeur même du système dont la pierre angulaire était Adolf Hitler. le rejet de l'attentat du 20 Juillet 1944 contre Hitler par une large partie de la population allemande, démontre que le mythe du Führer était encore capable de soubresauts. Ce qui ressort de ce livre, c'est toute la complexité de l'engagement ou de la crédulité de ces hommes et de ces femmes qui ont été happés, pour de multiples raisons convergentes ou divergentes, par cette idée qu'ils se sont faite, ou plutôt, qu'on a bien voulu leur laisser entrapercevoir, de cette énigme que restera pour beaucoup d'Allemands de cette période, le véritable Adolf Hitler.
Lien : https://thedude524.com/2014/..
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La biographie d'Hitler écrite par cet auteur a fait date .mais dans ce livre il s'attaque à la manière dont fut construite l'image de ce personnage afin de lui attirer la dévotion et les suffrages du peuple allemand même encore au moment où tout s'effondrait. Ce travail fascinant est aussi une mise en garde sur des possibles bégaiements de l'histoire , compte tenu des progrès effectués dans les techniques de manipulation des esprits.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Passionnante analyse qui met en perspective le mythe du peuple allemand complice des horreurs nazies et montre comment la propagande a permis à Hitler d’être longtemps populaire car étant un leader qui créait des emplois, redonnait à l’Allemagne sa fierté, oeuvrait à la paix grâce à son génie diplomatique du fait accompli, et luttait contre les profiteurs (les juifs), tout en attisant la barbarie. On ne peut s’empêcher de faire des comparaisons avec le «Make America Great again» de Trump qui polarise les américains en 2 clans qui s’haïssent, son auto-propagande via Twiter, son racisme suprémaciste blanc et le soutien des évangélistes, sa xénophobie et ses succès économiques fondés sur le fait accompli, ses menaces contre la Chine, l’Iran, la Turquie, l’Allemagne, la France, le Mexique, etc. (des «alliés»), son mépris des institutions, ses accointances avec les dictateurs et son support de la NRA et des milices surarmées comparables aux SS et SA…
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Mais les vieux mythes sont remplacés par de nouveaux:l'association des technologies modernes et des méthodes avant-gardistes de marketing donnent des exemples toujours plus complexes et raffinés , même dans les démocraties occidentales , de construction d'image politique autour de "petits cultes de la personnalité" , dont l'objectif est de masquer la réalité aux ignorants et aux naïfs.
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Entretien avec l'historien Ian Kershaw à la librairie Millepages le 12 octobre 2016.
>Allemagne : histoire>Allemagne : 1866...>Troisième Reich: 1933-1945 (58)
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