Citations sur À quoi rêvent les loups ? (104)
- Méfie-toi de ceux qui viennent te parler de choses plus importantes que ta vie. Ces gens-là te mentent. Ils veulent se servir de toi. Ils te parlent de grands idéaux, de sacrifices suprêmes, et ils te promettent la gloire éternelle pour quelques gouttes de ton sang. Ne les écoute pas. Rappelle-toi toujours ceci : il n'y a rien, absolument rien au-dessus de ta vie. Elle est la seule chose qui doit compter pour toi car elle est le seul bien qui t'appartient vraiment.
Quand le rêve met les voiles
Quand l'espoir fout le camp
Quand le ciel perd ses étoiles
Quand tout devient insignifiant
Commence pour toi et moi
Mon frère
La descente aux enfers
Aucune misère ne peut arrêter le cours de la vie
Nafa roula jusqu'au bout de la rue. Entre deux voitures en stationnement, un homme gisait sur le trottoir, face contre le sol, la tête éclatée.
- Ne regarde pas, cria l'épouse d'Omar à son enfant.
- Laisse-le regarder, dit le père. Il faut qu'il apprenne comment ça marche, dans son bled. Tu vois, Moussa? Voilà ce qui arrive aux ennemis de Dieu.
L'enfant contempla le corps étalé.
- Le monsieur saigne, papa...
- Même les grandes personnes se font mal en glissant, tenta désespérément la mère. Quand je te dis qu'il faut faire attention en courant dans la rue, c'est pour que...
- Qu'est-ce que tu es en train de lui raconter femme? Ce fumier n'a pas glissé. Regarde bien, fiston. On lui a tiré dessus. C'est un mécréant, un renégat, et les moudjahidin l'ont châtié. Ils l'ont crevé, tu comprends? Ils l'ont tué...
Nafa accéléra pour épargner le garçon, et pour échapper aux cris d'Omar qui jubila et s'agita sur son siège tout au long du trajet.
Quelquefois, pour assujettir davantage les alliés et faire rentrer dans les rangs les "insoumis", on massacrait une famille par-ci, on brûlait des fermes par-là, au hasard des tournées. Lorsqu'un douar n'avait rien à se reprocher, on lui sortait immanquablement un notable indésirable ou une attitude répréhensible pour le châtier. Les téléviseurs et la radio étaient interdits, leurs propriétaires fouettés. On traquait les conjurateurs, les imams indociles, les figures emblématiques de naguère, les femmes indélicates et les parents de taghout. Ceux-là étaient égorgés, décapités, brûlés vifs ou écartelés, et leurs corps exposés sur la place.
Pourquoi l'archange Gabriel n'a-t-il pas retenu mon bras lorsque je m'apprêtais à trancher la gorge de ce bébé brûlant de fièvre? Pourtant de toutes mes forces, j'ai cru que jamais ma lame n'oserait effleurer ce cou frêle, à peine plus gros qu'un poignet de mioche. La pluie menaçait d'engloutir le terre entière, ce soir-là. Le ciel fulminait. Longtemps, j'ai attendu que le tonnerre détourne ma main, qu'un éclair me délivre des ténèbres qui me retenaient captif de leurs perditions, moi qui étais persuadé être venu au monde pour plaire et séduire, qui rêvais de conquérir les coeurs par la seule grâce de mon talent.
Tu dois rendre grâce au Seigneur pour cette expérience inestimable. Tu as été aux portes de l'enfer, et tu n'y es pas tombé. Au contraire, tu as pris connaissance de la Vérité, celle qui te permet de te regarder dans une glace sans te retourner, ni te détourner, qui t'aide à t'assumer dans l'adversité. Tu as été ressuscité, Nafa mon frère.
Sid Ali, le chantre de la Casbah, me disait que l'Algérie était le plus grand archipel du monde constitué de vingt-huit millions d'îles et de quelques poussières. Il avait omis d'ajouter que les océans de malentendus qui nous séparaient les uns des autres étaient, eux aussi, les plus obscurs et les plus vastes de la planète.
Si tu veux t'élever dans la hiérarchie des hommes, saute sur la première marche qui se présente.
(De son côté), Abou Mariem profita de l'affliction générale pour en finir avec Sid Ali le poète que les imams n'avaient de cesse de diaboliser et dont l'émir en personne exigeait la tête. On l'attaqua chez lui, très tôt le matin. Le poète attendait ses bourreaux. Mis au courant de leurs desseins, il avait refusé de s'enfuir. Il avait juste envoyé sa compagne quelque part pour affronter seul son destin.
Avant de mourir, Sid Ali avait demandé à être immolé par le feu.
- Pourquoi? s'était enquis Abou Mariem.
- Pour mettre un peu de lumière dans votre nuit.