Je vous demande pardon par avance pour cet article qui prendra certainement position, mais vraiment c'est plus fort que moi.
Car
Les yeux dans les arbres, de
Barbara Kingsolver, c'est l'Afrique. Je n'y ai jamais mis les pieds parce que je ne suis pas sûre que j'aurais envie d'en repartir, mais un jour peut-être...
Les filles de la famille Price, elles, quand elles arrivent dans le Congo belge qui vit ses derniers mois de colonisation, n'ont qu'une envie : retrouver au plus vite leur Géorgie confortable et bien connue. Il y a la mère, Orléanna, Rachel la jeune fille superficielle, Léah et Adah les jumelles à l'esprit torturé, et la petite Ruth-May. Toutes là pour suivre Nathan, le père, venu en mission laver l'âme des sauvages noirs dans l'amour de Jésus (et accessoirement dans une rivière infestée de crocodiles).
Les yeux dans les arbres, c'est une histoire de femmes, leurs doutes et leurs aspirations, leurs peurs de vivre sous la coupe d'un homme fanatique. C'est un choc de cultures, de blancs essayant de vivre une vie de blancs dans une Afrique noire aux codes totalement différents. C'est tenter de planter des haricots dans une terre qui ne tolère que le manioc et les orangers.
Les yeux dans les arbres, ce sont les ravages de la colonisation et de pays soit-disant civilisés, se disputant sans vergogne les richesses enfouies sous la terre, sans un regard pour ceux qui la foulent. C'est la dictature et la guerre.
J'ai été particulièrement sensible au point de vue de Léah, la fonceuse, la passionnée, qui tombera amoureuse de cette terre difficile et mystérieuse, mais pourra t'elle lui appartenir totalement ? Une blanche peut-elle vraiment devenir Africaine ? Je veux croire qu'un jour, fort lointain il me semble, le spectre de la colonisation sera enfoui plus profondément encore que les mines de diamants, et ne viendra plus biaiser les relations entre Noirs et Blancs. Que chacun respectera les croyances et religions de l'autre, sans chercher à le convertir à ce qui lui semble la seule vérité, mais là je rêve.
De façon plus subtile, ce sont les mêmes enjeux au sein de la famille Price. Domination, culpabilité, complexe de supériorité, désir d'indépendance, peur de l'Autre.
J'ai été passionnée par ce roman, empreint d'une brutale délicatesse (oxymore) qui ne peut laisser de marbre. Mais je pleure sur l'Afrique. de tout mon coeur de Blanche incapable néanmoins de soutenir le regard des yeux dans les arbres.
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