Que voici un livre léger, reposant, plaisant à lire. J'aime lire ce style de roman, grande saga de personnages quasiment légendaires.
Ici, ce sont 3 femmes qui vont à leur façon révolutionner l'univers du cosmétique et de la beauté en construisant des empires aux USA.
Et cela commence par l'enterrement de l'une d'entre elles en 1983 et leurs histoires racontées par Bobby de Vries, assistant personnel de la défunte, Josephine Herz née Josiah Herzenstein, puis Josephine Blake et devenue vers 50 ans, Princesse Orlove en épousant son dernier mari, un authentique prince russe, Alexei Orlove. Josephine a fondé Herz Beauty, un groupe haut de gamme et comme ses consoeurs en cosmétique, nous allons découvrir son parcours.
La grande rivale de Herz est Constance Gardiner, née Gardener, grande blonde au look très Wasp (White Anglo-Saxon Protestant) qui va inventer le concept de la vente de cosmétique en porte à porte (on reconnaît Avon, bien sûr), épouser et puis divorcer d'un héritier pour acquérir le lustre qui lui manquait et devenir Mme van Wyke. Elle va rendre la beauté accessible au plus grand nombre de femmes. Elle va aussi posséder une écurie de courses et a une vie privée très privée.
Nous rencontrons aussi Cee-cee Jones, métisse, qui a quitté son emploi de gouvernante, pour New York et le Cotton club, et qui après un passage chez Gardiner Cosmetics et une trahison, va créer une alliance avec Mme HERZ et va fonder une société spécialisée dans les produits pour cheveux crépus. On trouve aussi un homme dans ce domaine des cosmétiques, Mickey Heronsky, qui créera Heron Cosmetics, une marque pas chère destinée aux plus jeunes, inspirée du maquillage professionnel utilisé dans le cinéma.
De la Pologne, à l'Australie, de Londres à Paris en passant par New York et Palm Beach, des années 20 à nos jours, l'histoire de ces trois femmes s'entrecroisent dans un secteur qui deviendra hautement compétitif : la "beauté" féminine et le besoin suscité d'être plus belle, pour s'élever socialement ou dans son miroir.
J'ai pensé bien sûr aux vies d'Elisabeth Arden (et sa géniale crème de 8 heures), Helena Rubinstein, Estée Lauder, Madam C.J. Walker et Max Factor. Elles se sont croisées et ont réellement construit des empires industriels dans un monde d'hommes encore plus fermés que maintenant, dans des sociétés où le discrimination sociale, raciale, religieuse avait une pression forte sur le groupe féminin. Ce roman leur rend un bel hommage fictionnel, mais sympathique.
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Désormais grands, riches, confiants, instruits, supérieurs, ils étaient le produit final que l’on obtient à l’aide d’une immense richesse et possédaient cette arrogance subtile et tenace caractéristique, aussi puissante que les parfums signatures de Madame*. Je présentai quelques personnes à Charlene qui, en tant que troisième épouse et adepte de l’ascenseur social, souhaitait faire la connaissance de Nan ou de Pat, les seules doyennes de cet univers qui avaient de l’importance désormais. Puis, pour clore cet impressionnant catalogue d’invités, cette armada de joyaux, les autres acteurs pionniers de la cosmétique étaient venus faire leurs adieux : Mickey Heron de Heron Cosmetics et celle qui, selon la rumeur, était sa maîtresse de longue date, CeeCee Lopez, fondatrice du Queen CeeCee’s Hair Relaxer, l’entrepreneure afro-américaine la plus riche du monde.
Mon nom de naissance est Joe Bob Devereaux et je suis un homme du Sud, un moins-que-rien issu d’un trou perdu marécageux de Louisiane. Mais à l’aide du charme que j’ai à revendre, de ma juvénile beauté masculine, d’atouts cachés et de quelques « faveurs » obtenues au fil du temps, je me suis hissé du bayou jusqu’à New York. J’avais répondu à une annonce passée par une agence spécialisée dans les emplois domestiques et fus embauché dans la maison* de Josephine. On me précisa qu’elle n’employait que « des jeunes gens bien de leur personne, sans famille et sans vie ». J’avais le profil idéal.
Je ne pouvais me résoudre à envisager la vie sans elle, ses coups de gueule, ses exigences, ses interminables listes de priorités, comprenant détails importants et secondaires et, de temps à autre, ses attentions appréciables, qu’elle distribuait alors que j’aurais juré ne plus pouvoir la supporter une seconde de plus. Ses caresses étaient presque toujours brusques, mais ses gentillesses venaient tout droit du cœur et débordaient de générosité.
Madame avait toujours détesté le gris. « Ce n’est ni blanc ni noir, et je hais l’indécision au plus haut point », disait-elle toujours. Elle prononçait le mot « indécision » avec sa verve habituelle, l’appuyant d’un haussement de ses sourcils parfaitement dessinés. Aussi aurait-elle très certainement manifesté son mécontentement.
À mes yeux, cette petite femme d’un mètre cinquante seulement était une géante, sa chevelure noire plaquée en chignon faisant ressortir ses yeux tempête et son nez aquilin exprimant sa détermination.