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Michel Boujut (Préfacier, etc.)Silvain Chupin (Traducteur)
EAN : 9782869596191
96 pages
Arléa (04/04/2003)
3.62/5   13 notes
Résumé :
Présenté sous forme de quatre longues conversations avec Takeshi Kitano, cet ouvrage constitue une entrée en matière aussi originale que colorée pour découvrir l'univers étrange, à la fois onirique, triste, comique et violent de l'un des plus grands réalisateurs japonais issu de la décennie 80.

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
KITANO AU SOMMET



Une relecture… Quand paraît aux éditions Arléa ce tout petit livre, en l'an 2000, Kitano Takeshi est au sommet – en tant que réalisateur, s'entend en Occident, car notre bonhomme est hyperactif et a bien d'autres activités au Japon, la principale étant celle d'animateur de télévision, sur un mode comique et éventuellement absurde dérivé de sa carrière initiale dans le manzai ; mais il est aussi acteur, bien sûr, et peintre, et écrivain…



Mais le sommet dont je traite ici porte donc sur sa carrière de réalisateur. Ce recueil d'interviews en témoigne à maints égards. À vrai dire, sa composition même implique sans doute au préalable un engouement marqué pour le cinéma de Kitano au tournant du millénaire : les quatre entretiens constituant ce petit livre ont été réalisés en 1993 pour celui avec Kurosawa, et en 1998-1999 pour les trois autres – si l'on se fie à ce dernier point de référence, le réalisateur vient d'être récompensé par le Lion d'Or à la Mostra de Venise pour Hana-bi, celui de ses films dont on parle le plus ici, du coup, et il travaille sur son projet suivant, L'Été de Kikujiro. Cet engouement se prolongerait encore quelques années, avec au moins Aniki, mon frère, puis Dolls, et Zatoichi ; des films par ailleurs on ne peut plus différents les uns des autres.



Mais les interviews constituant ce livre ne sont pas « banales ». En effet, trois d'entre elles confrontent Kitano avec un autre réalisateur : les titans japonais Kurosawa Akira et Imamura Shôhei, le petit jeunot français Mathieu Kassovitz. Il s'agit bien, dès lors, de confronter des regards de cinéastes, ce qui peut aussi passer par l'échange de « trucs » techniques, par exemple. le dernier entretien, un peu plus long, associe Kitano et son ami philosophe et critique Hasumi Shiguéhiko : le ton est forcément différent, et l'approche plus classique, mais cette discussion ne manque cependant pas d'intérêt. Et les quatre discussions ensemble constituent bien des Rencontres du septième art.



VARIATIONS DE LA CRITIQUE



Kitano au sommet, donc… Mais, mine de rien, parvenir à cet état de grâce n'avait rien d'évident, outre qu'il faut sans doute penser la carrière de Kitano cinéaste sous deux angles différents – au Japon, et à l'international.



Au Japon, longtemps, Kitano est d'abord et avant tout le guignol de la télé, et on ne le prend pas vraiment au sérieux – il le sait, il en joue même, quand il déboule, au premier jour de tournage de son premier film en tant que réalisateur, Violent Cop, en tenue de kendo, braillant à son équipe technique : « C'est moi le réalisateur, maintenant ! » le gag fait rire quelques-uns de ces techniciens... mais pas tous, et certains prendront bien soin d'enseigner le métier à ce bonhomme de la télé qui n'y connaît rien (j'y reviendrai), et ce pendant plusieurs tournages encore. Il faut dire qu'il est devenu réalisateur un peu par hasard : pour Violent Cop, il remplace en fait au pied levé le réalisateur initialement prévu, Fukasaku Kinji, très connu pour ses films de yakuzas sans concessions, et qui conclurait sa carrière, à l'époque où paraîtrait ce livre, avec le survival dystopique Battle Royale, dont le rôle le plus marquant, de très loin, reviendrait justement à Beat Takeshi. Violent Cop choque par... eh bien, sa violence, et sa réalisation non conventionnelle – mais il intrigue, voire séduit, et connait finalement un certain succès commercial ; la critique japonaise est divisée, l'hostilité est assez marquée, mais il s'en trouve bien quelques-uns pour noter que le rigolo de la télé s'en est remarquablement tiré, finalement.



Pourtant, les deux films suivants de Kitano rencontrent moins de succès, à tous points de vue – au point même de l'échec commercial presque fatidique. Mais le quatrième film de Kitano, Sonatine, s'il ne fonctionne pas au Japon, séduit en Occident, où il est projeté à Cannes (une dizaine d'années plus tôt, Kitano, ou plutôt Beat Takeshi, y avait déjà fait sensation pour son interprétation incroyable dans le Furyo d'Ôshima Nagisa – on avait pronostiqué une avalanche de récompenses tant pour le film que pour l'acteur… mais il n'en a finalement rien été, et, ironiquement, c'est un autre brillant film japonais qui a été récompensé par la Palme d'or cette même année, La Ballade de Narayama, d'Imamura Shôhei – qui s'entretient par ailleurs avec Kitano Takeshi dans le présent recueil).



Ce demi-succès… est suivi par un autre échec, Getting Any ?, que le réalisateur lui-même ne porte pas vraiment dans son coeur. Mais Kids Return convainc davantage – et surtout, en 1997, Hana-bi, dont le démarrage au Japon est « compliqué », mais qui reçoit le Lion d'or à la Mostra de Venise, de manière très inattendue, et cela change radicalement la donne ; toutes choses égales par ailleurs, cette reconnaissance festivalière en Occident suscitant un véritable engouement global (et éventuellement rétroactif au Japon), peut rappeler, au début des années 1950, ce qui s'était produit avec le Lion d'or pour Rashômon, de Kurosawa Akira, événement-clef qui a permis au cinéma japonais, alors essentiellement confiné dans l'archipel, de se répandre à l'international, tendance confirmée très vite par le Lion d'argent attribué aux Contes de la lune vague après la pluie, de Mizoguchi Kenji. La Mostra et le cinéma japonais : une longue histoire !



Effet notable au Japon : Kitano, qui n'était alors que bien trop rarement pris au sérieux par la critique, en devient du jour au lendemain la coqueluche – il est ce brillant « nouveau réalisateur » indépendant qui, sait-on jamais, « sauvera » peut-être un cinéma japonais en déliquescence ? Quitte à opérer des retournements un tantinet déconcertants : au Japon, en s'appuyant sur la violence de ses films, on le compare sans cesse à « la star » (étrangère) du moment, Quentin Tarantino – alors que l'influence, si l'on y tient, doit clairement être renversée (de l'aveu même du réalisateur de Pulp Fiction, le cas échéant, qui avait notamment fait part de son intérêt pour Violent Cop) ; ce discours agace un peu Kitano (j'y reviendrai), mais, s'il a une chose à dire à propos de cette analogie perpétuelle (à l'époque) entre le cinéma de Tarantino et le sien, c'est, tout simplement, en définitive, qu'ils s'inspirent tous deux, pas tant l'un de l'autre, que des mêmes films, parfois un peu oubliés, de leurs prédécesseurs.



Sans vraie surprise, ces deux thèmes, plus ou moins liés, de la critique mesquine envers le réalisateur, et de la violence de ses films, sont centraux dans l'entretien avec Mathieu Kassovitz, pourtant plus crédible alors qu'il ne l'est devenu depuis, en tant que réalisateur, avec surtout La Haine et, plus particulièrement à propos ici, Assassin(s) – un film très critiquable quant au fond, à mon sens, mais dont je considère effectivement qu'il a été injustement écharpé, car il y a des choses très intéressantes dedans. Je reviendrai sur cet entretien (problématique) en ce qui concerne la question de la violence, mais on peut d'ores et déjà noter que Kitano s'y montre un spectateur attentif des films de Kassovitz (lequel, alors, n'avait vu de Kitano que Violent Cop et Hana-bi, sauf erreur, et est probablement un peu moins pertinent de son côté). le thème de la critique et des récompenses festivalières internationales, ainsi que de leur impact, est aussi très important dans l'entretien avec Hasumi Shiguéhiko, où l'ambiance à Venise, et le ressenti de Kitano sur le vif, sont disséqués avec méticulosité, lucidité... et humour.



UN CINÉASTE QUI NE SAIT RIEN DU CINÉMA ?



Ce goût de certains films un peu oubliés, le visionnage très attentif dont Kitano est plus que capable (il se montre très précis et pertinent, professionnel en fait, en discutant notamment des derniers films, à l'époque, de ses interlocuteurs Kurosawa Akira, soit Madadayo – en 1993, qui serait son dernier film tout cours –, et Imamura Shôhei, à savoir L'Anguille, en 1997, sa deuxième Palme d'or), d'autres choses encore… Il y a comme un léger paradoxe – car Kitano se pose en cinéaste qui ne sait rien du cinéma, au fil de ces quatre entretiens, où sa posture est à la fois très humble… et pas dépourvue d'une certaine arrogance iconoclaste : c'est parce qu'il ne sait rien de ce qui a été fait et de ce qu'il « faut » faire, qu'il peut jouer au chien dans un jeu de quilles, qui chamboule tout avec une jubilation créatrice inaccessible aux réalisateurs plus « traditionnels » et (trop) conscients de leur médium.



Ses rares références de formation, toujours les mêmes, renvoient à des comédies qui ne semblent guère avoir perduré, pour ce qui est du cinéma japonais, et il ne s'étend guère sur le cinéma international, finalement. Homme de manzai et de télévision, bien qu'ayant une certaine carrière d'acteur de cinéma, il joue toujours, au moment de ces interviews, le rôle celui qui ne sait pas bien ce qu'il fait, au juste, quand il tourne des films.



Bien sûr, c'est un aspect important de ses propos concernant Violent Cop – son film de débutant. S'il l'a filmé de la sorte, et c'est bien ce qui a parlé au public, c'est à l'en croire parce qu'il ne savait tout simplement pas comment filmer, il n'en avait pas la moindre idée, et n'osait pas le montrer à son équipe technique, qui arrivait de toute façon très bien à cette conclusion toute seule... D'où ces longues scènes de « marche », ou encore cette tendance à filmer les protagonistes de face. Difficile d'imposer ce genre de « choix » à une équipe technique qui était donc persuadée de l'incompétence absolue du patron.



Mais cette singularité éventuellement iconoclaste ressort d'autres dimensions, où la technique cinématographique et les procédés narratifs se conjuguent de manière parfois originale – avec en tête le montage, étape particulièrement cruciale pour Kitano.



Ses projets de film sont souvent assez flous (et longtemps non titrés : plus précisément, le réalisateur, passé le cas particulier de Violent Cop, envisage ses films comme Film de Kitano 2, Film de Kitano 3, etc. : le titre Sonatine n'est ainsi apparu que très tardivement, vers la fin du tournage, et Kitano a longtemps voulu appeler officiellement Hana-bi sous le titre de Film de Kitano 7 ; il n'y a renoncé que sous la pression de ses collaborateurs, persuadés que c'était la pire des idées, et ce sont eux, finalement, qui lui ont soufflé le beau titre de Hana-bi – soit « feu d'artifice », mais littéralement « fleurs de feu »).



Si ces films ont un point commun dans leur élaboration, c'est qu'ils partent de la fin : il s'agit ensuite de trouver ce qui pourrait amener à cette fin – pour Kitano, c'est un procédé qui découle de l'art du sketch. Les bases sont donc finalement assez limitées, et très mobiles ; d'autant que Kitano apprécie une certaine spontanéité dans ses tournages, et les décisions sur le vif – alors même qu'elles peuvent totalement chambouler le projet initial.



De manière générale, le film « envisagé », le film tourné et le film monté peuvent être très différents – voire le sont systématiquement. Les conseils des gens compétents de son équipe technique se sont avérés ici particulièrement précieux – ainsi pour cette scripte un peu paniquée, qui suggérait de manière appuyée à un Kitano plus ou moins candide, dans ses premiers films, de prendre ici une vue d'une montagne, là une rue, etc. – c'était peut-être inutile sur le moment, mais « ça pourrait toujours servir ». Kitano l'a tôt constaté… Kurosawa, dans son interview, définit d'une certaine manière le cinéma comme un art de la transition ; mais en relevant justement que les transitions, chez Kitano, sont parfois fort étranges… C'est un compliment ! Et qui revient sous une forme un peu plus spécifique, quand les deux réalisateurs réfléchissent ensemble à la temporalité (plutôt qu'à l'écoulement du temps).



Hana-bi en est un exemple éloquent. L'histoire, au fond, est très simple – même si, au commencement du tournage, seule sa conclusion, ô combien brillante et terrible, était assez solidement établie (et encore : un point essentiel n'était alors pas défini, j'y reviendrai). Kitano, à son habitude, part donc de la fin, et trouve ensuite ce qui permet d'y amener – mais pas d'une manière linéaire, avec une forte relation de causalité : les flashbacks s'imbriquent dans un ensemble complexe constituant progressivement, mais à l'envers, plusieurs trames parallèles. Il faut y ajouter des plans de coupe étonnants, comme, bien sûr, ceux sur les peintures du personnage de l'ex-flic – peintures qui sont en fait celles de Kitano lui-même : rien de tout cela n'était prévu initialement, et user de ce procédé soulignait un rapport particulier du réalisateur à son film, dont il n'avait pas conscience, ou qui n'existait peut-être pas, jusqu'à ce que cette décision soit prise. Ces peintures naïves, à peine retouchées pour le film, c'est en effet Kitano qui les a peintes après son accident de moto, période de sa vie extrêmement douloureuse et riche en déceptions – soit exactement ce que vit le personnage de l'ex-flic délaissé et qui s'essaye à la peinture dans Hana-bi, et ceci alors que Kitano lui-même y incarne un autre personnage, le flic Nishi, ami du précédent... et dévoré par la culpabilité.



Toutes ces expériences aboutissent à ce que Kitano, couramment, essaye cinq ou six montages du même film avant de se décider pour celui qui sortira en salles. Et ces cinq ou six films, avec les mêmes images, sont totalement différents les uns des autres ; ce n'est pas une exagération, une image, mais un pur constat factuel.



Un autre aspect intéressant : l'adaptation du film à ses acteurs. C'est un point qui revient souvent dans les entretiens avec Kurosawa (qui raconte notamment comment il a fait pleurer la princesse de la Forteresse cachée – il n'en est pas fier, mais en a tiré des centaines de mètres de pellicule…) et Imamura – et si Kitano, lui-même acteur, explique que, dès lors, il ne s'emporte jamais contre eux, il n'en déplore pas moins que ces gens, dès qu'il y a une caméra à proximité, se mettent aussitôt à « jouer la comédie », quand lui attend de leur part des comportements plus spontanés, plus réalistes. Kurosawa et Imamura abondent tous deux... Quand il n'était qu'acteur, Kitano avait tendance à se plaindre des exigences démiurgiques des réalisateurs (ce qui va au-delà de la direction d'acteurs, mais concerne tout autant les décors, la météo, etc.) – mais, une fois passé de l'autre côté de la caméra, il a radicalement changé d'avis ! Non que la relation entre cinéastes et acteurs soit forcément mauvaise…



Et, parfois, tel jeu, en tant que tel pas critiquable, amène Kitano à revoir son histoire, et en profondeur le cas échéant, pour tenter quelque chose de différent – on revient toujours à cette versatilité. Hana-bi, à nouveau, en offre un exemple saisissant : Kishimoto Kayoko, qui joue le rôle de Miyuki, la femme de Nishi (Kitano Takeshi lui-même), était semble-t-il connue pour ses rôles à la télévision dans des drama assez bavards ; la comédienne était très habile dans ce registre, mais Kitano redoutait que les spectateurs l'identifient aussitôt à ces réalisations passées, au risque de nuire à la singularité et à l'ambiance de son film… Il a alors pris la décision radicale de supprimer toutes les répliques du personnage – sauf deux mots à la toute fin : le rôle initialement parlant est devenu (presque) totalement muet ; et, si vous avez vu Hana-bi, vous savez à quel point ce choix compte et s'avère pertinent, et même génial !

« TRUCS » DE CINÉASTES



En fait de cinéaste qui ne connaîtrait rien au cinéma, Kitano a tout de même développé une certaine acuité pour sa nouvelle profession, et quelques « trucs » qu'il échange avec ses prestigieux collègues, Kurosawa Akira et Imamura Shôhei – lesquels ont comme de juste bien des choses à lui apprendre, du fait de leur longue carrière.



Kurosawa, que l'on surnommait parfois « l'Empereur », se montre ici d'une extrême humilité, et traite Kitano comme son égal – en faisant montre d'une immense bienveillance et d'une grande attention pour les qualités propres de son cinéma. Nous sommes pourtant en 1993, Kitano vient à peine de sortir son quatrième film, Sonatine... Mais Kurosawa a aimé ce qu'il a vu, ce qu'il dit sans attendre au tout début de l'interview. Par la suite, avec cet interlocuteur qui dit ne rien en savoir, Kurosawa échange en toute simplicité sur l'histoire du cinéma japonais – légende vivante, il a vécu lui-même tout ce qu'il rapporte… Et raison de plus pour louer la spontanéité de « Beat », puisque c'est ainsi que le réalisateur de Rashômon l'appelle encore : il a raison de ne pas tenir compte de l'opinion bornée de ces gens qui lui disent que l'on doit filmer comme ça, pas comme ça, etc. Ceci étant, la profonde sympathie de Kurosawa pour Kitano ressort peut-être aussi des « trucs » techniques qu'ils s'échangent, mais cette fois en toute simplicité, sans en faire un dogme : si « l'Empereur » est presque logiquement amené à parler de sa légendaire technique de tournage à trois caméras, à partir des Sept Samouraïs, il s'attarde finalement au moins autant et peut-être davantage sur d'autres techniques davantage liées aux préoccupations de Kitano lui-même – en s'accordant avec lui sur le moment crucial du montage, et, donc, l'importance des transitions (plus que de l'écoulement du temps – on lui a bien trop rebattu les oreilles avec ça depuis les années 1940 !). Ainsi de ces acteurs que la présence d'une caméra perturbe systématiquement dans leur jeu : avec sa technique de caméras multiples, Kurosawa filme les répliques les plus importantes au téléobjectif – la caméra qui enregistre, soigneusement positionnée, est donc en fait celle qui se trouve le plus loin de l'acteur, et cela change tout…



Imamura aussi a son « truc » en pareil cas, finalement assez proche : avec un acteur particulièrement difficile à contrôler, il avait usé d'un stratagème, prétendant le filmer avec telle caméra… alors qu'elle ne tournait pas : la vraie caméra était placée ailleurs, et l'acteur n'en savait rien ! Imamura n'a pas l'air aussi commode que Kurosawa – pourtant, sa bienveillance est également marquée… et dès le départ ! le réalisateur de L'Anguille, puisque c'est le film dont on parle le plus ici, suite à sa toute récente Palme d'or, avait écrit une lettre à Kitano des années plus tôt, pendant le tournage de Violent Cop – comme une sorte de mise en garde contre les mauvais côtés du landernau cinématographique japonais, dont le jeune réalisateur issu de la télévision ne tarderait guère à faire l'expérience, et c'était en même temps un encouragement marqué à persévérer dans cette voie. Kitano ne l'oublierait pas… Là encore, la discussion entre les deux réalisateurs peut aborder des aspects techniques : la direction d'acteurs, donc, ou l'importance du montage… Mais ils parlent aussi de la difficulté de tourner des scènes de sexe ou de violence.



LE MALENTENDU DE LA VIOLENCE



La violence, donc – on y revient. C'est un trait communément associé au cinéma de Kitano – même si, et depuis notamment, il a sans doute fait à maintes reprises la démonstration que ce n'était pas un élément nécessaire de ses films, loin de là.



Reste que la critique, à l'époque, revenait sans cesse sur cette violence (oubliant commodément des réalisations bien différentes comme A Scene at the Sea, que je n'ai toujours pas vu, certes). Et cela avait même débouché, donc, sur cette assimilation, qui nous paraît bien étrange rétrospectivement, entre les cinémas de Kitano Takeshi et de Quentin Tarantino… Et Kitano en était donc parfois agac
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Quatre entretiens, parus initialement dans différentes revues et à différentes époques, sont réunis ici et présentés par Michel Boujut. Des entretiens de Takeshi Kitano avec Akira Kurosawa, Shôhei Imamura (rien que ça !), Mathieu Kassovitz et Shiguéhiko Hasumi, un célèbre critique de cinéma japonais.
Les échanges entre Kitano, Kurosawa et Imamura, sont très intéressants et donnent envie de voir ou revoir l'ensemble de leurs filmographies. Chacun évoque sa passion du cinéma, leur métier de réalisateur, leurs « trucs » de mises en scène, leur façon de diriger les acteurs ou des anecdotes de tournage. Ils ont tous une vision différente du cinéma, de la façon d'aborder un film et restent très curieux les uns des autres. Trois grands réalisateurs, passionnants à lire.
Quant à notre capricieux Mathieu Kassovitz, c'est triste à dire, mais il est égal à lui-même… il fait son calimero, commence par geindre sur son très malheureux sort et cracher dans la soupe (le petit monde du cinéma français) : « Ils veulent absolument me démolir, me détruire, au point que je me demande aujourd'hui pourquoi je devrais travailler avec ces gens. » Puis il continu à ne rien dire d'intéressant et, fasciné, interroge constamment Kitano sur la violence de ses films, alors que celui-ci semble exaspéré par cette image. Voilà ce qu'il en dit : « Aux Etats-Unis, on m'a dit : « Vos films sont violents. Que feriez-vous si quelqu'un qui a vu vos films se mettait à les imiter ? » J'ai répliqué : « La violence dans mes films est une violence qui fait très mal. Dans un film cette douleur permet de neutraliser la violence. Mais, chez vous, vous ne faites que des films sans douleur. » […] Il faut que la violence fasse mal. C'est quand elle est douloureuse qu'elle devient détestable. C'est parce qu'on montre des images sans douleur, où les coups sont filmés d'une manière crue, que les gens les imitent. »
Un peu plus loin, il dit à Hasumi : « Je crois qu'il faut montrer la violence aux gens tant qu'ils sont jeunes. Aussi douloureuse soit-elle, il faut la montrer. Car, même entre deux adversaires qui se battent, il y a une forme de communication. Alors que ne rien dire, ignorer l'autre, c'est ce qu'il y a de pire. Rien ne peut en sortir. » Cette dernière interview, la plus longue, est aussi la plus classique ; effectuée juste après le succès de Hana-Bi à la Mostra de Venise, elle est davantage focalisée sur ce film.
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