Le
voleur de Paradis n'est autre que l'un des deux larrons crucifiés avec le Christ sur le mont Golgotha. Il s'appelle Dismas et reçoit la bénédiction du Christ et la promesse de rejoindre le Paradis ce même jour avec le fils de Dieu en échange de sa sincère repentance. Gestas, le mauvais larron, dans une bravade ultime, refusera de reconnaître ses péchés et sera promis aux flammes de l'Enfer.
Ce fait relevé uniquement dans l'Evangile selon
Saint Luc va mener l'auteure sur les traces de Dismas. Pour cela, elle va parcourir les diverses représentations qui en sont faites, principalement entre les IVème siècle et la Renaissance, tant en Orient qu'en Occident. Ces représentations sont faites de tradition orale, d'écrits, de comptes rendus de voyageurs visitant les lieux saints et bien évidemment de représentations artistiques. Je salue au passage la justesse des oeuvres proposées au lecteur, oeuvres qui illustrent parfaitement le propos.
Ce travail de recherche, très érudit et parfaitement documenté, se lit malgré tout avec plaisir tant le style est fluide et le propos pédagogique, même pour des non initiés.
La lecture des tableaux représentant cette fameuse crucifixion est passionnante et permet de distinguer les codes admis au travers des âges et des sociétés, de même qu'elle nous instruit sur l'interférence très forte entre ce qui est donné à montrer et ce qu'attend le Clergé ou le regard du spectateur. Car il ne fait aucun doute que les contes et légendes évoluent avec le temps et les civilisations, et que le spectateur autant que le Clergé, loin d'être les sujets passifs qu'on peut imaginer, interfèrent entre le créateur et son oeuvre, même si parfois la volonté de l'artiste transgresse ces mêmes codes (quelques exemples sont proposés par l'auteure).
La souffrance publique évoquée dans la crucifixion devient le nécessaire passage vers la rédemption et le pardon divin. Dimas devient le représentant de cette vérité rassurante et se retrouve, à ce titre, célèbre et célébré. Il est la preuve vivante que le Pardon est toujours possible, même à l'article de la mort. En cela, les derniers sacrements, ultime acte religieux, s'en trouvent confortés.
Le cheminement historique de l'auteure au travers des récits des pèlerins permet de voir combien le témoignage humain est fragile et peu fiable.
Les avis divergent et évoluent selon l'époque, l'origine des pèlerins et leurs convictions. Car c'est leur conviction intime qui leur fait voir ce qu'ils sont venus voir, hors de toute objectivité. Imprégnés de leur culture religieuse, des représentations qu'ils connaissent dans leurs églises ou lieux de cultes, ils sont comme des aveugles qui voient uniquement ce qu'ils croient… Et se fourvoient parfois.
Mais est-ce l'important ? Pour reprendre l'essai de
Nancy Huston,
L'espèce fabulatrice, l'homme est enclin à vivre sa propre fabulation, créant un monde qui lui appartient à lui seul. C'est bien de cela qu'il s'agit ici.
Loin de polémiquer sur la véracité des faits religieux, constatons que ceux-ci, victimes du temps, des déformations et des interférences, apportent une vision très fantasmatique d'un fait divers âgé de plus de deux-mille ans, livrant ainsi une multiplicité d'interprétations sans fin.
En définitive, la lecture de cet essai nous apprend beaucoup sur l'évolution de la religion et de l'art religieux au cours de cette longue période qui va de l'Empereur Constantin jusqu'à l'apogée
De La Renaissance italienne. C'est un magnifique voyage qui nous ouvre les yeux et nous donne une perspective différente parfaitement étayée.
Cela nous amène à nous interroger sur nos propres représentations forgées par notre vécu personnel. C'est une incitation à une plus grande ouverture d'esprit et une invitation à solliciter notre esprit critique. En cela le rôle pédagogique de l'ouvrage est une parfaite réussite !
Michelangelo 2015
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