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EAN : 9782081323995
688 pages
Flammarion (25/03/2015)
4.03/5   106 notes
Résumé :
Rien ne prédestinait cette fille d’un soldat de la Wehrmacht et ce fils d’un Juif roumain mort à Auschwitz à devenir le couple mythique de « chasseurs de nazis » que l’on connaît. Leur histoire commence par un coup de foudre sur un quai du métro parisien. Très vite, avec le soutien de Serge, Beate livre en Allemagne un combat acharné contre d’anciens nazis. Puis leur lutte les conduit aux quatre coins du monde. En France, ils traînent Klaus Barbie devant les tribu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (28) Voir plus Ajouter une critique
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Quelle vie !
Ou plutôt, quelles vies !
Car ils sont deux et indissociables dans leur vie et dans leurs combats.
Une jeune Allemande et un Français juif, fils de déporté assassiné à Auschwitz.
Deux personnes qui n'étaient pas destinées à se rencontrer, encore moins à s'aimer.
Et pourtant, ils vont former un couple exceptionnel : deux êtres qui se complètent merveilleusement et vont accomplir des choses hors du commun.
Une magnifique synergie.
Serge : "Aucune autre femme ne m'aurait apporté ce que Beate m'a offert dans notre vie privée et dans notre vie publique. Ensemble nous sommes unis, forts et heureux ; l'un sans l'autre, nous n'aurions probablement pas produit grand-chose. Elle me doit beaucoup, et moi, je lui dois beaucoup plus encore..."
Beate : "Sans lui, sans son engagement total et discret à mes côtés, sans sa permanente énergie, qu'aurais-je pu faire ? Un autre homme aurait sans doute exigé de moi que je m'ampute de l'Allemagne ; Serge m'a aidée à vraiment devenir une Allemande."
Ils racontent leur vie dans cet épais volume.
Ils rédigent à deux. Deux voix qui s'unissent à merveille.
Tout commence par une rencontre, improbable, et narrée par l'un et l'autre d'une façon touchante. Beate en tant que jeune Allemande est révoltée de voir que d'anciens nazis sont tranquillement reconvertis dans la vie politique de la RFA ; certains ont même de très hautes fonctions, à commencer par le chancelier Kiesinger.
Elle milite, elle écrit des articles qui ne plaisent pas à tout le monde : elle dérange, on préférerait mettre un couvercle sur la marmite et oublier.
La procédure disciplinaire pour "infraction grave aux obligations des agents de l'Office" engagée contre Beate par L'Ofaj (Office franco-allemand pour la jeunesse) qui l'emploie, est l'élément déclencheur. Celui qui va changer la vie des époux Klarsfeld.
Comment réagir ? Il n'y a que deux alternatives : rentrer dans le rang et mener une petite vie rangée et paisible, ou poursuivre le combat.
Le couple choisit sans hésitation la seconde option.
Beate raconte : "Cet instant a été le tournant de notre vie. Notre décision est prise. Nous allons nous battre, et ce combat sera prioritaire. Nous avons décidé de tout sans une hésitation, presque sans un mot. Au même moment, pour chacun de nous, cela s'est imposé irrémédiablement. Nous nous battrons non pour nous donner bonne conscience, mais pour gagner, et nous savons que désormais notre combat sera un engagement total. La carrière de Serge, notre vie familiale, la sécurité matérielle passeront au second plan."
Serge et Beate Klarsfeld sont surtout connus pour avoir poursuivi sans relâche les anciens nazis dans le monde entier et en particulier en Amérique du Sud. On les surnomme les "chasseurs de nazis", mais cette traque acharnée qu'ils ont menée n'est pas leur seule activité, loin de là.
La lecture de leurs mémoires est passionnante de bout en bout. On découvre toutes leurs actions, et c'est vertigineux !
Ils ne comptent ni leur temps, ni leur argent. Ils prennent tous les risques.
Serge et Beate ont passé des jours et des nuits en prison dans différents pays, et dans des conditions matérielles quelquefois sordides. Ils ont été victimes d'un attentat, recevant à leur domicile un colis piégé.
Qu'importe, leur motivation est inébranlable, aucun obstacle, aucun danger ne les arrête.
Leur force ? Chacun la tire de l'autre.
Je suis admirative de ces vies consacrées à une si noble cause : la justice.
Parce que c'est bien de justice qu'il s'agit.
D'une part, faire en sorte que les anciens nazis soient retrouvés et jugés, comme ils le méritent.
D'autre part, rendre justice à chaque victime du nazisme, en faisant une oeuvre historique colossale. Un travail de fourmi. Répertorier chaque cas, et rassembler un maximum d'informations : où la personne vivait, quand elle a été arrêtée, où et quand elle est décédée.
Quoi de mieux pour faire échouer les nazis qui voulaient anéantir les Juifs en les rayant du monde ? Bien sûr, ça ne les ramène pas à la vie, mais ça leur redonne une existence.
Vladimir Jankélévitch a écrit à ce sujet : "Serge et Beate, mes amis, vous êtes les chevaliers de la bonne mémoire."
Ce qui force le respect, c'est que tout au long du livre, on ne ressent aucune haine, aucun désir de vengeance. Ce n'est pas ce qui motive le couple.
Ce qui motive Serge et Beate, c'est la volonté de faire ce qui leur semble juste. Leur récompense est le sentiment du devoir accompli.
Ils sont lucides et n'ont pas d'oeillères. Ils ne sont pas aveuglés par leur combat et restent objectifs.
La meilleure preuve de leur impartialité ? Ils sont souvent attaqués de tous côtés. Serge a même un moment été accusé par les milieux d'extrême gauche allemands d'être un agent de la CIA !
Ils ont l'honnêteté de reconnaître les bonnes actions de l'Église, que ce soit en France ou en Italie, le rôle du pape Pie XII et de la population catholique qui a caché, protégé et sauvé de nombreux Juifs, enfants ou adultes.

Voilà une lecture captivante à plus d'un titre.
Lire cet ouvrage, c'est faire une plongée saisissante dans l'Histoire. C'est entrer dans la vie d'un couple unique, de deux personnes extraordinaires. C'est partager leur histoire, leurs actions, leur vie. C'est passionnant.
Merci, merci, chers Serge et Beate pour tout ce que vous avez accompli, et ce que vous accomplissez encore. Car vous n'arrêterez jamais. Vous ne pourrez jamais cesser, parce que le combat pour la justice est devenu votre vie.
Et malheureusement, ces combats-là, il y en aura toujours à mener.
Particulièrement l'un d'entre eux, que Serge évoque en ces termes dans les dernières pages : "La collusion de tous ceux qui, de droite ou de gauche, se proclament antijuifs et antisionistes, et l'apathie d'une population qui ne parvient pas encore à croire à l'émergence d'un nouvel antisémitisme français me préoccupent beaucoup."
Par respect pour Serge et Beate, nous devrions tous nous sentir concernés.
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Le parcours exceptionnel de Beate et Serge Klarsfeld est retracé dans cet ouvrage historique. Ces deux êtres hors du commun ont décidé de consacrer leur vie à pourchasser les nazis sans jamais que le doute ou la peur prenne le dessus sur leur idéologie! Ils ont toujours été unis pour cette cause si noble et susciteront toujours une admiration sans borne !!
Leur quotidien est relaté page après page, ils nous font revivre des moments incroyables où le courage et la ténacité sont mis à rude épreuve.
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Beate et Serge Klarsfeld, deux pointures. Deux personnes aux destinées fortes, redoutables. Ils ont fait de la recherche des anciens nazis le combat de toute leur vie.

Elle, la petite allemande, aveugle aux tourments de son propre pays. Lui, le juif, complètement impliqué dans les tourments de l'Holocauste. Leur rencontre scellera leur destin.

Beate ouvre les yeux sur le comportement de ses compatriotes et devient une défenseuse acharnée : réveiller les Allemands sur l'impunité des anciens bourreaux nazis vivant comme si de rien n'était, dans leur pays, aux yeux de tous et pour certains briguant des postes à responsabilité. Elle n'hésite pas à gifler le chancelier Kiesinger, à créer un esclandre au Parlement, enlever des ressortissants allemands (Lischka), employer tous les moyens possibles pour éveiller la conscience des Allemands.

Et bien sûr sa démarche déplaît à certains. Elle est devenue une criminelle : " le cas Klarsfeld relève de la pathologie politique. " On dit d'elle qu'elle souffre d'une déficience d'esprit, qu'elle doit être vue par un psychiatre. Mais elle réplique que c'est la société qui réhabilite les assassins comme Lischka qui devrait se faire psychanalyser. Elle se heurte à la mauvaise volonté de la justice allemande. Elle trouble le repos allemand, elle ravive les plaies que tous aimeraient oublier.

Mais d'autres la soutiennent : "BK est à elle seule la conscience d'un pays inconscient". Extrait de l'article de Vladimir Jankelevitch dans le journal Combat. BK fait scandale par ses actes, mais pour elle, le vrai scandale est l'impunité des crimes.

Klaus Barbie, le criminel type nazi, est sans doute celui qui a donné le plus de fils à tordre. Elle s'est heurtée à la difficulté de faire bouger les autorités française et allemande. Barbie doit payer pour les crimes qu'il a commis en France où il a été condamné deux fois par contumace. En Allemagne, on est prêt à laisser tomber l'affaire et le parquet Bavarois a clos l'instruction et vise de ce fait à réhabiliter à travers Barbie tous les criminels qui ont opéré en France.

Bousculer les Allemands pour une prise de conscience lui demande de nombreux efforts et beaucoup de courage. La cas Barbie est très particulier : il est un des rares parmi les criminels à s'être expatrié, c'est un criminel fantôme. le faire extradé de Bolivie n'est pas une mince affaire. Là-bas, les exactions commises par les SS ne sont pas connues et puis le délai de recours contre le crime est largement dépassé.

De son côté, Serge aidé d'anciens déportés, a recours à de nombreuses manifestations illégales mais symboliques en Allemagne pour mettre en lumière la légitimité de sa protestation et son appel à la justice. Ils sont arrêtés, violentés, emprisonnés alors que le grand criminel, lui, reste libre parce que le Parlement allemand se refuse à voter une loi lui permettant de le juger. Et cette impunité a souvent assuré à ce dernier une place à un poste honorable.

Tout en continuant ces actions, Serge publié en 1978 son Mémorial de la Déportation des Juifs de France, liste qui regroupe les presque 80 000 personnes juives disparues, ainsi que leur destin.

Enfin en janvier 1980, lors du procès de Cologne, Hage, Lischka et Heinrichsohn sont jugés et condamnés à des peines de prison. Soulagement ! " Soulagement est le mot qui s'impose, car on ne peut pas parler de satisfaction. Il n'y a pas de commune mesure entre une sanction, quelle que soit sa gravité, et l'ampleur des crimes auxquels ont participé Lischka, Hagen et Heinrichsohn. "

Les Klarsfeld ne peuvent affronter directement Bousquet qui a déjà été jugé à une peine insignifiante dont il est relevé pour " services rendus à la Résistance ". Alors ils tournent leur action vers Jean Leguay, interlocuteur privilégié des nazis dans l'organisation des convois. Serge dépose une plainte en novembre 1978 pour crime contre l'humanité et rend public un dossier concernant Bousquet.

Il travaille également sur le document Vichy-Auschwitz, document dont il se servira lors du procès de Leguay. " Il faut que le niveau de connaissance de ce rôle de l'Etat français soit suffisamment élevé dans le peuple français pour qu'il pénètre dans la conscience et qu'il condamne à jamais ce régime qui a osé livrer à l'occupant hitlérien au nom de la France des milliers d'enfants juifs. " Ce document servira également lors du procès de Barbie.

Grâce à la loi de 1964 sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, il peut à nouveau porter plainte contre Barbie, au vu de nouveaux éléments (assassinat des enfants d'Izieu). Barbie a été inculpé à Lyon en 1982. Enfin, ce document servira également de toile de fond lors du procès de Maurice Papon.

La lutte contre le crime continue. Beate se rend souvent auprès les dictatures sud-américaines qui protègent les criminels nazis. Au Chili pour Rauff. Au Paraguay pour Josef Mengele. Beate et Serge Klarsfeld s'engagent aussi contre la Syrie pour faire extrader Brunner. Ils sont aussi au côté des Tziganes en 1992 à Rostock, descendants des roms gazés par les nazis et qu'on veut expulser vers la Roumanie.

Les actions contre Bousquet et Touvier ont lieu aussi grâce à leur ténacité et leur pugnacité. Arno, leur fils, les a rejoints maintenant dans leur combat. Et c'est toujours la recherche de la vérité historique qui guide leurs pas. En février 1996, Serge se rend à Sarajevo pour essayer d'expliquer aux Serbes de Bosnie les avantages que constituerait le jugement de leurs responsables politiques et militaires. Parce qu'un jour ou l'autre, ceux-ci devront répondre de leurs actes face à la communauté internationale.

Ainsi, leur combat est multiple, mais chacun a sa place : " Serge agissait au nom des Juifs ; moi, je n'ai jamais agi au nom des Juifs, mais au nom des Allemands." Serge va encore plus loin dans la recherche sur la vérité. Il s'attaque aussi à la spoliation des Juifs. Cette quête lui permettra d'obtenir pour tous les orphelins des déportés juifs menacés dans leur vieillesse par la pauvreté d'échapper à la misère grâce à une modeste rente.

Au bout de cette lecture, harassante il faut bien le reconnaître parce qu'elle ne supporte pas les demi-mesures mais une pleine et entière attention, je ne peux que saluer le courage et le mérite de Beate et Serge Klarsfeld. Ils sont bien au-delà des honneurs qu'ils ont largement mérités et reçus. Ils sont la conscience de tout un pan de l'Histoire.

Pouvaient-ils entrevoir ce que serait leur vie au moment de leur rencontre ? Peut-être sans le nommer vraiment, Serge en percevait-il déjà les contours. Mais c'est Beate qui résume le mieux leur parcours :
" Poétise ta vie, hausse-la au niveau d'une expérience exaltante " écrivait-il à la jeune Allemande qu'il venait de rencontrer au printemps 1960. Sans lui, sans son engagement total et discret à mes côtés, sans sa permanente énergie, qu'aurais-je pu faire ? Un autre homme aurait sans doute exigé de moi que je m'ampute de l'Allemagne : Serge m'a aidée à vraiment devenir une Allemande. "

Je ne sais pas si leur vie commune a été un poème, une épopée sûrement. Mais une chose qu'ils peuvent déjà dire fièrement à leurs petits-enfants est : voilà ce que nous faisons et non pas voilà ce que nous sommes...

Challenge PAVÉS 2015/2016

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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On les connait en général en tant que "Chasseurs de nazis". Expression qui a certes le mérite de donner un sens concret à leurs actions mais Ô combien réductrice. Ces Mémoires, ils ont longtemps hésité avant de les coucher sur le papier tant ils ont toujours refusé de braquer les projecteurs sur eux, sauf si cela pouvait servir leur action. Et puis ils ont raconté, en poursuivant toujours le même but, celui de la clarté, de la vérité, de l'accessibilité de l'information, de la justice et de la pédagogie. Au fil de la lecture très vite un mot s'impose : respect. Et puis un second : merci.

Auraient-ils accompli autant s'ils ne s'étaient pas rencontrés ? Leur couple est à lui seul un symbole, union du fils d'un juif roumain mort à Auschwitz et de la fille d'un soldat de la Wehrmacht ayant voté Hitler. Un coup de foudre sur un quai de métro, en 1960 à la Porte de Saint-Cloud alors que Beate est jeune fille au pair et encore si peu au fait des réalités historiques de son pays (elle est née en 1939). Serge va éveiller sa conscience politique. Ensemble, ils vont se poser très vite la question des futures relations entre la France et l'Allemagne, convaincus que pour bâtir un avenir solide il faut d'abord apurer le passé. Regarder les faits en face, les faire connaître. Faire en sorte que les nations assument. Puis, très vite, chacun saura quel rôle il veut jouer. Beate refuse que des anciens nazis apparaissent désormais aux responsabilités en Allemagne, négation insupportable de leurs responsabilités dans la machinerie de mort hitlérienne. Serge veut redonner corps aux dizaines de milliers de juifs déportés de France, leur rendre hommage et identité. Leur engagement ne se démentira jamais, le travail accompli est colossal. Encore aujourd'hui, ils veillent et agissent.

On est estomaqué par la volonté de cette femme et de cet homme et surtout par leur droiture. Ils n'ont qu'une obsession : la vérité. Cela passe par des recherches ardues et assidues (si l'on devait chiffrer les tonnes de papier remuées...), la traque de documents officiels, de signatures, le recoupement d'informations. Il leur faut un matériel inattaquable car les réticences, les bâtons dans les roues sont nombreux. Tout le monde n'a pas envie de remuer le linge sale. On s'est dépêché d'enterrer, de pousser la poussière sous les tapis. On a évité d'être trop regardant sur certains passés. Et puis les cadres juridiques doivent être renforcés, il faut notamment trouver des accords entre les justices française et allemande qui évitent aux criminels de passer entre les mailles du filet. Il faut surtout interpeller l'opinion, éviter que certains crimes ne soient définitivement engloutis sous une chape de plomb et de silence. Alors Beate et Serge n'hésitent pas à payer de leur personne, provoquant scandales et manifestations destinés à attirer l'attention sur tel ou tel criminel nazi, devant les domiciles où ils coulent des jours tranquilles en Allemagne. Arrestations, emprisonnement. La vérité est à ce prix. Plus tard, il y aura la traque des nazis protégés par les dictatures d'Amérique du sud mais également la Syrie et la famille Assad. le procès Barbie, les affaires Bousquet, Papon, Touvier.

En lisant les Mémoires de Beate et Serge Klarsfeld, on sent monter une réelle reconnaissance pour leur travail de pédagogie guidé par la volonté farouche de faire toute la lumière sur l'une des périodes les plus cruelles et sombres de l'humanité et surtout de permettre à chacun d'en être parfaitement informé. Leurs armes sont juridiques, parfois médiatiques, toujours non violentes. L'idée de vengeance est totalement absente. Seule l'idée de transmission domine. Dans ces Mémoires, ils parlent peu d'eux, même si l'on sent l'importance de la famille qu'ils ont construite. Ils parlent surtout de leurs actions avec ce même souci du détail et de véracité. S'ils ont su rassembler progressivement autour d'eux des forces militantes et agissantes, on est frappé par leur solitude des débuts et l'on se surprend à se demander ce qui se serait passé s'ils n'avaient pas agi, eux contre tous.

Grâce à eux et à ceux qui se sont mobilisés avec eux, on peut accéder à la vérité historique. Savoir qui a agi, comment, où. Prendre conscience de la mécanique implacable mise au service de la destruction du peuple Juif. Savoir pour une meilleure vigilance ? C'est ce que voudrait ce couple remarquable pourtant rempli de doutes sur l'avenir. Et nous, on aimerait que cet immense travail, l'oeuvre de toute une vie puisse servir de bouclier dans le futur.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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« Un an de prison ferme. Il n'y a pourtant pas outrage au chef de l'Etat : le chancelier n'est que le chef du gouvernement ». Un an pour avoir giflé le chancelier Kiesinger, ancien nazi responsable de la propagande antisémite et conscient de la solution finale. C'est la première action retentissante de Beate Klarsfeld que je découvre dans ces Mémoires rédigées en alternance avec son mari Serge Klarsfeld.
J'avais découvert leur nom dans les années 90, mais je ne connaissais pas tout leur parcours, et ce livre retrace donc les origines de ce couple militant hors du commun.
Beate, jeune fille au paire allemande en France, épouse Serge, jeune homme de famille juive ayant des origines en Roumanie. Beate est la première à se sentir concerné par l'arrivée de Kiesinger au pouvoir, et ce combat est l'élément déclencheur de tout ce que sera sa vie engagée. Serge lui apporte un soutien logistique sans faille, avant de lui-même s'engager et être le déclencheur de nombreuses actions en justice. Il devient historien, avocat, combiné à son travail de recherche sur la Shoah. Beate rend en même temps un vibrant hommage à sa belle-mère Raïssa, qui malgré de nombreuses mises en garde, le soutien pleinement et permet à leurs deux enfants, Arno et Lida, d'être gardé lors de leurs nombreux déplacement aux quatre coins de l'Europe et du monde.
Au nom du peuple allemand pour Beate, et au nom du peuple juif pour Serge, ils épluchent des milliers d'archives en France et à l'étranger, faisant paraitre des ouvrages très pointus qui sont aujourd'hui des références dans l'histoire de la Shoah.
Avec quel objectif ? La recherche de la justice, et de la VERITE HISTORIQUE, pour faire juger tous les responsables, les hauts dignitaires, français ou allemands, les donneurs d'ordre, ceux à l'origine, signatures à l'appui, des arrestations, des tortures, des déportations de juifs ou de résistants.
Comment se faire entendre ? Faire des actions chocs, susceptibles, de marquer les esprits de l'opinion publique, se faire arrêter, pour être médiatisé à toutes les échelles. Ces actions jugées illégales par les personnes ou les Etats visés servent à mettre en lumières la légitimité de leurs actions en justice. Leur vie fut donc mouvementée.
Cela a un coût, ils vécurent longtemps dans la pauvreté, mais l'assumaient pour mener leurs combats qui les firent voyager en France, Allemagne, Amérique du Sud, Europe de l'Est.
Pourquoi ? Pour que la mémoire puisse se conserver, que la page ne se referme pas, un pays doit voir son histoire en face, l'assumer, pour pouvoir repartir sur des bases saines. Ce fut difficile en Allemagne, ou de nombreux cadres nazis continuaient à occuper des fonctions élevées dans la société.
Militants de la mémoire, historient, avocat, instigateur de nombreuses actions en justice, à l'origine de la demande de la création d'un TPI à l'ONU, Serge Klarsfeld et sa femme sans peur et sans reproche ont marqué la seconde moitié du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui. La relève est assurée, leurs deux enfants sont avocats, et aux aussi engagés.

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critiques presse (5)
LaLibreBelgique
21 avril 2015
L’inlassable traque des criminels nazis, avec ses faveurs et déshonneurs.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Lexpress
17 avril 2015
Un livre passionnant, de bout en bout.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Liberation
07 avril 2015
Mémoires, renvoie au Mémorial de la déportation des Juifs de France, et à cet autre hommage de Jankélévitch : «Serge et Beate, mes amis, vous êtes les chevaliers de la bonne mémoire.»
Lire la critique sur le site : Liberation
Telerama
01 avril 2015
Unis dans la vie et dans le combat, Beate et Serge Klarsfeld retracent leur inlassable traque des criminels de guerre. Une parole nécessaire.
Lire la critique sur le site : Telerama
Culturebox
31 mars 2015
Ce sont les mémoires d'un couple hors du commun. Beate et Serge Klarsfeld ont consacré leur vie à un seul combat : la chasse aux nazis.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Dès janvier 1942, Kiesinger pouvait lire ou entendre Thomas Mann qui, via la BBC, lançait des appels désespérés au peuple allemand et lui révélait l'atroce vérité sur la façon dont les nazis assassinaient les juifs :
Janvier 1942. - "La nouvelle paraît incroyable, mais ma source est bonne. A ce que l'on m'a rapporté, de nombreuses familles juives de Hollande, à Amsterdam et dans d'autres villes, sont plongées dans une profonde tristesse ; elles pleurent la perte de leur fils, victimes d'une mort affreuse. Quatre cents jeunes juifs hollandais ont été déportés en Allemagne afin que l'on expérimente sur eux des gaz toxiques. La virulence de cette arme de guerre, chevaleresque et essentiellement allemande, véritable arme de Siegfried, a fait ses preuves sur ces jeunes hommes de race inférieure. Ils sont morts...
Septembre 1942 - " A aucun degré la rage de les tourmenter ne s'est arrêtée. A l'heure actuelle, on en est arrivé à l'anéantissement, à la décision, empreinte de démence, d’exterminer complètement la population juive d'Europe."
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En 1999, devant le monument des volontaires juifs au cimetière de Bagneux, le général Brothier a déclaré : « La liste de ces étrangers qui sont tombés en se serrant autour de moi serait trop longue à établir ; mais, je l'ai déjà dit et je ne me lasserai jamais de le redire, le premier nom qui figure sur cette longue liste est celui d'un jeune Juif de vingt-cinq ans tombé héroïquement dans la Somme en s'opposant aux chars de Rommel. Il s'appelait Goldstein et, tant que j'aurai un souffle de vie, il y aura une place pour Goldstein dans mon cœur. » Le 28 mai 1943, Philippe Pétain décorait Wilhelm Goldstein de la Médaille militaire à titre posthume, ne pouvant ignorer qu'il était juif, et ce alors que la police arrêtait et livrait aux Allemands des nourrissons : un des paradoxes de Vichy, pour qui les Juifs morts au combat étaient valeureux, et les enfants juifs des éléments potentiellement dangereux dont il fallait se débarrasser.
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– Je ne tolère pas qu’un ancien nazi puisse devenir chancelier. Je l’ai giflé pour le marquer et pour faire savoir au monde entier qu’il y a des Allemands qui refusent cette honte.”
Lemmer sort de la pièce en hochant la tête. Il se tourne vers moi et me dit encore : “Je pourrais être votre grand-père.”
A peine a-t-il franchi la porte qu’il fait part aux journalistes de son jugement personnel : “Cette femme, qui serait jolie si elle n’était si pâlotte, est une femme sexuellement insatisfaite.” Deux semaines plus tard, le Stern, qui avait exposé le point de vue de Lemmer, publie une lettre d’excuses de sa part : “Quand j’ai fait cette remarque, je ne savais pas que Mme Klarsfeld était mariée, avait un enfant, et que son beau-père était mort à Auschwitz.”

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Il faut poétiser ta vie, Beate, la recréer, y participer non pas inconsciemment, en existant simplement, mais consciemment, en la vivant, en t'imposant. D'une petite expédition des Grecs à Troie, Homère a fait L'Iliade et ce pouvoir nous l'avons tous, sinon dans le domaine de l'art, du moins dans celui de la vie. Un peu de courage, de bonne humeur, d'énergie, d'attachement à l'humanité. Beaucoup de poésie pour transfigurer ce que l'on vit et le hausser au niveau d'une expérience exaltante.
Petit chou, tu dois déjà dormir ou sourire de ces bons conseils, mais c'est ce que j'ai de mieux à t'offrir pour ton anniversaire et de plus sincère et de plus durable. Ce n'est pas "le professeur" qui t'écrit, mais ton Serge qui t'aime.
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« Pendant quelques instants, je reste indécise. A chaque extrémité de la table, deux ou trois membres du service d’ordre. Je m’approche de l’un d’eux en brandissant mon bloc. Je dois improviser.
Levant soudain la tête, je fais un signe discret de la main, feignant de m’adresser à une personne se trouvant de l’autre côté de la table. Je recommence. Puis, avec naturel, je demande au surveillant : “Je voudrais rejoindre un ami. Puis-je passer derrière les fauteuils ?” Il hésite : “Ce n’est pas un passage.” J’insiste. “Faites le tour par l’extérieur, on ne passe pas ici.” Je reste au même endroit et lance quelques sourires de l’autre côté. Il me tire légèrement par la manche en me disant : “Allez, passez, mais faites vite.” Je me glisse rapidement derrière les personnalités.
Au moment d’arriver derrière Kiesinger [chancelier fédéral, 1966-1969], il sent une présence et se retourne légèrement. Soudainement, mes nerfs se détendent. J’ai gagné. Criant de toutes mes forces “Nazi ! Nazi !”, je le gifle à la volée, sans même voir l’expression de son visage.
Ensuite, je me rappelle seulement que Bruno Heck [secrétaire général de la CDU] s’est lancé sur moi et m’a ceinturée. Derrière moi, j’entends Kiesinger demander : “Est-ce que c’est la Klarsfeld ?”
On me pousse, on me traîne vers une sortie.
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