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EAN : 9780141024530
576 pages
Penguin (01/05/2008)
4.49/5   284 notes
Résumé :
Qu'y a-t-il de commun entre le coup d'Etat de Pinochet au Chili en 1973, le massacre de la place Tiananmen en 1989, l'effondrement de l'Union soviétique, le naufrage de l'épopée Solidarnosc en Pologne, les difficultés rencontrées par Mandela dans l'Afrique du Sud post-apartheid, les attentats du 11 septembre, la guerre en Irak, le tsunami qui dévasta les côtes du Sri Lanka en 2004, le cyclone Katrina, l'année suivante, la pratique de la torture partout et en tous li... >Voir plus
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Ce gros livre (plus de 800 pages en livre de poche) est proprement effarant. Il décrit avec une profusion de détails la brutalité et la violence avec lesquelles le néo-libéralisme s'est implanté dans le monde depuis les épouvantables dictatures des années 70 en Amérique du sud (Chili, Equateur, Argentine, etc), en Russie après l'effondrement de l'Union Soviétique en 1991, en Irak avec la seconde guerre du Golfe de 2003 jusqu'au tsunami du Sri Lanka en 2004 ou l'ouragan de la Nouvelle Orléans en 2005.

C'est une véritable thèse que propose l'auteure, la canadienne Naomi Klein. Elle repose sur ce qu'elle appelle la stratégie du choc ou le capitalisme du désastre.

Le néo-libéralisme repose sur trois piliers : Privatisation, déréglementation, réduction des dépenses publiques. Développée par l'économiste Milton Friedman et l'Ecole de Chicago, cette politique économique s'oppose frontalement à celle de l'économiste John Maynard Keynes pour qui le capitalisme doit être régulé par l'Etat pour permettre une redistribution des richesses des plus riches vers les plus pauvres, capitalisme qui s'est imposé après la seconde guerre mondiale permettant une nette réduction de la pauvreté et le développement d'une importante classe moyenne (nos trente glorieuses en France).

Le problème de Milton Friedman et de ses élèves était que le néo-libéralisme, qui amène l'enrichissement phénoménal d'un petit nombre et l'appauvrissement de tous, ne pouvait s'implanter que contre les peuples et leur fâcheuse tendance à préférer l'amélioration de leur condition à leur détérioration. le génie de Milton Friedman fut de comprendre que l'on pouvait imposer cette nouvelle voie quand la population était mise en état de choc et de sidération par un événement terrifiant et traumatique. Cet événement peut être soit provoqué (dictature, guerre) soit naturel (ouragan, tsunami, épidémie, etc). C'est la stratégie du choc ou le capitalisme du désastre.

Evidemment, pour parvenir à mettre en place ce capitalisme destructeur, il faut la complicité des gouvernements. En l'occurrence, pour tenter la première expérience de néo-libéralisme, il a fallu la complicité active du gouvernement des Etats-Unis (CIA, services secrets, etc) qui a préparé le coup d'Etat de Pinochet au Chili en étroite symbiose avec l'Ecole de Chicago et Milton Friedman. En aucun cas il ne s'est agi d'un simple coup d'Etat d'une armée désireuse de prendre le pouvoir pour le pouvoir, mais bien de mettre fin à l'expérience de socialisme démocratique du président élu Salvador Allende et de la remplacer par le néo-libéralisme. Tout était prêt au moment du coup d'Etat et, profitant de la terreur infligée par l'armée, la transformation économique commence aussitôt sous la houlette des économistes américains de l'Ecole de Chicago mais aussi d'économistes chiliens formés à Chicago par un programme universitaire financé par les USA plusieurs années auparavant. Les violences atroces perpétrées au Chili à cette époque pour briser toutes les résistances et anéantir l'idée même de révolte, permettront sans difficulté de privatiser toutes les compagnies d'Etat, de déréguler l'économie et de réduire les dépenses publiques à leur plus simple expression. Les grandes multinationales américaines dépèceront le pays en s'emparant à bas prix des entreprises nationales chiliennes. La grande bourgeoisie chilienne profitera également de cette curée, bien heureuse de s'être débarrassée de Salvador Allende, mort dans la prise du palais présidentiel par l'armée.

Milton Friedman est à la manoeuvre et ira même jusqu'à rencontrer Pinochet à Santiago en 1975 qu'il assurera de son soutien dans la poursuite des réformes économiques, lui déclarant en prime (on dirait une boutade cynique) une sorte d'épitaphe concernant Allende et son régime : « Selon moi, l'erreur principale fut de croire qu'il était possible de faire le bien avec l'argent des autres ». le résultat, hélas, est bien connu. Privatisation (licenciement de dizaines de milliers de salariés, baisse des salaires), dérégulation et réduction des dépenses publiques amenèrent un effondrement du niveau de vie de l'immense majorité des Chiliens. Qu'importe ces résultats catastrophiques, les grandes compagnies font des profits considérables et la richesse s'accumule (en haut…) sans jamais profiter à la population.

Je ne vais pas décrire ici tous les exemples donnés par Naomi Klein à l'appui de sa thèse. Elle passe en revue d'autres dictatures du même tonneau en Amérique du sud à la même époque où la même transformation économique s'exerce sous la terreur de l'armée avec l'Ecole de Chicago et Milton Friedman à la baguette. Ensuite, deux exemples sont particulièrement édifiants, celui de la Russie et celui de l'Irak.

Au cours des années 80, Gorbachev arrive au pouvoir à la tête de l'Union Soviétique. Il comprend vite que les choses doivent changer et que la dictature totalitaire dans son pays n'est plus viable à long terme, au risque d'une déflagration sociale qui mettrait en péril tout le système. Il décide de s'orienter vers une nouvelle voie qu'il imagine proche de celle de la Suède, une social-démocratie progressiste, telle que celle orchestrée par le premier ministre de cette époque (Olof Palme). On pourrait dire aussi proche du socialisme démocratique de Salvador Allende. Il engage des réformes basées sur ce qu'il appelle la Perestroïka (reconstruction) et la Glasnost (transparence). Il fait élire librement un parlement représentatif de toutes les régions de la Russie.

Ces changements, appréciés par la population, se brisèrent sur une tentative de putsch de militaires réactionnaires, hostiles aux changements. Quelques chars encerclèrent le parlement nouvellement élu. Boris Eltsine, récemment élu au suffrage universel Président du Soviet suprême de la république socialiste soviétique de Russie, devint célèbre dans le monde entier à cette occasion en montant sur un char et en exigeant le retour des troupes dans la caserne. Curieusement, ceux-ci, sans tirer un coup de feu, obtempèrent et abandonnent la place. Voilà des putschistes peu déterminés dira-t-on, et on peut effectivement s'étonner de la facilité avec laquelle cette tentative de coup d'Etat fut stoppée… Quoi qu'il en soit, Eltsine profite de sa notoriété nouvelle et de son immense popularité dans la population à la suite de ce fait d'armes pour écarter Gorbachev de la présidence du parti communiste, prendre le pouvoir et obtenir les pleins pouvoirs du parlement en 1991.

Il se lance aussitôt, sous la férule des USA, du FMI, de l'Ecole de Chicago et de Milton Friedman, dans des réformes libérales d'une brutalité extrême (privatisation, dérégulation et réduction des dépenses publiques). C'est là que les choses se corsent. A l'époque, selon un sondage, 67% des Russes pensaient que les coopératives de travailleurs étaient la façon la plus démocratique de privatiser les actifs de l'Etat. En 1992, le parlement librement élu s'opposa à ces réformes. Il limogea le ministre de l'économie et retira à Eltsine les pleins pouvoirs qu'il lui avait accordés un an auparavant. La démocratie faisait obstacle au néo-libéralisme.

Eltsine décréta l'état d'urgence et, malgré la Cour constitutionnelle qui statua (à neuf membres contre trois) qu'Eltsine violait la constitution, ce dernier s'engagea dans ce qu'on appelait à l'époque « la solution Pinochet ». Il dissout le parlement et le fait encercler par les militaires. Les moscovites qui venaient soutenir le parlement furent au cours d'une de leurs manifestations pacifiques accueillis par l'armée qui tira dessus à la mitrailleuse (cent morts parmi les manifestants). Puis, Eltsine fit donner l'assaut au parlement. le Boston Globe relate ainsi cet assaut : « Dix heures durant, hier, environ 30 tanks et blindés de l'armée russe ont encerclé l'immeuble du parlement et l'ont pilonné à coups d'explosifs tandis que les troupes d'infanterie l'arrosaient de tirs à la mitrailleuse ». La résistance de la population et du parlement est brisée et Eltsine reprend les réformes néo-libérales à marche forcée.

La stratégie du choc fonctionne parfaitement, les sociétés d'Etat russes sont démantelées, rachetées par des sociétés américaines et d'anciens apparatchiks de l'ex Russie soviétique (qui formeront les fameux oligarques dont on parle encore). le chômage devient vertigineux, le niveau de vie des Russes s'effondre, le pays est dévasté par ces réformes qui provoquent un enrichissement faramineux des sociétés occidentales et des oligarques russes. Quand Eltsine plus tard quittera le pouvoir au profit de son premier ministre Poutine, celui-ci continuera la même politique économique. Avec une nuance, il mettra au pas les oligarques qui le défiaient dans sa dérive dictatoriale, en mis un certain nombre en prison (d'autres prirent le chemin de l'exil) et ne conserva que ceux qui lui firent allégeance.

Un autre exemple édifiant et terrifiant est celui de l'Irak. Après le choc traumatique des attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001, Bush n'eut aucune peine à convaincre la population américaine qu'il fallait combattre le terrorisme. Il envahit d'abord l'Afghanistan pour débarrasser le pays des Talibans et l'Ecole de Chicago fit le reste, dépeçant un nouveau pays au profit des multinationales américaines. Là encore, la thérapie de choc fut brutale, appauvrit dramatiquement une population déjà pauvre et, au lieu d'affaiblir les Talibans chassés du pouvoir par l'armée américaine, les renforça. On connaît le résultat : 20 ans après, ils sont revenus au pouvoir et les américains ont quitté le pays la queue entre les jambes. Mais pourquoi donc, en 2003, attaquer Saddam Hussein, un dictateur laïque qui opprimait les religieux et représentait objectivement une aide dans la lutte contre le terrorisme islamique ?

La raison en est hélas fort simple. Washington pensait qu'il était temps, profitant du traumatisme du 11 septembre dans la population américaine (prête désormais à gober n'importe quelle propagande) d'implanter le néo-libéralisme dans le monde arabe qui constituait un ilot non encore gagné à la « bonne cause » du profit des grandes entreprises privées. A partir d'un seul pays, le néo-libéralisme pourrait ensuite se répandre dans tout le monde arabe, pensaient-ils. On sait maintenant, grâce à de nombreux documents déclassifiés, que les Américains hésitèrent. La Syrie ? le Liban ? L'Irak ? le choix se porta finalement sur l'Irak. Les mensonges les plus absurdes déferlèrent alors sur les médias américains pour préparer l'opinion (armes de destruction massive en Irak, une armée irakienne si puissante qu'elle était la deuxième armée du monde, menace d'un conquérant islamique (Saddam Hussein) se prenant pour un nouveau Saladin sur le point de se lancer dans la conquête de tout le Moyen-Orient, etc).

Sans l'aval de l'ONU (on se souvient du discours de Dominique de Villepin à l'ONU dénonçant le mensonge des armes de destruction massive), les américains et quelques alliés (la Grande-Bretagne comme toujours) attaquèrent l'Irak. Appliquant la stratégie du choc, Bagdad fut bombardé comme jamais. Une terreur aveugle (pire encore que les Russes en ce moment en Ukraine) s'abattit sur la ville. En 2003, on lança parfois plus de 380 missiles de croisière Tomahawk en une journée. Entre le 20 mars et le 2 mai, les américains laissèrent tomber sur l'Irak plus de 30 000 bombes et plus de 20 000 missiles de croisières, soit 65% de la production totale de tels engins depuis leur invention. Ecrasés sous les bombes, toutes communications coupées (plus de téléphone, de radio ou de télévision), incapables de savoir même ce qui se passait, les Irakiens se terraient dans leur cave n'ayant pour seul but que de survivre à cette apocalypse. On imagine mal l'horreur subie par cette population, elle qui de plus souffrait déjà depuis de nombreuses années de la dictature de Saddam Hussein. La résistance de l'armée irakienne fut brisée en quelques semaines. le champ était libre pour imposer le néo-libéralisme au pays tout entier.

La curée commence aussitôt. Prenant en main la gouvernance du pays, les américains vendent à bas prix aux sociétés étrangères (américaines presque exclusivement, même si quelques miettes seront laissées aux alliés) les dizaines de sociétés d'Etat de l'Irak et s'emparent de tous les marchés de la reconstruction du pays (infrastructure type routes, bâtiments, télécommunication, eau, électricité, etc). Ces multinationales licencient à tour de bras et baissent les salaires. Echaudées par l'expérience des oligarques russes dont la plupart ont finalement été éliminés par Poutine et craignant qu'un futur pouvoir nationaliste en Irak ne fasse de même, les autorités d'occupation interdisent aux irakiens (même aux riches irakiens donc) de racheter quoi que que ce soit au moment des ventes d'entreprises ou des prises de marché dans la reconstruction, la totalité des entreprises irakienne et du marché de la reconstruction passant ainsi sous le contrôle exclusif des américains (et de quelques alliés). Les entreprises américaines vont jusqu'à refuser d'embaucher des irakiens dans les grandes enseignes qui débarquent en Irak et n'utilisent pratiquement que de la main d'oeuvre étrangère. Bref, les irakiens sont exclus à la fois du pouvoir et de la reconstruction de leur pays. La misère et le chômage s'installent, le ressentiment et la haine contre les autorités d'occupation aussi.

Il faut bien comprendre le processus complet de cette nouvelle étape du néo-libéralisme ouverte par la guerre d'Irak. Les grandes multinationales privées américaines profitent financièrement de la totalité du processus. de la guerre (par la fabrication et la vente d'armes et par leur industrie dite de la sécurité), puis de la reconstruction des infrastructures que leurs armes viennent de détruire, et enfin de la prise en charge médicale des blessés que ces mêmes armes ont occasionnés. Qui paye tout cela à ces multinationales ? le gouvernement américain essentiellement (c'est-à-dire les contribuables américains), qui transfèrent ainsi l'argent public vers le privé (cf plus loin).

Certaines multinationales émargent sur les trois plateaux, tirant d'immenses bénéfices de chaque étape. Lockeed Martin est un peu le champion de ce capitalisme vertical morbide. Cette énorme société (armes, bâtiments et santé) a profité non seulement de la vente des bombes et des avions de chasse qu'elle fabrique, mais aussi de la reconstruction des infrastructures qu'elle a détruites et des soins prodigués aux personnes blessées (par ces propres armes) et aux soldats et civils traumatisés par les horreurs de la guerre.

Enfin, pour en finir avec cette triste histoire, les Irakiens, à la suite de la chute de Saddam Hussein, dans un élan de liberté retrouvée, avaient élu des assemblées locales. Dès que les Américains s'apercevront que ces assemblés souhaitaient retrouver les sociétés d'Etat pour être embauchés et retrouver leurs jobs, ils annulèrent ces élections et réprimèrent les récalcitrants. Cette répression sera féroce et n'aura rien à envier à celle de l'ancien dictateur Saddam Hussein. Puis, ils finiront par nommer un gouvernement irakien à leurs bottes, constitué essentiellement d'anciens dignitaires du régime de Saddam. C'est le début de la fin. le mécontentement des Irakiens est capté par les mouvements religieux. Peu à peu, la révolte gronde et s'amplifie. Résultat final : le début d'une résistance armée et enfin la constitution de l'Etat islamique avec les horreurs que l'on connaît. Beau résultat en vérité, jusqu'au départ précipité des Américains incapables de tenir le pays (car il est une chose de noyer un pays sous un tapis de bombes, il en est une autre de combattre efficacement une guérilla terroriste).

Je voudrais terminer (et en passant je remercie les rares lecteurs qui auront eu la patience de me lire jusqu'au bout) par la manière dont le néo-libéralisme a évolué pendant cette guerre d'Irak et à la suite. Les gouvernements néo-libéraux sont constitués de plus en plus par des hommes et des femmes qui ne cessent de faire des allers et retours entre de grandes entreprises privées et le gouvernement. Leur action dans ces gouvernements consiste à défendre les intérêts du vrai monde qui est le leur, à savoir celui des multinationales. Les gouvernements sont ainsi, en quelque sorte, privatisés. de plus en plus, ces gouvernements deviennent une sorte de guichet où ces grandes entreprises viennent chercher le pognon (celui des contribuables) sans aucune contrepartie.

Pour conclure, je voudrais dire que, bien qu'ayant été très long, je n'ai donné qu'un aperçu du livre de Naomi Klein. D'autres cas sont traités en détail, en particulier la manière dont le néo-libéralisme se sert des catastrophes naturelles ou des épidémies pour imposer son modèle délétère. Un chapitre sur Israël est aussi particulièrement édifiant.

Un livre magistral, une documentation énorme (presque 100 pages de références), un travail de titan, Naomie Klein a écrit là le livre le plus remarquable et le plus didactique sur l'effrayant capitalisme qui s'est implanté peu à peu depuis les années 80. J'ai appris tellement de choses que j'en reste estomaqué. S'il y a un seul ouvrage à lire sur les méfaits du néo-libéralisme, c'est celui-là.
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Les livres de Naomi Klein sont des pavés (861 pages avec les notes et les références pour La stratégie du choc) qui expliquent de manière claire et bien documentée les problèmes économiques et sociaux de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle.

Après No Logo (1999) qui décortiquait la mondialisation et le phénomène des "marques", La stratégie du choc (2008) démonte le néo-libéralisme, qui s'impose de manière brutale dans le monde depuis le coup d'Etat de Pinochet au Chili en 1973 jusqu'à la guerre en Irak et les suites de l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans aux Etats-Unis, en passant par le Royaume-Uni de Margaret Tatcher et la Russie d'Elstine (entre autres).

Plus de 10 ans après sa parution, ce livre n'a rien perdu de sa pertinence et de son importance pour comprendre notre société et notre époque.
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Un livre a surtout mettre entre toutes les mains!
Naomi Klein nous décrit comment les grandes institutions (FMI, Banque mondiale) censées aider les pays pauvres ou en difficultés ne font finalement que les enfoncer encore plus dans la misère en leur imposant des mesures terribles et contraires à une économie stable et juste; comment nos hommes politiques sont à la botte des industriels et autres entrepreneurs qui n'en veulent qu'à l'argent public mais pour leurs propres poches; comment les stratégies du choc et de l'effroi ont servis les intérêts personnels au détriment d'une population qui n'avait rien demandé...
Ce livre est lui-même un choc, mais indispensable à parcourir pour enfin ouvrir les yeux sur ce qu'on ressent, qu'on peut deviner, mais sur lequel nous n'avions pas vraiment d'exemples et recherches faites. Naomi Klein l'a fait pour nous et cela devrait permettre de mettre en branle une riposte populaire. Celle-ci existe déjà dans les pays qui ont du subir ces terribles moments de dictatures ou de guerre, mais il faut aussi qu'elle se mette en place dans les pays plus épargnés, si l'on peut dire...
C'est pour cela que ce livre doit être mis entre toutes les mains, en parler, en débattre mais le diffuser!!!
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Quel est le point commun entre la technique de reconditionnement psychologique par la voie de chocs (utilisée notamment par des services de renseignement) et les énormes mutations économiques de ces quarante dernières années voyant l'hyper-capitalisme financier se répandre partout sur la planète ? Réponse dans ce livre de Naomi Klein, cette excellente journaliste canadienne récompensée par le Prix Pulitzer.
Ayant eu accès à des documents longtemps classés top secret, la journaliste met en évidence comment les USA ont fait en sorte de répandre dans le monde les idées de l'Ecole de Chicago (Milton Friedman et consorts), lesquelles se sont imposées petit à petit à la fin des "trente glorieuses" et, particulièrement, à partir du choc pétrolier et des soubresauts subis par le dollar au cours des années 70. Bien sûr les deux ambassadeurs "par excellence" de ces idées furent, à cette époque, Ronald Reagan aux USA et Margaret Thatcher au Royaume-Uni, ces deux pays ayant une histoire et une culture commune de même que, last but not least, les marchés financiers les plus puissants de la planète qu'il importait de développer plus encore.
Par conséquent un aspect de la politique que d'aucuns dépeignent de "vassalité" des USA a consisté à faire en sorte, notamment via son allié (certains disent: son caniche) britannique en Europe mais aussi par des méthodes nettement moins avouables (rôle de la CIA dans l'instauration de dictatures hyper-capitalistes en Amérique latine, notamment), d'imposer un régime économique qui ferait du monde son "marché", tout en protégeant leur propre économie par des barrières protectionnistes (faut pas déconner quand même...).
A cet égard la thérapie du choc fut transposée sur le plan économique, avec des succès très discutables, dans divers pays, notamment en Amérique latine (déjà évoquée) mais aussi dans l'Afrique du Sud post-apartheid et dans les pays d'Europe sortant de décades de communisme et d'économie planifiée.
Au rang des méthodes plus douces la dispersion de la "bonne parole" étasunienne fut également assurée par la formation de milliers d'étudiants étrangers bénéficiant de bourses fédérales.
Klein montre que, prudents, les étasuniens se gardèrent, dans un premier temps, d'appliquer ces méthodes de choc chez eux mais n'hésitèrent plus à le faire au cours des années plus récentes, notamment à l'occasion de l'ouragan Katrina à New Orleans, qui permit de mener à bien une politique de gentrification de la région dont on réussit à chasser une bonne part des habitants noirs ou à revenus modestes.
Je l'ai lu en anglais en vacances et je ne le conseillerais pas car ce livre vous accroche comme un roman mais, en même temps, tout ceci est tellement déprimant (le cynisme, la cupidité du genre humain qui ne connaissent décidément pas de limites) que cela vous gâche une partie du plaisir de vos vacances.
Néanmoins à lire absolument pour comprendre, du moins selon une perspective (one view on the cathedral, comme aiment à le dire les étasuniens), ce qui nous arrive aujourd'hui.
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Tiens aucune critique pour cet essais?
Étonnant, puisqu'on est face à 50 ans de notre histoire contemporaine. Ce n'est pas prise de tête, ni gonflant. .Ok ça parle d"économie. Mais ça raconte bien la mise en place du néo-libéralisme. C'est une enquête captivante du fonctionnement de notre monde moderne. Klein fait oeuvre d'humanité en déposant à nos pieds ce poignant témoignage qui l'ensemble des mouvements sociaux et libérales de la planète. C'est facile à lire, fascinant, révoltant, surprenant. On sort de là changé. Différent et notre regard à jamais ouvert d'une autre manière... Et pour info je ne connais rien à l'économie... Et là, j'apprends, je comprends... Et c'est limpide, fou, génialement bien expliqué... Presque le livre de la dernière décennie... Mais je n'irais pas jusqu'à là... Quoique j'hésite...
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Citations et extraits (88) Voir plus Ajouter une citation
Voici quelques chiffres qui donnent une idée de l'ampleur de la transformation : en 2003, le gouvernement des Etats-Unis passa 3.512 marchés avec des sociétés chargées d'exécuter des fonctions liées à la sécurité ; au cours de la période de 22 mois ayant pris fin en août 2006, la sécurité intérieure au sens large - d'une importance économique négligeable avant 2001 - vaut aujourd' hui 200 milliards de dollars. En 2006, les dépenses du gouvernement des Etats-Unis dans le domaine de la sécurité se chiffraient à environ 545 $ par foyer.
Et il n'est ici question que de la guerre au terrorisme en sol américain. Les gros bénéfices viennent des guerres menées à l'étranger. Sans tenir compte des fournisseurs d'armement, dont les profits ont monté en flèche grâce à la guerre en Irak, la prestation de services à l'armée des Etats-Unis est aujourd' hui l'une des économies tertiaires qui connaît la croissance la plus rapide du monde.
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Les affrontements directs se concentrèrent surtout en Thaïlande, où moins de vingt-quatre heures après le déferlement de la vague, des promoteurs chargèrent des gardiens armés de clôturer des terres où ils espéraient depuis longtemps aménager des hôtels de villégiature. Dans certains cas, les gardiens interdirent même aux anciens résidents de chercher les dépouilles de leurs enfants. Pour faire obstacle aux spéculateurs, on convoqua à la hâte les membres du groupe des survivants du tsunami et de leurs amis en Thaïlande (Tsunami Survivors ans Supporters), qui, dans l’une de ses premières déclarations, affirma : « Le tsunami offre une chance inespérée aux hommes d’affaires et aux politiciens dans la mesure où il a pratiquement débarrassé les zones côtières des communautés qui, auparavant, s’opposaient à la construction de leurs projets d’aménagement de centres de villégiature, d’hôtels, de casinos et d’élevages de crevettes. À leurs yeux, ces régions côtières représentent désormais des terres en friche ! »
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Vladimir Mau, conseiller de Boris Eltsine au cours de cette période, expliqua que « la condition la plus favorable à la réforme » est « une population en proie à la lassitude, épuisée par ses luttes politiques antérieures. [...] C’est pourquoi le gouvernement, à l’aube de la libéralisation des prix, était certain qu’un grave affrontement social était impossible, qu’il ne risquait pas d’être renversé par un soulèvement populaire ». La vaste majorité des russes - 70% - s’opposait à la libéralisation des prix, ajouta-t-il, mais « nous voyions bien que les gens, autrefois comme maintenant, se préoccupaient surtout du rendement de leurs jardins potagers et, de façon plus générale, de leur situation économique personnelle ».
Joseph Stiglitz, qui était à cette époque économiste en chef à la banque mondiale, résume bien la mentalité des apôtres de la thérapie de choc. Les métaphores qu’il emploie devraient à présent être familières : « Seule une attaque éclair lancée pendant la « conjoncture favorable » créée par le « brouillard de la transition » permet d’apporter les changements avant que la population n’ait eu le temps de s’organiser pour protéger ses intérêts. » En d’autres termes, la stratégie du choc.
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Qu’en est-il, cela étant, de la croisade menée pour la libération des marchés ? On n’a jamais qualifié de crimes capitalistes les coups d’État, les guerres et les massacres qui avaient pour but d’installer et de maintenir en place des régimes favorables à la libre entreprise. Pour les expliquer, on invoque plutôt les excès de dictateurs trop zélés ou les « fronts chauds » de la Guerre froide et, aujourd’hui, de la guerre contre le terrorisme. Quand les plus fervents opposants sont éliminés systématiquement, comme ils l’ont été en Argentine dans les années 1970 et comme ils le sont à présent en Irak, on fait allusion au sale boulot que suppose la lutte contre le communisme ou le terrorisme - et presque jamais à la lutte en faveur de l’avancement du capitalisme à l’état pur.
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F.D Roosevelt lorsqu'il rencontrait des organisations sociales ou syndicales qui proposaient des mesures sociales écoutait longuement puis répondait : Descendez dans la rue et obligez moi à le faire. En 1937 année charnière pour le New Deal, combien eut-il de grèves ? 4740 ... Combien eut-il de grève en 2007 ? 21 !

Celà nous enseigne que si nous voulons des réponses à cette "crise" économique pour un monde plus sains, plus juste, plus pacifique, il va falloir descendre dans la rue et les obliger à le faire.

(extrait de sa conférence que je retranscris en "citation")
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>Systèmes et théories>Systèmes économiques>Economie libérale, Capitalisme (42)
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