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EAN : 9782070742097
364 pages
Gallimard (05/10/1995)
3.69/5   8 notes
Résumé :
«Au sortir d'une période où je fus ramené trois fois de suite au même thème dont résultèrent trois variations, le phénomène de la pensée me revient, tel qu'il s'était produit, avec ses hausses, ses chutes et ses absences, lorsqu'un jour, ayant cherché à relater quelques circonstances de ma vie, il m'arriva d'être bientôt réduit à un signe.
La persistance d'un nom qui en forme le prétexte rend compte à elle seule d'un fond de pensée monotone. [...]
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La trilogie Les lois de l'hospitalité fut écrite entre 1953 et 1960 par Pierre Klossowski, le frère aîné du peintre Balthus. Evoquer ce lien de parenté, c'est désigner, me semble-t-il, la place respective des Klossowski (de Rola) dans l'ordre de l'esprit, et peut-être une certaine souffrance. le peintre est prolifique, mais n'écrit jamais ; l'écrivain griffonne aussi des dessins, souvent jugés maladroits, en marge d'une oeuvre littéraire assez confidentielle. le cadet devient riche et célèbre ; l'aîné finit dans une HLM rue de la Glacière.
La révocation de l'Edit de Nantes, premier volume du recueil (la collection le Chemin, Gallimard, 1977, les rassemble, sans souci de chronologie, autour de Roberte, ce soir), se présente sous la forme du journal alterné d'Octave, le mari, collectionneur de tableaux et catholique, et de Roberte, l'épouse, ancienne infirmière de la Croix Rouge à Rome à la fin de l'occupation nazie, soi-disant résistante, et députée parisienne. Tandis que l'homme décrit par le menu une toile imaginaire à forte charge érotique, la femme passe par divers stades de la perversion. Octave la met à toutes les sauces : attachée, fouettée, violée, surprise, mais toujours gaie et consentante. L'ambition de Roberte semble être de séduire son neveu adolescent, dont le couple s'est vu confier la tutelle. Celle du mari, de la livrer à tous les invités de la maison. Ce seraient là "Les lois de l'hospitalité."
Le titre La révocation de l'Edit de Nantes se trouve pour sa part justifié par les prétentions du texte à une vague théologie. le dogme catholique de la présence réelle est censé protéger dans un tabernacle des lettres compromettantes. Roberte, protestante, ira les rechercher : sa foi ne lui interdit pas de toucher aux hosties consacrées.
Roberte, ce soir continue le premier volume par un dialogue théâtral coupé d'intermèdes. On retrouve la thématique précédente : Croix Rouge, Rome, églises, chanoine, nazis, viols, neveu. L'enrobage pseudo-théologique se fait omniprésent : une sorte de scolastique à base de "substance", d'"accident" et d'"actualisation" émaille de nouvelles acrobaties amoureuses.
Le Souffleur débute avec plus de simplicité. L'ambiance parisienne y est familière et presque conventionnelle. Mais les entrecroisements de personnages comme les incertitudes sur l'identité deviennent obsédants. Roberte et ses doubles connaissent toujours les affres d'Eros. Cependant un certain humour vient alléger l'ensemble, dont le texte précédent, Roberte, ce soir, reste d'ailleurs au centre : les personnages, cette fois-ci plus nombreux, mais toujours rassemblés autour du mari et de l'épouse, répètent la pièce en vue d'une représentation privée. Une ambiance onirique et vaudevillesque caractérise ce tableau des moeurs d'une intelligentsia parisienne aujourd'hui disparue quoique son décor subsiste, de la Rive Gauche au Palais Royal.
Bric-à-brac socio-psychanalytique sans doute influencé par Georges Bataille (La part maudite, le bleu du ciel), Les lois de l'hospitalité laissent perplexe. Ne s'agirait-il donc que d'un savant prétexte à pornographie, déguisé sous un intellectualisme envahissant ? On peut malgré tout se laisser prendre au charme d'une certaine époque : les relents religieux, l'ombre de l'après-guerre, le prestige du Tout-Paris littéraire, le surréalisme et le Collège de Sociologie. Pierre Klossowski a connu tout le monde : Caillois, De Rougemont, Blanchot, Bataille. Il fait du Pierre Jean Jouve sur fond de Ionesco. Il lira Roberte, ce soir en compagnie de Michel Butor, accompagné au piano par Roland Barthes. Il a eu son heure de gloire au cinéma avec Robert Bresson (Au hasard, Balthazar) ; il inspire Pierre Zucca (Roberte) et Raul Ruiz (L'hypothèse du tableau volé).
Est-ce le style d'avant-garde années 50/60 qui échappe, de nos jours ? L'ouvrage laisse par endroits une impression d'imposture ténue. Pour ma part, comme Roger Caillois, je me serais désolidarisé du jury qui, en 1965, remit à Pierre Klossowski, pour une autre oeuvre il est vrai (Le Baphomet), le Prix des critiques.
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Avant d'être un écrivain Pierre Klossowski était un penseur. Il a entrepris des études de théologie, traduit des oeuvres de Nietzsche, Heidegger, Wittgenstein, Walter Benjamin ou même le Journal de Kafka et n'a commencé à écrire de la fiction que quarante ans passés. Autant dire qu'on est loin d'avoir affaire à un inconscient, pas plus qu'à un écrivain-né. Auteur exigeant donc, avec un univers très particulier.
Trois livres écrits dans les années 1950 sont réunis sous le titre des Lois de l'hospitalité.
« Roberte, ce soir » ressemble à une pièce de théâtre un petit peu érotique dans laquelle un homme, Octave, éminent professeur de scolastique, a inventé des Lois de l'hospitalité qui consistent à offrir sa femme à ses invités. « La révocation de l'édit de Nantes » est une reprise de ce thème, mais d'une manière plus romanesque et plus développée. Elle prend la forme de deux journaux, celui d'Octave et celui de Roberte, qu'on lit alternativement. Enfin, « le souffleur » est une mise en abîme où l'auteur de « Roberte, ce soir » est confronté à des évènements étranges, plus embrouillés les uns que les autres. Les mauvaises langues pourraient dire avec justesse que c'est un prototype d'autofiction (avec énormément de fiction, toutefois) germano-pratino-intellectualiste. L'essentiel de l'histoire se passe en effet à Saint-Germain-des-Prés et l'on croise des personnages indéniablement inspirés par des personnalités connus de l'époque.
Mais il ne faut pas donner trop d'importance au caractère autobiographique de ces trois livres. S'ils sont ancrés dans l'actualité de l'immédiate après-guerre, avec quelques allusions à la politique, à la collaboration, ce n'est pas le sujet. Comme autrui, la vie de couple, la psychanalyse, la religion, l'art, tous ces thèmes ne sont que des vecteurs pour mettre en scène un « je » et son rapport au monde à travers le langage. Qu'est-ce qu'un nom, une identité ? Roberte, en tant qu'être pensé ? Un constant retour sur soi. Un abîme sans fond décrit avec un humour burlesque ou subtil. Difficile de donner plus de détails sur ce livre foisonnant qui exalte la confusion dans une recherche de cohérence, sinon que l'auteur a un véritable penchant pour dévoiler les dilemmes. Lors d'une fameuse conversation avec le narrateur, un célèbre psychanalyste s'exclame : « Théodore, vous êtes un chef-d'oeuvre d'inconséquence ! A force de vouloir maintenir le pour et le contre, votre raison s'exténue. » L'important c'est de le savoir.
Et ce n'est pas sans raison que ces trois livres ont été réunis, ils se complètent les uns les autres. On aurait aussi pu ajouter « le baphomet », qui est tout aussi délirant que « le souffleur » mais plus fantastique.
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« Il s'agit d'une oeuvre principalement littéraire, même si sa richesse et son étrangeté donnent le droit de reconnaître en elle la proposition d'une nouvelle gnose. Oeuvre littéraire, elle apporte à la littérature ce qui, depuis Lautréamont et peut-être depuis toujours, lui manque : je le nommerai l'hilarité du sérieux, un humour qui va beaucoup plus loin que les promesses de ce mot, une force qui n'est pas seulement parodique ou de dérision, mais qui appelle l'éclat du rire et désigne dans le rire le but ou le sens ultime d'une théologie. [...]
Les livres de Pierre Klossowski sont des récits, même quand ils commentent des mythes, comme dans ce profond livre intitulé le Bain de Diane. Récits, ils racontent, décrivent, énoncent, intriguent. Certains les appelleront théologiques, d'autres érotiques, d'autres psychanalytiques. Je crois qu'il ne faut pas tenir grand compte de tels qualificatifs. Je suis plutôt frappé par un trait d'originalité qui se manifeste dans l'invention d'une forme nouvelle, à la vérité destinée à rester unique. »

Maurice Blanchot

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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
A ces mots, Roberte ne sait si c’est de honte qu’elle frémit parce que la sentence vient s’exécuter, énorme et bouillante, entre ses fesses, ou si c’est de plaisir qu’elle transpire, parce que cette sentence force largement son vacuum ; mais tandis que le sedcontra pénètre l’inspectrice au point de confondre en elle la raideur de l’acquittement et l’élasticité de la peine, Roberte n’a pu prévenir le geste du gantelet qui sur le quidest de l’inspectrice, en monstrueuse érection, enfile l’anneau qu’il vient d’arracher à son doigt ; dans le même temps le sedcontra se retire du vacuum, par où Roberte lâche trois pets.
Le colosse :
« Au reste, si la chair n’est qu’un leurre, la parole n’est que du vent ; elle est donc de l’esprit. »
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Toute identité ne repose que sur le savoir d’un pensant en dehors de nous-même – si tant est qu’il y ait un dehors et un dedans – un pensant qui consente du dehors à nous penser en tant que tel. Si c’est Dieu au-dedans comme au-dehors, au sens de la cohérence absolue, notre identité est pure grâce ; si c’est le monde ambiant, où tout commence et finit par la désignation, notre identité n’est que pure plaisanterie grammaticale.
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Une femme est totalement inséparable de son propre corps – notre amour-propre souffre de la moindre égratignure – rien ne nous est plus étranger par essence que la distinction du physique et du moral. Nous abondons dans le sens des hommes quand ils nous refusent une « âme » alors qu’ils font frauduleusement appel à nos sentiments d’honneur ou de fidélité. Mais le malentendu infranchissable débute avec l’idée que nous ne serions qu’animales. Naturellement hostile à se définir selon l’esprit, la femme ne se voit autrement que dans sa passibilité corporelle, mais voilà, son corps est bien son âme, et peu importe qu’elle soit une femme laide : outre le fait qu’une femme disgraciée physiquement mais intelligente exerce d’autant plus d’attraction sur les hommes qui du même coup la traitent comme leur semblable, une laide malgré cette dissimulation ou cette compensation est toujours assez femme pour cacher les moyens dont dispose une jolie fille ; ces moyens sont les mêmes et tous les hommes peuvent y succomber.
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Il est certain que c’est l’aspect des femmes en public, leur façon de se montrer au-dehors et non pas chez elles qui constituent justement ce par quoi elles peuvent m’intriguer. C’est aussi dans ces moments où elles veulent en quelque sorte apparaître et neutraliser leur contact avec l’extérieur, avec l’inconnu, l’étranger, l’anonyme en quoi cependant elles se recherchent parfois – trouvant ce qu’elles ne cherchaient point – que je me représente ce qu’elles ont de plus charmant, que je devine avec le plus de netteté leur mouvement de surprise, leurs gestes dans d’imprévisibles situations qui font tache d’huile sur leur soi-disant emploi du temps.
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Si on prenait à la lettre le couple nucléaire que j’ai représenté – le mari ne se figurant sa femme autrement que se surprenant elle-même à se laisser surprendre, elle-même se jetant dans des initiatives qui doivent la convaincre de sa liberté, quand celles-ci ne feraient que confirmer la vision de l’époux – on serait encore dans l’invraisemblable. La vie n’est point telle. Les pensées peuvent s’insinuer de la sorte dans les silences et dans le fond de propos qui roulent sur n’importe quoi d’autre, sauf sur ce genre d’attrape concerté. Mais « nous » avons vécu de la sorte à nous reprocher mutuellement de ne nous écouter point quand « nous » nous parlions l’un à l’autre.
Un couple peut-il ainsi se multiplier autrement que par des enfants, se déployer, se projeter, s’approfondir, s’exalter, se caricaturer – peut-il chaque fois se recréer, se ré-épouser, sous une-autre dimension – et toutefois demeurer le même sans jamais épuiser ses ressources ? Peut-être s’agit-il là d’un défi de la pensée aux lois de la procréation, d’une revanche du couple sur sa nécessité animale, encore que l’animalité ait sa part dans ce défi.
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Vidéo de Pierre Klossowski
INTRODUCTION : « Je ne quitterai plus ce journal. C'est ici qu'il faut que je m'agrippe, car ce n'est qu'ici que je le puis. » (Franz Kafka, in Journal intime, au 16 décembre 1910.)
« Franz Kafka (1883-1924) ne nous a laissé que des fragments ; ses romans le sont au même titre que ses aphorismes et ses journaux intimes. […] “Celui qui de son vivant ne vient pas à bout de la vie - écrit-il en octobre 1921 dans son journal - il a besoin de l'une de ses mains pour écarter un peu le désespoir que lui cause son destin - il n'y arrive que très imparfaitement - et de l'autre main il peut enregistrer ce qu'il aperçoit sous les décombres, car il voit autre chose et plus que les autres, il est donc mort de son vivant et il est essentiellement le survivant.“ […]  le journal de Kafka est tout d'abord le journal d'un malade qui désire la guérison. […] il veut la santé pour le plein épanouissement des ressources qu'il devine en lui […]. » (Pierre Klossowski, Préface.)
« […] “Ce ne sont pas la paresse, la mauvaise volonté, la maladresse… qui me font échouer ou pas même échouer en toutes choses : vie de famille, amitié, mariage, profession, littérature, mais c'est l'absence du sol, de l'air, de la Loi. Me créer ceux-ci, voilà ma tâche… tâche la plus originelle…“ […] » (Pierre Klossowski, Introduction.) « Franz Kafka au sanatorium
On brassait trop d'air autour de lui, la chambre du sanatorium, la vaine imprécation des potions, le vase aux fleurs pitoyables, un désespoir insinué dans le jour déclinant. Le médecin tomba soudain dans l'absurde en s'acharnant mécaniquement sur sa poitrine à l'affût d'un battement égaré, d'un signe dans le noir. Alors il l'écarta avec une colère sourde, la lutte obscure qui avait toujours dicté des gestes si délicats pour abriter son exil. Tous ceux qui l'aimaient étaient là, allant et venant derrière la porte ou se précipitant par vagues vers le visage lointain, débitant des questions sans issue du meilleur style juif. Mais là se limitait le monde à incarner les intenses syllogismes de ses textes en même temps qu'il confirmait sa poésie en un code fragmentaire et monotone de marionnettes. Toute cette agitation, au nom de quoi, sinon la rage de vivre toute honte bue ? Beau comme un condamné, un mourant très spécial aux abondantes preuves touchant le non-dit et disparaissant, contre toute logique, dans un corps tout petit. » (Joaquín O. Giannuzzi, in Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
Journal intime 0:06 - 1er extrait 0:59 - 2e extrait 2:32 - 3e extrait 3:14 - 4e extrait
Notes choisies dans d'autres journaux 3:55 - 1er extrait 5:24 - 2e extrait
Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie 6:03 - 1er extrait 6:20 - 2e extrait 7:05 - 3e extrait 7:22 - 4e extrait
Méditations 7:39 - 1er extrait 8:07 - 2e extrait 8:32 - 3e extrait 9:25 - 4e extrait
10:29 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Franz Kafka, Journal intime, suivi de Esquisse d'une autobiographie, Considérations sur le péché, Méditations, traduction par Pierre Klossowski, Paris, Grasset, 1945.
IMAGE D'ILLUSTRATION : https://www.nytimes.com/2018/10/24/books/review/benjamin-balint-kafkas-last-trial.html
BANDE SONORE ORIGINALE : Hinterheim - i look into the distance i look into the distance by Hinterheim is licensed under an Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License. https://freemusicarchive.org/music/Hinterheim/rive-droite-rive-gauche-1/i-look-into-the-distance-1/
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