Je tiens à remercier Anselme Guilledoux, bouquiniste croisé en accompagnant dans Paris Théophraste Sentiero, «
L'homme qui marche », la créature de
Jean-Paul Delfino, qui m'a recommandé
Gioconda.
Cette Joconde n'est pas l'icone peinte par
Léonard de Vinci, mais une jeune juive de Salonique déportée par les allemands en 1943 et gazée avec toute sa famille. Elle fut le premier amour de son voisin,
Nikos Kokantzis, qui décide en 1975 de conserver sa mémoire en narrant leur histoire.
Quelle est la part du rêve et de la réalité trente ans après les faits ?
N'avons-nous pas tous tendance à idéaliser notre jeunesse et le passé ?
Nikos fut il aussi précoce dans la résistance qu'il le prétend ?
Nul ne le saura jamais … et qu'importe.
Car tragique et vraie, hélas, est la déportation des juifs de Salonique et leur extermination méthodique.
Les pages consacrées à l'arrestation de
Gioconda, de sa fratrie, de leurs parents et de leur grand-mère sont d'autant plus bouleversantes qu'elles ne décrivent pas, contrairement à de nombreux films, des hurlements, des aboiements de bergers allemands, des coups et des plaintes, des nazis membres de la Gestapo ou de la SS.
Elles photographient des soldats allemands très « corrects », qui ont la galanterie de porter les valises des prisonniers et dont les officiers saluent respectueusement les voisins, calmes et attentifs.
Les occupants appliquent la procédure ; les occupés respectent le protocole et avancent calmement vers leur destin dans un silence et une discipline suicidaire.
Cette tragédie grecque dépasse le martyre de
Gioconda et nous rappelle que les civilisations sont mortelles. Un ouvrage court, dense, poétique et dramatique qui répond parfaitement au devoir de mémoire et que je suggérerai nottament à des lycéens.