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Edmond Tupja (Traducteur)
EAN : 9782743606169
310 pages
Payot et Rivages (02/04/2000)
3.08/5   6 notes
Résumé :
Festim Gurabardhi travaille dans une maison d'édition de Tirana. Ce sont les dernières années du régime communiste albanais. Corruption, hypocrisie, aventures érotiques ponctuent la vie des employés. Déjà tourmenté par des souvenirs d'épisodes dramatiques de son passé, il doit jouer au chat et à la souris avec le juge d'instruction Valmir D. La réalité ressemblant à une illusion et certaines illusions ressemblant à la réalité, Festin se rêve Anonyme et cherchera jus... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Kufoma
Traduction : Edmond Tupja

Au contraire de celui de Kadare, le style de Kongoli, si l'on en croit la traduction d'Edmond Tupja, est très soutenu, sans pour autant flirter avec une longueur de phrases qui finit par les rendre pratiquement incompréhensibles en une seule lecture. En outre, l'auteur dose ici avec une grande subtilité le réalisme des petits détails quotidiens et l'onirisme diffus et pour terminer aveuglant qui nimbe le décalage, tout d'abord peu marqué et conscient, puis de plus en plus envahissant et basculant dans l'inconscient, avec lequel le narrateur envisage son passé et son présent.

Mais jamais son avenir. Comme beaucoup de héros, semble-t-il, de Kongoli, Festim Gurabardhi, malgré son prénom qui signifie joyeusement "Célébration", se révèle incapable de concevoir un avenir qui, de toutes façons, le terrifie.

Au début du roman, le lecteur a l'impression de se trouver face à deux héros (ou anti-héros, comme on voudra). D'emblée (mais il ne le sait pas), il a sous le nez la faille qui, depuis l'enfance, se creuse dans la personnalité de Gurabardhi et qui, grâce au soutien implacable du système policier et juridique albanais, va finir par l'engloutir tout entière. Mais c'est lentement, en retournant souvent en arrière, sur les pages précédentes, que le lecteur découvre que l'"homme" évoqué à la troisième personne dès le premier chapitre du roman, cet "homme" hanté par les traits creux et sinistres d'un certain juge d'instruction dénommé Valmir D., ne fait qu'un avec Festim.

Au début en tous cas, Festim conserve suffisamment d'humour et de poésie pour évoquer son enfance d'orphelin élevé par une grand-mère et un frère au prénom révélateur, Abel. Poursuivi par les sbires d'Enver Hoxa, Abel a été arrêté sous les yeux du petit garçon, et puis s'est pendu dans sa cellule.

Abel a abandonné son frère mais n'est-ce pas parce qu'il avait deviné que son frère était Caïn ? ... Si tu veux survivre aux Abel de ce monde, ne dois-tu pas, surtout sous une dictature, te transformer en Caïn ? ...

Là, évidemment, le lecteur comprend : il comprend que la démence est latente chez Festim. Une démence engendrée certes par le traumatisme vécu dans l'enfance mais aussi par les conditions d'existence qui furent les siennes à cette époque et que cet enfant hypersensible partagea avec la majorité des Albanais. Conscient d'avoir eu plus de chance que son frère - mais jusqu'à quand ? - Festim Gurabardhi passera le reste de sa vie à fuir, dans la terreur que ne le rattrapent les images de plus en plus chaotiques de son enfance et de son adolescence, ce Valmir A., infect petit tueur de chats qui fut son premier ami et dont le père travaillait pour la police d'Etat, le mari de sa soeur Irma, que celle-ci surnommait Bubi mais qui, pour Festim, devint très vite Valmir B. parce que lui aussi travaillait pour la Sécurité, et enfin le fameux juge d'instruction, Valmir D., qui s'était occupé de sa propre affaire lorsqu'il avait été compromis auprès de la justice pour avoir lu et résumé des livres étrangers pour le compte de son rédacteur-en-chef (qui, d'ailleurs, le dénoncera plutôt que de risquer sa tête).

"L'Ombre de l'Autre" nous invite en fait à partager le cauchemar du narrateur. Mais le pire n'est pas là, non : le pire arrive quand on comprend que ce cauchemar, des milliers et des milliers d'Albanais l'ont vécu - les détails changeaient mais le fond restait le même. Froid, réfrigérant, avec cependant quelque chose de posé, de lent et une pointe d'absurdité typiquement kafkaïenne - qu'est-ce que le stalinisme, sinon l'univers de Kafka matérialisé dans notre réalité ? - ce livre ne peut donner qu'une seule envie : découvrir son auteur et ses autres ouvrages. D'ailleurs, j'ai acheté "Tirana Blues." ;o)
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Un livre sous fond de politique communiste des années 70 en Albanie ou comment la vie professionnelle et privée d'un journaliste s'articulait durant ces regimes durs et dictatoriaux....
La place tres importante du sexe et de la boisson en font un livre dérangeant et en même temps passionnant.
Je l'ai lu avec un certain plaisir.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Un des journaux de la capitale publia la photo de Valmir. Il devint le héros du jour, l'orgueil des jeunes de notre quartier, et moi, quoique privé de la possibilité d'aller au paradis, je ne pus résister à la tentation de me mettre à côté d'un héros et de poser avec lui pour une seconde photo, près de la fosse. Cette photo fut publiée par un journal de jeunes avec la légende : "Valmir A. défie la mort." Je reçus de ses mains cette photo qu'il avait fait agrandir. Je l'encadrai et l'accrochai au mur. A partir de ce jour-là, Valmir se sentit chez nous comme chez lui. Deux mois plus tard, c'est-à-dire deux mois après que j'eus accroché dans ma chambre la photo encadrée où l'on me voyait à côté de Valmir, et depuis qu'il venait chez nous comme chez lui, Abel fut arrêté. Ils l'emmenèrent par une nuit noire, sous la pluie. Nous venions de nous coucher quand nous entendîmes une voiture arriver. C'était une petite voiture noire, semblable à la voiture qui venait chaque jour chercher le père de Valmir pour le ramener plus tard. Je devais la reconnaître ensuite, quand ils repartirent avec Abel. La voiture freina quelque part entre la porte en fer du mur d'enceinte de la villa et la porte de notre cour. Nous nous rendîmes compte que la visite était pour nous quand nous les entendîmes frapper à notre porte. C'étaient deux civils et deux policiers. Il y avait avec eux quelqu'un de notre quartier, dont le visage ne m'était pas inconnu. Abel était en pyjama. On lui donna l'ordre de s'habiller et il alla s'exécuter dans sa chambre accompagné d'un des civils, en casquette et long imperméable bleu lui descendant jusqu'aux chevilles, ainsi que d'un policier. Les deux autres, un policier et un civil lui aussi habillé d'un imperméable, montèrent au premier. Dans le salon, il n'y avait plus que ma grand-mère, l'homme de notre quartier et moi. Le visage de l'homme était d'une pâleur extrême. Silencieux, il regardait ma grand-mère. Il avait l'air si misérable que j'eus envie de pleurer. Ma grand-mère avait glissé ses doigts dans mes cheveux et me les serrait au point de me faire mal. La perquisition dura un siècle. Ce furent le policier et le civil qui étaient en haut qui revinrent les premiers. Le civil portait sous le bras quelque chose comme un paquet enveloppé dans du papier journal. Ensuite, Abel sortit de sa chambre, suivi de l'autre civil et de l'autre policier. Le civil qui accompagnait Abel portait, lui aussi, sous le bras, quelque chose de semblable au paquet du civil descendu du premier. Abel embrassa notre grand-mère. Après l'avoir embrassée, il m'embrassa également et je sentis ses mains trembler. Ce fut alors que je fondis en larmes. Je ne comprenais pas ce qui nous arrivait, pourquoi on venait chercher mon frère en pleine nuit, j'ignorais où on le conduisait, ce qu'il allait devenir, mais j'avais le pressentiment qu'Abel s'en allait pour toujours, que je ne le reverrais plus jamais. Peut-être était-ce à cause de moi qu'Abel avait les larmes aux yeux. Grand-mère aussi. Avant de partir, ils passèrent les menottes à Abel. Je bondis comme un chien enragé sur le policier qui s'acquittait de cette besogne. Celui-ci, embarrassé, me repoussa légèrement. Abel me conseilla d'être sage. Quand ils sortirent, il pleuvait toujours. ... [...]
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[...] ... Cette nuit-là, pour la première fois, je reçus la visite de quelqu'un d'autre que l'Ombre du cimetière. Il était grand, enveloppé dans une cape noire, le visage caché sous un masque figurant une tête de mort. Le visiteur se tint un peu plus loin que ne restait d'habitude l'Ombre du cimetière, taciturne, immobile, debout. C'est en vain que je tentai de lui parler, d'apprendre qui il était. Soit je n'arrivais pas à articuler un mot, en dépit d'efforts surhumains, soit je parvenais à dire quelque chose, mais l'autre ne m'écoutait pas, ou bien il m'écoutait mais refusait de me répondre. Je sentis se poser sur moi son regard pénétrant, je distinguai, à travers les deux trous de son masque, ses yeux étincelants, et je m'assis sur mon lit, le front baigné de gouttelettes de sueur, sous le sombre rayon de lumière qui venait de la lucarne. Je me demandai si j'étais éveillé ou si je rêvais. La porte de ma chambre grinça, quelqu'un sortit, la referma et dans l'air il ne resta que le mot "corde." Il se mit à voleter comme une chauve-souris d'un mur à l'autre, puis alla se pendre à la lucarne. A la fois étonné et terrifié, je vis que la lucarne était munie de lourdes barres de fer. A une des barres, une corde était accrochée, avec un noeud coulant au bout. "Tu dois faire la même chose, te pendre ! Tu dois te pendre ! Tout de suite, sans perdre de temps !" La voix était autoritaire, insupportable, comme un coup de fouet sur chaque partie du corps, qui vous meurtrit et vous ensanglante, qui vous torture, comme un supplice de damné que je n'arrivais plus à endurer, et je pensais qu'il n'y avait pas d'autre issue pour moi que de me pendre. Au dernier instant, je m'adressai à l'inconnu, je voulus savoir qui il était et de quel droit il m'intimait cet ordre. Pour toute réponse, je n'obtins qu'un rire. Ainsi qu'un "Devine !" prononcé sur un ton menaçant et narquois ... [...]
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Vidéo de Fatos Kongoli
Pour Fatos Kongoli, écrivain Albanais auteur de "La vie dans une boîte d'alumettes", les blessures du totalitarisme sont toujours ouvertes
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