Outre des photos somptueuses, l'ouvrage de
Paul Koudounaris présente un épisode peu connu (et que de toute évidence l'Eglise préférerait oublier) de la Contre-Réforme.
A la fin du XVIe siècle furent redécouvertes à Rome des catacombes. Les considérant (sans preuve) comme les tombes de martyrs chrétiens et reconnaissant parmi les corps ceux de saints à partir de signes arbitraires, l'Eglise catholique décida d'utiliser ces squelettes dans la guerre qui l'opposait alors au protestantisme. Les protestants s'étaient farouchement attaqués au culte des reliques de saints pratiqué par les catholiques, au point de détruire ces dernières quand l'occasion se présentait. Qu'à cela ne tienne, le camp catholique avait désormais à sa disposition bien plus spectaculaire que ces pièces détachées. Pléthore de corps de soi-disant saints, entièrement recouverts de gemmes et tissus précieux furent ainsi transportés dans les églises allemandes pour y être vénérés. Besoin d'un saint Patrick ? Voilà un squelette, appelons-le Patrick, mettons-lui une jolie tenue, des bijoux jusque dans ses orbites vides et bientôt les fidèles se presseront pour venir l'admirer, feront des processions en son honneur et multiplieront bien sûr les donations.
Il est difficile de ne pas ressentir une certaine tristesse face à une telle pratique, en particulier, peut-être, quand on a comme moi la fibre anticléricale. Koudounaris a suffisamment de recul vis à vis de son sujet pour demeurer factuel et aussi impartial que faire se peut, mais les faits parlent d'eux-mêmes.
Au-delà de toute considération religieuse, ces corps sont des oeuvres fascinantes, ornementées avec un soin, une finesse et surtout une richesse inconcevables. Leur valeur non seulement historique mais surtout artistique est indéniable, et c'est ce patrimoine désormais détérioré et en grande partie disparu que l'essai de
Paul Koudounaris a le mérite de révéler. Considérés comme gênants par l'Eglise depuis le XXe car devenus source d'effroi, nombreux sont les "saints" qui ont été détruits, qui demeurent aujourd'hui dissimulés derrière des parois pour ne pas heurter les fidèles ou prennent la poussière dans des réserves. En offrant une progression historique du XVIe à nos jours, l'essai montre l'évolution du regard porté sur ceux qui furent tirés de leur tombe pour devenir objets de culte, et avec lui l'évolution des mentalités et de notre rapport à la mort.
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