Après un tome 19 assez moyen, je redoutais dans ce tome 20 la fin de l'hypnose et le grand final de l'Arc Soul Society… Mais malgré ses erreurs, le mangaka retombe sur ses pieds.
Le traître à l'origine de toutes les tragédies du Soul Society se dévoile enfin, et comme n'importe quel super-vilain des familles déclame ses plans à qui veut bien les entendre. Nous nous retrouvons avec un énième homines crevarices pensant valoir mieux que les autres et qui veut être le premier pour que tout le monde rampe à ses pieds. Donc sur fond de révélations fracassantes on alterne dialogues dramatiques et bastons épiques, les shinigamis présentant un front uni, mais malgré l'arrivée successives des renforts, le traître reste le plus fort !
Toutefois, cerné de toutes parts il fait un pied de nez à tout le monde car après avoir récupéré ce qu'il était venu cherché (l'Hôgyoku pour les gouverner tous, l'Hôgyoku pour les trouver, l'Hôgyoku pour les amener tous, et dans les ténèbres les lier, dans le Hollow World où s'étendent les ombres… ^^), il prend la poudre d'escampette comme n'importe quel super-vilain des familles en s'enfuyant sous la protection des démons et sous le regard médusés de ses adversaires… le dernier tome de l'Arc Soul Society et ainsi le premier tome de l'Arc des Arrancars.
C'était bien, mais on retrouve les lacunes habituelles des oeuvres populaires japonaises à savoir l'association de dramas réussis à un des backgrounds bancals : ATTENTION SPOILERS
Les dix premiers tomes n'ont pas servis à grand-chose à part présenter un à un des personnages qui disparaissent peu à peu puis complètement dans les dix tomes suivants, à part Ichigo qui est au final est peut-être un Gary-Stu destiné à flatter l'ego du lectorat adolescent.
Du coup on s'est tapé des chapitres entiers de drama familial et de school life pour rien du tout !
Du coup quand déboule au tome 10 une cinquantaine de personnages avec une personnalité et un passé intéressant, et ben on a grave l'impression d'avoir loupé toute une saison de la série et perso j'ai régulièrement eu l'impression d'avoir loupé un épisode quand tels ou tels personnages évoquent leurs relations qu'on a jamais vues se développer…
Du coup les flous artistiques pour rester courtois, les grosses incohérences pour parler crûment, sont légions. Capitaines, Vice-Capitaines, rebelles et maléfices errants se battent pour Rukia sans qu'on sache vraiment pourquoi elle a été condamnée à mort et pourquoi le veulent absolument hâter la date de son exécution. Les interrogations et les retournements de situation tombent un peu à plat car les enjeux ne sont pas très explicites… On sent que toutes les explications d'Aizen sur l'Hôgyoku ont été rajoutés après coup, donc on retombe dans les erreurs de la J.J. Abrams Connection : on balance des mystères pour faire cool et accrocher les spectateurs, mais on a aucune idée de ce qu'il a derrière donc on improvise à posteriori en espérant tout le monde n'y voit que du feu (remember les scénaristes de "Lost" qui hantaient la Toile dans l'espoir que les fans trouveraient le moyen de solutionner les imbroglios qu'ils avaient mis en place). Aizen nous explique que « diviser l'ennemi afin d'avoir le champ libre est le B.A. BA de la tactique militaire », mais c'est quand même un peu foutraque avec l'accumulation des erreurs de construction du récit. On passe sans guère de transition du récit de chasseur de yôkai lycéen à un récit de guerre civile dans le monde des esprits sur fond de critique historique (voir plus loin)… C'est quand même fort de café, mais après on ne sait pas qu'elle a été la relation entre auteur et éditeur sur l'avancée du projet. Je suis persuadé qu'on pouvait garder la même formule du "Saint Seiya" mélangeant cape et épée et urban fantasy (oui parce bon, Aizen avec ses mensonges, ses manipulations et ces illusions démoniaques c'est Saga hein ! ^^(Mais aussi ce crevard de Kanji Ishiwara : voir plus loin)), en faisant de la team Ichiro des néo-résidents du Soul Society découvrant peu à peu l'univers et les personnages plutôt que de presque tout balancer d'un coup en changeant de cap régulièrement en cours de route. Je m'imagine là carrément une version shonen du "Fleuve de l'éternité" de Philip José Farmer ! blink
Dans la réalisation des qualités (charadesign cool, découpage dynamique, scène d'action qui déchire, bref maîtrise à haut niveau de la palette du mangaka shonen) mais aussi des faiblesses enquiquinantes :
- récurrence des dialogues stéréotypés, qui tirent la série vers le bas quand ils deviennent carrément faiblards
(parfois même dans les explications sérieuses il y a des boulettes, genre quand Toshirô Hitsugaya découvre le pot aux roses, sa première réaction c'est de dire que le sang donc que leurs meurtres ne sont pas récents : bouffon, ça fait des semaines que les membres des 46 Bureaux de Chuô sont morts donc avec la décomposition t'aurait dû tiquer à l'odeur bien avant d'entrer dans le pièce ^^)
- on copie les comics en privilégiant à outrance les gros plans aux arrière plans, ce qui sur quelques planches n'est pas un problème devient dans un shonen à rallonge une limitation parfois insupportable avec une récurrente impression de vide et de manque d'ambiance vu que les paysage dans lesquels évoluent les personnages se limites au strict minimum voire à rien du tout (avoir autant de talent et le sacrifier sur l'autel de l'efficacité aka les échéances éditoriales hebdomadaires, c'est triste quelque part)
Quel avenir pour la série ?
- on peut aller au bout des ambitions, ce qui serait carrément génial !
Le Soul Society qui n'est qu'obéissance aux traditions est une allégorie du Japon de l'Ere Edo et de la dictature Tokugawa, les renégats de qui savez avec leurs discours sur les surhommes, la régénération de la société et le nouvel ordre mondial c'est une allégorie des apprentis sorciers du Japon de l'Ere Meiji et des bouchers du Japon de l'Ere Showa. Est-ce un hasard si les héros pris entre ces deux feux ressemblent fortement aux samouraïs et aux rônins du Shinsen Gumi, la célèbre unité d'élite qui s'est battue jusqu'à la mort de tous ces membres pour défendre la cause des premiers face aux seconds ? Pour les Japonais qui parfois connaissent leurs histoires par coeur, c'est à l'équivalent conjoint des héros Shi Nai'an et de ceux d'
Alexandre Dumas : amitié, courage, honneur… Si on va jusqu'au bout c'est donc
les Trois Mousquetaires contre Hitler, version urban fantasy ! Supracooltitude absolue !!!
- on peut tomber dans la facilité en recourant aux grosses ficelles des shonens à rallonge des années 2000 avec un schéma identique qui se répète d'arc en arc avec un univers qui n'évolue pas et des personnages qui n'évoluent pas (les éditeurs japonais de mangas veulent élaborer les mêmes poules aux oeufs d'or que les éditeurs américains de comics, avec des séries conçus pour durer potentiellement éternellement, mais sans changer de scénaristes et/ou de dessinateur c'est une cause perdue et les séries concernées sont destinées tôt ou tard à s'enliser avant de péricliter…)