Une femme peut-elle aimer deux hommes en même temps ? La question posée dans "Jules et Jim" n'est pas nouvelle. Déjà, en 1930, Auguste Villeroy la pose dans sa pièce en trois actes "La double passion".
Denise Chantrel aime, pour sa beauté morale, le professeur Pascal Erivan qui a contribué à sa construction intellectuelle et elle aime, de son coeur de femme, Robert Martigues, à qui elle se donna avant son mariage.
C'est la double passion.
La pièce, par son action sur scène et ses dialogues graves et profonds, éclaire le conflit qui naît dans le coeur de Denise. entre l'amour physique que lui inspire Robert, homme d'affaires actif et peu délicat et le sentiment qu'elle éprouve pour son cousin Pascal, homme de culture et d'esprit désintéressé.
Le premier acte présente le sujet avec netteté.
Le second, moins convaincant marque le pas.
Tandis que le troisième acte où les deux hommes s'affrontent est pathétique et puissant. Meilleur que les deux premiers, il emporte l'adhésion du lecteur.
Cette pièce de théâtre, que son auteur aurait pu tout aussi bien intituler "la fable de la jeune femme, du philosophe et de l'homme d'affaires", est d'une écriture assez littéraire.
D'aventures ? point. D'événements ? fort peu. le drame surgit, se noue, se débat et se dénoue uniquement dans le coeur et le cerveau des personnages modernes et bien-vivants sous la plume du philosophe.
C'est un hymne, aujourd'hui un peu désuet, à la moralité et à la supériorité de l'amour et de la liberté face au pouvoir de l'argent.
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Chez Denise Chantrel. Cabinet de travail assez en désordre.
Denise est à son bureau en train d'écrire - sentimentale et sensuelle par nature, intellectuelle par éducation, elle subit tour à tour l'influence de deux hommes : charnelle et brusque de la part de Robert, morale et progressive de la part de Pascal. C'est en elle que se joue le drame de la double passion. Elle est jolie, très simplement vêtue au premier acte, très élégante ensuite .
Pascal entre ...Il est le type du professeur philosophe. Mais sans l'ombre de pédanterie. Vêtements foncés, corrects. Aucune recherche d'élégance. Tout l'intérêt concentré sur le visage. Le reste du corps doit être dissimulé autant que possible. Dans certaines scènes par des jeux d'éclairage, projeter toute la lumière sur le masque, le regard. Pascal est un mystique et un scrupuleux. Un peu plus de quarante ans, grisonnant, porte des lunettes qu'il ôte et qu'il remet.
(lever de rideau de la pièce extraite de "La petite Illustration" n° 261 parue en août 1930)