Il y a bien des raisons de lire Michel Serres : la richesse des territoires explorés (et les passes et autres détroits qui les séparent et les relient), l’étendue de sa culture philosophique (nous lui devons, via le remarquable « Corpus des oeuvres de philosophie en langue française », la redécouverte de pans entiers de notre histoire intellectuelle qu’une mode germanocentrée avait tenue en lisière), son sens des grands textes (Balzac, Zola, Bloy ou Hergé), son attention toujours en éveil, son admiration pour l’homme, la merveille dont parlait Sophocle dans Antigone. Qui l’a lu et le connaît, ne serait-ce qu’un peu, a pu vérifier la qualité de son « humanisme », un mot qu’il faut prendre avec des pincettes tant l’usage l’a appauvri, mais qui en l’occurrence mérite d’être pris à la lettre : une « bienveillance » certaine à l’endroit des hommes.
Le Contrat naturel n’est pas un livre d’écologie. S’il anticipe sur des thèmes désormais à la mode, pour le meilleur et pour le pire – inquiétude réelle ou propagande électorale –, il se situe en amont des discours souvent peu informés qui, parlant d’environnement ou de niches écologiques, mettent en garde contre les coups que leur porte l’homme technicien depuis au moins deux siècles. Car la question ne se dit déjà plus en ces termes, et doit être posée à nouveaux frais.
Hermès ou la Communication est contemporain du livre qui classa Michel Serres parmi les plus grands leibnitiens, d’abord parce que l’analyse est à la hauteur de l’oeuvre ; et que celle-ci a fourni, dans les modèles mathématiques d’un Système qui ne s’occupe guère que de communication (dans l’être et le connaître), des outils propres à repérer puis à comprendre, les phénomènes nouveaux qui bouleversent nos savoirs et notre monde.
S’il fallait caractériser l’oeuvre de Michel Serres, je dirais que, plus que toute autre contemporaine, elle a patiemment construit la philosophie qui convient à notre temps.
Quand une chose est du côté du pouvoir, elle est mal partie.
Etienne Klein est physicien et philosophe. Il signe dans le "Cahier de l'Herne", consacré à André Comte-Sponville, un texte sur le temps et notre rapport à l'ennui, qui a toujours "une mauvaise réputation", mais qui peut aussi avoir des ressources, être un facteur créatif. le scientifique revient sur les définitions du vide et du néant, deux concepts bien différents qui intéressent les physiciens. Nous ne sommes pas égaux face à l'ennui, face au vide.
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