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Alain-Marie Bassy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070374045
576 pages
Gallimard (21/09/1982)
3.65/5   40 notes
Résumé :
La Fontaine attachait autant d'importance à ses Contes et Nouvelles qu'à ses Fables. Inspirés du Décaméron, de l'Arioste, de Machiavel autant que de Rabelais et du fonds gaulois, ils sont tous un hommage à l'amour physique, au jeune désir, au fruit défendu, le seul qui compte, au plaisir dérobé mais toujours pardonné. Bacheliers et nonnains, galantes commères et maris trompés y composent une humanité de gaillardise et de ruse évoquée avec un cynisme souriant qui fai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
La Fontaine ou l'érection en verve du vers,

Véritable poil à gratter du Grand Siècle, Jean de la Fontaine ne s'est pas seulement rendu coupable des Fables, bestiaire critique des puissants de son temps, le fabuliste du XVIIe siècle s'est aussi risqué à faire paraitre des contes cocasses et libertins !

Dans la filiation du Décaméron de Boccace, de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, de Rabelais ou même des fabliaux du Moyen-Âge, ces contes et nouvelles en vers sont un renseignement précieux sur les moeurs pernicieuses de ses contemporains. Par exemple, l'un des plus connu, “Comment l'esprit vient aux filles” est une véritable torpille pour la chasteté du clergé… qui ne le lui pardonnera d'ailleurs jamais, La Fontaine sera contraint par son confesseur, sur son lit de mort, de renier ses écrits “je conviens que c'est un livre abominable” écrira-t-il.

Parce qu'il est beaucoup lu à la cour, La Fontaine aiguise la jalousie de ses pairs, et quel meilleur prétexte que l'immoralisme de ces nouvelles poétiques pour son concurrent Nicolas Boileau (qui bout…pardon) “je ne puis estimer ces dangereux auteurs (…) trahissant la vertu sur un papier coupable, aux yeux de leurs lecteurs rendent le vice aimable”.

Il est assez frappant de voir comme la jouissance des uns ne se fait qu'au dépend des autres. Tantôt les hommes à l'image du Prince ou du curé bernent la figure consacrée de la jeune ingénue, tantôt l'épouse rusée leurre son mari cocu. Est-ce que cela est lié au corset social et moral de l'époque ? On peut le supposer et conclure que c'est surtout les moeurs du siècle que dupent finalement les personnages de ces nouvelles licencieuses…

Qu'en pensez-vous ?
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- La Fontaine conteur ? Qu'est-ce que vous me chantez là, c'est une fable!
- Non, non, je vous assure, La Fontaine est fabuliste ET conteur.
- A d'autres. Les contes, au XVIIème siècle, c'est "Le Petit chaperon rouge" ou "La Belle et la Bête", les conteurs ce sont Perrault et Mme le prince de Beaumont, ou Mme d'Aunoy, mais La Fontaine, allons donc !
- Je vois mon ami que vous êtes loin du compte. Laissez-moi vous dire (ne m'en veuillez pas), qu'en matière de conteur, vous êtes un bleu. Pour reprendre les choses depuis le début, il faut savoir que le conte, avant d'être un genre littéraire, est d'abord un objet littéraire comme la nouvelle ou le roman. Vous comprenez, conte, nouvelle, roman, c'est une question de format, en somme. Ensuite, il y a le sujet évoqué : les auteurs que vous me citez, comme deux siècles plus tard les frères Grimm et Andersen, et comme au XXème siècle Marcel Aymé ou Pierre Gripari, ont écrit, plus ou moins à destination d'un jeune public, des histoires où domine le merveilleux. C'est aussi le cas avec les contes orientaux comme ceux des Mille et une nuits. Mais c'est loin d'être le cas de tous les contes : certains sont carrément fantastiques, voire horrifiques, certains sont du domaine de la science-fiction, les contes populaires qui viennent du fin fond de nos campagnes touchent un peu à tous les genres...
- Oui mais La Fontaine dans tout ça ?
- J'y viens. La Fontaine écrit des contes libertins.
- Libertins, vous voulez dire... cochons ?
- Je n'irai pas jusque là, je dirais plutôt coquins, grivois, lestes...
- Erotiques, quoi.
- Oui, si l'on veut, mais avec beaucoup d'esprit. Voyez-vous, la cour de Louis XIV est très prude, très pudibonde ( et ça s'aggravera avec Mme de Maintenon), tout l'art De La Fontaine est d'évoquer la sexualité (puisqu'il faut l'appeler par son nom) avec suffisamment de précautions pour ne pas choquer, et de sous-entendus pour faire sourire les... euh... initiés...
- Je n'aurais pas cru que La Fontaine fût... comme ça.
- Attention, La Fontaine était un bon vivant, mais il ne fait que reprendre une vieille tradition... gauloise, dirons-nous, qui remonte à Rabelais. Il s'est inspiré à la fois du Décaméron de Boccace et des conteurs français du XVIème siècle comme Bonaventure des Périers. Tout son génie a été de traduire cette gaillardise de façon subtile, il ne dit pas, il évoque, il ne décrit pas, il suggère, et tout en parlant à demi-mot, il fait naître la connivence, et donc le sourire.
- Mais, on peut encore lire ce genre de choses à notre époque ?
- Certes oui, je dirais même, il faut le lire : la liberté de ton De La Fontaine reste très posée, très loin de la vulgarité qui préside à ce genre de choses de nos jours. Et la place des femmes n'est pas plus mise à mal que dans les autres productions de l'époque, souvent même, elles ont le dernier mot !
- Et donc...
- Donc, si vous m'en croyez, dans ces histoires-là, ne vous en laissez pas conter... Ou alors que ce soit par La Fontaine !


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Ces récits sont plus longs que les fables, on voit d'autres méthodes de construction du récit. J'aime bien ce ton "souriant", galant. le commentateur le compare au Décaméron, je trouve qu'il donne davantage une impression de recherche.
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Oeuvres d'un grand talent qui suscita polémiques et reconnaissances.

Pages à feuilleter avec curiosité...
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Je trouve que certains de ces contes rappellent le style de ses lettres écrites en 1663 à sa femme lors de son exil volontaire dans le Limousin (la traversée de l'actuelle région Poitou-Charentes n'est pas reluisante...). Un style leste, gaillard et parfois paillard pour jeter un regard sur le monde de son époque... Plus toujours très faciles à comprendre (là, l'appareil critique et les notes peuvent être utiles), mais un tableau du 17e siècle sous un jour différent de ce qu'on lit dans les livres d'histoire...

Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
“Je dois trop au beau sexe; il me fait trop d'honneur
De lire ces récits; si tant est qu'il les lise.
Pourquoi non? c'est assez qu'il condamne en son cœur
Celles qui font quelque sottise.
Ne peut-il pas sans qu'il le dise,
Rire sous cape de ces tours,
Quelque aventure qu'il y trouve ?”
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COMMENT L’ESPRIT VIENT AUX FILLES


Il est un jeu divertissant sur tous,
Jeu dont l’ardeur souvent se renouvelle ;
Ce qui m’en plaît, c’est que tant de cervelle
N’y fait besoin et ne sert que deux clous.
Or, devinez comment ce jeu s’appelle.

Vous y jouez, comme aussi faisons-nous ;
Il divertit et la laide et la belle ;
Soit jour, soit nuit, à toute heure il est doux,
Car on y voit assez clair sans chandelle,
Or, devinez comment ce jeu s’appelle.

Le beau du jeu n’est connu de l’époux :
C’est chez l’amant que ce plaisir excelle,
De regardants, pour y juger des coups,
Il n’en faut point ; jamais on n’y querelle.
Or, devinez comment ce jeu s’appelle.

Qu’importe-y-il ? Sans s’arrêter au nom,
Ni badiner là-dessus davantage,
Je vais encor vous en dire un usage :
Il fait venir l’esprit et la raison.
Nous le voyons en mainte bestiole.

Avant que Lise allât en cette école,
Lise n’était qu’un misérable oison ;
Coudre et filer, c’était son exercice,
Non pas le sien, mais celui de ses doigts ;
Car que l’esprit eût part à cet office,
Ne le croyez : il n’était nuls emplois
Où Lise pût avoir l’âme occupée ;
Lise songeait autant que sa poupée.
Cent fois le jour, sa mère lui disait :
« Va-t’en chercher de l’esprit, malheureuse ! »
La pauvre fille aussitôt s’en allait
Chez les voisins, affligée et honteuse,
Leur demandant où se vendait l’esprit.
On en riait ; à la fin on lui dit :
« Allez trouver père Bonaventure,
Car il en a bonne provision. »
Incontinent la jeune créature
S’en va le soir, non sans confusion :
Elle craignait que ce ne fût dommage
De détourner ainsi tel personnage.



« Me voudrait-il faire de tels présents,
A moi qui n’ai que quatorze ou quinze ans ?
Vaux-je cela ? » disait en soi la belle.
Son innocence augmentait ses appas :
Amour n’avait à son croc de pucelle
Dont il crût faire un aussi bon repas.

« Mon révérend, dit-elle au béat homme,
Je viens vous voir ; des personnes m’ont dit
Qu’en ce couvent on vendait de l’esprit ;
Votre plaisir serait-il qu’à crédit
J’en pusse avoir ? non pas pour une grosse somme :
A gros achat mon trésor ne suffit.
Je reviendrai, s’il m’en faut davantage ;
Et cependant, prenez ceci pour gage. »
A ce discours, je ne sais quel anneau,
Qu’elle tirait de son doigt avec peine,
Ne venant point, le père dit : »Tout beau !
Nous pourvoirons à ce qui vous amène,
Sans exiger nul salaire de vous ;
Il est marchande et marchande, entre nous :
A l’une on vend ce qu’à l’autre l’on donne.
Entrez ici, suivez-moi hardiment ;
Nul ne nous voit, aucun ne nous entend :
Tous sont au chœur ; le portier est personne
Entièrement à ma dévotion,
Et ces murs ont de la discrétion. »
Elle le suit ; ils vont à sa cellule.
Mon Révérend la jette sur un lit,
Veut la baiser. La pauvrette recule
Un peu la tête ; et l’innocente dit :
« Quoi ! c’est ainsi qu’on donne de l’esprit ?
- Eh vraiment oui », repart Sa Révérence ;
Puis il lui met la main sur le téton.
« Encore ainsi ? – Vraiment oui ; comment donc ? »
La belle prend le tout en patience.
Il suit sa pointe, et d’encor en encor
Toujours l’esprit s’insinue et avance,
Tant et si bien qu’il arrive à bon port.
Lise riait du succès de la chose.
Bonaventure à six moments de là
Donne d’esprit une seconde dose.
Ce ne fut tout, une autre succéda ;
La charité du beau père était grande.
« Eh bien ! dit-il, que vous semble du jeu ?
- A nous venir l’esprit tarde bien peu »,
Reprit la belle. Et puis elle demande :
« Mais s’il s’en va ? – S’il s’en va, nous verrons ;
D’autres secrets se mettent en usage.
- N’en cherchez point, dit Lise, davantage ;
De celui-ci nous nous contenterons.
- Soit fait, dit-il, nous recommencerons,
Au pis aller, tant et tant qu’il suffise. »
Le pis aller sembla le mieux à Lise.
Le secret même encor se répéta
Par le pater : il aimait cette danse.
Lise lui fait une humble révérence,
Et s’en retourne en songeant à cela.

Lise songer ! Quoi ? déjà Lise songe !
Elle fait plus : elle cherche un mensonge,
Se doutant bien qu’on lui demanderait,
Sans y manquer, d’où ce retard venait.
Deux jours après, sa compagne Nanette
S’en vient la voir : pendant leur entretien
Lise rêvait ; Nanette comprit bien,
Comme elle était clairvoyante et finette,
Que Lise alors ne rêvait pas pour rien.
Elle fait tant, tourne tant son amie,
Que celle-ci lui déclare le tout :
L’autre n’était à l’ouïr endormie.
Sans rien cacher, Lise, de bout en bout,
De point en point, lui compte le mystère,
Dimensions de l’esprit du beau père,
Et les encore, enfin tout le péché.
« Mais vous, dit-elle, apprenez-nous de grâce
Quand et par qui l’esprit vous fut donné. »
Anne reprit : « Puisqu’il faut que je fasse
Un libre aveu, c’est votre frère Alain
Qui m’a donné de l’esprit un matin.
- Mon frère Alain ? Alain ! s’écria Lise,
Alain mon frère ! ah ! j’en suis bien surprise :
Il n’en a point, comme en donnerait-il ?
- Sotte, dit l’autre, hélas ! tu n’en sais guère :
Apprends de moi que pour pareille affaire
Il n’est besoin que l’on soit si subtil.
Ne me crois-tu ? Sache–le de ta mère :
Elle est experte au fait dont il s’agit ;
Si tu ne veux, demande au voisinage ;
Sur ce point-là l’on t’aura bientôt dit ; :
« Vivent les sots pour donner de l’esprit ».
Lise s’en tint à ce seul témoignage,
Et ne crut pas devoir parler de rien.

Vous voyez donc que je disais fort bien
Quand je disais que ce jeu-là rend sage.


(Contes et nouvelles – 1669 – 1674)
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Je voudrais, pour parler de la Fontaine, faire comme lui, quand il allait à l'Académie, « prendre le plus long. » Ce chemin-là lui a toujours plus agréé que les autres. Volontiers il citerait Platon et remonterait au déluge pour expliquer les faits et les gestes d'une belette et, si l'on juge par l'issue, bien des gens trouvent qu'il n'avait pas tort. Laissez-nous prendre comme lui le chemin des écoliers et des philosophes, raisonner à son endroit comme il faisait à l'endroit de ses bêtes, alléguer l'histoire et le reste. C'est le plus long si vous voulez : au demeurant, c'est peut-être le plus court.
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Il est un jeu divertissant sur tous,
Jeu dont l'ardeur souvent se renouvelle :
Ce qui m'en plaît, c'est que tant de cervelle
N'y fait besoin, et ne sert de deux clous.
Or devinez comment ce jeu s'appelle.

Vous y jouez; comme aussi faisons-nous :
Il divertit et la laide et la belle :
Soit jour, soit nuit, à toute heure il est doux;
Car on y voit assez clair sans chandelle.
Or devinez comment ce jeu s'appelle.
[...]

Comment l'esprit vient aux filles
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« Jadis régnait en Lombardie
Un prince aussi beau que le jour
Et tel que des beautés qui régnaient à sa cour
La moitié lui portait envie,
L'autre moitié brûlait pour lui d'amour. »
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Vidéo de Jean de La Fontaine
Jean de LA FONTAINE – Le poète enchanteur (FUOP, 2008) Un conférence de Patrick Dandrey, prononcée le 8 janvier 2008, au Forum Universitaire de l'Ouest Parisien.
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