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Jean Lafond (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070367283
320 pages
Gallimard (14/04/1976)
3.98/5   285 notes
Résumé :
Les Maximes de La Rochefoucauld (1633-1680) sont un chef d'oeuvre de la littérature française. Chaque maxime, lapidaire, est un modèle de style, de perfection dans l'expression. Et quelle perspicacité, quelle finesse d'analyse du comportement humain, dans le mensonge et la fausse vertu, l'amour et l'amitié, dans le jeu de dupes de la société ou dans la description des passions !

Ces Maximes résument à elles seules le "Grand Siècle", celui de littérat... >Voir plus
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Les Maximes, omnes miskīn,

Durant des siècles, les mortels n'avaient pour seule consolation existentielle que les Saintes Ecritures, et ne pouvaient déchiffrer l'âme humaine qu'à partir des exégèses et des paraboles sacrées, parfois déjà fragmentaires, comme sous la plume de Pascal dont les “Pensées” ne sont brèves que faute d'avoir été proprement rédigées du vivant de l'auteur.

Puis sont arrivés les “moralistes” de Vauvenargues à Chamfort au XVIIIe siècle, puis de Schopenhauer à Nietzsche au XIXe, et même plus proche de nous Cioran, mais le premier et le plus emblématique d'entre eux est sans conteste La Rochefoucauld, qui fait paraitre ses Maximes en 1664.

C'est avec ces pensées, maximes ou aphorismes, que l'aristocrate français du XVIIe siècle nous offre une alternative plus incarnée et sans folklore pour nos introspections laïques.

Il n'est pas très aisé bien sûr de résumer un ouvrage sans thème (ou cent thèmes…), en effet les traits les plus divers de nos personnalités, de nos rapports humains sont abordés, déshabillés, démasqués en seulement quelques caractères (comme dirait La Bruyère…), autant dire que François de la Rochefoucauld aurait fait fureur aujourd'hui avec ses “tweets”, tantôt drôles ou acerbes, et d'une limpidité et d'un péremptoire vertigineux.

Nous sommes loin des conseils des vieux sages comme Marc-Aurèle ou Confucius, il n'est plus question d'aider et de dicter une conduite, mais d'observer l'humain dans tous ses travers, de le décrire, de le dépeindre, de le juger, le critiquer. La Rochefoucauld traque toutes les hypocrisies du Grand Siècle, mais ce n'est pas gratuit car c'est bien notre faculté de jugement critique qui peut nous permettre à partir de ces Maximes, de corriger ou d'accepter notre sort et nos tares et de comprendre nos semblables.
Ce qui impressionne le plus c'est d'avoir pu ainsi croquer l'humain, ce que des années de psychanalyse aujourd'hui font accoucher, en quelques mots, magistralement agencés, dans une suite implacable, irréfragable…

Bon mais en fait pas toujours non plus! Par exemple, “Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses deviennent ordinairement incapables des grandes” est-ce qu'on pourrait pas en tirer l'inverse conséquence ? C'est en s'occupant des petites choses avec le plus d'attention qu'on se prépare à s'occuper des grandes ? Et quand bien même François avait raison, ceux qui sont obsédés de la virgule dans un e-mail n'ont pas la “big picture” comme on dit dans la langue managériale, on a envie de dire tant mieux parce que c'est pas ce qu'on leur demande… Y a des grands manitous pour ça !

“Peu de maximes sont vraies à tous égards” écrivait Vauvenargues, jugé plus stoïcien que La Rochefoucauld (les deux hommes publient leurs maximes à moins de trente cinq ans tout de même…). Une maxime est aussi un parti pris, mais ce serait un exercice amusant ça, faire des contre-maximesDe La Rochefoucauld, allez qui commence ?

Qu'en pensez-vous ?
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J'ai eu envie de picorer dans les Maximes de la Rochefoucauld après avoir rencontré ce dernier dans les lettres de Mme de Sévigné.

Ben il faut confesser que ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. Ma lecture au premier degré a été assez plombante. Ces maximes ne sont pas de mini leçons de morales. Ce sont des analyses de comportement qui, pour l'essentiel, ramène toute action ou inaction à l'amour-propre. Quoi qu'on fasse (ou pas) c'est avant tout pour le plaisir personnel que l'on va en ressentir. le désenchantement m'a pris surtout dans les cas où l'on réalise un acte altruiste, où l'on ressent un sentiment d'amour. Selon ces maximes, ce n'est pas « pour l'autre » mais pour sentir ce plaisir « d'avoir bien fait ». Bref, même l'abbé Pierre et Gandhi étaient au final de fieffés égoïstes.
Exemple : « Il n'y a point de passion où l'amour de soi-même règne que dans l'amour ; et on est toujours plus disposé à sacrifier le repos de ce qu'on aime qu'à perdre le sien. »
Un autre : « Ce qu'on nomme libéralité n'est le plus souvent que la vanité de donner, que nous aimons mieux que ce que nous donnons. »
Prenez ça pour acquis, et vous n'avez plus qu'à désespérer du genre humain, prendre un pistolet et deux balles si vous êtes maladroit.

Mais ensuite, la lecture de la préface de Jacques Truchet (dans l'édition GF Flammarion) et l'entrée sur l'auteur dans l'encyclopédie Larousse permettent d'alléger un peu cette première impression. On note en effet qu'il n'y a pas vraiment de cohérence d'ensemble dans les maximes. Certaines se contredisent. Il faut plus y voir un jeu de style pour le style, un amusement partagé avec des amis (Mme de Sablé, Jacques Esprit, Mme de Sévigné, Mme de Lafayette). Il ne faut pas non plus induire des maximes la personnalité De La Rochefoucauld. C'est un peu court pour cela.

J'ai finalement plus apprécié les textes autour des « événements de ce siècle » qui nous montre tout le parti pris d'un noble parfois révolté devant l'absolutisme royal, et les portrait de quelques « grands » comme Mme de Montespan ou le cardinal de Richelieu (qu'il détestait visiblement).

Si vous décidez de vous lancer, voici un petit conseil : lisez comme vous buvez, avec modération.
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Oeuvre incontournable de la littérature du siècle de Louis XIV, les "Maximes" De La Rochefoucauld ont connu six éditions (de 1665 à 1693, la dernière posthume).

Elle exprime, en effet, à la perfection ce qu'il est convenu d'appeler le style "classique" fait de la recherche du mot juste, de la pensée claire et de la concision. À l'opposé d'un certain romantisme, souvent verbeux et redondant, l'auteur classique vise à l'essentiel, rejetant tout élément qu'il juge superflu, toute digression. Est-il besoin de dire que la chose est d'autant plus vraie dans le genre particulier de la maxime qui, par définition, cherche à exprimer une vérité morale de la façon la plus succincte qui soit? Et dans ce domaine-là, La Rochefoucauld excelle! Les quelque 500 maximes qui composent son recueil montrent à quel point l'auteur maîtrise son sujet: en deux ou trois lignes, généralement, parfois même en une seule, il assène au lecteur sa vision de l'homme. (Qu'on le compare avec d'autres écrivains de maximes, Vauvenargues par exemple au siècle suivant, et l'on verra la différence!) L'épigraphe de son livre en est un parfait exemple: " Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés." Sa phrase est tout en nerfs et en muscles - pas une once de graisse.

Sur le plan philosophique, La Rochefoucauld, comme ses contemporains Racine et Pascal, a une conception particulièrement sombre de la nature humaine; ses écrits sont une illustration de la doctrine janséniste qui avait alors une grande influence sur les esprits: l'homme, sans la grâce divine, est un être déchu, enfermé dans son égoïsme et son amour-propre, incapable de vérité et d'empathie pour autrui; il ne pense qu'à lui, même s'il feint le contraire. Certains diront qu'il est terriblement pessimiste, d'autres loueront sa lucidité sans concession... À chacun de voir!

En tout cas, c'est une oeuvre qui, je pense, ne peut laisser indifférent.
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La quatrième de couverture pose finalement la question "Pessimisme ou lucidité ?" à propos de l'oeuvre de François de la Rochefoucauld. Il me semble à moi que, par ironie, c'est un peu le penchant de chaque lecteur qui va fournir la réponse à cette question.
L'auteur, en effet, reste assez en retrait et ne tranche pas définitivement chaque chose, chaque trait humain comme bon ou mauvais, méchant ou agréable, aimable ou détestable... Et c'est notre perception qui fera pencher la balance !
Pour ma part, en lisant les portraits et les réflexions qui font suite aux maximes, je me suis dirigé vers une vision lucide de l'humanité plus que vers le pessimisme que dégage les sentences.
On a déjà souligné assez ici, et ailleurs, la qualité classique de celles-ci. J'y souscris pleinement, on sent une immense acuité dans les pensées De La Rochefoucauld, une grande connaissance de l'Homme (ce qui inclut la femme !), de ses défauts, de ses qualités aussi et de sa façon de penser.
Bien sûr, il faut mâtiner tout cela de contexte historique, et si le XVIIeme siècle n'est pas le XXIeme siècle, on ne peut s'empêcher de penser à certaines personnalités en parcourant ce traité éminemment politique pour qui lit entre les lignes !
Des lignes qu'il faut lire, relire, méditer, remâcher, faire sienne et accepter (ou rejeter !). Une lecture de toujours.
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Lire les "Maximes" de la Rochefoucauld d'une traite révèlerait le portrait de leur auteur (selon Roland Barthes dans ses "Nouveaux essais critiques"), un aristocrate plein de désillusions, profondément atteint par ses mauvais choix politiques. Mais j'y ai aussi vu la peinture d'une noblesse de cour hypocrite, narcissique et cupide, gouvernée par l'amour-propre et l'intérêt… autant dire très proche de nos gros et gras capitalistes actuels. On peut aussi lire certaines de ces maximes consacrées au don et à la pitié, en pensant, par exemple, à la troupe des Enfoirés qui, chaque année, se donnent bonne conscience en chantant des airs formatés au nom de la très sainte charité !
La Rochefoucauld dévoile donc les fausses apparences d'un monde qui voudrait croire à la bonté des hommes. Il inspira grandement la pensée d'un autre grand démystificateur, Friedrich Nietzsche, qui montrera à son tour que derrière l'image de la vertu se cache souvent le plus grand des vices.
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Citations et extraits (214) Voir plus Ajouter une citation
Les vieillards aiment à donner de bons préceptes pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples.
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De la conversation
Ce qui fait que si peu de personnes sont agréables dans la conversation, c'est que chacun songe plus à ce qu'il veut dire qu'à ce que les autres disent. Il faut écouter ceux qui parlent, si on en veut être écouté; il faut leur laisser la liberté de se faire entendre, et même de dire des choses inutiles. Au lieu de les contredire ou de les interrompre, comme on fait souvent, on doit, au contraire, entrer dans leur esprit et dans leur goût, montrer qu'on les entend, leur parler de ce qui les touche, louer ce qu'ils disent autant qu'il mérite d'être loué, et faire voir que c'est plus par choix qu'on le loue que par complaisance. Il faut éviter de contester sur des choses indifférentes, faire rarement des questions inutiles, ne laisser jamais croire qu'on prétend avoir plus de raison que les autres, et céder aisément l'avantage de décider.

On doit dire des choses naturelles, faciles et plus ou moins sérieuses, selon l'humeur et l'inclinaison des personnes que l'on entretient, ne les presser pas d'approuver ce qu'on dit, ni même d'y répondre. Quand on a satisfait de cette sorte aux devoirs de la politesse, on peut dire ses sentiments, sans prévention et sans opiniâtreté, en faisant paraître qu'on cherche à les appuyer de l'avis de ceux qui écoutent.

Il faut éviter de parler longtemps de soi-même, et de se donner souvent pour exemple. On ne saurait avoir trop d'application à connaître la pente et la portée de ceux à qui on parle, pour se joindre à l'esprit de celui qui en a le plus, et pour ajouter ses pensées aux siennes, en lui faisant croire, autant qu'il est possible, que c'est de lui qu'on les prend. Il y a de l'habileté à n'épuiser pas les sujets qu'on traite, et à laisser toujours aux autres quelque chose à penser et à dire.

On ne doit jamais parler avec des airs d'autorité, ni se servir de paroles et de termes plus grands que les choses. On peut conserver ses opinions, si elles sont raisonnables; mais en les conservant, il ne faut jamais blesser les sentiments des autres, ni paraître choqué de ce qu'ils ont dit. Il est dangereux de vouloir être toujours le maître de la conversation, et de parler trop souvent d'une même chose; on doit entrer indifféremment sur tous les sujets agréables qui se présentent, et ne faire jamais voir qu'on veut entraîner la conversation sur ce qu'on a envie de dire.

Il est nécessaire d'observer que toute sorte de conversation, quelque honnête et quelque spirituelle qu'elle soit, n'est pas également propre à toute sorte d'honnêtes gens: il faut choisir ce qui convient à chacun, et choisir même le temps de le dire; mais s'il y a beaucoup d'art à parler, il n'y en a pas moins à se taire. Il y a un silence éloquent: il sert quelquefois à approuver et à condamner; il y a un silence moqueur; il y a un silence respectueux; il y a des airs, des tours et des manières qui font souvent ce qu'il y a d'agréable ou de désagréable, de délicat ou de choquant dans la conversation. Le secret de s'en bien servir est donné à peu de personnes; ceux mêmes qui en font des règles s'y méprennent quelquefois; la plus sûre, à mon avis, c'est de n'en point avoir qu'on ne puisse changer, de laisser plutôt voir des négligences dans ce qu'on dit que de l'affectation, d'écouter, de ne parler guère, et de ne se forcer jamais à parler.

586 - [p. 137]
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Comme c'est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits au contraire ont le don de beaucoup parler, et de ne rien dire.
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Si on examine la nature des maladies, on trouvera qu’elles tirent leur origine des passions et des peines de l’esprit...
L’ambition a produit les fièvres aiguës et frénétiques ; l’envie a produit la jaunisse et l’insomnie ; c’est de la paresse que viennent les léthargies, les paralysies et les langueurs ; la colère a fait les étouffements, les ébullitions de sang, et les inflammations de poitrine ; la peur a fait les battements de cœur et les syncopes ; la vanité a fait les folies ; l’avarice, la teigne et la gale ; la tristesse a fait le scorbut ; la cruauté, la pierre ; la calomnie et les faux rapports ont répandu la rougeole, la petite vérole, et le pourpre, et on doit à la jalousie la gangrène, la peste, et la rage.
("De l'origine des maladies")
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Portrait de La Rochefoucauld par lui-même
…J’aime la lecture en général ; celle où il se trouve quelque chose qui peut façonner l'esprit et fortifier l'âme est celle que j'aime le plus. Surtout, j'ai une extrême satisfaction à lire avec une personne d'esprit ; car de cette sorte on réfléchit à tous moments sur ce qu'on lit, et des réflexions que l'on fait il se forme une conversation la plus agréable du monde, et la plus utile. Je juge assez bien des ouvrages de vers et de prose que l'on me montre ; mais j'en dis peut-être mon sentiment avec un peu trop de liberté. Ce qu'il y a encore de mal en moi, c'est que j'ai quelquefois une délicatesse trop scrupuleuse, et une critique trop sévère. Je ne hais pas à entendre disputer, et souvent aussi je me mêle assez volontiers dans la dispute : mais je soutiens d'ordinaire mon opinion avec trop de chaleur et lorsqu'on défend un parti injuste contre moi, quelquefois, à force de me passionner pour celui de la raison, je deviens moi-même fort peu raisonnable. J'ai les sentiments vertueux, les inclinations belles, et une si forte envie d'être tout à fait honnête homme que mes amis ne me sauraient faire un plus grand plaisir que de m'avertir sincèrement de mes défauts. Ceux qui me connaissent un peu particulièrement et qui ont eu la bonté de me donner quelquefois des avis là-dessus savent que je les ai toujours reçus avec toute la joie imaginable, et toute la soumission d'esprit que l'on saurait désirer. J'ai toutes les passions assez douces et assez réglées : on ne m'a presque jamais vu en colère et je n'ai jamais eu de haine pour personne. ….
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