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EAN : 9782020353069
192 pages
Seuil (14/10/1998)
3.72/5   71 notes
Résumé :
Grandeur et décadence de la Katamalanasie, immense pays d'Afrique noire soumis à la plus sanglante, mais aussi la plus absurde des dictatures. Les morts n'y meurent jamais tout à fait, juste retour des choses puisque les vivants n'ont guère le droit d'y vivre. Si le constat de Sony Labou Tansi, pour drôle et réjouissant qu'il soit, peut paraître pessimiste, c'est qu'il décrit, au-delà du continent africain, le monde du prochain siècle : "Au fond, la terre n'est plus... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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"La Vie et demie", est le premier roman de l' écrivain congolais, Sony Labou Tansi . Ce dernier nous rappelle un autre grand auteur africain pourfendeur du colonialisme et
l'après-colonialisme : Ahmadou Kourouma ".La Vie et demie" fut publié en 1979.
le récit a pour cadre spatial "La Katamalanasie", un pays imaginaire situé quelque part en Afrique.
Sur ce dernier règne un tyran sanguinaire affublé du titre honorifique, le Guide-Providentiel. Ce dernier a un opposant, Martial. le tyran décide de l'éliminer mais Martial ne meurt pas mais se régénère dans le corps de sa fille , Chaidana .
Une satire politique féroce . le roman est court mais sa lecture est laborieuse .
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L'inventivité langagière révolutionnaire et déjantée de Sony Labou Tansi, dès 1979.

Publié en 1979, le premier roman du Congolais Sony LABOU TANSI, qui se révélera également un prolifique dramaturge, est souvent considéré, à raison, comme une étape-clé de la réinvention de la littérature africaine contemporaine, aux côtés du "Soleil des indépendances" d'Ahmadou Kourouma, paru onze ans plus tôt dans une relative indifférence.

Cette chronique féroce, très imagée, fantastique, dans laquelle sang, sexe, magie et folles embardées épiques rivalisent à plaisir, dresse le portrait d'un pays imaginaire, la Katamalanasie, dont les Guides Providentiels successifs, au fil des décennies, assurent la dictature pas du tout éclairée, avec le soutien permanent quoique parfois contrasté de la "grande puissance étrangère qui fournit les Guides".

Régal polyphonique, démonstration exceptionnelle d'inventivité langagière, réhabilitation d'une langue orale savoureuse, rejet de tous les tabous sans verser dans aucune complaisance, ce roman réussit tous les "tests poétiques de Bakhtine" pour mettre en scène toute la force d'une littérature redoutable, affranchie des genres et des étiquettes, puisant aussi bien, à loisir, dans le conte traditionnel, dans la récupération de propagande ou dans la pure science-fiction, pour un final authentiquement post-apocalyptique...

On peut sans doute parler de chef d'oeuvre, sans trop exagérer, tout en regrettant de devoir se contenter de 190 pages...

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Dans un tandem de personnages, de situations, et de genres, La vie et demie raconte la vie d'une Afrique juste après les indépendances et avant la venue de la démocratie, une Afrique des révolutions et des coup d'état, une Afrique où une seule volonté tient les rennes du pouvoir. Avec une imagination débordante, l'auteur nous emmène dans le pays imaginaire de Katamalaisie où des guides providentiels vont se succéder, chacun apportant sa forme de dictature, et à côté l'auteur se sert du fantastique pour faire régner une espèce de révolution silencieuse qui semble en même temps interminable . Car comment lutter contre un mort, et le mort, c'est Martial. Un opposant au pouvoir du premier guide, il a été cruellement torturé et tué...mais son esprit n'a pas arrêté de revenir hanter le pays...surtout la tranquillité de tout guide providentiel...
Une écriture assez particulière, difficilement accessible où se mêlent à la fois du fantastique, de l'absurde, de l'épouvante, de l'horreur, de l'humour caustique...pour 190 pages, on croirait en avoir parcouru un pavé...
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Sony Labou Tansi, auteur congolais, nous offre une oeuvre dont la lecture ne peut être facile : les mots évoquent des images terrifiantes où sexualité, sang et crimes se mêlent dans une recherche polyphonique des voix (qui n'est pas sans rappeler ce cher Bakhtine). Les associations de mots a priori inconciliables donnent à lieu à une chronique sans faux-semblants. La figure de Martial qui, après son assassinat, revient hanter les Guides Providentiels marque le rapport de force qui existe entre dictature et opposants. La richesse de la vie et demie tient bien à cela : poésie de la mort, du viol, de la souffrance où le surnaturel et les métaphores forment le socle de cette oeuvre puissante.
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Au lendemain de l'indépendance de la Katamalanasie, vaste pays d'Afrique Noire, le "guide providentiel", chef du nouvel Etat instaure une dictature ubuesque. Il se heurte à une opposition commandée par Martial. Il décide d'en venir à bout de sa propre main. En vain. Egorgé, revolvérisé, sabré, Martial continue à parler. Il "ne veut pas mourir cette mort" . Réduit en pâté, mangé par les membres de sa famille, il vit toujours, il ne cessera pas de vivre et de tourmenter le Guide - et ses successeurs, tout au long de cette histoire qui s'étale sur plusieurs générations. Sa fille Chaïdana, âgée de quinze ans, s'associera à la résistance paternelle d'une manière qui n'aura pas toujours l'agrément de l'intransigeant zombi : par exemple, quand, installée à l'hôtel la vie et demie, elle se prostitue à tous les dignitaires du régime, pour les liquider l'un après l'autre...
Mais ce n'est là que le début d'aventures extraordinaires qui, sous la forme d'annales burlesques de régimes dictatoriaux successifs, composent une fable "hénaurme ", à la fois satire féroce, récit de science-fiction, livre de sagesse, le tout transfigurant une réalité historique.
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Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Les routes allaient dans trois directions, toutes : les femmes, les vins, l'argent. Il fallait être très con pour chercher ailleurs. Ne pas faire comme tout le monde, c'est la preuve qu'on est crétin "... Tu verras : les trucs ne sont pas nombreux pour faire de toi un homme riche, respecté, craint. Car, en fait, dans le système où nous sommes, si on n'est pas craint, on n'est rien. Et dans tout ça, le plus simple, c'est le pognon. Le pognon vient de là-haut. Tu n'as qu'à bien ouvrir les mains. D'abord tu te fabriques des marchés : médicaments, constructions, équipements, missions. Un ministre est formé - tu dois savoir cette règle du jeu - , un ministre est formé de vingt pour cent des dépenses de son ministère. Si tu as de la poigne, tu peux fatiguer le chiffre à trente, voire quarante pour cent. Comme tu es à la Santé, commence par le petit coup de la peinture. Tu choisis une couleur heureuse, tu sors un décret : la peinture blanche pour tous les locaux sanitaires. Tu y verses des millions. Tu mets ta main entre les millions et la peinture pour retenir les vingt pour cent.
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C'était l'année où Chaïdana avait eu quinze ans. Mais le temps. Le temps est par terre. Le ciel, la terre, les choses, tout. Complètement par terre. C'était au temps où la terre était encore ronde, où la mer était la mer - ou la forêt... Non ! la forêt ne compte pas, maintenant que le ciment armé habite les cervelles. La ville... mais laissez la ville tranquille.
- Voici l'homme, dit le lieutenant qui les avait conduits jusqu'à la Chambre Verte du Guide Providentiel.
Il avait salué et allait se retirer. Le Guide Providentiel lui ordonna d'attendre un instant. Le soldat s'immobilisa comme un poteau de viande kaki. La Chambre Verte n'était qu'une sorte de poche de la spacieuse salle des repas. S'approchant des neuf loques humaines que le lieutenant avait poussées devant lui en criant son amer "voici l'homme", le Guide Providentiel eut un sourire très simple avant de venir enfoncer le couteau de table qui lui servait à déchirer un gros morceau de la viande vendue aux Quatre Saisons, le plus grand magasin de la capitale, d'ailleurs réservé au gouvernement. La loque-père sourcillait tandis que le fer disparaissait lentement dans sa gorge.
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Moi qui vous parle de l’absurdité de l’absurde, moi qui inaugure l’absurdité du désespoir — d’où voulez-vous que je parle sinon du dehors ? A une époque où l’homme est plus que jamais résolu à tuer la vie, comment voulez-vous que je parle sinon en chair-mots-de-passe ? J’ose renvoyer le monde entier à l’espoir, et comme l’espoir peut provoquer des sautes de viande, j’ai cruellement choisi de paraître comme une seconde version de l’humain — pas la dernière bien entendu — pas la meilleure — simplement la différente. Des amis m’ont dit : « Je ne saurai jamais pourquoi j’écris. » Moi par contre je sais : j’écris pour qu’il fasse peur en moi. Et, comme dit Ionesco, je n’enseigne pas, j’invente. J’invente un poste de peur en ce vaste monde qui fout le camp.

Avertissement
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Monsieur l’Abbé pensa au quartier Vatican dont les
bars avaient plus de fidèles que l’église du Seigneur. Plus de monde que ses
messes. Ça se comprenait : on avait demandé l’indépendance avec les prières —
c’étaient les seules prières des Noirs que Dieu avait écoutées. On avait tué des
bêtes, donné des filles aux couvents et des garçons aux séminaires. Mais ce
premier cadeau qu’on recevait de Dieu avait déçu — Honorable ceci, Honorable
cela, Excellence ceci, Excellence cela —, l’indépendance avait vraiment déçu, et
avec elle, Dieu qui l’avait envoyée. On s’était donc fait recruter par la bière, les
vins, les danses, le tabac, l’amour pissé comme on crache, les boissons obscures,
les sectes, la palabre — tout ce qui pouvait empêcher d’être la mauvaise
conscience des Excellences. Ici devint le pays des corps et des sangs. On avait
laissé le Seigneur aux racontars et souvent on lui prêtait les yeux et le menton du
R.P. Wang, on lui prêtait ses manières, sa cupidité et son égoïsme. Le proverbe
disait que si le Révérend Père vous donne une aubergine, c’est qu’il va vous
prendre votre jardin. A l’heure de la mort, on appelait Monsieur l’Abbé pour
l’extrême-onction ; jamais le Révérend Père qu’on accusait d’envoyer l’esprit du
mort au pays de sa mère. On appelait Monsieur l’Abbé pour arrêter un revenant.
Il était venu pour feu Bakashio, pour feue Kayes, pour feue Nambro, pour feu
Dashimo qui revenait chercher sa femme et ses poulets, pour feu Dashimo qui
criait (et tout le village entendait) qu’il avait soif et qu’il faisait horriblement noir
de l’autre côté. Monsieur l’Abbé viendrait pour d’autres, si le Seigneur...
Le collège Emmanuelano Dipanzo était construit entre le village bantou et
celui des Pygmées intégrés. C’était un grand rêve de verre, de béton et de néon.
A côté de lui, l’hôpital Sir Amaou, une autre folie de verre et de néon. Le drame
était qu’aucun Pygmée n’était resté ni au collège, ni à l’hôpital, ni au camp
d’attractions qu’on avait dû donner aux fonctionnaires de la localité ; l’hôpital,
les Bantous et les semi-Bantous y seraient venus si les médicaments ne
manquaient pas, si le bruit ne courait pas que le Quinoforme qu’on y donnait
toujours affaiblissait le sexe chez l’homme et rendait les femmes frigides ou
simplement stériles, si le garçon de salle, cousin de Sir Amanazavou qu’on y
avait envoyé avec la mention de docteur, ne plaçait pas le fémur au cou et
l’omoplate au ventre, si les quatre-vingt-treize infirmières n’étaient pas de
simples meubles aux séjours répétés des hautes personnalités, et qui donnaient la
Nivaquine pour soigner les plaies — les malades préféraient les injures du R.P.
Wang qui vendait très cher ses soins au dispensaire Darmellia. Sir Amanazavou
continuait à se battre. Un camp de repos était en construction, à côté d’un musée
d’art pygmée et d’un institut de pygmologie. Si les finances nationales ne
souffraient pas d’innombrables prélèvements, Sir Amanazavou, le ministre de
l’Habitat, aurait fait construire une capitale ethnique à Darmellia. On avait bien
construit la capitale économique, la capitale minière, la capitale du parti (au
village natal du guide Henri-au-Cœur-Tendre), la capitale bananière, la capitale
de la bière, la capitale du ballon rond... Mais les prélèvements dont souffraient
les finances nationales venaient des quatre coins du gouvernement. La dernière
fois que Sir Amanazavou était venu à Darmellia, il avait été bousculé par la
beauté de Chaïdana. Il avait envoyé un message.
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Ils se laissèrent dériver pendant huit jours et huit nuits avant de quitter la pirogue et de se lancer dans une périlleuse guerre contre le vert. Là le monde était encore vierge, et face à l'homme, la virginité de la nature restera la même impitoyable source de questions, le même creux de plénitude, dans la même bagarre, où tout vous montre, doigt invisible, la solitude de l'homme dans l'infini des inconscients, et ce désespoir si grand qu'on finit par l'appeler le néant et qui fait de l'homme un simple pondeur de philosophies. La première privation à laquelle ils devaient se soumettre était le feu, le premier apprentissage lié à cette nouvelle existence était le cru à la place du cuit. Ils dormaient l'un blotti contre l'autre. Le sac d'identités que le vieillard avait destiné à Chaïdana Layisho lui faisait porter le nom d'Aleyo Oshabanti, celui de Martial Layisho donnait à son propriétaire le nom de Paraiso Argeganti Pacha. La bagarre contre le vert durait déjà depuis deux ans. Deux ans et de grosses poussières. Ils arrivèrent dans la zone de la forêt où il pleut éternellement. Le bruit des gouttes des pluie sur les feuilles a quelque chose d'affolant. Il fatigue les nerfs. Martial Layisho et Chaïdana se bouchaient les oreilles, mais le monde du silence était aussi affolant que celui du tac tac des gouttes d'eau sur les feuilles.
– La folie nous guette, disait souvent Chaïdana.
– La folie nous guette, répondait Martial. On a un si fort besoin des autres. Il y a des moments où j'ai envie de montrer mes papiers à ces feuilles, à ces lianes, à ces champignons. On a besoin des autres : de n'importe quels autres.
Ils essayaient parfois d'écouter la chorale des bêtes sauvages, la symphonie sans fond de mille insectes, ils essayaient d'écouter les odeurs de la forêt comme on écoute une belle musique. Mais ils s'apercevaient que l'existence ne devient existence que lorsqu'il y avait présence en forme de complicité. Les choses leur étaient absolument extérieures et c'étaient eux et seulement eux qui essayaient tous les pas vers elles. Ils avaient soif du vieillard aux blessures, ils avaient soif de Layisho et de Chaïdana, ils avaient soif des miliciens et de leurs emmerdements, ils avaient besoin de l'enfer des autres pour compléter leur propre enfer. Les quarts ou les tiers d'enfer, c'est plus méchant que le néant. Le nature ne nous connaît pas – elle ne nous connaît pas. Tout se passe dedans, les autres, c'est notre dedans extérieur, les autres, c'est la prolongation de notre intérieur.
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Vidéo de Sony Labou Tansi
Extrait de «Je, soussigné cardiaque», de Sony Labou Tansi (Congo)
Metteure en scène : Catherine Boskowitz. Lu par Marcel Mankita, Eddie Chignara, Mireille Roussel, François Raffenaud, Gustave Akakpo, Bertrand Amiel (artiste bruiteur).
Extrait issus des lectures RFI «Ça va, ça va, le Monde !», du 16 au 21 juillet, de 11h30 à 12h30, dans le jardin du gymnase du lycée Saint-Joseph à Avignon. Un cycle de lecture coordonné par Pascal Paradou, dirigé par Catherine Boskowitz, avec le soutien de la SACD.
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