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Jacques-Alain Miller (Éditeur scientifique)
EAN : 9782020638869
432 pages
Seuil (09/06/2004)
4.42/5   12 notes
Résumé :

"L'angoisse ne semble pas être ce qui vous étouffe, j'entends comme psychanalystes. Et pourtant, ce n'est pas trop dire que ça devrait." Jacques Lacan insiste à plusieurs reprises sur le fait que l'angoisse n'est pas sans objet. Le travail analytique consiste sur ce point à faire surgir cet objet. "Le séminaire. Livre X", consacré à l'angoisse, s'est tenu en 1962-1963. C'est parmi les "Séminaires" de Lacan l'un... >Voir plus
Que lire après Le séminaire, livre X : L'angoisseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
le Séminaire de Jacques Lacan présente un intérêt majeur pour ceux qui s'intéressent à la genèse d'une pensée qui aura fortement marqué la seconde moitié du siècle dernier.
À cet égard, l'élaboration théorique de la notion d'angoisse qu'il produit au cours de l'année 1962-1963 (Livre X) me paraît exemplaire. Lacan y achoppe sur ce qui peut apparaître comme un renversement, dans la mesure où il aboutit à une formulation qui prend le contre-pied de celle de Freud. Pour ce dernier, en effet, l'angoisse était objektlos "sans objet", tandis que le premier va affirmer «… qu'elle n'est pas sans objet.» (p.185) Lacan lui-même souligne à plusieurs reprises que, sur ce point, il se retrouve en porte-à-faux par rapport à son illustre précurseur alors même qu'il ne cesse de placer son enseignement sous le signe d'un retour à Freud. L'issue de ce paradoxe apparent est particulièrement instructive. En effet, pour en sortir, Lacan se tourne vers la littérature : en l'occurrence, lors de la séance du 6 mars 1963, vers "Frayeurs" de Tchekhov, petit texte «qui, précise-t-il, n'est même pas une petite nouvelle» (p.186).
On peut s'étonner, alors que Freud est quasi toujours présenté comme le "père de la psychanalyse", que sa corollaire, la mère, ne soit jamais évoquée comme telle. Il me semble pourtant que le geste de Lacan allant quérir une réponse chez un écrivain la désigne d'une éclatante façon : la mère de la psychanalyse est la littérature ; décisif recours du fils spirituel lorsque le père paraît en défaut…
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
D'autre part, si l'année dernière à propos de cette petite
surface topologique à laquelle j'ai fait une si grande part,
certains ont pu voir se suggérer à leur esprit certaines
formes de reploiement des feuillets embryologiques, voire des couches du cortex,
personne…
à propos de la disposition à la fois bilatérale et
nouée d'intercommunication orientée de ce graphe
…personne n'a jamais évoqué à ce propos, le plexus solaire.
Bien sûr je ne prétends pas la vous en livrer les secrets,
mais cette curieuse petite homologie n'est peut-être pas si
externe qu'on le croit et méritait d'être rappelée au début
d'un discours sur l'angoisse.
L'angoisse, je dirai…
jusqu'à un certain point la réflexion par laquelle
j'ai introduit mon discours tout à l'heure, celle qui
a été faite par un de mes proches, je veux dire dans
notre Société
…l'angoisse ne semble pas être ce qui vous étouffe,
j'entends, comme psychanalystes.
Et pourtant, ce n'est pas trop dire que ça devrait…
dans, si je puis dire, la logique des choses, c'est-à-dire
de la relation que vous avez avec votre patient.
Après tout, sentir ce que le sujet peut en supporter de l'angoisse,
c'est ce qui vous met à l'épreuve à tout instant.
Il faut donc supposer qu'au moins pour ceux d'entre vous
qui sont formés à la technique, la chose a fini par passer,
dans votre régulation, la moins aperçue il faut bien le dire.
Il n'est pas exclu - et Dieu merci - que l'analyste,
pour peu qu'il y soit déjà disposé…
je veux dire par de très bonnes
dispositions à être un analyste
…que l'analyste entrant dans sa pratique ressente de ses
premières relations avec le malade sur le divan quelque angoisse.
Encore convient-il de toucher à ce propos la question
de la communication de l'angoisse.
Cette angoisse…
que vous savez, semble-t-il, si bien régler
en vous – tamponner - qu'elle vous guide
…est-ce la même que celle du patient ?
Pourquoi pas ?
7
C'est une question que je laisse ouverte pour l'instant,
peut-être pas pour très longtemps, mais qui vaut la peine
d'être ouverte dès l'origine, si toutefois il faut recourir
à nos articulations essentielles pour pouvoir y donner une
réponse valable, donc attendre un moment au moins, dans les
distances, dans les détours que je vais vous proposer
et qui ne sont pas absolument hors de toute prévision
pour ceux qui sont mes auditeurs.
Car si vous vous en souvenez, déjà à propos justement d'une
autre série de journées dites « provinciales » qui étaient loin
de m'avoir donné autant de satisfaction, à propos desquelles
dans une sorte d'inclusion, de parenthèse, d'anticipation,
dans mon discours de l'année dernière, j'ai cru devoir vous
avertir et projeter à l'avance une formule vous indiquant
le rapport de l'angoisse essentiel au désir de l'Autre.
Pour ceux qui n'étaient pas là, je rappelle la fable,
l'apologie, l'image amusante, que j'avais cru devoir
en dresser devant vous pour un instant :
moi-même revêtant le masque animal dont se couvre
« le sorcier de la grotte Des Trois Frères », je m'étais imaginé devant vous,
en face d'un autre animal…
d'un vrai celui-là, et supposé géant pour l'occasion
…celui de la mante religieuse.
Et aussi bien, comme le masque que moi je portais,
je ne savais pas lequel c'était, vous imaginez facilement
que j'avais quelques raisons de n'être pas rassuré,
pour le cas où, par hasard, ce masque n'aurait pas été
impropre à entraîner ma partenaire dans quelque erreur sur
mon identité, la chose étant bien soulignée par ceci que
j'y avais ajouté que dans ce miroir énigmatique du globe
oculaire de l'insecte je ne voyais pas ma propre image.
8
Cette métaphore garde aujourd'hui toute sa valeur,
et c'est elle qui justifie qu'au centre des signifiants
que j'ai posés sur ce tableau, vous voyez la question que
j'ai depuis longtemps introduite comme étant la charnière
des deux étages du graphe pour autant qu'ils structurent
ce rapport du sujet au signifiant, qui sur la subjectivité
me paraît devoir être la clé de ce qu'introduit
dans la doctrine freudienne le « Che vuoi ? », « Que veux-tu ? ».
Poussez un petit peu plus le fonctionnement, l'entrée
de la clé, vous avez « Que me veut-il ? » avec l'ambiguïté que
le français permet sur le « me », entre le complément
indirect ou direct.
Non pas seulement : « que veut-il à moi ? », mais quelque chose
de suspendu qui concerne directement le moi qui n'est pas :
« comment me veut-il ? » mais :
- qui est « que veut-il concernant cette place du moi »,
- qui est quelque chose en suspens, entre les deux étages,
S ◊ a → d et m → i(a), les deux points de retour
- qui dans chacun désignent l'effet caractéristique et
la distance…
si essentielle à construire au principe de tout
ce dans quoi nous allons nous avancer maintenant
…distance qui rend à la fois homologue et si distinct
le rapport du désir et l'identification narcissique.

C'est dans le jeu de la dialectique, qui noue si
étroitement ces deux étages, que nous allons voir
s'introduire la fonction de l'angoisse, non pas qu'elle en
soit elle-même le ressort, mais qu'elle soit par les moments de
son apparition ce qui nous permet de nous y orienter.
9
Ainsi donc au moment où j'ai posé la question de votre
rapport d'analyste à l'angoisse, question qui justement
laisse en suspens celle-ci : qui ménagez-vous ?
L'Autre, sans doute, mais aussi bien vous-même et ces deux
ménagements pour se recouvrir ne doivent pas être laissés
confondus. C'est même la une des visées qui à la fin de ce
discours vous seront proposées.
Pour l'instant, j'introduis cette indication de méthode
que ce que nous allons avoir à tirer d'enseignement
de cette recherche sur l'angoisse, c'est à voir
en quel point privilégié elle émerge.
C'est à modeler sur une horographie2
de l'angoisse
qui nous conduit directement sur un relief qui est celui
des rapports de terme à terme que constitue cette tentative
structurale plus que condensée dont j'ai cru devoir faire
pour vous le guide de notre discours.
Si vous savez donc vous arranger avec l'angoisse,
cela nous fera déjà avancer que d'essayer de voir comment.
Et aussi bien, moi-même, je ne saurais l'introduire
sans l'arranger de quelque façon…
et c'est peut-être la un écueil :
il ne faut pas que je l'arrange trop vite
…cela ne veut pas dire non plus que d'aucune façon,
par quelque jeu psychodramatique, mon but doive être
de vous jeter dans l'angoisse avec le jeu de mots
que j'ai déjà fait sur ce « je » du « jeter ».
Chacun sait que cette projection du « je » dans une
introduction à l'angoisse est depuis quelque temps
l'ambition d'une philosophie dite existentialiste pour la nommer.
Les références ne manquent pas, depuis KIERKEGAARD :
Gabriel MARCEL, CHOSTOV, BERDIAEV et quelques autres, tous
n'ont pas la même place ni ne sont pas aussi utilisables.
Mais au début de ce discours, je tiens à dire qu'il me
semble que dans cette philosophie…
pour autant que de son patron - nommé le premier –
à ceux dont j'ai pu avancer le nom, incontestablement
se marque quelque dégradation ,
…il me semble la voir, cette philosophie,
marquée, dirais-je, de quelque hâte d'elle-même méconnue,
marquée, dirais-je, de quelque désarroi par rapport
à une référence qui est celle à quoi, à la même époque,
le mouvement de la pensée se confine : la référence à l'histoire.
C'est d'un désarroi…
au sens étymologique du terme3
…par rapport à cette référence, que naît et se précipite
la réflexion existentialiste.
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De s'être laissé prendre en route à sa propre image,
à l'image spéculaire. C'est cela le piège.
Mais essayons d'aller plus loin, car nous sommes là encore
au niveau du symptôme.
Concernant le sujet, quel terme amener ici dans
la troisième colonne ?
Si nous poussons plus loin l'interrogation du sens du mot
« inhibition » : inhibition, empêchement, le troisième terme que je
vous propose…
toujours dans le sens de vous ramener au plancher
du vécu, au sérieux dérisoire de la question
…je vous propose le beau terme d'« embarras ».
Il nous sera d'autant plus précieux qu'aujourd'hui
l'étymologie me comble ! Manifestement le vent souffle
sur moi, si vous vous apercevez :
- qu'« embarras » c'est très exactement le sujet S revêtu
de la barre,
- que l'étymologie imbaricare fait à proprement parler
l'allusion la plus directe à la barre comme telle
- et qu'aussi bien c'est la l'image de ce que l'on
appelle le vécu le plus direct de l'« embarras ».
Quand vous ne savez plus que faire de vous,
que vous ne trouvez pas derrière quoi vous remparder,
c'est bien de l'expérience de la barre qu'il s'agit.
Et aussi bien cette barre peut prendre plus d'une forme :
de curieuses références qu'on trouve, si je suis bien
informé, dans de nombreux patois où l'embarrassé,
l'embarazada…
il n'y a pas d'espagnol ici
…tant pis car on m'affirme que l'embarazada - sans recourir
au patois - veut dire la femme enceinte en espagnol. Ce qui
est une autre forme bien significative de la barre à sa place.
Et voila pour la dimension de la difficulté.
17
Elle aboutit à cette sorte de forme légère de l'angoisse
qui s'appelle l'embarras.
Dans l'autre dimension, celle du mouvement, quels sont les
termes que nous allons voir se dessiner en descendant vers
le symptôme ? C'est l'émotion d’abord.
L'émotion…
vous me pardonnerez de continuer à me fier à une
étymologie qui m'a été jusqu'à maintenant si propice
…l'émotion, de fait, étymologiquement, se réfère au mouvement.
À ceci près que nous donnerons le petit coup de pouce
en y mettant le sens goldsteinien8
de « jeter hors », « ex »,
de la ligne du mouvement, le mouvement qui se désagrège,
de la réaction qu'on appelle « catastrophique ».
C'est utile que je vous indique à quelle place il faut
le mettre, car après tout, il y en a eu d'aucuns pour nous
dire que l'angoisse c'était ça « la réaction catastrophique ».
Je crois que bien sûr, ce n'est pas sans rapport.
Qu'est-ce qui ne serait pas en rapport avec l'angoisse ?
Ιl s'agit justement de savoir où c'est vraiment l'angoisse.
Le fait par exemple qu'on ait pu…
et qu'on le fasse d'ailleurs sans scrupules
…se servir de la même référence à « la réaction catastrophique »
pour désigner la crise hystérique en tant que telle,
ou encore la colère dans d'autres cas, prouve tout de même
assez que ça ne saurait suffire à distinguer, à épingler,
à pointer où est l'angoisse.
Faisons le pas suivant.
Nous restons toujours à même distance respectueuse - à deux
crans près - de l'angoisse.
Mais y a-t-il dans la dimension du mouvement quelque chose
qui plus précisément réponde, à l'étage de l'angoisse ?
Je vais l'appeler par son nom que je réserve depuis
longtemps, dans votre intérêt, comme friandise.
Peut-être y ai-je fait une allusion fugitive, mais seules
des oreilles particulièrement préhensives ont pu le retenir :
c'est le mot « émoi ».

8 Kurt Goldstein (1878-1965), psychiatre et neurologue, fut directeur de l'hôpital des blessés du cerveau à Francfort-sur-le-Main, puis
professeur à l'Université de Berlin. Kurt Goldstein, La structure de l'organisme, trad. de l'allemand par E. Burckhardt et Jean Kuntz.
Préface de Pierre Fédida Paris, Gallimard, Collection Tel (N°78), 1983.
18
Ici l'étymologie me favorise d'une façon littéralement
fabuleuse. Elle me comble !
C'est pourquoi je n'hésiterai pas, quand je vous aurai dit
d'abord tout ce qu'elle m'apporte à moi, à en abuser encore.
En tout les cas, allons-y.
Le sentiment linguistique, comme s'expriment messieurs
BLOCH et Von WARTBURG à l'article desquels je vous indique
expressément de vous référer…
je m'excuse si cela fait double emploi avec ce que
je vais vous dire maintenant, d'autant plus double emploi
que ce que je vais vous dire en est la citation
textuelle, je prends mon bien où je le trouve,
n'en déplaise à quiconque
…messieurs BLOCH et Von WARTBURG disent donc
que le sentiment linguistique a rapproché ce terme
du mot juste : du mot « émouvoir ».
Or détrompez-vous, il n'en est rien.
L'« émoi » n'a rien à faire avec l'émotion pour qui
d'ailleurs sait s'en servir.
En tout cas, apprenez - j'irai vite - que le terme
« esmayer », qu'avant lui « esmais » et même à proprement
parler « esmoi »…
« esmais », si vous voulez le savoir
est déjà attesté au treizième siècle
…n'ont connu… pour m'exprimer avec les auteurs :
n'ont triomphé qu'au seizième.
Qu'« esmayer » a le sens de troubler, effrayer, et aussi se troubler.
Qu'« esmayer » est effectivement encore usité dans les patois
et nous conduit au latin populaire « exmagare »,
qui veut dire faire perdre son pouvoir, sa force.
Ceci, ce latin populaire, est lié à une greffe d'une racine
germanique occidentale qui, reconstituée, donne « magan »
et qu'on n'a d'ailleurs pas besoin de reconstituer
puisqu'en haut allemand et en gothique, elle existe sous
cette même forme et que…
pour peu que vous soyez germanophones
…vous pouvez rapporter au « mögen » allemand et au « may »
anglais.
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c'est pour vous dire que si c'est la que vous la cherchiez,
vous verriez vite que si jamais elle a été là, l'oiseau
s'est envolé. Elle n'est pas à chercher au milieu.
13
Inhibition, symptôme, angoisse, tel est le titre, le slogan sous lequel,
à des analystes, apparaît, reste marqué, le dernier terme
de ce que FREUD7
a articulé sur ce sujet.
Je ne vais pas aujourd'hui entrer dans le texte
d'Inhibition, symptôme, angoisse pour la raison que…
comme vous le voyez depuis le début
…je suis décidé aujourd'hui à travailler « sans filet »,
et qu'il n'y a pas de sujet où le filet du discours freudien
soit plus près de nous donner une sécurité fausse en somme.
Car justement, quand nous entrerons dans ce texte,
vous verrez ce qui est à voir à propos de l'angoisse :
qu'il n'y a pas de filet, parce que, s'agissant de
l'angoisse, chaque maille, si je puis dire, n'a de sens
qu'à – justement - laisser le vide dans lequel
il y a l'angoisse.
Dans le discours, Dieu merci, d'Inhibition, symptôme, angoisse,
on parle de tout sauf de l'angoisse.
Est-ce à dire qu'on ne puisse pas en parler ?
Travailler sans filet évoque le funambule.
Je ne prends comme corde que le titre :
Inhibition,
symptôme,
angoisse.
Ιl saute - si je puis dire - à l'entendement que ces trois
termes ne sont pas du même niveau.
Ça fait hétéroclite et c'est pour ça que je les ai écrits
ainsi sur trois lignes et décalés.
Pour que ça marche…
pour qu'on puisse les entendre comme une série
…il faut vraiment les voir comme je les ai mis là, en
diagonale, ce qui implique qu'il faut remplir les blancs.
Je ne vais pas m'attarder à vous démontrer, ce qui saute
aux yeux, la différence entre la structure de ces trois
termes qui n'ont chacun…
si nous voulons les situer
…absolument pas les mêmes termes comme contexte, comme entourage.

7 S. Freud, (1926, G.W XIV), Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, PUF, Collection Quadrige : Grands textes, 2005.
14
L'inhibition, c'est quelque chose qui est…
au sens le plus large de ce terme
…dans la dimension du mouvement et d'ailleurs FREUD…
je n'entrerai pas dans le texte
…tout de même vous vous en souvenez assez pour voir qu'il
ne put pas faire autrement que de parler de la locomotion
au moment où il introduit ce terme.
Plus largement, ce mouvement auquel je me réfère,
le mouvement existe dans toute fonction, ne fût-elle pas
locomotrice…
il existe au moins métaphoriquement
…et dans l'inhibition, c'est de l'arrêt du mouvement qu'il s'agit.
« Arrêt » : est-ce à dire que c'est seulement cela
qu'« inhibition » est fait pour nous suggérer ?
Facilement, vous objecteriez aussi « freinage ».
Et pourquoi pas ? Je vous l'accorde !
Je ne vois pas pourquoi nous ne mettrions pas…
dans une matrice qui doit nous permettre
de distinguer les dimensions dont il s'agit
dans une notion à nous si familière
…nous ne mettrions pas :
- sur une ligne la notion de difficulté,
- et dans un autre axe de coordonnées,
celle que j'ai appelée du mouvement.
C'est même cela qui va nous permettre de voir plus clair
car c'est cela aussi qui va nous permettre de redescendre
au sol, au sol de ce qui n'est pas voilé par le mot savant,
par la notion, voire le concept avec qui l'on s'arrange toujours.
Pourquoi est-ce qu'on ne se sert pas du mot « empêcher » ?
C'est tout de même bien de ça qu'il s'agit.
Nos sujets sont inhibés quand ils nous parlent de leur
inhibition et quand nous en parlons dans des congrès
scientifiques, et chaque jour, ils sont empêchés.
15
Être empêché c'est un symptôme, et inhibé c'est un symptôme mis
au musée. Et si on regarde ce que ça veut dire « être empêché »…
sachez-le bien ceci n'implique nulle superstition du
côté de l'étymologie, je m'en sers quand elle me sert
…tout de même « impedicare » ça veut dire être pris au piège.
Et ça, c'est une notion extrêmement précieuse, car cela
implique le rapport d'une dimension à quelque chose d'autre
qui vient y interférer et qui empêche…
ce qui nous intéresse, ce qui nous rapproche
de ce que nous cherchons, à savoir ce qui se passe
sous la forme, sous le nom, d'angoisse
…non pas la fonction, terme de référence, non pas le
mouvement (rendu difficile), mais le sujet.
Si je mets ici « Empêchement », vous le voyez, je suis dans
la colonne du symptôme. Et tout de suite je vous indique
ce sur quoi nous serons bien sûr amenés à en articuler
beaucoup plus, c'est à savoir que le piège c'est la capture narcissique.
Je pense que vous n'en êtes plus tout à fait aux éléments
concernant la capture narcissique, je veux dire que vous
vous souvenez de ce que j'ai la-dessus articulé au dernier
terme, à savoir de la limite - très précise - qu'elle
introduit quant à ce qui peut s'investir dans l'objet.
Et que le résidu, la cassure, c’est de ce qu’il n'arrive pas
à s'investir, à être proprement ce qui donne son support,
son matériel, à l'articulation signifiante qu'on va appeler…
sur l'autre plan, symbolique …la castration.
L'empêchement survenu est lié à ce cercle qui fait que du
même mouvement dont le sujet s'avance vers la jouissance,
c'est-à-dire vers ce qui est le plus loin de lui,
il rencontre cette cassure intime toute proche.
De quoi ?
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Le cheval de la pensée, dirais-je…
pour emprunter au petit Hans l'objet de sa phobie
…le cheval de la pensée qui s'imagine, un temps, être celui
qui traîne le coche de l'histoire, tout d'un coup se cabre,
devient fou, choit et se livre à ce grand Krawallmachen,
pour nous référer encore au petit Hans qui donne une de ces
images à sa crainte chérie.
C'est bien ce que j'appelle là, le mouvement de hâte,
au mauvais sens du terme, celui du désarroi.
Et c'est bien pour cela que c'est loin d'être ce qui nous
intéresse le plus dans la lignée - la lignée de pensée -
que nous avons épinglée à l'instant, avec tout le monde
d'ailleurs, du terme d'existentialisme.
Aussi bien peut-on remarquer que le dernier venu…
et non des moins grands : Monsieur SARTRE
…s'emploie tout expressément - ce cheval - à le remettre,
non seulement sur ses pieds, mais dans les brancards de l'histoire.
C'est précisément en fonction de cela que Monsieur SARTRE4
s'est beaucoup occupé, beaucoup interrogé sur la fonction du sérieux.
Ιl y a aussi quelqu'un que je n'ai pas mis dans la série,
et puisque j'aborde, simplement, en y touchant à l'entrée,
ce fond de tableau…
les philosophes qui nous observent - sur le point où
nous en venons - [s’interrogent] : les analystes seront-ils
à la hauteur de ce que nous faisons de l'angoisse ?
…il y a HEIDEGGER5
.
Ιl est bien sûr qu'avec l'emploi - que j'ai fait tout à
l'heure - de calembour du mot « jeter », c'est bien de lui,
de sa déréliction originelle que j'étais le plus près.

3 Désarroi : Étymol. et Hist. Av. 1475 désaroy « désordre » (CHASTELLAIN, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, II, 370, 27); av. 1558 au
fig. « trouble, incertitude »). Déverbal (cf. arroi) de desarreier), déverbal de desreer « dérouter, égarer, mettre en désordre » (ibid.), issu par
substitution de suff. de conreer, v. corroyer.
4 Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Gallimard, Coll. Folio, 1976.
5 Martin Heidegger, Être et temps, Gallimard, 1986. Être et temps, trad. Emmanuel Martineau, hors commerce.
11
« L'être pour la mort », pour l'appeler par son nom, qui est la
voie d'accès par où HEIDEGGER, dans son discours rompu,
nous mène à son interrogation présente et énigmatique sur
l'être de l'étant, je crois, ne passe pas vraiment par l'angoisse.
La référence vécue de la question heideggerienne,
il l'a nommée :
- elle est fondamentale,
- elle est du « tout »,
- elle est de « l'on »,
- elle est de l'omnitude du quotidien humain,
- elle est « le souci ».
Bien sûr, à ce titre elle ne saurait…
pas plus que « le souci » lui-même
…nous être étrangère.
Et puisque j'ai appelé ici deux témoins, SARTRE et HEIDEGGER,
je ne me priverai pas d'en appeler un troisième,
pour autant que je ne le crois pas indigne de représenter
ceux qui sont ici, en train aussi d'observer ce qu'il va
dire, et c'est moi-même :
je veux dire qu'après tout, aux témoignages que j'en ai eus
dans, encore, les heures toutes récentes, de ce que
j'appellerai l'attente…
il n'y a pas que la nôtre
dont je parle en cette occasion
…donc assurément, j'ai eu ces témoignages d’attente.
Mais qu'il me soit arrivé hier soir un travail…
dont j'avais demandé à quelqu'un d'entre vous6
d'avoir
le texte, voire de m'orienter à propos d'une question
que lui-même m'avait posée, travail que je lui avais
dit attendre avant de commencer ici mon discours
…le fait qu'il m'ait été ainsi apporté en quelque sorte
à temps, même si je n'ai pas pu depuis en prendre connaissance…
comme après-tout aussi je viens ici
répondre à temps à votre attente
…est-ce là un mouvement de nature en soi-même à susciter l'angoisse ?
Sans avoir interrogé celui dont il s'agit, je ne le crois
pas quant à moi.

6 André Green : Sur la pensée sauvage.
12
Ma foi, je peux répondre, devant cette attente, pourtant
bien faite pour faire peser sur moi le poids de quelque
chose, que ce n'est pas là…
je crois pouvoir le dire par expérience
…la dimension qui en elle-même fait surgir l'angoisse.
Je dirai même : au contraire, et que cette dernière
référence…
si proche, qu'elle peut vous apparaître problématique
…j'ai tenu à la faire pour vous indiquer comment j'entends
vous mettre…
à ce qui est ma question depuis le début
…à quelle distance la mettre pour vous en parler…
sans la mettre tout de suite dans l'armoire,
sans non plus la laisser à l'état flou
…à quelle distance mettre cette angoisse ?
Eh bien, mon Dieu :
à la distance qui est la bonne, je veux dire celle
qui ne nous met en aucun cas trop près de personne,
à – justement - cette distance familière que je vous
évoquais en prenant ces dernières références:
- celle à mon interlocuteur qui m'apporte
in extremis mon papier
- et celle à moi-même qui dois ici me risquer
à mon discours sur l'angoisse.
Nous allons essayer, cette angoisse, de la prendre sous le bras.
Ça ne sera pas plus indiscret pour cela.
Ça nous laissera vraiment à la distance opaque, croyez-moi,
qui nous sépare de ceux qui nous sont les plus proches.
Alors, entre ce « souci » et ce « sérieux », cette attente,
est-ce que vous allez croire que c'est ainsi que j'ai voulu
la cerner, la coincer ? Eh bien, détrompez-vous.
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Car cette pseudo-infinitude ne tient qu'à une chose…
qu'heureusement une certaine partie de la théorie du signifiant,
qui n'est rien d'autre que celle du nombre entier, nous permet d'imager
…cette fausse infinitude est liée à cette sorte de métonymie
que - concernant la définition du nombre entier –
on appelle la récurrence.
C'est la loi tout simplement, que nous avons, je le crois,
puissamment accentuée l'année dernière à propos du Un répétitif.
Mais ce que nous démontre notre expérience…
et je vous l'articulerai dans les divers champs
qui lui sont proposés, nommément, et distinctement :
le névrosé, le pervers, voire le psychotique
…c'est que ce Un auquel se réduit en dernière analyse
la succession des éléments signifiants, le fait qu'ils
soient distincts et qu'ils se succèdent n'épuise pas
la fonction de l'Autre.
Et c'est ce que j'exprime ici…
à partir de cet Autre originaire comme lieu du signifiant,
de cet S encore non existant qui a à s’y situer
comme déterminé par le signifiant
…sous la forme de ces deux colonnes qui sont celles
sous lesquelles, vous le savez, on peut écrire l'opération
de la division.
Par rapport à cet Autre, dépendant de cet Autre,
le sujet s'inscrit comme un quotient, il est marqué
du trait unaire du signifiant dans le champ de l'Autre.
Eh bien, c'est pas pour autant, si je puis dire,
qu'il mette l'Autre en rondelles :
il y a un reste, au sens de la division, un résidu.
Ce reste, cet autre dernier, cet irrationnel, cette preuve
et seule garantie en fin de compte de l'altérité de l'Autre,
c'est le petit(a).
40
Et c'est pourquoi les deux termes, S et (a)…
le sujet comme marqué de la barre du signifiant,
le petit(a) objet - comme résidu - de la mise en condition,
si je puis m'exprimer ainsi - de l'Autre
…sont du même côté - tous les deux - objectif de la barre,
tous les deux du coté de l’Autre.
Le fantasme, appui de mon désir, est dans sa totalité
du côté de l'Autre, S et (a).
Ce qui est de mon coté maintenant, c'est justement ce qui
me constitue comme inconscient, à savoir A, l'Autre
en tant que je ne l'atteins pas.
Vais-je ici vous mener plus loin?
Non, car le temps me manque.
Et pour ne pas vous quitter sur un point aussi fermé
quant à la suite de la dialectique qui va s'y insérer…
et qui, vous le verrez, nécessite que le prochain pas
que j'ai à vous expliquer, c'est ce que j'engage
dans l'affaire, à savoir dans la subsistance du fantasme
…j'imagerai le sens de ce que j'ai à produire d'un rappel
à une expérience, qui je pense vous sera…
dans - mon Dieu - ce qui vous intéresse le plus,
ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est FREUD
…dans l'expérience de l'amour, de quelque utilité.
Je veux vous faire remarquer, au point où nous en sommes,
de cette théorie du désir dans son rapport à l'Autre,
vous avez la clé de ceci, c'est que…
contrairement à l'espoir que vous pourrait
donner la perspective hégélienne
… que le mode de la conquête de l'autre est celui…
hélas, trop souvent adopté par quelqu’un des partenaires
…du « Je t'aime, même si tu ne le veux pas ».
Ne croyez pas que HEGEL ne se soit pas aperçu
de ce prolongement de sa doctrine.
Ιl y a une très, très précieuse petite note où il indique
que c'est par là qu'il aurait pu faire passer toute sa dialectique.
C'est la même note où il dit que, s'il n'a pas pris cette
voie, c'est parce qu'elle lui paraissait manquer de sérieux.
Combien il a raison ! Faites l'expérience…
Vous me direz des nouvelles sur son succès !
41
Ιl y a pourtant une autre formule…
qui, si elle ne démontre pas mieux son efficace,
ce n'est peut-être que pour n'être pas articulable,
mais ça ne veut pas dire qu'elle ne soit pas articulée
…c'est « Je te désire, même si je ne le sais pas ».
Partout où elle réussit…
toute inarticulable qu'elle soit
…à se faire entendre, celle-là, je vous l’assure,
est irrésistible.
Et pourquoi ?
Je ne vous laisserai pas ceci à l'état de devinette.
Si ceci était dicible, qu'est-ce que je dirais par là ?
Je dis à l'autre que…
le désirant sans le savoir sans doute
…toujours sans le savoir, je le prends pour l'objet
à moi-même inconnu de mon désir, c'est-à-dire…
dans notre conception à nous du désir
…que je l'identifie, que je t'identifie, toi à qui je parle,
toi-même, à l'objet qui te manque à toi-même.
C'est-à-dire que par ce circuit…
où je suis obligé pour atteindre l'objet de mon désir
…j'accomplis justement pour lui ce qu'il cherche.
C'est bien ainsi, qu'innocemment ou pas, si je prends
ce détour, l'autre comme tel…
objet ici - observez-le – de mon amour
…tombera forcément dans mes rets.
Je vous quitte là-dessus, sur cette recette, et je vous dis
« à la prochaine fois ».
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Débat avec Robert Beltran (L'Insu), Rémi Brassié (L'Insu et YETU), Fabienne Guillen (érès), Véronique Sidoit (directrice des Éditions de l'Insu), Marie-Jean Sauret (directeur de Psychanalyse YETU).


Marie-Jean Sauret pratique la psychanalyse à Toulouse (membre de l'Association le Pari de Lacan). Il est professeur émérite des universités et chercheur associé au Centre d'étude et de recherche Travail organisation pouvoir (CERTOP-CNRS UMR50-44, université Jean-Jaurès).


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08/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER


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