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Critique de jvermeer


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« Jusqu'à présent on n'attendait de leur pinceau que de l'agrément et de la propreté ; elles montrent aujourd'hui de la vigueur et de la noblesse. Elles sont enfin les dignes rivales de notre sexe, et les hommes qui s'étaient attribué sur elles toute la supériorité des talents, peuvent désormais craindre la concurrence » - Commentateur du Salon de 1783

L'exposition « Peintres femmes 1780-1830 » vient enfin d'ouvrir ses portes jusqu'au 4 juillet prochain au musée du Luxembourg à Paris.
Le petit « carnet d'expo » aux pages cartonnées que je feuillète tient peu de place. L'air de rien, il réussit le tour de force en une soixantaine de pages de nous présenter ces peintres femmes, et non femmes peintres insiste Martine Lacas la commissaire de l'exposition. Des dépliants judicieusement insérés à l'intérieur permettent de visionner une vingtaine de tableaux en couleur et en font un magnifique petit livre pour découvrir l'exposition.

Peu d'époques ont été aussi agitées dans notre histoire de France : 50 années, coincées entre l'Ancien Régime et la Restauration, en passant par la Révolution Française et l'Empire. Dans cette période, étonnement, les femmes en France vont occuper une place importante dans le monde des arts. Auparavant, celles-ci avaient accès aux professions artistiques, mais étaient vouées aux genres dits mineurs, comme les fleurs, les paysages ou des scènes de genre. Douées pour le beau, le décoratif, c'était tout ! La décence ne leur permettait pas le nu, surtout masculin, leur interdisant ainsi l'accès à la peinture d'histoire.

1783 est la grande année pour deux peintres femmes exceptionnelles qui sont admises à l'Académie royale de peinture. La plus connue, la très jolie Elisabeth Louise Vigée le Brun, peintre officiel de la reine de France Marie-Antoinette dont elle fait de nombreux portraits, est déjà considérée à 28 ans comme une très grande portraitiste. Grâce à l'intervention de la reine, l'Académie la reçoit avec une peinture d'histoire, genre noble traditionnellement réservé aux hommes : une allégorie « La Paix ramenant l'Abondance », confirmant ainsi son appartenance officielle à l'élite artistique française comme peintre d'histoire. le même jour, Adélaïde Labille-Guiard est également reçue à l'Académie.

La révolution va tout chambouler. En 1793, L'Académie royale est remplacée par l'Institut. L'art n'est plus le monopole des élites fortunées. Cette démocratisation profite aux femmes qui s'engouffrent dans la brèche. Et ces dames sont nombreuses. Elles ont la possibilité d'étudier dans des ateliers d'élèves tenus non seulement par des femmes, comme celui de Labille-Guiard, mais aussi par des hommes comme Greuze ou David. Elles y étudient le dessin, copie des toiles anciennes et assistent à des séances de pose de modèles masculin et féminin. Ces lieux sont à la mode, permettant ainsi une mixité sociale entre les jeunes filles de la bonne société qui veulent apprendre la peinture. Catherine-Caroline Cogniet-Thévenin nous montre ses dames au travail dans sa toile « Atelier de jeunes filles ».

On n'a jamais vu autant de femmes artistes. En ce début du 19e siècle, celles-ci sont présentes dans l'espace de création artistique. La féminisation des beaux-arts est devenu un fait. Comme les hommes, elles en font leur métier, reçoivent des prix et vendent leurs oeuvres. Certaines osent même le grand genre de la peinture d'histoire mais préfèrent les portraits qui plaisent à un public plus ouvert au plaisir esthétique du « sentiment ». Non sans humour, avec malice, Nicole Vestier se peint surveillant son bébé en tenant sa palette de peintre à la main « L'auteur à ses occupations, 1793 ».

Mais qui étaient ces femmes qui parvinrent à obtenir une reconnaissance et des succès commerciaux. Très nombreuses, je n'en citerais que quelques-unes. Elles sont toutes magnifiques :

- Elisabeth Louise Vigée le Brun, dont le superbe « Autoportrait de l'artiste peignant le portrait de l'impératrice Elisaveta Alexeevna », 1800, ouvre l'exposition.
- Nisa Villers : « Portrait présumé de madame Soustras laçant son chausson », 1802. Ce portrait est l'affiche de l'exposition : un regard séducteur, une gorge claire mise en valeur par le noir de la robe, une cheville érotiquement découverte.
- Adélaïde Labille-Guiard et son atelier : « Autoportrait avec deux élèves », 1785.
- Hortense Haudebourt-Lescot fait régulièrement salon : « Portrait de l'artiste »,1800.
- Marguerite Gérard, belle-soeur de Fragonard, peint des scènes de genre parfois voluptueuses : « Artiste peignant le portrait d'une musicienne », 1800.
- Rosalie Filleul de Besnes a 23 ans sur son « Autoportrait » peint en 1775. En 1794, elle abandonne la peinture après son mariage. Vigée le Brun dans sa correspondance écrit : « Hélas ! je me souviens qu'au moment où j'allais quitter la France pour fuir les horreurs que je prévoyais, Madame Filleul me dit : « Vous avez tort de partir, moi je reste, car je crois au bonheur que doit nous procurer la révolution », « et cette révolution l'a conduite à l'échafaud ».

Personnellement, je retiendrais la belle toile de Marie-Guillemine Benoist, formée par Vigée le Brun, connue pour son « Portrait d'une négresse » en 1800, renommé « Portrait d'une femme noire » ou « Portrait de Madeleine » qui est son chef-d'oeuvre, considéré comme célébrant l'abolition de l'esclavage dans les colonies par la Révolution française. L'esclavage sera d'ailleurs rétabli par Napoléon en 1802.

Toutes ces femmes de grand talent ont ouvert la voie. La féminisation moderne de l'espace artistique n'aurait pu avoir lieu sans ces pionnières de la fin du XVIIIe et des premières décennies du XIXème siècle.

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