Le cerveau funambule

Pour ceux qui, comme moi, sont des grand.e.s distraits, je conseille cet ouvrage passionnant écrit par Jean-Philippe Lachaux, chercheur en neurosciences à l'INSERM.
Il fait suite à son livre le cerveau attentif qui décryptait les mécanismes neurologiques de l'attention, les zones et neurones impliqués dans notre cerveau.

Ici, il s'agit d'un ouvrage à visée pédagogique, dans lequel l'auteur après nous avoir fait comprendre les mécanismes de la distraction, propose une démarche pour améliorer la concentration. le but général de cette démarche est de décomposer nos mécanismes attentionnels, et d'utiliser quelques stratégies astucieuses, pour, dans différentes situations, re-stabiliser notre attention à chaque distraction, comme le ferait un funambule sur un fil (d'où le titre du livre).
C'est une démarche qui, par certains côtés, s'apparente à ce que l'on apprend dans la méditation de pleine conscience, et d'ailleurs, l'auteur nous en parle à la fin du livre.

Il s'agit de règles assez simples et souvent de bon sens, mais comme souvent, il faut les mettre en oeuvre, mais ici, c'est assez ludique, suffisamment pour ne pas être rebuté dès le départ.

Après avoir rappelé ce qu'est un bon état attentionnel, défini comme un état où le cerveau privilégie les propositions les plus utiles pour ce que nous avons à faire à un moment donné dans un dialogue perception (physique ou mentale) et mode d'action, l'auteur nous explique que notre cerveau est sollicité plusieurs fois par seconde par des PAM, (Propositions d'Actions iMmédiates), propositions mentales ou physiques qui viennent de ce que nous avons l'habitude d'aimer faire ou non, et risquent de nous distraire de ce que nous avons faire.
Mais, pour arriver au bon état attentionnel, l'intention initiale est cruciale. Si l'intention de ce que nous cherchons à faire est claire, concrète et à court terme, la sélection de l'action sera facilitée au sein de chaque cycle perception/action. Quand notre attention nous échappe du fait de sollicitations, et elles sont si nombreuses dans notre monde actuel, il faut ramener son attention sur ce que nous faisons, en prenant le temps de comprendre, donc d'avoir des cycles perception/action adaptés.

Sans entrer dans les détails, l'auteur nous propose d'organiser nos actions de la façon suivante.
D'abord avoir un système stratégique qu'il appelle le Maximoi, qui hiérarchise les objectifs,organise les actions dans le temps, et un système exécutif ou Minimoi, constitué d'un ensemble de mini-missions aux étapes (ou micro-missions) courtes et définies dans le temps, dont celles qui contrôlent la qualité de ce qui a été fait. Ainsi lorsque l'on passe un examen écrit, on peut décomposer notre rédaction en plusieurs mini-missions, dont, par exemple, la première est de se fixer un temps pour lire et comprendre l'énoncé de la question posée, la dernière ou l'une des dernières de vérifier l'orthographe.

L'auteur insiste aussi sur l'importance qu'il y a, dans chaque mini-mission, d'associer clairement une intention à la perception et au mode d'action , c'est à dire d'avoir un trépied PIM (Perception Intention Mode d'action) particulier. Un exemple simpliste est celui du footballeur qui, ayant l'intention de marquer un but, doit percevoir son corps,la cage du gardien, la position du gardien etc.(Perception). et tirer dans un angle tir adéquat (Action). Il conseille d'avoir en tête pour chaque PIM, le moyen mnémotechnique Pouce, Index, Majeur.

L'auteur nous explique aussi que l'on peut faire plusieurs choses à la fois, en réalité alterner des séquences courtes, si l'on combine une action nécessitant une attention soutenue, et d'autres ne nécessitant que des attentions ponctuelles ou qui sont quasi-automatiques. On peut regrouper ses divers objets d'attention dans un « super-objet ». Si je reprends l'exemple du footballeur, sa concentration sur ses perceptions physiques internes et externes lui permet d'éviter de se laisser distraire par l'environnement (les sifflets des spectateurs, les pétards!,….) , alors que certains de ses gestes techniques se font automatiquement. Cette stratégie permet de nous adapter aux différents comportements de ce « super-objet » pour devenir de plus en plus réactif et efficace (augmentation de la capacité d'anticipation) dans des environnements complexes sans se laisser déborder .

Une autre stratégie plus subtile est la méthode dite RAPPEL, qui permet de prendre conscience des signes de distraction afin, si l'on reprend la notion du cerveau funambule, de ne pas perdre l'équilibre. Pour cela, il nous faut développer la prise de conscience de notre Regard toujours très mobile, de notre Attention aux objets extérieurs, mais aussi internes, notre Posture, nos Pensées, et nous détendre physiquement par Etirement de nos muscles, et mentalement par un Lacher-prise à l'égard de nos pensées, nos émotions.
Et donc la méthode RAPPEL se résume ainsi.
R(regard) A(attention) P(posture) P(pensées) E(étirement) L(lâcher prise) = R A P P E l'.

C'est un des points qui m'a vraiment intéressé et que nous oublions souvent, c'est qu'être concentré est à l'opposé d'une tension de l'esprit, tout au contraire.

Mais pour cela, l'entraînement quotidien est la clé du succès.
L'auteur nous explique avec de nombreux exemples comment utiliser les outils qu'il a proposés : Maxi et Minimoi, PIM, RAPPEL, pour stabiliser notre attention sur des échelles de temps différentes.

En conclusion, l'auteur nous propose d'avoir une relation avec notre attention moins conflictuelle et plus efficace, fondée d'abord sur des intentions claires, pour choisir la stratégie utilisant la meilleure séquence des cycles perception/action et à chaque cycle ou mini- mission, l'action la plus adaptée et en définitive celle qui demandera le minimum d'effort. Mais, en dépit de cette programmation, nous ne sommes pas à l'abri de perte d'équilibre attentionnel nous faisant oublier notre intention initiale. Nous pouvons alors nous corriger immédiatement par le regard, la posture et retrouver l'équilibre.

Enfin, l'auteur commente et discute de façon plaisante les « trucs » qui sont proposés sur les réseaux en vue d'éviter la distraction. Et surtout il consacre plusieurs pages très intéressantes à l'intérêt de la méditation comme moyen pour développer son attention, et plus précisément l'attention focalisée et la présence attentive, cette dernière étant celle de la vigilance, de « l'éveil », permettant au cerveau funambule d'éviter de « tomber ».

Ainsi selon Jean-Philippe Lachaux développer son attention permet de mieux se concentrer et de procurer à force d'entraînement, une sensation d'apaisement mental, source de fluidité et de connexion au monde. Ce développement de l'attention permet d'éviter le zapping permanent, et donc de gagner en liberté de l'esprit.

Bon, mais quand même, il faut s'entraîner!!!.

Lecture en dehors de ma zone de confort !
J'étais intéressée par le sujet, j'ai eu un peu de mal à mémoriser les abréviations utilisées ce qui nuisait à une lecture attentive ( dommage) , et j'ai découvert à la fin l'existence du lexique qui m'a manqué ! Donc page 302 sont expliqués OUIIN, PAM , PIM et RAPPEL .
" Maximoi réfléchit, planifie, programme. Minimoi exécute chaque minimission sans se poser de questions, dans le temps qui lui a été donné."
Et pour découvrir Rappel , https://m.youtube.com/watch?v=bYwNzRkDiwk