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De Gaulle (Lacouture) tome 2 sur 3
EAN : 9782020089944
723 pages
Seuil (01/10/1985)
3.89/5   67 notes
Résumé :
"Après huit cents livres sur de Gaulle, voici le premier", avait déclaré le grand historien Pierre Nora à la sortie des trois tomes de cette monumentale biographie : Le Rebelle, 1890-1944, Le Politique, 1944-1959 et le Souverain, 1959-1970. Bien que son auteur revendique haut et fort sa formation de journaliste et dise chercher "à plaire plus qu'à édifier", ce de Gaulle force l'admiration parce qu'il concilie, chose trop rare, deux façons de faire de l'Histoire souv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Avec une plume trempée à la meilleure encre, Jean Lacouture continue de nous brosser le portrait de Charles de Gaulle et du visage politique qu'il voulut se tailler : son passage à la tête du gouvernement de la Libération lui permet de rassembler provisoirement les familles politiques, y compris le Parti communiste. Mais l'on sait bien que, le moment où il fallait lancer le grand chantier de la reconstruction passé, chacun allait avoir, pour exister, sa manière de dire comment on pouvait redresser le pays.
De Gaulle sut mettre un terme à cette expérience assez unique dans l'Histoire de France.
Mais, ayant repris sa liberté de parole, il permit la création, autour de sa personne d'un Rassemblement du Peuple Français qu'il ne voulait pas présenter comme un parti politique mais comme un milieu où devaient se retrouver les femmes et les hommes qui adhéraient à sa vision de la grandeur de la France, car il avait indiqué depuis son discours de Bayeux, en 1944, qu'il ne voyait qu'une chose à faire : renforcer le pouvoir exécutif et le remettre entre les mains d'une personne capable d'assumer et d'accomplir au mieux les destinées de la France, et, bien sûr, il allait de soi que ce portrait collait tout à fait à lui-même, du moins en était-il intimement convaincu et espérait-il que les Français l'étaient eux aussi.
Mais il se trompait justement sur un point : celui de l'attente de son retour prochain par une majorité de concitoyens ; la guerre était passée, la politique avait repris ses droits, les partis politiques formaient des coalitions plus ou moins bien construites, dans une IVème République qui reste connue pour le retour de pratiques qui avaient cours avant la Deuxième Guerre mondiale et qui entraînaient de véritables "valses ministérielles" et des ententes improbables de figures issues de la gauche et de la droite, à l'exception des Communistes, vite écartés du pouvoir, y compris par les ténors de la S.F.I.O. (ancêtre du Parti Socialiste), si bien que des gens de tous bords arrivaient à se retrouver dans des Cabinets ministériels constitués en partie pour empêcher le retour de De Gaulle, présenté au mieux comme un conservateur dépassé et au pire comme un futur autocrate et un danger pour la démocratie, ce que renforçait le fait qu'il était issu des rangs de l'armée, image qu'atténuait à peine, chez certains, le fait qu'il avait pris sur ses épaules la charge de la continuité de l'État contre Pétain et l'envahisseur allemand pendant le conflit (la mémoire des choses se perdrait-elle vite en politique ?) Cette entente sur le dos du général fut visible durant les périodes électorales, surtout quand fut concocté la loi sur les apparentements qui permettait de tout prévoir et de tout organiser en continuant de mettre De Gaulle sur la touche et en le forçant à ronger son frein.
Bientôt, le général ne vit plus d'utilité à maintenir en vie son mouvement, le RPF, et résolut d'attendre son heure, sans trop y croire, car il se disait que tout le monde continuerait de s'entendre contre lui.
Les difficultés liées à la décolonisation des pays où les Français exerçaient une influence ou un pouvoir en Asie et plus encore en Afrique du Nord, et particulièrement en Algérie - les questions indochinoises et marocaines ayant été traitées - furent l'occasion qui permit à De Gaulle de se rapprocher des marches du pouvoir. Il fut appelé par René Coty, Président de la République, à former un gouvernement. Mais cela coïncida avec une montée de tension dans l'Algérie française, qui semblait, en partie, ne plus voir d'espoir qu'en De Gaulle pour se survivre, et l'on soupçonna le général d'avoir partie liée avec une frange activiste de l'armée pour prendre, plus ou moins, le pouvoir par la force. Soutenait-il réellement cette "manière forte" ? Jean Lacouture pèse le pour et le contre, et montre qu'en son for intérieur, s'il était prêt à faire flèche de tout bois, il n'entendait toutefois pas sortir d'un cadre légal. De sorte que l'on comprend mieux son indignation quant aux suppositions faites qu'il pourrait commencer à un âge vénérable une "carrière de dictateur".
Si Guy Mollet, de la SFIO, soutint, en partie, ses premiers pas, il n'en fut pas de même de François Mitterrand et de Pierre Mendès France, chacun pour des raisons qui leur étaient propres.
De Gaulle revint donc au pouvoir dans des circonstances exceptionnelles et profita des "troubles de l'époque" pour le faire. Parvenu au faîte, il allait rompre avec ce qui permettait de le tenir pour un comploteur et incarner dignement la "grandeur" de la France.

Jean Lacouture est très nuancé, il est loin de tout approuver, ne serait-ce qu'en raison de ses positionnements personnels, mais il défend Charles de Gaulle contre toute forme de caricature.
Et c'est du très beau travail.

François Sarindar
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Retenons, pour finir, ces trois tentatives de synthèse. Celle du très peu conformiste Henri Guillemin: " La stratégie gaullienne consista à duper en même temps la classe politique par l'effroi d'une violence qui n'entrait pas dans ses plans mais dont le bluff lui suffisait, et les militaires en les laissant croire qu'il était leur homme ...".
Celle du fidèle gaulliste François Flohic, qui sera, jusqu'au bout, son maréchal Bertrand : " De Gaulle fit dévier le coup d'Etat en Ve République ". Et celle du très acide Jean Chauvel : " Toutes les libertés étant en péril, de Gaulle offrait la seule possibilité d'en sauver quelques-unes ...". A peu près toutes, à vrai dire...
Peut-on conclure que pas plus que la fin ne justifie les moyens, les moyens ne suffisent à disqualifier la fin ?
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Au fond, ces quelque six mois d'action diplomatique engagée depuis le retour au pouvoir du général résument bien sa vision du monde, qui est alors, après trois ans de méditation solitaire, celle de l'ancien président du RPF, et le cadre dans lequel va se développer pendant dix ans son ample entreprise de restauration française.
Des quelques gestes qui ont marqué ce prélude, il faut retenir ceci. Il y a un Occident, formé de nations dont les valeurs sont communes, valeurs qu'il leur faut défendre en se rassemblant contre les menaces du totalitarisme : ainsi face au défi soviétique à propos de Berlin. Mais il n'est de défense que nationale dans son essence : ce n'est pas en noyant les forces de ces Etats dans un conglomérat remis à la discrétion de Washington que l'on créera un barrage capable de faire pièce à l'impérialisme russe - lequel, comme tous les impérialismes, devra bien souffler quelque jour. Un jour qu'il faut préparer.
L'Europe est au centre du débat, du fait de l'histoire, des impératifs stratégiques, de ses ressources. Il faut l'unir, non par une fusion opérée sous l'égide américaine, mais par la voie d'un libre rassemblement d'Etats visant à former une confédération. Ce rassemblement, c'est autour de la France et de l'Allemagne qu'il doit s'opérer. L'Angleterre attendra.
Enfin, la sécurité de l'Europe ne se joue pas seulement entre Hambourg et Naples, mais aussi aux frontières de l'Afrique et de l'Asie. Et parce qu'elle est aussi consubstantielle à l'Europe qu'ouverte sur le tiers monde, la France est par excellence le guide naturel de cette réinvention du vieux continent comme pionnier de la détente et garant de la paix.
Tels sont les thèmes. Les variations seront innombrables.
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Un coup d'Etat, en fin de compte ? Il s'en est fallu de peu que Salan n'ait à " faire le nécessaire... pour le bien de la France ", contraint par quelques intraitables à " sauver la baraque " en recourant à des moyens expéditifs. Les contrordres de " Résurrection ", le 29 mai, sont parvenus à temps, certes, mais de peu. Et plusieurs des chefs militaires les mieux informés - et pour cause -, Dulac, Nicot, Jouhaud, Salan, Trinquier, témoignent que dans beaucoup de conciliabules de l'époque à propos de l'intervention des " paras ", les gaullistes étaient les plus ardents à exiger le passage à l'action directe : Delbecque à Alger, Debré à Paris.
Le droit français ne reconnait pas le crime hypothétique. Il ne condamne que le délit effectif. Les paras n'ont pas sauté sur Paris. La IVe République a été liquidée sans coup férir. Mais parler de suicide, ou même d' " euthanasie ", est un peu iréniste. A moins que le chantage et l'intoxication soient les instruments d'une bonne mort. La classe politique, seule concernée en apparence par la survie d'un système qui, dans le pays " atone ", ne trouvait guère de défenseurs, n'a pas capitulé sous les coups des centurions, mais a cédé à une combinaison de menaces et de pressions qui en auraient abattu beaucoup. Pierre Mendès France aura droit de le dire : " C'est parce que le Parlement s'est couché qu'il n'y a pas eu de coup d'Etat ".
Non, Charles de Gaulle n'est pas revenu " dans les fourgons de Massu ". Oui, il a suivi le " processus régulier ", ou presque. Mais ce grand homme alors survolté et comme enivré par la proximité du pouvoir, et comme détaché de toutes les lois par le malheur de la patrie, joua de tant de cartes que certaines étaient biseautées.
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On reviendra sur les effets du " plan Pinay-Rueff ". Ce que cette bataille des derniers mois de 1958 révèle, en tout cas, c'est un de Gaulle qui a pris à la fois une conscience extrêmement claire des impératifs économiques et financiers, et qui a su en assumer la charge avec une autorité et un pouvoir de décision foudroyants.
Mais aussi avec une remarquable liberté et ductilité d'esprit. Si Charles de Gaulle s'était manifesté, à tel ou tel moment de son orageuse carrière, dans les domaines où se déroula la bataille de l'automne 1958, c'était à la fois comme un partisan déclaré de l'intervention de l'Etat, force d'impulsion et d'encadrement de l'économie, comme le partisan d'une politique sociale hardie qui avait inspiré une grande partie de son action de président du RPF, et comme un contempteur de l'unification économique européenne.
Or, pendant ces semaines de bataille, le Connétable venait de choisir pour allié, conseiller et augure, l'homme du monde le plus hostile à l'étatisme, le libéral le plus convaincu qu'ait produit l'école française : Jacques Rueff. Il venait de couvrir de son autorité une politique que son ami Boulloche qualifiait de " profondément injuste à l'égard des travailleurs ". Et, s'agissant de l'Europe, il venait de patronner la décision de libérer 90% des échanges avec ses partenaires européens qui donnait l'impulsion décisive à la mise en place du Marché commun. Un de Gaulle libéral, socialement austère et " européen ", voilà ce que les impératifs de la situation avaient fait du chef du gouvernement tripartite de 1944-1946, et du président du Rassemblement.
Quand on vous dit (quand il vous dit) que ce sont les circonstances qui commandent au stratège...
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On s'est souvent interrogé sur la brusque conversion de De Gaulle au Marché commun. Le principe de contradiction, chez lui, explique bien des choses. Il ne paraît pas abusif de suggérer que cette initiative de pression de Londres, et les multiples tentatives faites alors par les Britanniques pour noyer la Communauté des Six dans une Association de libre-échange (AELE) inspirée par Reginald Maudling firent beaucoup pour réconcilier de Gaulle avec l'Europe du Marché commun : pour que ses voisins anglais en fussent à ce point alarmés, il fallait vraiment que l'entreprise fût bénéfique pour le continent...
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Vidéo de Jean Lacouture
20 mai 1996 Olivier BARROT présente une biographie de MONTAIGNE, écrite par Jean LACOUTURE, aux éditions du Seuil : "MONTAIGNE A CHEVAL". Images d'archive INA
>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Politiciens, économistes, juristes, enseignants (844)
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