Le charme des après-midi sans fin est une lettre d'amour que l'auteur adresse à sa grand-mère Da. Depuis
L'Odeur du café, il aura vieilli de quelques années. Quand ce second roman verra le jour, Da se sera déjà éteinte un samedi d'automne, à l'âge de 96 ans. Cinq ans après sa mort, les mots émouvants de son récit lui adresseront un dernier adieu.
Sous forme de petits portraits, instantanés de son quotidien, il écrit avec nostalgie son enfance haïtienne à Petit-Goâve. Les souvenirs émergent du passé et bouleversent l'âme du lecteur. Sur la galerie du 88 de la rue Lamarre se tient fièrement une grande balance à café. Assise sur sa vieille dodine, une chaise de Jacmel dont elle ne se sépare que pour dormir, Da passe des heures à discuter avec son petit-fils, Vieux Os.
L'odeur du café des Palmes, le préféré de Da, se fait sentir partout dans le village. À toute heure du jour, les gens passent et s'arrêtent pour boire une tasse bien chaude. Da ne serait pas Da sans son café qu'elle prépare amoureusement dans la cour sous la vieille tonnelle. Il est le témoin muet du réconfort qu'elle transmet. Et de l'amour infini qu'elle porte en elle…
« Da dit que c'est ainsi la vie. Un moment, vous êtes là, on ne voit que vous, on n'entend que vous, on ne parle que de vous, et un autre moment, on ne se souvient même pas de votre visage. Moi, je veux me rappeler toujours les yeux de Vava. »
Dany Laferrière n'oubliera jamais Vava, son amour de jeunesse. Jeune fille éblouissante dans sa petite robe jaune, aussi jaune que le soleil, assise sous le manguier. Il ne voit qu'elle, des papillons dans le ventre. Cinquante ans après, il lui dédie un livre jeunesse remplit d'amour :
Je suis fou de Vava. Un trésor…
« Si j'ai aimé une fille, elle ne me sera jamais indifférente. Mon coeur battra toujours plus vite en entendant son nom. »
« Ses yeux se posent à peine sur moi que, déjà, ils me brûlent par leur feu intense. Même à cette distance, je sens cette chaleur. »
Il n'oubliera jamais non plus Rico et Frantz, avec qui il a fait les quatre cents coups. Ni Didi, Fifi, Edna et Sylphise. Certains d'entre eux reposent aujourd'hui dans un cimetière de Petit-Goâve. Il se souviendra d'une soirée chez Nissage et du fils d'Izma, mort de la tuberculose. D'autres gens encore et des commérages, de sa passion pour les livres, d'une épidémie de choléra, du bon vieux Marquis, le chien de son enfance et des rêves étoilés sous la penderie. Et qu'est-ce qu'il aimait regarder Da, son regard et l'expression affectueuse des traits de son visage. Un jour, sa mère et ses tantes ont dû rentrer à Port-au-Prince, le laissant seul avec Da des années durant. Il était encore enfant. J'ai l'impression que l'adulte qu'il est devenu lui doit tout, mais avant tout, un amour infini pour la vie. Et des racines inoubliables.
Le régime des Duvalier débarque à Petit-Goâve. Les troupes gouvernementales encerclent la ville. Arrestations, amendes et couvre-feu général, des gens sont jetés en prison. L'auteur reste flou sur ces moments historiques qui ont marqué sa vie à jamais. Pudeur ou douleur encore omniprésente, de ces conflits il devra quitter Petit-Goâve et rentrer à Port-au-Prince. Ce jour-là, derrière le rideau de la fenêtre, Vava lui fait un baiser de la main. Et Da le regarde partir en pleurant. Il ne les reverra plus jamais qu'en pensées…
« J'ai écrit ce livre pour une seule raison : revoir Da. Quand «
L'Odeur du café » est paru en automne 1991, Da était encore vivante, et elle l'a lu.
-Vieux Os!... Quel beau cadeau tu m'as fait!
-Je te l'avais promis
Je me souviens de son doux sourire… Elle est morte un samedi matin. Et depuis, elle me manque. »
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« J'ai pris tant de plaisir à être à Petit-Goâve que je n'ai pas vu le temps passer. »
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